J-09-242
PROCEDURES COLLECTIVES – REGLEMENT PREVENTIF EN COURS – RAPPORT DE L’EXPERT – CESSATION DE PAIEMENTS – IMPOSSIBILITE DE REDRESSEMENT – MISE EN LIQUIDATION DES BIENS – DESIGNATION DES ORGANES DE LIQUIDATION – APPOSITION DES SCELLES ET PUBLICITE DU JUGEMENT.
Lorsqu’il ressort du rapport de l’expert désigné que le redressement de l’entreprise en règlement préventif s’avère impossible parce qu’elle se trouve en état de cessation de paiements, la juridiction compétente prononce sa mise en liquidation des biens, nomme les organes chargés de conduire cette liquidation (syndic et juge commissaire) et ordonne l’apposition des scellés ainsi que la publicité du jugement.
Article 5 AUPCAP
Article 25 AUPCAP
Article 28 AUPCAP
Article 31 AUPCAP
Article 36 AUPCAP
Article 39 AUPCAP
Tribunal de Grande Instance du Noun, jugement N 21/CIV/Tribunal de Grande Instance/2006-2007, affaire SDV Cameroun contre SOCIETE D’EXPLOITATION FORESTIERE DU NOUN (SEFN), note Yvette KALIEU, professeur.
LE TRIBUNAL
Vu les lois et règlements en vigueur.
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Attendu que par acte du 17 juin 2006, dûment enregistré le 27 juin 2006 de Maître TAGNET GHABISSY Victorien Gabriel, Huissier de justice à Foumban, agissant par l’intermédiaire de Maître KAKAMBI Joseph, Huissier de justice à Foumbot, la société SDV Cameroun, ayant pour conseil la SCP NOUGWA et KOUONGUING, a fait donner assignation à la société d’exploitation forestière du Noun (SEFN) pour :
– constater que cette dernière est en cessation de paiement;
– déclarer ouverte contre elle la procédure de redressement judiciaire;
– fixer provisoirement la date de la cessation e paiement au 12 septembre 2005;
– nommer tel juge commissaire et tel syndic qu’il plaira au Tribunal de désigner;
– ordonner l’apposition des scellés partout où besoin sera, meubles, immeubles, biens, papiers ou marchandises du débiteur;
– ordonner la publication du jugement conformément aux dispositions de l’article 36 de l’Acte Uniforme OHADA;
– dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de redressement judiciaire.
Attendu que la société requérante expose qu’elle est créancière de la société SEFN de la somme de 29.231 050 francs représentant le solde débiteur de son compte dans ses livres.
Que ce débit représente le cumul de plusieurs factures demeurées impayées malgré les multiples relances et sommation à elle servies.
Que la défenderesse est manifestement en cessation de paiement.
Que sa créance étant certaine, liquide et exigible, elle sollicite et ce conformément aux dispositions des articles 25 et 28 de l’Acte Uniforme OHADA que la procédure de redressement judiciaire soit ouverte contre la SEFN débitrice.
Attendu qu’en réplique, la société SEFN (société d’exploitation forestière du Noun), par la voie de son conseil Maître MBOMBO NJOYA, estime la présente demande superfétatoire, qu’elle explique en effet qu’en date du 12 septembre 2005 elle avait introduit auprès du Président du Tribunal de céans, une requête aux fins de règlement préventif à laquelle était annexée une offre de concordat conformément aux dispositions des articles 5 et suivants de l’acte uniforme OHADA sur les procédures collectives.
Que par ordonnance N 9/CAB/PTGI/Noun 2005-2006, rendue le 2 novembre 2005, le Président du Tribunal de céans a ordonné la suspension des poursuites individuelles contre elle et a désigné un expert chargé de dresser un rapport sur sa situation économique et financière.
Qu’à la fin de ses travaux, l’expert désigné a conclu que sa situation économique et financière était irrémédiablement compromise.
Qu’en conséquence, en application des dispositions de l’acte uniforme sus évoquées, elle ne s’oppose pas à sa liquidation.
Attendu qu’il est constant que suite à la requête aux fins de règlement préventif introduite par la société SEFN, le Président du Tribunal de Grande Instance de céans a désigné un expert avec pour mission d’évaluer sa situation économique et financière et les perspectives de son redressement.
