J-09-238
VOIES D’EXECUTION – SAISIE – SAISIE IMMOBILIERE – DEPOT DU CAHIER DES CHARGES – INSERTION DES DIRES ET OBSERVATIONS – COMMUNICATION PREALABLE AU POURSUIVANT AVANT LE DEPOT (NON) – RECEVABILITE (OUI).
1 VOIES D’EXECUTION – SAISIE – SAISIE IMMOBILIERE – COMMANDEMENT – INSCRIPTION – VENTE DE L’IMMEUBLE SAISI APRES INSCRIPTION – INOPPOSABILITE DE LA VENTE AU SAISISSANT – REJET DE LA DEMANDE EN DISTRACTION.
2 VOIES D’EXECUTION – SAISIE – SAISIE IMMOBILIERE – CAHIER DES CHARGES – SOMMATION – ABSENCE D’INDICATION DE LA DATE ET DE L’HEURE DE L’ADJUDICATION – ABSENCE DE PUBLICITE – FORMALITES SUBSTANTIELLES (OUI) – SANCTION – NULLITE DE LA SAISIE IMMOBILIERE.
1 Si l’article 270 AUPSRVE prescrit l’insertion des dires et observations dans le cahier des charges, cette disposition n’impose pas de communiquer préalablement lesdits dires et observations à l’Avocat du poursuivant avant leur dépôt au Greffe de la juridiction saisie. Par conséquent, malgré cette absence de communication préalable, les dires et observations doivent être déclarés recevables.
2 La vente de l’immeuble saisi qui intervient après l’inscription du commandement est inopposable au saisissant. Par conséquent, doit être rejetée la demande en distraction de l’immeuble faite par les prétendus propriétaires.
3 L’absence d’indication dans la sommation de prendre communication du cahier des charges des jours et heures prévus pour l’adjudication ainsi que l’absence de publicité en vue de la vente constituent des formalités légales substantielles dont la violation, comme en l’espèce, entraîne la nullité de la procédure de saisie immobilière.
Article 262 AUPSRVE
Article 268 AUPSRVE
Article 270 AUPSRVE
Article 272 AUPSRVE
Article 273 AUPSRVE
Article 276 AUPSRVE
Article 298 AUPSRVE
Article 299 AUPSRVE
(Tribunal de Grande Instance du Moungo, Jugement N 60/CIV du 1er Novembre 2007, Affaire la Caisse Populaire Coopérative, MONTHE Justin, KOUAKAM Michel contre Famille KAFO représentée par sieur SIMO Jean).
LE TRIBUNAL
Vu les lois et règlements en vigueur.
Vu les pièces du dossier de procédure.
Attendu qu’en vertu de la grosse dûment exécutoire de l’ordonnance d’injonction de payer N 02/OSR/05-06 rendue le 05 Octobre 2005 par Monsieur le Président du Tribunal de Première Instance de Nkongsamba, la famille KAFO de Nkongsamba représentée par SIMO Jean son Président BP 139, laquelle fait élection de domicile au cabinet de Maître ESHEMOT Gérard, Avocat au Barreau du Cameroun BP 30 Tel : 33 49 17 42 Nkongsamba, a fait donner commandement le 14 février 2006 à la Caisse Populaire Coopérative de Nkongsamba prise en la personne de NSANGOU ADAMOU son Président du conseil d’administration ayant pour conseil Maître TEPPI KOLLOKO, Avocat à Nkongsamba aux fins de vendre l’immeuble non bâti situé à Nkongsamba, lieu dit BARESSOUTOUM, d’une contenance superficielle de mille (1000) mètres carrés, objet du titre foncier N 6994 du Département du Moungo pour paiement des sommes suivantes :
– 1.420.295 francs CFA en principal
– 82.014 francs de droit de recette de l’Huissier de Justice;
– 15.750 francs de taxe sur la valeur ajoutée sur droit de recette;
– 57.250 Francs de coût de l’acte.
