J-09-226
VOIES D’EXECUTION – SAISIE – SAISIE CONSERVATOIRE DES CREANCES – DEMANDE DE MAINLEVEE – CREANCE – CONTESTATIONS – CREANCE FONDEE (OUI) – MENACES DE RECOUVREMENT (OUI) – REJET DE LA DEMANDE DE MAINLEVEE (OUI).
VOIES D’EXECUTION – SAISIE – SAISIE CONSERVATOIRE DES CREANCES – ORDONNANCE – INDICATION DE LA NATURE DES BIENS SAISIS (OUI) – RETRACTATION DE L’ORDONNANCE (NON).
1 La demande de mainlevée de saisie conservatoire de créance doit être justifiée. Le juge ne saurait y faire droit lorsque la créance qui est à la base de cette saisie est fondée dans son principe en ce qu’elle représente le prix de vente d’un matériel livré au débiteur et qu’il existe une menace de recouvrement de cette créance au regard de l’attitude du débiteur
2 L’ordonnance autorisant une saisie conservatoire sur les comptes bancaires ne saurait être rétractée au motif qu’elle n’indique pas la nature des biens saisis conformément aux termes de l’article 59 AUPSRVE dès lors que cette saisie concerne de toute évidence des créances.
Article 54 AUPSRVE
Article 59 AUPSRVE
(Tribunal de Première Instance de Yaoundé Centre Administratif, Ordonnance N 524/C du 18 Septembre 2008, affaire TELKOM Cameroun contre Société Alpha net, Me TCHUENKAM).
Nous, Président
Vu l’exploit introductif d’instance.
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
Attendu que suivant exploit en date du 29 juillet 2008 non encore enregistré mais qui le sera en temps utile, de Maître NGO BAKANG Jeanne d’Arc, Huissier de Justice à Yaoundé, Telkom Cameroun a fait donner assignation à la société Alpha Net pour solliciter la rétractation de l’ordonnance sur requête N 722 du 03 Juillet 2008 et la mainlevée de la saisie conservatoire des créances pratiquée à son préjudice le 10 juillet 2008.
Attendu que la demanderesse expose :
Que la saisie litigieuse opérée pour sûreté et avoir paiement de la somme totale de 6 785 288 francs procède d’une créance non fondée en son principe ni menacée dans son recouvrement mais encore l’ordonnance querellée ayant autorisé cette mesure ne précise pas la nature des biens à saisir tel que prescrit à l’article 59 de l’Acte Uniforme OHADA N 6.
Qu’en effet cette décision ordonne la saisie conservatoire sur les comptes bancaires au lieu des créances qui sont des biens incorporels et mérite alors d’être annulée et rétractée.
Qu’au surplus, elle a été attributaire du marché N 000080/MINEFI/CPM/2005 relatif à la construction des réseaux informatiques dans les services de la direction générale des douanes, pour la réalisation duquel elle a passé à la société Alpha Net représentée par dame DJIMELI Agathe la commande de deux VSAT d’une valeur de 06 millions de francs chacun.
Qu’au cours de l’installation desdits appareils par les techniciens de Alpha Net, l’un notamment celui placé à Nsimalen s’est avéré défectueux.
Qu’immédiatement, les techniciens de Alpha Net ont informé de cette situation dame DJIMELI Agathe qui a promis d’interpeller la maison mère Geolink Access pour la mise en état de fonctionnement de ce VSAT.
Que le 11 Septembre 2006, Alpha Net a été sommée de réparer le VSAT défectueux en même temps qu’il lui a été rappelé que la commission de contrôle du marché descendrait sur le terrain le 18 Septembre 2006 pour procéder à la vérification, puis éventuellement à la réception des travaux, mais cette société a plutôt envoyé à Telkom Cameroon la facture de son matériel sans se préoccuper de sa mise en marche.
Que le prétexte avancé pour cette réaction est que le marché ayant fait l’objet d’une réception définitive, il n’est plus question de VSAT défectueux et toute facture doit être payée sans réserve.
Que cependant, la commission de réception n’avait pas encore certifié le fonctionnement du système d’interconnexion ainsi installé.
Que craignant d’éventuelles poursuites pour détournement des deniers publics, la société Telkom a plutôt commandé un VSAT en bon état de fonctionnement pour remplacer celui défectueux de Alpha Net et lui a versé 06 millions de francs le prix du seul appareil fonctionnel livré.
