J-09-222
VOIES D’EXECUTION – SAISIE – SAISIE ATTRIBUTION DES CREANCES – ABSENCE DE DECLARATION DU TIERS SAISI – TIERS SAISI NON DEBITEUR – CONDAMNATION A DES DOMMAGES ET INTERETS (OUI) – CONDAMNATION AU PAIEMENT DES CAUSES DE LA SAISIE (NON).
Le tiers saisi qui n’a pas fait la déclaration prescrite à l’article 156 de l’AUPSRVE peut être condamné au paiement des dommages-intérêts au créancier poursuivant. Par contre, il ne peut être condamné au paiement des causes de la saisie dès lors que sa qualité de débiteur n’est pas établie.
Article 156 AUPSRVE
Article 170 AUPSRVE
(Tribunal de Première Instance de Yaoundé Centre Administratif, Ordonnance N 598/C du 30 Octobre 2008, affaire La Régionale d’Épargne et de Crédit SA contre La Coopérative Mutuelle d’Épargne et de Crédit d’Investissement (COMECI)) Note Yvette KALIEU, professeur.
Nous, Président, juge des référés
Vu l’exploit introductif d’instance.
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
Attendu que suivant exploit du 26 février 2007 non encore enregistré mais qui le sera en temps utile, de Maître NGWE Gabriel Emmanuel, Huissier de Justice à Yaoundé, La Régionale d’Épargne et de Crédit SA a fait donner assignation à La Coopérative Mutuelle d’Épargne et de Crédit d’Investissement (COMECI) pour solliciter le versement par icelle de la somme de 4 403 358 francs, sous astreinte de 500 000 francs par jour de retard à compter du prononcé ou à tout le moins de la signification de la présente ordonnance.
Que dans ses conclusions écrites du 03 Octobre 2007, la demanderesse réclame en outre le paiement de 5 millions de francs à titre de dommages- intérêts.
Attendu qu’au soutien de ses prétentions elle expose :
Qu’elle a fait pratiquer le 27 Avril 2005, une saisie- attribution des créances au préjudice du sieur TCHUENKAM Boniface sur ses comptes ouverts dans les livres de la BICEC SA et de la COMECI, pour avoir paiement de la somme de 4 389 855 francs en principal et frais.
Que cette saisie a été dénoncée au sus nommé le 27 avril 2005.
Qu’alors que la BICEC a fait dans les 05 jours la déclaration prévue à l’article 156 de l’Acte Uniforme OHADA N 6, la COMECI quant à elle n’a pas cru devoir s’acquitter de cette formalité et est devenue ainsi débitrice pure et simple dudit montant.
Qu’à l’expiration du délai d’un mois prescrit à l’article 170 du même texte et notamment le 15 juin 2005, elle a obtenu au Greffe du Tribunal de Première Instance de céans le certificat de non contestation qu’elle a notifié les 12 juillet 2005 et 25 avril 2006 à la COMECI et lui a demandé le versement de la somme totale de 4 403 355 francs.
Que fidèle à son silence et à son inaction, la COMECI une fois de plus n’a pas réagi et il convient alors de mettre un terme à cette résistance injustifiée et incommensurablement préjudiciable.
Attendu que la défenderesse réplique :
Qu’aucun texte ne prévoit une sanction contre le tiers saisi qui s’est abstenu de toute déclaration.
Que pour avoir été opérée sur la base d’un commandement et d’un titre exécutoire annulé par l’arrêt N 522/Civ rendu le 09 septembre 2005 par la Cour d’Appel du Centre, la saisie litigieuse ne saurait prospérer.
Que la condamnation personnelle du tiers saisi ne saurait être prononcée en l’absence d’une dette à sa charge et la demande est ainsi dépourvue de fondement.
Qu’à titre reconventionnel, elle sollicite le paiement de 3.488.750 francs en réparation du trouble causé par la Régionale d’Épargne et de Crédit SA à travers ces procédures judiciaires abusivement engagées et pour recouvrer les frais exposés pour sa défense.
Attendu que suivant exploit du 16 juillet 2007 non encore enregistré mais qui le sera en temps utile, de Maître BIYIK Thomas, Huissier de Justice à Yaoundé, TCHUENKAM Boniface a fait intervention volontaire dans la présente cause et a réitéré les moyens développés par la COMECI :
Attendu qu’il est versé aux débats :
Le procès verbal de saisie attribution des créances du 27 avril 2005.
