J-09-247
PROCEDURES COLLECTIVES – ENTREPRISE EN DIFFICULTES – CESSATION DE PAIEMENT – PROPOSITION D’UN CONCORDAT SERIEUX (OUI) – MISE EN REDRESSEMENT JUDICIAIRE – DESIGNATION D’UN JUGE COMMISSAIRE ET d’UN SYNDIC.
Lorsque le tribunal constate qu’une entreprise en difficulté est en état de cessation de paiement mais qu’elle a proposé un concordat sérieux, il doit prononcer sa mise en redressement judiciaire et désigner les organes chargés de la conduire.
Article 25 AUPCAP
Article 26 AUPCAP
Article 27 AUPCAP
Article 32 AUPCAP
Article 33 AUPCAP
Article 35 AUPCAP
Article 36 AUPCAP
Article 37 AUPCAP
Article 47 AUPCAP
(Tribunal de Grande Instance du Moungo, jugement N 32/CIV du 17 Avril 2008, Affaire Madame FANKOU SIMO C/ La Société FARMER’S SAVINGS AND INVESTMENT COMPANY (F.S.I.C), note Yvette KALIEU ELONGO, professeur.
LE TRIBUNAL
Vu les lois et règlements applicables.
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Vu les réquisitions favorables du Ministère Public du 14 Février 2008.
Attendu que par exploit du 07 juillet 2006, de Maître Jean-Bedel MAMOUM, Huissier de Justice de Mbanga, agissant par l’intermédiaire de Maître TOWA Pierre, son confrère de Douala, enregistré aux actes extra-judiciaires à Mbanga, sous volume 3, Folio 13, N 313/1, aux droits fixés de 4000 francs, dont quittance N 01864423, dame FANKOU SIMO née TAGNE MAPTOUM Irène, Président du Conseil d’Administration de la Société Coopérative « Farmer’s Savings and Investments Company », e abrégé (FSIC), dont le siège social est situé à Loum, a attrait ladite société qui a pour conseil le cabinet TCHANGA et Associés, Avocat au Barreau du Cameroun BP 2684 Douala, devant le Tribunal de Grande Instance du Moungo statuant en matière civile et commerciale, pour s’entendre.
Admettre la F.S.I.C au bénéfice du redressement judiciaire conformément aux articles 25 et suivants de l’acte uniforme OHADA portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif.
Désigner un syndic qui se chargera des opérations dudit redressement, et un juge commissaire chargé du suivi desdites opérations.
Ordonner la suspension des poursuites individuelles et accorder un délai à la F.S.I.C pour conduire son offre de concordat.
Attendu que pour soutenir sa demande, dame FANKOU expose que la F.S.I.C a été créée en 1997 pour promouvoir l’épargne parmi ses membres.
Qu’au sortir des fonds baptismaux, elle a connu un essor remarquable mais par la suite, de graves détournements internes, le non remboursement de certaines dettes, et une faible mobilisation de l’épargne ont plongé cette société dans le marasme, si bien qu’elle éprouve aujourd’hui d’énormes difficultés pour faire face à ses engagements.
Qu’elle n’entend cependant pas sombrer dans le défaitisme et tient à poursuivre et à amplifier ses activités en évitant la faillite, et voudrait renégocier certains engagements vis-à-vis de ses partenaires.
Qu’elle sollicite à cet effet la suspension des poursuites individuelles, s’agissant notamment de ses dettes sur les dépôts de épargnants, évaluées à ce jour à la somme de 17.393.912 francs.
Que de l’autre côté, les prêts à court et moyen terme qu’elle a consentis à plusieurs débiteurs se chiffrent à 36.435.670 francs.
Que heureusement de nouveaux partenaires sont disposés à venir y prendre des participations et favoriser sa restructuration, au cas où un concordat sérieux venait à être signé avec tous les créanciers.
Que lors d’une réunion de relance prévue le 21 Décembre 2005, les anciens membres se sont engagés à arrêter les retraits dans leur compte, et à libérer entièrement le reste de leurs actions.
Qu’entre temps, de nouveaux membres ont souscrit des actions et entendent les libérer à hauteur de 30 % pour booster la restructuration et le redressement de cette coopérative, avant le 30 Mai 2008, si un contrat était signé avec l’ensemble des créanciers.
Qu’en plus, les membres ont d’un commun accord décidé de vendre des titres d’obligation afin de renflouer les caisses de leur coopérative, et lui permettre de relancer son activité.