Qu’au reçu de cette somme la défenderesse a servi le 18 juin 2008 une sommation interpellative demandant comment et quand allait être payé le montant de 06 millions de francs restant, et en réplique la société Telkom lui a rappelé les termes de sa sommation du 11 Septembre 2006 et proposé trois éventualités : soit au vu du préjudice subi, mettre en marche après plus de 02 ans le VSAT défectueux et recevoir 03 Millions de francs en solde de tout compte, soit reprendre purement et simplement ledit VSAT, soit le mettre en marche et ne percevoir la somme de 06 millions de francs qu’après le paiement de l’Avenant du marché conclu pour 19 millions de francs.
Que le 20 juin 2008, la société Alpha Net a préféré servir une autre sommation valant mise en demeure de payer dans le délai de 72 heures bien qu’elle soit consciente d’avoir livré un VSAT en mauvais état qu’elle refuse d’arranger ou de remplacer.
Qu’au regard des relances et propositions ainsi faites, la créance n’est pas fondée en son principe et le recouvrement n’est en rien menacé.
Attendu que la défenderesse réplique :
Qu’elle est créancière de la société Telkom Cameroon de la somme de deux VSAT livrés, les bons de commande, bordereau de livraison et la facture N 0022/09/06 d’un montant de 12 millions de francs en faisant foi.
Que depuis la réception effective de ce matériel, la demanderesse n’a cru devoir payer que la somme de 06 millions de francs et en dépit de la mise en demeure du 17 juin 2008 d’avoir à payer le reliquat, son représentant est porté disparu et ne croit même plus devoir répondre au téléphone, preuve de sa mauvaise foi.
Que face au péril grave qui pèse ainsi sur le recouvrement, elle a obtenu du Président du Tribunal de Première Instance de céans, l’ordonnance aux fins de saisie conservatoire N 722 du 03 juillet 2008.
Que contrairement aux allégations de la société Telkom Cameroon, les dispositions de l’article 59 de l’Acte Uniforme OHADA N 6 n’ont pas été violées en ce que l’autorisation de « pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes bancaires… pour sûreté et avoir paiement de la somme de 06 millions en principal… » ne laisse aucune ambiguïté sur la précision implicite de la nature des biens à saisir, et il est indéniable que ce sont les créances.
Qu’au fond, les VSAT ont été tous livrés en bon état de marche ainsi qu’il ressort du procès- verbal de réception signé sans réserve le 18 septembre 2006 par les responsables de la direction générale des douanes.
Que par ailleurs la preuve de la défectuosité du matériel querellé n’a pas été rapportée, ni un procès verbal de constat établi par une personne habilitée, et la pseudo sommation de réparer ou de reprendre du 11 septembre 2006 ne lui a jamais été servie et du reste ne constitue pas une justification, le bordereau de livraison ayant été visé par les parties le 20 septembre 2006.
Que curieusement pour se dérober au paiement de sa dette la demanderesse lui a restitué le 27 juin 2007 un VSAT acquis quelques jours plus tôt auprès des tiers en lieu et place de celui livré et toujours fonctionnel à la direction générale des douanes.
Que la créance est donc certaine, liquide et exigible et il convient de maintenir la saisie conservatoire pratiquée.
Attendu qu’il est versé aux débats :
– la facture de 12 millions de francs N 0022/09/06Y du 20 Septembre 2006;
– le procès verbal de réception des prestations de service établi le 18 septembre 2006 par la Direction Générale des Douanes;
– le bordereau de livraison du 20 septembre 2006;
– la sommation de réparer ou de reprendre du 11 Septembre 2006;
– la facture d’un nouveau VSAT acheté par Telkom Cameroon le 27 juin 2008;
– le procès verbal de remise d’effet du 06 août 2008 dont il ressort que dame DJIMELI Agathe a manifesté son refus de recevoir le VSAT endommagé.
Attendu au vu des pièces sus- énumérées, que la demanderesse ne saurait triompher en ses prétentions en se prévalant de l’acquisition d’un nouveau VSAT presque deux ans après la livraison de celui prétendu défectueux et la réception des travaux par la direction générale des Douanes.
Que la créance alléguée par la société Alpha Net paraît alors fondée et la dérobade manifestée par la société Telkom Cameroon à honorer ses engagements caractérise la menace de recouvrement au sens de l’article 54 de l’Acte Uniforme OHADA précité.
Que la demande de mainlevée de saisie est par conséquent dépourvue de justification et encourt le rejet.
Attendu surabondamment que la saisie autorisée sur les comptes bancaires de la société débitrice ne pouvait concerner de toute évidence et sans risque de confusion que les créances qui sont des biens incorporels.
Que la violation alléguée des prescriptions de l’article 59 de l’Acte Uniforme OHADA N 6 manque alors de pertinence, et en réalité procède simplement de la pure chicane.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière du contentieux de l’exécution et en premier ressort.
Déclarons Telkom Cameroon recevable en son action.
L’y disons non fondée et le déboutons de ses prétentions.