J-09-195
VOIES D’EXECUTION – DELAI DE GRACE – CONDITIONS – PRISE EN COMPTE SEULEMENT DES INTERETS DU DEBITEUR – ORDONNANCE NE PRENANT PAS EN COMPTE LES INTERETS DU CREANCIER DISPOSANT POURTANT D’UN TITRE EXECUTOIRE – OBSERVATION DE L’ARTICLE 39 AUPSRVE (NON) – OCTROI DU DELAI DE GRACE (NON).
L’octroi du délai de grâce devant, en application de l’article 39 alinéa 2 AUPSRVE, à la fois tenir compte de la situation du débiteur et prendre en considération les besoins du créancier, c’est à tort qu’un délai de grâce a été accordé au débiteur, dès lors que le premier juge n’a pris en compte que les arguments du débiteur, sans aucunement faire référence aux besoins du créancier qui dispose pourtant d’un titre exécutoire.
Par conséquent, il y a lieu d’infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance querellée.
Article 39 AUPSRVE alinéa 2
Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n 920 du 28 octobre 2005, affaire SOCIETE HESNAULT France SA c/ DOUMBIA SEKOU.
LA COUR
Vu les pièces du dossier.
Ouï les parties en leurs conclusions.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
Par exploit en date du 05 Juillet 2005 de Maître KIMOU KOUTOU NICOLAS, Huissier de justice à Abidjan, la Société HESNAULT France, SA a relevé appel de l’ordonnance de référé N 823 en date du 31 Mai 2005 rendue par la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan-Plateau qui a statué ainsi qu’il suit :
– « Statuant publiquement, par défaut à l’égard de la Société HESNAULT France, en matière de référé et en premier ressort.
Déclarons recevable la demande de M. DOUMBIA SEKOU.
L’y disons bien fondé.
Reportons le paiement de sa dette envers la Société HESNAULT France, SA, dans la limite d’une année à compter de la signification de la présente décision.
Condamnons la Société HESNAULT France aux dépens.
Au soutien de son appel la Société HESNAULT France expose que le 04 Avril 2001, elle a vendu à Monsieur DOUMBIA SEKOU, intimée, un camion pour la somme de 17.500 000 francs payable par traites mensuelles devant être soldées à la date du 30 Avril 2002.
Elle indique que faisant preuve de mauvaise foi, l’intimé n’a pas tenu ses engagements au point qu’à la date du 12 Janvier 2004 il restait lui devoir la somme de 7.200 000 francs pour le remboursement de laquelle elle a obtenu contre lui une ordonnance d’injonction de payer N 9555/03 du 16 Décembre 2003; ordonnance d’ailleurs confirmée par un jugement N 799 du 21 Avril 2004 rendu sur opposition à injonction de payer par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan-Plateau.
Elle ajoute que plutôt que de s’exécuter, l’intimé s’est fait délivrer par la Juridiction Présidentielle du Tribunal d’Abidjan l’ordonnance dont appel qui lui accorde un délai de grâce d’un an dans l’exécution de la condamnation pécuniaire mise à sa charge.
Contestant cette mesure, la Société HESNAULT France relève que ladite ordonnance est intervenue à son issu.
Elle indique en outre qu’accorder un délai de grâce à l’intimé serait une prime à la mauvaise foi dont il a fait preuve en l’espèce puisque, de fait, il s’est lui-même octroyé un délai de grâce dans la mesure où il devait solder sa dette Jusqu’en 2005 soit depuis plus de 03 ans il n’a effectué aucun payement alors qu’il continue d’exploiter le véhicule qu’elle lui a cédé.
Elle souligne par ailleurs qu’en disposant que le délai d’un an ne court qu’à compter de la signification de l’ordonnance en cause, le Premier Juge fait une part trop belle à l’intimé qui naturellement n’aura aucune raison de signifier cette décision.
Pour toutes ces raisons, elle sollicite l’infirmation pure et simple de ladite ordonnance.
