J-09-206
BAIL – BAIL A USAGE D’HABITATION – EXPULSION DU LOCATAIRE – APPLICATION DE L’ARTICLE 49 DE L’AUPSRVE (NON) – REINTEGRATION DU LOCATAIRE – INCOMPETENCE DU JUGE DES REFERES – COMPETENCE DU PREMIER PRESIDENT DE LA COUR D’APPEL.
Le litige étant relatif à une mesure d’expulsion d’un local à usage d’habitation, la détermination de la juridiction compétente ne peut être soumise à l’article 49 de l’AUPSRVE, l’objet du litige n’étant pas une matière concernée par l’Acte uniforme.
Seul le code de procédure civile s’applique en son article 221 alinéa 1, et la juridiction compétente pour statuer sur la réintégration du locataire des locaux dont il a été expulsé est le Premier Président de la Cour d’Appel.
Par conséquent, il y a lieu de déclarer le juge des référés incompétent.
Article 49 AUPSRVE
Article 221 alinéa 1 CODE DE PROCEDURE CIVILE
Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n 1080 du 13 décembre 2005, affaire SOCIETE IVOIRIENNE DE GESTION DU PATRIMOINE FERROVIAIRE DITE SIPF c/ M. GBON COULIBALY.
LA COUR
Vu les pièces du dossier.
Vu les conclusions écrites du ministère public.
Ensemble exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après.
DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant exploit d’huissier daté du 20 avril 2005, comportant ajournement au 30 mai 2005, la société Ivoirienne de gestion du patrimoine ferroviaire dite SIPF, représentée par son directeur général Monsieur HENRI YOBO GOSSE, ayant pour conseil la SCPA alpha 2000, avocats associés, a relevé appel de l’ordonnance de référé N 588 rendu le 14 avril 2005 par la juridiction présidentielle du tribunal de première instance qui, en la cause, a statué comme suit.
Statuant publiquement contradictoirement, en matière de référé d’heure à heure et en premier ressort.
Nous nous déclarons compétant.
Déclarons Monsieur GBON COULIBALY recevable en son action.
L’y disons bien fondé.
Enjoignons la SIPF de procéder à la réintégration de monsieur GBON COULIBALY sous astreinte de 200 000 F par jour de retard à compter du prononcé de la présente ordonnance.
Ordonnons l’exécution provisoire de la présente sur minute avant enregistrement.
Condamnons la S.I.P.F. aux dépens.
Dès énonciation de cette décision, il ressort que par ordonnance de référé N 3820/2004, du 30 août 2004, il a été ordonné l’expulsion de Mr GBON COULIBALY du logement, propriété de la SIPF qu’il occupait pour non paiement de loyers.
Il a interjeté appel le 08 février 2005 de cette ordonnance qui lui a été signifié le 07 février 2005.
Mai le 10 février 2005, la SIPF procédait à l’expulsion de Mr GBON COULIBALY.
Celui-ci introduisait, le 11 février 2005 une requête aux fins de défense à exécution provisoire de l’ordonnance d’expulsion.
Le premier président de la cour d’appel faisant droit, à sa requête, ordonnait le 15 février 2005, la défens à exécution provisoire.
Sur la base de cette décision, M. GBON COULIBALY a sollicité, par exploit d’huissier du 04 mars 2005 sa réintégration en saisissant le juge des référés.
Au soutien de cette action, il a exposé que malgré cette ordonnance de suspension, la SIPF, sans titre ni droit, l’a expulsé en présence des éléments de la force publique.
En réplique, la SIPF a soulevée l’incompétence du juge des référés en soulignant que le premier président de la cour d’appel a rendu l’ordonnance de défense à exécution de la défense à exécution de la décision d’expulsion querellée.
Elle a ajouté qu’un appel contre l’ordonnance d’exécution étant pendant devant la cour d’appel, seul le premier président de la cour d’appel a compétence pour connaître les actions tendant à la réintégration, et ce, conformément aux dispositions de l’article 221 du code de procédure civile.
Toutefois, à-t-elle poursuivi, si par extraordinaire, le juge des référés passait outre l’exception d’incompétence, il devrait déclarer l’action mal fondé dans la mesure où c’est le lendemain de son expulsion que Mr GBON COULIBALY a présenté sa requête aux fins de défense à exécution provisoire à laquelle le premier président a fait droit parce qu’il ignorait l’accomplissement de l’expulsion.
Elle a conclu que l’ordonnance de suspension intervenue postérieurement ne peut ne peut avoir pour effet de suspendre les mesures d’exécution entreprises conformément à la doctrine et à la jurisprudence constante.
Pour statuer comme il l’a fait, le premier juge a indiqué qu’il ressort de l’article 49 de l’acte uniforme sur les voies d’exécution que la juridiction compétente pour statuer sur tout litige, ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire est le président de la juridiction statuant en matière d’urgence ou le magistrat délégué par lui.