Que les conclusions du rapport de l’expert énoncent sans équivoque qu’il est urgent d’envisager la liquidation de la société SEFN qui croule sous le poids de ses dettes.
Que de ce rapport d’expertise il ressort en effet que les engagements de la société SEFN à la fin de l’exercice 2004 s’élevaient à la somme de 800.211.157 francs répartis comme suit :
– dettes financières diverses = 32.391.944;
– clients avances reçus = 253.400.480;
– fournisseurs d’exploitation = 194.909.763;
– dettes fiscales = 79. 686.048;
– dettes sociales = 109.157.865;
– autres dettes = 37.438.568;
– banque découvert = 93. 226. 489.
Que face au volume substantiel des engagements ci-dessus énoncés, l’actif réalisable à la date d’arrêté de compte n’est que : 357.939.286 francs, toute chose qui démontre que le passif est de loin supérieur à l’actif.
Qu’il y a lieu, rien ne permettant quelques possibilités de redressement, de constater que la société SEFN SARL a des difficultés financières réelles et sérieuses, soit du fait d’une mauvaise gestion, soit des contingences économiques diverses et défavorables.
Que devant cette impossibilité de faire à son passif exigible, il échet de constater la cessation des paiements, de prononcer la liquidation des biens conformément aux dispositions de l’acte uniforme OHADA.
De désigner tel syndic pour y procéder, et tel juge commissaire chargé de veiller aux opérations de liquidations (article 39).
D’ordonner les publications légales prévues aux articles 36 et suivants de l’acte uniforme OHADA ainsi que l’apposition des scellés, pour pallier à toute éventualité de distraction des biens de la société en liquidation.
Attendu que les dépens viennent en frais privilégiés de la liquidation.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de toutes les parties, en matière civile et commerciale, en premier ressort.
Reçoit la société SDV Cameroun en sa demande.
Vu la requête aux fins d’un règlement préventif et l’offre d’un concordat préventif du 7 novembre 2005 introduit par la société SEFN.
Vu le rapport d’expertise sur la situation économique et financière de la SEFN déposé le 7 juin 2006.
Constate la cessation des paiements de la société SEFN à compter de la date provisoire du 12 septembre 2005.
Prononce en conséquence la liquidation de ladite société avec toutes les structures et biens divers à compter de ce jour.
Désigne pour y procéder maître Alphonse NGALIEMBOU, Avocat au Barreau du Cameroun et Maître NKANJONE Elisé, Huissier de justice à Foumban, co-syndics de la liquidation.
Désigne monsieur FABO ONANA Luc Raymond, juge au Tribunal de Grande Instance du Noun, Juge-Commissaire avec tous les pouvoirs attachés à cette fonction (articles 31 et suivants OHADA).
Ordonne l’apposition des scellés partout où besoin sera sur les biens de la société en liquidation.
Dit les frais de la liquidation fixés quant à présent à 20% du montant effectivement recouvré.
Ordonne la publication légale en frais privilégié de la liquidation.
Note : Pr. Yvette Rachel KALIEU ELONGO, Agrégée des Facultés de Droit, Université de Dschang, Cameroun
La mise en en règlement préventif d’une entreprise qui connaît des difficultés est bien souvent une situation transitoire qui peut aboutir soit au redressement judiciaire de l’entreprise soit à sa mise en liquidation comme tel est le cas en l’espèce. Dès que le rapport de l’expert désigné fait état de l’impossibilité de redressement, le juge n’a plus le choix et doit prononcer la liquidation des biens Cette mesure ne dépend pas non plus des créanciers. Dès lors, l’intervention des créanciers en l’espèce qui demandent l’ouverture d’une procédure alors que l’entreprise fait l’objet d’une suspension des poursuites et qu’un expert a été désigné pour faire le point de sa situation est superfétatoire. Si les créanciers peuvent demander l’ouverture d’une procédure collective comme le prévoit l’article 28, leur demande n’est recevable que tant que le débiteur n’est pas encore sous le coup d’une procédure. Le sort de l’entreprise dépend à ce moment moins des créanciers que du tribunal qui statue sur la base du rapport de l’expert. D’où l’occasion de rappeler l’importance qui est attachée à ce rapport qui peut sceller définitivement le sort de l’entreprise.