A ces arguments, l’intimé répond qu’il ne peut être qualifié de débiteur de mauvaise foi puisque sur la somme totale de 17.500 000 francs qu’il devait, il a payé à l’appelante la somme de 10.300 000 francs sans aucune contrainte.
Il explique qu’en réalité ses difficultés à désintéresser sa créancier proviennent du fait que le véhicule qu’il a acquis et qu’il utilisait à des fins commerciales a subi une importante avarie l’a rendu inutilisable ruinant ainsi ses espoirs financiers.
A cela s’ajoute, poursuit-il, l’état de santé de son épouse, atteinte d’un cancer des poumons, qui l’oblige à exposer d’importantes sommes d’argent pour les soins intensifs et coûteux que cela nécessite.
Il indique que ce sont ces circonstances qui ont motivé le Premier Juge à lui accorder la mesure de grâce en cause.
Il sollicite en conséquence la confirmation de l’ordonnance querellée.
En réplique, la Société HESNAULT France relève que ce n’est pas de manière spontanée mais à la suite de nombreuses relances dont notamment une sommation de payer en date du 26 Novembre 2003 que l’intimé a effectué divers payements partiels.
Elle soutient par ailleurs que l’état de santé de son épouse n’est qu’un alibi pour se soustraire à ses obligations puisque non seulement cette dernière, qui est secrétaire à la Société HESNAULT France, dispose de revenus personnels pour subvenir ou contribuer à ses soins, mais également ni à l’époque à laquelle la dette était exigible ni au moment de la sommation de payer sus-indique, il n’a fait état de ce que cette situation amoindrissait sa capacité de remboursement
DES MOTIFS
EN LA FORME
L’appel de la Société HESNAULT FRANCE doit être déclaré recevable comme intervenu dans les forme et délai prévus par la loi; par ailleurs il y a lieu de se prononcer contradictoirement, les parties ayant comparu et conclu.
AU FOND
En vertu de l’article 39 alinéa 2 de l’Acte Uniforme OHADA sur les Voies d’exécution, l’octroi d’un délai de grâce doit à la fois tenir compte de la situation du débiteur et prendre en considération les besoins du créancier.
En l’espèce, cependant, pour statuer comme il l’a fait, le Premier Juge n’a pris en compte que les arguments, du débiteur DOUMBIA SEKOU relatifs à l’état de santé de son épouse et sa situation de retraité sans aucunement faire référence aux besoins du créancier qui dispose pourtant d’un titre exécutoire.
Les intérêts du créancier ont été d’autant moins pris en considération qu’en prescrivant que son ordonnance, rendue par défaut à l’égard du créancier, prendra effet à compter de la signification faite par le débiteur et non en l’occurrence à compter du prononcé de cette décision, le premier Juge a rendu ledit débiteur maître du point de départ du délai de grâce alors qu’il est constant qu’il accumule des impayés depuis plusieurs années.
Il y a lieu de constater par ailleurs que ledit débiteur ne rapporte pas la preuve que le véhicule que lui a rendu la Société HESNAULT France qu’il en faisait et obérant ses capacités de remboursement.
Au regard de tous ces éléments, il apparaît que c’est à tort qu’un délai de grâce lui a été accordé en l’espèce.
Il échet en conséquence d’infirmer l’ordonnance en cause.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort.
Déclare la Société HESNAULT FRANCE recevable en son appel relevé de l’ordonnance de référé N 823/05 en date du 31 Mai 2005 rendue par la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan – Plateau.
L’y dit bien fondée.
Infirme en toutes ses dispositions l’ordonnance querellée.
Condamne l’intimé aux dépens.
En foi de quoi, le présent arrêt prononcé publiquement, contradictoirement, en matière civile, commerciale et en dernier ressort par la Cour d’Appel d’Abidjan, (4ème chambre civile A), a été signé par le Président et le Greffier.