Il a estimé que le cas d’espèce était relatif à une mesure d’exécution de sorte qu’il s’est déclaré compétent eu égard à l’urgence qui existait.
Concernant le fond, le juge des référés a relevé que la SIPF s’est engagée à réintégrer Mr GBON COULIBALY si celui-ci payait une somme de 2.000 0000 f sur sa dette existent et proposait un échéancier pour apurer le reliquat.
Mr GBON COULIBALY s’étant exécuté en payant la somme requise et en proposant un échéancier, il fait injonction à la SIPF de procéder à sa réintégration.
A l’appui de son appel, relevé contre cette ordonnance, la SIPF soulève à nouveau l’incompétence du juge des référés sur le fondement de l’article 221 du code de procédure civil qui consacre le principe de la compétence du premier président de la cour d’appel pour connaître de tous les cas d’urgence lorsqu’un appel est pendant la cour d’appel.
Elle fait également valoir que c’est dans l’ignorance que l’expulsion avait déjà eu lieu que le premier président de la cour d’appel d’Abidjan avait rendu l’ordonnance de défense à exécution du 15 février 2005 qui, étant sans objet, ne peut rétroagir et avoir un effet de suspendre une décision déjà exécutée : elle affirme que seule une décision d’appel venant infirmer l’ordonnance d’expulsion, pouvait servir de base à une éventuelle action en réintégration.
La SIPF poursuit en expliquant qu’elle est liée à Mr GBON COULIBALY par un contrat de bail à usage d’habitation régi par le code des loyers (la loi n 77-995 du 18 décembre 1977) et qui n’est donc pas soumis à l’acte uniforme OHADA.
Par ailleurs, l’appelante fait grief au premier juge d’avoir statué ultra petita en assortissant sa décision d’une astreinte et de l’exécution provisoire, ces mesures n’ont été sollicitées par Mr. GBON COULIBALY.
Elle articule qu’au demeurant l’astreinte qui est une mesuré de contrainte visant à vaincre la résistance opposé à l’exécution d’une condamnation ne justifie pas en l’espèce, dans la mesuré où il n’est pas fait la preuve d’une résistance fautive de sa part alors qu’elle na fait qu’exécuter une décision de justice rendue à son profit à l’encontre d’un débiteur qui lui doit près de quatre million de francs représentant quatre années de loyers impayés.
Elle soutient qu’il n’a jamais été question d’un règlement partiel de la dette et encore moins d’un quelconque engagement de réintégration et qu’en estimant l’existence de ces faits pour ordonner la réintégration de M. GBON COULIBALY, le juge des référés s’est comporté en véritable juge du fond.
Elle sollicite par conséquent, l’infirmation de l’ordonnance entreprise.
Pour résisté à ces moyens, M. GBON COULIBALY expose qu’en sa qualité de directeur commercial de l’ex-RAN (régie Abidjan-Niger) il a occupé depuis 1973, une maison de fonction située au plateau à la cité RAN.
En avril 1989, suite a leur licenciement sans mesure d’accompagnement, les employés de la RAN ont négocié avec le ministre des transports pour leur maintien dans les logements de fonction qu’ils occupent, l’Etat devront leur céder lesdits logements.
C’est dans l’attente de cette cession que l’Etat de côte d’ivoire a concédé l’exploitation commerciale du service public du chemin de fer à une entreprise privée dénommée SITARAIL.
Il poursuit en soutenant que dans le courant de l’année 1955, l’Etat a confié l’exploitation du rail à SIPF, sans lui céder la propriété des maisons de l’ex-RAN.
Cependant, affirme t-il, la SIPF se croyant abusivement propriétaire desdits maisons a imposé des loyers qui ne son pas reversées dans les caisses de l’état; C’est ainsi que dans l’attente de l’acquisition définitive de son logement, déclare-t-il, il a accepté de payer la somme mensuelle de 80 000 f à titra d’acompte sur le prix d’acquisition que la SIPF a malheureusement considéré comme un loyer alors qu’il n’existe pas de contrat de bail entre eux.
Il allège que SIPF sans pouvoir justifier de son titre de propriété a obtenu l’ordonnance d’expulsion.
N 3820/04 du 30 août 2004 qui lui a été signifié le 08 février 2005.
En exécution de cette ordonnance, la SIPF a fait procéder le 10 février 2005 à une expulsion qui, à son sens, est irrégulière, nulle et de nul effet, dans la mesure où l’huissier instrumentaire a mis hors de la maison quelques bagages et a enlevé certaines portes et fenêtres, laissant tout le reste en place.
Selon lui, n’ayant pas été effectivement expulsé, malgré é le procès verbal d’expulsion dressé, il a présenté sa requête qui a abouti à l’ordonnance du 15 février 2005 portant défense à exécution provisoire.