Que la Caisse Populaire Coopérative de Nkongsamba ne s’étant pas exécutée dans le délai de 20 jours à elle imparti pour le paiement, un cahier des charges relatif à l’adjudication de l’immeuble susvisé a été déposé le 03 Avril 2006 au Greffe du Tribunal de Grande Instance de céans.
Attendu que la Caisse Populaire Coopérative sous la plume de son conseil a déposé ses dires et observations le 22 Mai 2006 au Greffe de céans dans laquelle elle sollicite la déchéance, la nullité de la procédure, la distraction de l’immeuble saisi au profit de MONTHE Justin et KOUAKAM Michel et subsidiairement le délai de grâce.
Qu’elle soutient que le procès- verbal de dépôt du cahier des charges qui lui a été notifié ne contient pas la date de la vente de l’immeuble, en violation de l’article 268 de l’Acte Uniforme aux termes duquel « la date de vente est fixée dans l’acte de dépôt quarante cinq jours au plus tôt après ceci… ».
que l’omission de cette formalité substantielle entraîne la nullité de la procédure.
Qu’il en est de même de la violation par la partie poursuivante des articles 276 et suivants de l’Acte Uniforme qui prescrivent la publicité en vue de la vente.
Que par ailleurs, aux termes de l’article 270 alinéa 2 de l’Acte Uniforme, la sommation de prendre communication du cahier des charges indique, à peine de nullité « .. les jours et heures prévus pour l’adjudication qui doit avoir lieu entre le trentième et le soixantième jour après l’audience éventuelle.. »; Qu’en l’espèce, la sommation en date du 04 Avril 2006 à elle servie indique que l’audience éventuelle et la date d’adjudication sont fixées à la même date, c’est-à-dire le 1er Juin 2006 à 7 heures 30 minutes; Que ce faisant la partie poursuivante a entaché la procédure de déchéance.
Que s’agissant de la distraction des biens saisis, l’immeuble litigieux a fait l’objet d’une vente par devant Notaire à MONTHE Justin et KOUAKAM Michel également concluants; Que seules manquent depuis lors les formalités de mutation en raison de leur coût élevé; Qu’en application de l’article 299 alinéa 2 de l’Acte Uniforme, il y a lieu d’ordonner la distraction à leur profit de l’ensemble de l’immeuble.
Que subsidiairement, elle sollicite un délai de grâce de 12 mois pour payer la créance, en raison des difficultés sérieuses qu’elle connaît actuellement, dues notamment à la mauvaise foi des emprunteurs qui tardent à régler leurs dettes; Qu’elle a d’ailleurs fait des avances de paiement telles que l’attestent les pièces versées aux débats.
Attendu que pour faire échec aux dires et observations de la Caisse Populaire Coopérative de Nkongsamba, la Famille KAFO soutient que l’inobservation des formalités prescrites aux articles 268, 276 et 270 alinéa 2 de l’Acte Uniforme sur le recouvrement des créances et les voies d’exécution n’est pas sanctionnée par la nullité; Qu’elle conclut au débouté de la partie poursuivante de sa demande en distraction comme non fondée et surabondamment soulève l’irrecevabilité des dires et observations.
Qu’elle fait valoir notamment que la non indication de la date de la vente dans le procès- verbal de dépôt du cahier des charges n’est pas une formalité substantielle entraînant la nullité; Que les disants ne déterminent pas le grief qu’un tel manquement leur fait subir.
Que sur la violation de l’article 270 alinéa 2 de l’Acte Uniforme, s’il est évident que la date de l’audience éventuelle reste immuable, celle de l’adjudication ne l’est point puisqu’à tout moment elle peut être remise par simple décision de la juridiction compétente; Que celle portée éventuellement sur l’exploit de sommation ne l’est essentiellement qu’à titre purement indicatif, puisque très souvent en cas d’incident de saisie, l’adjudication ne peut avoir lieu qu’après que la juridiction saisie se soit prononcée sur ceux-ci; Que quand bien même cette disposition serait prescrite à peine de nullité, il s’agit en réalité d’une nullité relative que le Tribunal pourrait rejeter.
