J-09-236
VOIES D’EXECUTION – SAISIE – SAISIE IMMOBILIERE – AUDIENCE EVENTUELLE – JUGEMENT – SIGNIFICATION DU JUGEMENT AU DEMANDEUR (NON) – NULLITE DE L’ADJUDICATION.
Lorsque le jugement rendu à l’occasion de l’audience éventuelle n’a pas été signifié au débiteur conformément aux dispositions de l’article 274 AUPSRVE, l’adjudication intervenue doit être annulée.
Article 49 AUPSRVE
Article 246 AUPSRVE
Article 248 AUPSRVE
Article 274 AUPSRVE
Article 281 AUPSRVE
Article 300 AUPSRVE
Article 301 AUPSRVE
Article 313 AUPSRVE
(Tribunal de Grande Instance du Moungo, Jugement N 13/CIV du 21 Février 2008, Affaire Messieurs Sambalis Dimitris et Sambalis Alexandre C / La Compagnie Financière de l’Estuaire (COFINEST).
LE TRIBUNAL
Vu les lois et règlement en vigueur.
Vu les pièces du dossier de procédure.
Vu les réquisitions du Ministère Public du 28 Août 2007.
Attendu que suivant exploit du 24 Août 2006 de Maître PENDA Jean, Huissier de Justice à Nkongsamba, enregistré le 17 Octobre 2006 aux actes extra judiciaires volume 02 folio 182 N 612 aux droits de 7.000 francs, à la requête de sieur HOSSIE Francis Elvis Raoul, la Compagnie Financière de l’Estuaire en abrégé COFINEST, dont le siège social est à Douala, BP 12704, a été assignée devant le Tribunal de Grande Instance du Moungo, statuant en matière civile et commerciale, pour, est-il dit dans le dispositif dudit exploit.
En la forme : Recevoir le requérant en son action comme exercée dans les formes et délai légaux.
Au fond : Constater que l’adjudication querellée a eu lieu au mépris de la notification de l’appel formé par monsieur HOSSIE Francis Elvis Raoul contre le jugement civil N 51 rendu le 06 Juillet 2006 par le Tribunal de Grande Instance de Nkongsamba, jugement ayant servi de base à ladite adjudication.
En conséquence : – Annuler avec toutes les conséquences de droit l’adjudication au profit de la COFINEST, le 11 Août 2006, par devant Maître DJIFACK Joseph, Notaire à Nkongsamba, de l’immeuble rural bâti objet du titre foncier N 9576 du Département du Moungo.
Condamner la COFINEST aux dépens distraits dont distraction au profit de Maître NOULOWE Michel, Avocat aux offres de droits.
Attendu que HOSSIE Francis Elvis Raoul expose qu’en date du 11 Août 2006, a eu lieu par devant Maître DJIFACK Joseph, Notaire à Nkongsamba, la vente sur saisie immobilière de l’immeuble rural bâti d’une contenance superficielle de 98 ha, 99a 82ca, situé dans l’arrondissement de DIBOMBARI, au lieu dit MPONGO BWELLELO, objet du titre foncier N 9576 du Département du Moungo, lui appartenant.
Qu’à l’issue de ladite vente, opérée en vertu du jugement civil N 51 rendu le 06 Juillet 2006 par le Tribunal de Grande Instance du Moungo à Nkongsamba, ledit immeuble a été adjugé à la mise à prix (FCFA 44.000 000) à la COFINEST, créancier poursuivant.
Que cette adjudication est nulle et de nul effet, la vente évoquée s’étant déroulée au mépris de la notification, conformément à la loi, de la requête et du certificat de l’appel formé le 9 Août 2006 par lui contre le jugement sus visé.
Qu’en effet, aux termes des dispositions de l’article 300 alinéa 2 de l’Acte Uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, les décisions judiciaires rendues en matière de saisie immobilière « .. peuvent être frappées d’appel lorsqu’elles statuent sur le principe même de la créance.. ».
Qu’or, chacun sait que l’appel est un recours suspensif d’exécution, l’alinéa 2 de l’article 301 de l’Acte Uniforme de l’OHADA précité, ayant à cet égard prescrit que l’acte d’appel soit notifié au Greffier de la juridiction compétente, pour être visé et mentionné par celui-ci au cahier des charges.
