J-09-245
1. PROCEDURES COLLECTIVES – REGLEMENT PREVENTIF – CREANCES ALIMENTAIRES – SUSPENSION DES POURSUITES (NON).
2. VOIES D’EXECUTION – POURSUITES –CREANCE ALIMENTAIRE – DEMANDE DE DELAI DE GRACE – RECEVABILITE (NON).
1 La suspension des poursuites individuelles imposée par l’ouverture d’une procédure de règlement préventif contre le débiteur ne s’applique pas aux créanciers de salaire à cause du caractère alimentaire de la créance.
2 La demande d’octroi d’un délai de grâce pour le paiement d’une créance ne saurait prospérer lorsqu’il s’agit de créances salariales en ce qu’elles sont assimilées à des créances alimentaires.
Article 9 AUPCAP
Article 39 AUPSRVE
(Tribunal de Première Instance de Nkongsamba, Ordonnance N 10/CE du 31 octobre 2007, LA SOCIETE LACHANAS FRERES TRANSPORTS SA. C/ MM. MOFOR JOHN ET AUTRES), note Yvette KALIEU ELONGO, professeur.
ORDONNANCE
Attendu que sur autorisation d’assigner à bref délai du Président de céans, la société Lachanas, a, par exploit de Maître SOBGUI Pierre, Huissier de Justice à Nkongsamba, agissant par l’intermédiaire de Maître BALENG MAAH Célestin, Huissier de Justice à Douala, exploit non encore enregistré, mais qui le sera en temps opportun, fait donner assignation d’heure à heure aux sieurs MOFOR John et autres, ayant pour conseil, Maître TEPPI KOLOKO, Avocat à Nkongsamba et Maître MOULOKO Benjamin LONGUE, Huissier de Justice à Douala, d’avoir à se trouver et à comparaître devant le Président de Tribunal de Première Instance, juge du contentieux de l’exécution, pour est-il dit dans ledit exploit :
– s’entendre ordonner la nullité des commandements du 09 Mai 2007 de Maître MOULONGO Benjamin, Huissier de Justice à Douala et des poursuites déclenchées par les défendeurs, jusqu’à l’issue de la procédure de règlement préventif;
– s’entendre voir le juge leur accorder un délai de grâce de 24 mois;
– s’entendre condamner aux dépens distraits au profit de Maître Gabriel Parfait KALDJOB, Avocat aux offres de droits.
Attendu que les défendeurs soutiennent sous la plume de leur conseil, Maître TEPPI KOLOKO que la demande de discontinuation de poursuites est vouée à l’échec compte tenu de la nature particulière de créance en cause.
Attendu que les parties divergent sur la possibilité d’une discontinuation de poursuites (I) et l’opportunité d’un délai de grâce (II).
Sur la nullité des commandements et des poursuites engagées par les défendeurs
Attendu que la société Lachanas Frères Transports S.A sollicite la nullité des poursuites engagées contre elle par les défendeurs, ainsi que les commandements servis par le biais de Maître MOUKOLO Benjamin LONGUE jusqu’à l’issue de la procédure de règlement préventif.
Attendu qu’au crédit de son action, la société Lachanas expose qu’en date du 09 mai 2007, les défendeurs lui ont fait servir par le ministère de Maître MOUKOLO Benjamin LONGUE, Huissier de Justice à Douala, des commandements d’avoir à leur payer respectivement les sommes de 1 012.903 francs, 2.097.301 francs, 3.837.406 francs, 872.083 francs, 529.206 francs, 711.153 francs, 147.471 francs, en principal et fais de recouvrement, en exécution des grosses des procès-verbaux de conciliation totale dressés les 22 et 23 Novembre 2005 par l’Inspecteur départemental du travail du Moungo.
Que c’est à tort que ces exécutions ont été projetées, puisque l’ordonnance n 08/CAB/PTGI/N’SBA ordonnant la suspension des poursuites entreprises ou que pourraient entreprendre les créanciers contre elle, alors qu’elle est soumise à une procédure collective notamment le règlement préventif.
