J-09-241
PROCEDURES COLLECTIVES – LIQUIDATION DES BIENS – NON PRODUCTION DE LA CREANCE DANS LES DELAIS – DEMANDE DE RELEVE DE FORCLUSION – ARRET ET DEPOT DE L’ETAT DES CREANCES – CREANCE SALARIALE NON CONTESTEE – ARRANGEMENT SUR LE MONTANT DE LA CREANCE – RELEVE DE FORCLUSION.
Lorsque le créancier d’une entreprise en liquidation des biens n’a pas pu produire sa créance dans les délais, il peut solliciter et obtenir du juge commissaire, un relevé de forclusion. Cette demande est d’autant plus fondée qu’il s’agit d’une créance salariale non contestée dont le montant a d’ailleurs fait l’objet d’un arrangement entre les parties et que l’omission de son inscription n’est pas imputable au créancier.
Article 83 AUPCAP
Article 167 AUPCAP
(Tribunal de Grande Instance du Noun, ordonnance du 20 février 2009, affaire NJANSEB Dieudonné contre Société d’exploitation Forestière du Noun (SEFN)), note Yvette KALIEU, professeur.
NOUS, JUGE-COMMISSAIRE
Attendu que par requête en date du 17 février 2009, enregistrée au Secrétariat du Tribunal le même jour, sous le numéro 128, sieur NJANSEB Dieudonné a saisi le juge-commissaire de la liquidation de la Société d’exploitation Forestière du Noun (SEFN), aux fins d’inscription d’une créance tardive de la somme de 10.735 000 francs CFA.
Qu’au soutien de son action, le susnommé expose qu’il a été employé à la défunte SEFN en qualité d’affûteur planeur de 1972 à 2002.
Qu’à la suite d’un licenciement abusif dont il fut l’objet courant 2002, le Tribunal de Grande Instance du Wouri condamnait son employeur à lui payer la somme de 10.735 000 francs, décision confirmée par l’arrêt N 10/8 du 07 Octobre 2005, de la Cour d’Appel du Littoral.
Que depuis lors retranché sans revenu dans la localité enclavée de N’lohé par Manjo, le requérant n’a pu être informé de l’ouverture de la liquidation et encore moins du délai imparti pour inscrire sa créance.
Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article 83 de l’Acte Uniforme OHADA portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, que le créancier tardif ne peut être relevé de sa forclusion que tant que l’état des créances n’a pas été arrêté et déposé dans les conditions légales au Greffe du Tribunal compétent, et s’il démontre que sa défaillance n’est pas due à son fait.
Attendu qu’il est constant en effet que l’état de créance en l’espèce a été déposé après vérification au Greffe du Tribunal de Grande Instance de céans, depuis le 02 Juin 2008.
Que la créance du requérant n’y a pas été inscrite.
Mais attendu que les co-syndics de la liquidation SEFN ne contestent pas l’existence de cette créance, surtout que le conseil de la SEFN Maître MBOMBO NJOYA avait été notifié de l’Arrêt allégué.
Que par ailleurs, l’enclavement évident de la localité où se trouve domicilié Sieur NJANSEB Dieudonné ne pouvait lui permettre d’être informé dans un délai raisonnable de l’ouverture de la liquidation de la Société sus dénommée.
Qu’il en découle de ce qui précède que l’omission de l’inscription de la créance litigieuse ne saurait être imputée au requérant qui davantage n’a pas été mis à mesure de la produire dans les délais requis.
Qu’au demeurant les opérations de liquidation se poursuivant à ce jour, il échet de le relever de sa forclusion.
Attendu toutefois qu’en raison d’un arrangement amiable avec les co-syndics, le requérant a renoncé à une partie de sa créance arrêtée désormais d’accord partie à la somme de 4.605 000 francs CFA.
Que cette créance assimilable au salaire doit bénéficier du privilège de l’article 167 alinéa 3 de l’Acte Uniforme susvisé.
Attendu en outre que la présente ordonnance est exécutoire sur minute et avant enregistrement.
PAR CES MOTIFS
Relevons le requérant de sa forclusion.
Ordonnons l’inscription de la créance arrêtée à la somme de 4.605 000 francs.
Disons que celle- ci bénéficie dans ses paiements du privilège de salaire visé à l’article 167 alinéa 3 de l’Acte Uniforme portant Organisation des Procédures Collectives d’Apurement du passif.
Disons notre ordonnance exécutoire sur minute et avant enregistrement.
Note : Pr. Yvette Rachel KALIEU ELONGO, Agrégée des Facultés de Droit, Université de Dschang, Cameroun
L’une des conséquences du caractère collectif de la procédure de liquidation judiciaire est l’obligation faite à tous les créanciers de produire leur créance dans les délais prévus par l’article 78 AUPCAP. Hors de ce délai, la créance ne peut être admise que suivant une procédure particulière de relevé de forclusion dont la loi détermine les conditions. Ces conditions ne semblent pas avoir été respectées dans l’espèce commentée notamment celle tenant au fait que le relevé ne peut plus intervenir après l’arrêt et le dépôt de l’état des créances au greffe. Tout en reconnaissant que ce dépôt était déjà intervenu, le juge commissaire a néanmoins relevé le créancier de la forclusion pour certaines raisons qu’il a évoquées. Il s’est basé notamment sur le fait qu’il s’agissait d’une créance salariale dont le caractère alimentaire a pu justifier l’entorse à la procédure et sur le fait que la non production était imputable non au créancier mais aux organes de la procédure qui n’avaient pas averti personnellement le créancier pourtant connu comme le prévoit l’article 79. Cette clémence permet ainsi de réparer quelque peu le tort causé au créancier.
Si ces circonstances particulières ont justifié cette entorse à la loi, il reste à espérer qu’il s’agit d’un cas bien particulier car si des relevés de forclusion devaient intervenir dans ces conditions au mépris de dispositions claires, on peut craindre que les procédures collectives perdent de leur rigueur ce qui serait préjudiciable pour l’ensemble de la procédure.