Qu’au demeurant, l’offre de concordat attendue par de nouveaux bailleurs de fonds pour libérer de nouvelles actions a effectivement été signée avec l’ensemble des créanciers et déposée au Greffe du Tribunal de céans depuis le 26 Juillet 2006.
Que cette offre de concordat, qui a été faite dans les formes et délai prévus par les articles 25, 26 et 27 de l’acte uniforme OHADA portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, reprend et précise toutes les mesures, conditions et modalités envisagées par cette entreprise pour son redressement, telles qu’énumérées par l’article 27 de l’acte uniforme susvisé.
Attendu que selon l’article 32 du même acte uniforme, le Président de la juridiction compétente peut désigner toute personne qu’il estime qualifiée pour recueillir tous renseignements sur la question et les agissements du débiteur, et apprécier les chances et le caractère sérieux de la proposition de concordat faite par lui.
Qu’en l’espèce il appert du rapport déposé par le Cabinet AUDIFEX FOWE, expert comptable agréé près la Cour d’Appel du Littoral et par la CEMAC commis à cet effet que « les atouts de la F.S.I.C sont constitués d’un financement extérieur, et des apports des partenaires locaux.
Qu’en dehors de ce financement extérieur attendu, le recouvrement de ses titres du Trésor portera le montant des encaisses attendues à 50.900 000 francs à l’échéance 2008.
Que la réalisation de ces entrées escomptées permettra de résorber les dettes chiffrées à 34.673.054 francs, et dégagera en outre un solde positif permettant la relance des activités de l’entreprise demanderesse.
Attendu qu’il s’agit là d’une analyse pertinente faite par un homme de l’art sur les chances réelles de réussite du concordat proposé par la F.S.I.C.
Qu’il échet, y faisant foi, de constater que cette société, bien qu’étant en état de cessation de paiement, a proposé un concordat sérieux; et en conséquence prononcer son redressement judiciaire, en application des dispositions de l’article 33 de l’acte uniforme OHADA portant organisation des procédure collectives d’apurement du passif.
Attendu que conformément aux dispositions de l’article 35 du même acte uniforme susvisé, il y a lieu de désigner un juge commissaire chargé de veiller au bon déroulement de la procédure de redressement, et un syndic de redressement, représentants de tous les créanciers.
Attendu qu’en application des dispositions de l’article 47 de l’acte susvisé, le juge commissaire devra régulièrement informer le Ministère Public du déroulement de la procédure de redressement.
Attendu que la demanderesse avance et supporte tous les frais de la procédure.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière civile et commerciale, et en premier ressort.
Reçoit dame FANKOU SIMO née TAGNE MAPTAM Irène en sa demande et l’y dit fondée.
Constate que la Société FARMER’S SAVINGS INVESTMENT COMPANY (F.S.I.C), est en cessation de paiement depuis le 29 Décembre 2006, mais qu’elle a néanmoins proposé un concordat sérieux en vue de son redressement.
Prononce par conséquent sa mise en redressement judiciaire.
Désigne sieur KITIO Édouard, juge au Tribunal de céans, juge commissaire chargé de veiller au bon déroulement des opérations dudit redressement; et sieur TCHOKOGUE Roger Fernand, Expert Agréé, BP 5812 Douala, Syndic dudit redressement.
Dit que les honoraires dudit syndic seront taxés par nos soins.
Dit que le Ministère Public sera régulièrement informé du déroulement de cette procédure de redressement par le juge commissaire.
Ordonne les publications et autres diligences prescrites par les articles 36 et 37 de l’acte uniforme OHADA portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif.
(…).
Note : Pr. Yvette Rachel KALIEU ELONGO, Agrégée des Facultés de Droit, Université de Dschang, Cameroun
Si le dépôt d’une proposition de concordat par le débiteur ne suffit pas pour obtenir le redressement judiciaire de l’entreprise, par contre, lorsqu’au vu du rapport de l’expert désigné à cet effet, le juge estime que le concordat est sérieux, il doit prononcer le redressement judiciaire comme le prévoit l’article 33 AUPCAP.
Le rapport doit démontrer – éventuellement avec des données chiffrées, en quoi le concordat peut aboutir au redressement de l’entreprise. Bien évidemment, si les données ont été « manipulées » pou obtenir le redressement de l’entreprise, le concordat pourra être annulé pour dol (article 140 AUPCAP) et la responsabilité des tiers notamment celle de l’expert pourra éventuellement être engagée (article 118 AUPCAP).