Qu’il échet par suite d’annuler avec toutes les conséquences de droit, l’adjudication opérée en date du 11 Août 2006 par devant Maître DJIFACK Joseph, Notaire à Nkongsamba, et portant sur l’immeuble bâti objet du titre foncier N 9576 du Département du Moungo.
Attendu que la COFINEST dont le conseil est Maître Georges Bertrand SOFACK, Avocat au Barreau du Cameroun rétorque que l’action de HOSSIE Francis Elvis Raoul n’est pas fondée aux motifs :
– que l’appel contre le jugement civil N 51 rendu le 6 juillet 2006 par le Tribunal de céans n’est pas intervenu dans le délai de 15 jours à compter du prononcé de ce jugement;
– qu’aux termes de l’article 49 de l’Acte Uniforme OHADA N 6, ni le délai d’appel, ni l’exercice de l’appel ne sont suspensifs d’exécution;
– que le susnommé n’a pas sollicité une remise de la vente conformément à l’article 281 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution;
– qu’aucune cause de nullité prescrite par la loi n’est invoquée dans l’assignation;
– qu’au bénéfice de tous ces motifs, HOSSIE Francis Elvis Raoul doit être débouté de sa demande;
Attendu qu’en réplique aux arguments en défense de la COFINEST HOSSIE Francis Elvis Raoul, sous la plume de ses conseils, Maîtres NOULOWE et TCHONANG Albertine, Avocats au Barreau, articule sur le non respect du délai d’appel et l’effet non suspensif de l’appel contre le jugement civil N 51/CIV du 6 Juillet 2006, que le recours au délai d’appel prescrit par l’article 49 de l’Acte Uniforme n’a aucun fondement légal.
Que ce délai s’applique aux ordonnances rendues par le Président du Tribunal de Première Instance, statuant comme juge du contentieux de l’exécution, et qu’il y a amalgame sur ce point.
Que les dispositions de l’article 49 n’ont aucune vocation à s’appliquer en matière de saisie immobilière, ce, pour au moins deux raisons :
Que la première raison est tirée des dispositions de l’article 248 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution, portant conditions de la saisie immobilière, aux termes desquelles, « la juridiction devant laquelle la vente est poursuivie est celle ayant plénitude de juridiction dans le ressort territorial où se trouvent les immeubles ».
Qu’ainsi, bien que constituant une voie d’exécution comme les autres, la saisie immobilière ne ressortit pas de la compétence de la juridiction définie par l’article 49 de l’Acte Uniforme, à savoir le juge de l’urgence, mais à celle de la juridiction ayant plénitude de compétence qui, au Cameroun, est le Tribunal de Grande Instance.
Que la seconde raison est tirée de l’article 300 de l’Acte Uniforme OHADA, qui précise en son dernier alinéa que : « les voies de recours sont exercées dans les conditions de droit commun ».
Que la notion de « droit commun » renvoie au droit applicable dans l’Etat partie à la matière concernée, par opposition au droit d’exception que constitue le droit OHADA.
Qu’en parlant de droit commun, le texte sus visé renvoie expressément pour les voies de recours évoquées, à la loi nationale de l’Etat partie.
Qu’or, le Tribunal de Grande Instance statue en matière civile et commerciale, lorsqu’il connaît de la saisie immobilière.
Que conformément aux dispositions du Code de Procédure Civile et Commerciale, le délai d’appel contre le jugement civil est de trois mois à compter de la signification dudit jugement.
Que ce délai ainsi que l’exercice de l’appel, sont suspensifs d’exécution.
Qu’il s’ensuit que l’appel qu’il a formé le 09 Août contre le jugement civil N 51/CIV du 06 Juillet 2006 est valable en ce qu’il est parfaitement conforme à la lettre de l’article 300 alinéa 4 de l’Acte Uniforme précité.
Que l’acte d’appel a été régulièrement notifié à la COFINEST, au Greffier en chef de la juridiction de céans, et au Notaire chargé de la vente, conformément aux dispositions de l’article 301 du même Acte Uniforme.
Que cette notification n’aurait pas été prescrite dans le délai d’appel, si elle n’avait pas pour but de suspendre les effets de la décision intervenue, et par suite, d’empêcher la vente, et mieux encore, de garantir les droits de la défense.
Que dès lors, c’est en violation de la loi que l’adjudication querellée s’est opérée, au mépris des effets attachés à l’appel formé par lui.