Qu’il est logique d’ordonner la nullité des commandements signifiés à une société admise au bénéfice du règlement préventif, ainsi que les poursuites engagées en vue du recouvrement.
Attendu qu’en réaction les défendeurs font valoir sous la plume de leur conseil, Maître TEPPI KOLOKO que l’article 9 de l’A.U.P.C précise clairement que la suspension des poursuites individuelles contre un débiteur admis en règlement préventif s’applique à tous les créanciers de celui-ci exceptés les créanciers de salaires.
Que les défendeurs réclament des créances de salaires et leurs accessoires et la suspension ne saurait donc leur être appliquée.
Attendu que l’article 9 de l’acte uniforme sur les procédures collectives d’apurement a vocation à s’appliquer à tous les créanciers, du débiteur en règlement préventif, à l’exception des créanciers de salaires.
Que les défendeurs sont titulaires de treize procès-verbaux de conciliation totale devenue des titres exécutoires qui constituent des créances salariales et leurs accessoires.
Qu’il est constant qu’il s’agit des créanciers alimentaires qui échappent à la suspension.
Qu’en outre, la nullité des commandements ne s’est basée que sur le seul élément.
Que lesdits commandements sont réguliers en la forme et ne souffrent d’aucun vice.
Qu’il échet de rejeter les demandes tant de nullité de commandement que des poursuites comme non fondées.
II- Sur le délai de grâce sollicité par la Société LACHANAS Frères S.A
Attendu que la demanderesse sollicite un délai de grâce de 24 mois, parce qu’elle est en proie à d’énormes difficultés financières ayant justifié son redressement judiciaire.
Qu’un délai de grâce de 24 mois lui permettrait d’honorer sa dette dont le recouvrement est poursuivi.
Que pour prouver sa bonne foi, elle entend consigner au greffe du Tribunal de Première Instance de céans la somme de 1 000 000 francs à titre d’acompte pour le règlement de sa dette.
Attendu cependant qu’une telle demande ne saurait prospérer.
Que l’article 39 de l’acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement des créances et des voies d’exécution prescrit que le juge de l’exécution peut accorder des délais de grâce, sauf pour les dettes d’aliments.
Que l’article 39 de l’A.U n 6 se situe dans la droite ligne de l’article 9 de l’AUPC.
Qu’il s’ensuit que la demande de délai de grâce doit être rejetée et par voie de conséquence, les poursuites engagées doivent se poursuivre.
Sur le sort de la somme d’un million de francs consignée au greffe par le demanderesse à titre d’acompte (…).
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière de contentieux de l’exécution, en premier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi.
Constatons qu’au sens des articles 9 de l’acte uniforme sur les procédures collectives et 39 de l’acte uniforme n 6 sur les voies d’exécution, le délai de grâce n’est pas applicable aux créances alimentaires.
Constatons que les créances des défendeurs sont alimentaires.
En conséquence, rejetons la demande de délai de grâce formulée par la société LACHANAS FRERES comme non fondée.
Ordonnons le versement de l’acompte de un million (1 000 000) francs déposée au greffe par la société LACHANAS aux créanciers.
Ordonnons la continuation des poursuites pour le reste de la créance.
Note : Pr. Yvette Rachel KALIEU ELONGO, Agrégée des Facultés de Droit, Université de Dschang, Cameroun
Le créancier de salaire est un véritable créancier privilégié comme le montre encore cette décision. Il est privilégié d’abord parce qu’il n’est pas soumis à la rigueur des procédures collectives qui imposent bien souvent aux créanciers la suspension au moins provisoire de leurs poursuites contre le débiteur qui connaît des difficultés en l’occurrence le débiteur soumis à une procédure de règlement préventif. Il est privilégié également parce que son débiteur quand bien il connaîtrait des difficultés réelles ne peut pas se soustraire, même momentanément, aux poursuites engagées contre lui par un créancier de salaire en demandant du juge de lui accorder un délai de grâce. Le paiement du salaire ne saurait donc en aucun cas attendre…