Que s’agissant du défaut de publicité de la vente, ce moyen ne saurait prospérer dans la mesure où la publicité ne peut efficacement être accomplie que lorsque la date d’adjudication est définitivement connue et fixée après le prononcé de la décision rendue sur les incidents de la saisie.
Que quand bien même ladite date serait connue, l’inobservation de la formalité prescrite par l’article 276 de l’Acte Uniforme ne serait pas sanctionnée par la nullité.
Qu’en ce qui concerne la distraction des biens saisis au profit de MONTHE Justin et KOUAKAM Michel, une telle demande ne saurait être fondée sur une vente sous seing privé de l’immeuble litigieux comme c’est le cas en l’espèce.
Que surabondamment, aux termes des dispositions de l’article 276 de l’Acte Uniforme OHADA N 06 « .. les dires et observations sont jugés après échange des conclusions entre les parties suivant le principe du contradictoire.. ».
Que l’article 273 dispose « qu’une remise de l’adjudication ne peut avoir lieu que pour des causes graves ».
Que de la lecture combinée des deux textes, il ressort que les dires et observations doivent préalablement être communiqués à l’Avocat de la partie poursuivante et la preuve de cette communication annexée à la copie déposée au Greffe de la juridiction, ce, avant l’audience éventuelle et dans les conditions de l’article 270 alinéa 3, soit au plus tard dans les cinq jours précédent ladite audience.
Que c’est après ces formalités que les dires sont débattus et jugés à l’audience éventuelle dont le report est quasiment impossible.
que la communication préalable des dires au cabinet de son conseil n’a pas été faite, en violation des droits de la défense; Que ce manquement a entraîné la remise de l’audience éventuelle du 1er Juin 2006, alors même qu’aux termes de l’article 298 alinéa 2 de l’Acte Uniforme, les incidents sont instruits et jugés d’urgence; que ces dires doivent donc être déclarés irrecevables.
Attendu que dans les conclusions en réplique du 12 Décembre 2006, la Caisse Populaire Coopérative de Nkongsamba a soutenu la recevabilité de ses dires et observations, motif pris de ce que les moyens développés par la Famille KAFO ne figurent nulle part dans les dispositions des articles 276, 273, 270 alinéa 3 et 298 alinéa 2 de l’Acte Uniforme régissant la matière.
I) Sur la recevabilité des dires et observations de la Caisse Populaire Coopérative de Nkongsamba
Attendu que si l’article 270 alinéa 3 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution prescrit au débiteur saisi à peine de déchéance de faire insérer dans le cahier des charges ses dires et observations jusqu’au cinquième jour précédent l’audience éventuelle, aucune autre disposition dudit acte ne l’oblige à communiquer préalablement lesdits dires et observations à l’Avocat du poursuivant avant leur dépôt au Greffe de la juridiction saisie.
Que l’article 272 de l’Acte Uniforme aux termes duquel les dires et observations sont jugés après échange de conclusions motivées des parties dans le respect du principe du contradictoire, n’a pas pour effet de créer une obligation de communication préalable des dires et observations à la charge du débiteur saisi avant leur dépôt au Greffe.
Qu’il s’agit plutôt pour le législateur uniforme de s’assurer que chacune des parties à la saisie a eu l’occasion de faire valoir ses moyens relativement à la mesure d’exécution entreprise.
Qu’il y a lieu de déclarer les dires et observations de la Caisse Populaire Coopérative de Nkongsamba recevables.