Qu’il répond s’agissant de l’application des articles 274 et 281, que l’alinéa 1er de l’article 274 prescrit d’une part la transcription du jugement d’adjudication au cahier des charges, et d’autre part, la levée et la signification dudit jugement par la partie la plus diligente.
Qu’il faut selon lui remarquer que la notification de l’acte d’appel a été prescrite par l’article 301, par référence à la transcription évoquée par l’article 274, à l’effet de faire noter que le jugement dont transcription est frappé d’appel.
Que de même, la signification du jugement par la partie la plus diligente implique nécessairement que le jugement ne peut être exécuté sans avoir été préalablement signifié, et que cette signification déclenche à l’égard de l’autre partie le délai d’appel.
Que ceci exclut l’opinion soutenue par la COFINEST selon laquelle le délai courrait à compter du prononcé du jugement.
Qu’il ne peut valablement lui être reproché de n’avoir pas sollicité la remise de l’adjudication.
Qu’ayant en effet régulièrement formé appel contre le jugement ordonnant l’adjudication, et ayant notifié l’acte d’appel à la COFINEST et au Notaire, la vente programmée n’aurait jamais dû avoir lieu à la date prévue par ledit jugement.
Qu’il s’ensuit que l’article 281 de l’Acte Uniforme est totalement inopérant en l’espèce.
Qu’il en est ainsi, d’autant plus qu’aux termes de l’article 275 alinéa 1er sus évoqué, la juridiction compétente fixe toujours une date d’adjudication si celle antérieurement fixée ne peut être maintenue.
Qu’or, l’appel intervenu constituait désormais un empêchement dirimant à l’adjudication.
Qu’à l’argumentaire de la COFINEST suivant lequel aucune cause de nullité ne figure dans l’assignation, parmi celles mentionnées par l’article 313 alinéa 2 de l’Acte Uniforme N 6, qui n’admet la nullité de l’adjudication que pour des causes concomitantes ou postérieures à l’audience éventuelle, il répond que l’audience éventuelle ayant pris fin avec la décision judiciaire ordonnant l’adjudication, il va sans dire que le fait que la vente se soit déroulée au mépris de l’appel formé contre la décision judiciaire évoquée, constitue bel et bien une cause de nullité postérieure à l’audience éventuelle, et donc parfaitement valable.
Qu’il échet de rejeter cet argument comme non fondé.
Attendu que l’article 46 de l’Acte Uniforme de l’OHADA sur les voies d’exécution énonce clairement que le créancier ne peut faire vendre les immeubles appartenant à son débiteur qu’en respectant les formalités prescrites par les dispositions relatives à la saisie immobilière, et que toute convention contraire est nulle.
Attendu qu’aux termes de l’article 274 du même Acte Uniforme, la décision judiciaire rendue à l’occasion de l’audience éventuelle est transcrite sur le cahier des charges par le Greffier; elle est levée et signifiée à la demande de la partie la plus diligente.
Attendu qu’il est acquis à la présente procédure que le jugement N 51/CIV du 6 Juillet 2006 rendu à l’audience éventuelle par le Tribunal de céans n’a pas été signifié au demandeur par la défenderesse comme prescrit par ledit article 274.
Qu’en procédant à l’adjudication de l’immeuble du débiteur demandeur sans avoir observé cette formalité, il va de soi qu’elle a violé les termes de l’article 246 sus énoncé.
Que sans qu’il soit besoin de faire l’économie des dispositions de l’article 300 de l’Acte Uniforme qui somme toute, ont été pertinemment élucidées par le demandeur, il échet d’annuler l’adjudication entreprise avec toutes les conséquences de droit.
Attendu que les parties dûment représentées ont régulièrement conclu.
Qu’il y a lieu de statuer contradictoirement à leur égard.
Attendu que la défenderesse qui succombe doit être condamnée aux dépens de la présente procédure.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale et en premier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi.
Reçoit sieur HOSSIE Francis en sa demande; l’y dit fondé.
Annule par conséquent l’adjudication au profit de la COFINEST, le 11 Août 2006 par devant Maître DJIFACK Joseph, Notaire à Nkongsamba, de l’immeuble rural bâti objet du titre foncier 9576 du département du Moungo, avec toutes les conséquences de droit.