Le certificat de non contestation du 16 juin 2005 délivré par le Greffier en Chef du Tribunal de Première Instance de céans.
L’exploit de notification le 12 juillet 2005 du certificat de non contestation à la COMECI valant réquisition de transports de créance.
La lettre du 15 juillet 2005 adressée par la COMECI à l’huissier instrumentaire et dont il ressort qu’elle n’est ni détentrice, ni débitrice des sommes appartenant à TCHUENKAM Boniface :
L’exploit de notification le 25 avril 2006 du certificat de non contestation à la COMECI valant réquisition de transport de créance.
La copie de l’Arrêt N 522/Civ du 09 septembre 2005 de la Cour d’Appel du Centre.
Attendu que l’examen des pièces sus énumérées laisse apparaître :
Que par ordonnance N 1547 du 30 Avril 1999, il a été enjoint au sieur TCHUENKAM Boniface de payer à la Coopérative d’Épargne et de Crédit Épargne Fess Cameroun (actuellement dénommé la régionale d’Épargne et de Crédit SA) la somme de 3 812 876 francs.
Que par jugement civil N 318/C du 18 Février 2002, le Tribunal de Première Instance de Yaoundé a débouté ce débiteur de son opposition et a ordonné l’apposition de la formule exécutoire sur la susdite ordonnance.
Que contrairement aux allégations de la COMECI le jugement ainsi évoqué a été confirmé par l’Arrêt N 522/Civ du 09 septembre 2005.
Que lors de la saisie attribution subséquente du 27 Avril 2005, le tiers saisi en l’occurrence la COMECI n’a pas cru devoir faire la déclaration prescrite à l’article 156 de l’Acte Uniforme OHADA N 6 et s’est contenté de dire : « La réponse suivra ».
Attendu cependant que ces dispositions légales imposent au tiers saisi de déclarer l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur et de communiquer copie des pièces justificatives à l’huissier sur le champ ou au plus tard dans le délai de 05 jours, sous peine d’être condamné au paiement des causes de la saisie sans préjudice des dommages- intérêts en cas de déclaration inexacte, incomplète ou tardive.
Que de toute évidence, la COMECI n’a pas exécuté les prescriptions sus énoncées et s’est illustrée par un silence fautif pour lequel elle mérite d’être condamnée à payer 1 500 000 francs de dommages- intérêts à la demanderesse.
Qu’en réalité, le tiers saisi ne peut se voir contraint de régler les causes de la saisie que dans l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur, et il n’est nullement établi en l’espèce que la COMECI au moment de la saisie litigieuse était détentrice de sommes d’argent appartenant à TCHUENKAM Boniface.
Que les prétentions de la Régionale d’Épargne et de Crédit SA sur ce chef sont alors dépourvues de justification et encourent le rejet, de même que la demande reconventionnelle qui est purement fantaisiste et procède de la simple chicane.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de toutes les parties en matière de référé et en premier ressort.
Déclarons recevable l’action de la Régionale d’Épargne et de Crédit SA et l’intervention volontaire de TCHUENKAM Boniface.
Disons la demanderesse partiellement fondée en ses prétentions.
Condamnons la Coopérative Mutuelle d’Épargne et de Crédit d’Investissement (COMECI) à payer à la demanderesse 1 500 000 F à titre de dommages- intérêts.
Déboutons du surplus des demandes.
Note : Pr. Yvette Rachel KALIEU ELONGO, Agrégée des Facultés de Droit, Université de Dschang, Cameroun
Cette décision fait, à notre avis, une mauvaise application de l’article 156 AUPSRVE sur laquelle elle s’appuie cependant. Certes, seule la déclaration de l’étendue de ses engagements envers le débiteur principal permet de savoir si le tiers saisi est débiteur ou non de celui-ci, mais cela ne signifie pas pour autant que l’absence de déclaration, en ce qu’elle en permet pas d’établir cette situation « libère » le tiers saisi alors que par ailleurs une déclaration inexacte, une déclaration incomplète ou une déclaration simplement tardive, justifient sa condamnation au paiement des causes de la saisie. Si le législateur a sanctionné le tiers au paiement des causes de la saisie dans ces hypothèses, a fortiori l’absence de déclaration devrait emporter la même sanction. La condamnation aux dommages-intérêts ne pourrait se substituer à cette sanction principale mais seulement s’y ajouter éventuellement. Il s’agit en fin de compte de sanctionner toute attention malveillante du tiers saisi qui empêcherait que soit déterminée l’étendue réelle de ses engagements.