II) Sur la demande en distraction de l’immeuble saisi
Attendu qu’au soutien de cette demande, la Caisse Populaire Coopérative de Nkongsamba explique que l’immeuble saisi a été vendu par elle à MONTHE Justin et KOUAKAM Michel par devant Notaire; Qu’en n’étant plus propriétaire de celui-ci, il ne saurait plus faire l’objet de la saisie.
Mais Attendu qu’il ressort des actes notariés versés au dossier, du répertoire de Maître Pierre TCHOUMOU Notaire intérimaire à la 2eme charge de Nkongsamba que l’immeuble litigieux a été vendu à MONTHE Justin et KOUAKAM Michel le 16 juin 2006, c’est-à-dire après la date prévue pour l’adjudication, le 1er Juin 2006.
Qu’aux termes de l’article 262 de l’Acte Uniforme, « en cas de non paiement, le commandement vaut saisie à compter de son inscription, l’immeuble et ses revenus sont immobilisés car le débiteur ne peut aliéner l’immeuble, ni le grever d’un droit réel ou charge.. ».
Qu’il en résulte que la vente de l’immeuble intervenue après l’inscription du commandement comme en l’espèce est inopposable au débiteur saisi.
Qu’il y a lieu de rejeter la demande en distraction de l’immeuble saisi comme non fondée.
III) Sur les moyens de nullité tirés de la violation des articles 268, 270 alinéa 2, 276 et suivants de l’Acte Uniforme
Attendu que la Caisse Populaire Coopérative de Nkongsamba reproche à la partie poursuivante de n’avoir pas indiqué la date de la vente de l’immeuble dans le procès- verbal de dépôt du cahier des charges, d’avoir omis les formalités de publicité prévues par l’article 276 ainsi que l’indication des jours et heures prévus pour l’adjudication dans la sommation de prendre communication du cahier des charges.
Attendu qu’aux termes de l’article 268 de l’Acte Uniforme « la date de vente est fixée dans l’acte de dépôt quarante cinq jours au plus tôt après celui-ci, elle ne peut l’être plus de quatre vingt dix jours après le dépôt ».
Attendu que les prescriptions édictées par cette disposition sont impératives; Qu’il s’agit dès lors des formalités substantielles dont l’inobservation vicie la procédure de saisie en l’entachant de nullité.
Attendu qu’il ne ressort nulle part du procès- verbal de dépôt du cahier des charges versé au dossier l’indication de la date de la vente; que cette violation entraîne nullité de la procédure.
Attendu par ailleurs qu’en application de l’article 270 alinéa 2 de l’Acte Uniforme, la sommation de prendre communication du cahier des charges « indique, à peine de nullité … les jours et heures prévus pour l’adjudication qui doit avoir lieu entre le trentième et le soixantième jour après l’audience éventuelle ».
Que de même les articles 276 et suivants de l’Acte Uniforme prescrivent à peine de nullité la publicité en vue de la vente.
Qu’il s’agit dans tous ces cas de formalités substantielles dont la violation comme en l’espèce vicie la procédure de saisie.
Que la partie poursuivante ne saurait donc tirer argument de l’existence de l’audience éventuelle pour se soustraire aux formalités légales sus visées.
Qu’il y a lieu de prononcer la nullité de la saisie immobilière pratiquée par la Famille KAFO et donner main levée du commandement.
Attendu que la partie qui succombe supporte les dépens.
Qu’il y a lieu de les mettre à la charge de la partie poursuivante.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par jugement contradictoire à l’égard des parties, en matière civile (saisie immobilière), en premier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi à l’unanimité des membres.
Déclare les dires et observations de la Caisse Populaire Coopérative de Nkongsamba recevables.
Rejette la demande en distraction de l’immeuble saisi comme non fondée.
En revanche
Constate la violation par la partie poursuivante des dispositions des articles 268, 270 alinéa 2, 276 et suivants de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
En conséquence.
Annule la procédure de saisie immobilière initiée par la Famille KAFO.
Donne main levée du commandement du 14 Février 2006.