Il articule que la SIPF qui s’est rendue compte de la mauvaise exécution, a replacé les portes et fenêtre le 23 février 2005 avant d’y apposer des scellés et négocier leur réintégration après paiement de la somme de 2.000 000 F.
Il s’est alors vu obligé de saisir le juge des référés pour contraindre la SIPF à respecter son engagement des le paiement de la somme de 2.000 000 F.
Concernant l’exception d’incompétence soulevé par la SIPF, M. GBON COULIBALY indique qu’étant donné qu’il s’agit d’une difficulté d’exécution survenue à la suite des défenses à exécution l’article 49 de l’acte uniforme relatif aux voies d’exécution donnant compétence au juge des référés est applicable.
Il ajoute que l’article 221 du code de procédure civile laisse la latitude de saisir la juridiction compétente conformément à l’article 49 de l’acte uniforme relatif aux voies d’exécution donnant compétence au juge des référés est applicable
Il ajoute que l’article 221 du code de procédure civile laisse la latitude de saisir la juridiction compétente conformément à l’article 49 de l’acte uniforme, à charge pour la partie succombante de saisir par la suite la cour en cause d’appel.
Pour terminer, M. GBON COULIBALY affirme qu’il a compété sa demande en sollicitant la condamnation de la SIPF sous astreinte en raison de son refus de la réintégrer, montrant ainsi sa volonté de lui nuire, surtout qu’elle n’est pas propriétaire du logement.
Il conclut à la confirmation de l’ordonnance querellée.
Le ministère public, en ses conclusions écrites, souligne que l’article 49 de l’acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution ne peut régir un domaine que L’OHADA n’a pas encore codifié et qu’en l’espèce, l’objet du litige étant l’expulsion en matière de bail à usage d’habitation, il fallait recourir à la loi nationale pour l’application du droit.
Il indique que ce sont les dispositions de l’article 221 du code de procédure qui étaient applicables dans la cause et conclut à l’infirmation de l’ordonnance attaquée pour incompétence du premier juge.
DES MOTIFS
Les parties représentées par leurs conseils respectifs ont conclu.
Il y a lieu de statuer contradictoirement.
EN LA FORME
L’appel de la SIPF est recevable pour avoir été interjeté dans les forme et délai légaux.
AU FOND
Le juge des référés dont la compétence est contestée s’est déclaré compétent sur le fondement de l’article 49 de l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution; cet article dispose en effet que « la juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire est le président de la juridiction statuant en matière d’urgence ou le Magistrat délégué par lui :
Il importe de souligner que ces dispositions s’appliquent aux mesures d’exécution forcée offertes à un créancier impayé en vue du recouvrement de sa créance.
Or, en l’espèce, le litige qui oppose la SIPF à M. GBON COULIBALY est relatif à une mesure d’expulsion d’un local à usage d’habitation.
Il en résulte clairement que la détermination de la juridiction compétente ne peut être soumise à l’article49 de l’acte uniforme précité, contrairement à l’opinion du premier juge.
L’objet du litige n’étant pas une matière concernée par l’acte uniforme, seul le code de procédure civile s’applique en son article 221 alinéa 1 qui dispose que tous les cas d’urgences sont portés devant le président du tribunal de première instance ou le président de la cour d’appel qui a statué ou devant connaître de l’appel »
Il est constant, comme il ressort des pièces du dossier que la procédure d’appel formé contre l’ordonnance N 3820/04 du 30 août 2004 relative à l’expulsion de M. GBON COULUIBALY est pendante devant la cour d’appel dont le premier président a en outre, ordonné des défenses a exécution provisoire.
Dès lors, la juridiction compétente pour statuer sur la demande en réintégration de M. GBON COULIBALY des locaux dont il a été expulsé est le premier président de la cour d’appel.
C’est donc à tort que le juge des référés s’est déclaré compétent.
Il convient d’informer l’ordonnance querellée et statuant à nouveau, de déclarer le des référés incompétent.
M. GBON COULIBALY qui succombe en la cause, doit être condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé, et en dernière ressort.
EN LA FORME
Déclare recevable l’appel de la société ivoirienne de gestion du patrimoine ferroviaire dite SIPF, relevé de l’ordonnance de référé 588 rendue le 14 avril 2005 par la juridiction présidentielle du tribunal de première instance d’Abidjan.
AU FOND
L’y dit bien fondé.
Infirme ladite ordonnance en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau, déclare le juge des référés du tribunal incompétent.
Condamne M. GBON COULIBALY aux dépens distraits au profit de la SCPA alpha 2000.
En foi de quoi, le présent arrêt a été prononcé publiquement, contradictoirement par la Cour d’Appel d’Abidjan, les jours mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.