J-09-250
INJONCTION DE PAYER – ORDONNANCE – DEFAUT DE SIGNIFICATION (EXPLOIT DE SIGNIFICATION NON VISE PAR L’HUISSIER INSTRUMENTAIRE) – OPPOSITION – DELAI – RESPECT DU DELAI (OUI).
1 INJONCTION DE PAYER – ORDONNANCE – SIGNIFICATION – DELAI – NON RESPECT – ORDONNANCE NON AVENUE.
1 L’exploit de signification de l’ordonnance d’injonction de payer non visé par l’Huissier instrumentaire est nul. Cette nullité équivaut à une absence de signification rendant l’opposition recevable jusqu’à l’expiration du délai de 15 jours suivant le premier acte d’exécution signifié à personne et qui, en l’espèce, est la signification commandement de l’ordonnance.
2 L’ordonnance portant injonction de payer est déclarée non avenue si elle n’a pas été signifiée dans le délai de trois mois à compter de son prononcé.
(Tribunal de Grande Instance du Moungo, jugement N 04/CIV du 18 janvier 2007, Affaire Monsieur TINFANG Félix C/ Maître NGOUNOU Boniface).
LE TRIBUNAL
Vu les Lois et Règlements en vigueur.
Vu les pièces du dossier de procédure.
Attendu que suivant exploit du 02 Février 2006 du ministère de Maître SOBGUI Pierre, Huissier de Justice à Nkongsamba, enregistré dans ladite ville le 02 Mars 2006, sous le volume 2, folio 157, numéro 101 aux droits de 10 000 francs, TINFANG Félix, ayant pour conseil Maître NSTAMO Etienne, Avocat au Barreau du Cameroun a formé opposition contre l’ordonnance d’injonction de payer N 02/2005-2006 rendue le 11 Octobre 2005 par le Président du Tribunal de Grande Instance du Moungo et a fait donner assignation à NGOUNOU Boniface d’avoir à se trouver et comparaître devant le Tribunal de céans pour est-il dit dans cet acte.
Vu les articles 7 et 8 puis 9 à 11 de l’acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Constater que l’ordonnance d’injonction de payer N 02/2005-2006 rendue par le Tribunal de Grande Instance du Moungo n’a été portée à la connaissance du requérant pour la première fois que par exploit de signification commandement de Maître Jean René BIWOLE en date du 26 Janvier 2006.
Recevoir TINFACK Félix en son opposition et l’y dire fondée.
Constater que ce dernier n’est pas débiteur de Maître NGOUNOU Boniface et que la condition de certitude de la créance exigée par l’article 1er du même acte uniforme n’est pas remplie.
Par conséquent bien vouloir retracer l’ordonnance d’injonction de payer N 02/2005-2006 rendue le 11 Octobre 2005 par le Tribunal de Grande Instance du Moungo et à tort revêtue de la formule exécutoire le 11 Janvier 2006 avec toutes les conséquences de droit.
Condamner le défendeur aux dépens de la présente procédure dont distraction au profit de Maître NSTAMO Etienne, Avocat aux offres de droit.
Qu’au soutien de son recours, il expose que le 26 Janvier 2006, il a été surpris de recevoir suivant exploit de Maître Jean René BIWOLE, Huissier de Justice à Yaoundé, commandement d’avoir à payer à NGOUNOU Boniface la somme totale de 470.558 francs dans le délai de 08 jours, sous peine de voir ses biens saisis, en vertu d’une ordonnance d’injonction de payer N 02/2005-2006 rendue par le Président du Tribunal de Grande Instance du Moungo et laquelle a été revêtue d’une formule exécutoire frauduleusement obtenue de ce Tribunal.
Qu’il n’a jamais reçu signification d’une expédition de ladite ordonnance comme l’exigent les articles 7 et 8 de l’acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution, lesquels lui impartissent du reste un délai de 15 jours à compter de cette signification pour former opposition dès lors que la créance est contestable comme c’est le cas en l’espèce.
Que ladite créance n’existe même pas et en tout état de cause il ne se reconnaît pas être débiteur de NGOUNOU Boniface.
Qu’au surplus d’après les dispositions de l’article 10 alinéa 2 du même acte, l’opposition reste ouverte au débiteur qui n’a pas reçu personnellement la signification de la décision portant injonction de payer jusqu’à l’expiration du délai de 15 jours suivant la première mesure d’exécution ayant effet de rendre indisponible en tout ou en partie les biens de ce dernier.
Que n’ayant été mis au courant de ladite procédure que par la signification du commandement sus évoqué, il estime que son opposition mérite d’être déclarée recevable.
Attendu que NGOUNOU Boniface rétorque qu’il est créancier de TINFACK Félix de la somme de 300 000 francs en principal, représentant le prix de vente de son véhicule de marque Renault 25 GTX à celui-ci.
Que pour garantir le paiement de sa dette, TINFACK Félix a émis à son profit, un chèque de la Société Générale de Banques au Cameroun N 582372 tiré le 26 Avril 2003 sur son compte N 02-00-126603-4 domicilié au siège de cette Banque à Douala BONANJO.
Que présenté à l’encaissement, ce chèque est retourné impayé, faute de provision existante sur ce compte.
Que suite aux diverses manœuvres dilatoires orchestrées par TINFANG Félix pour ne pas payer sa dette, il a saisi le Président du Tribunal de céans qui a rendu à son profit l’ordonnance querellée.
Que cette ordonnance a été servie à la personne de Sieur TINFANG Félix qui s’est présenté à l’Étude de Maître MEKOUDJA GUIMFAC, Huissier de justice à Nkongsamba suivant exploit du 06 Décembre 2005.
Qu’aucune contestation ou opposition n’ayant été faite à la suite de cette signification, il a obtenu l’apposition de la formule exécutoire sur ladite ordonnance.
Que c’est après une signification du commandement à lui servie le 26 Janvier 2006 par Maître Jean René BIWOLE, Huissier de Justice à Yaoundé que TINFANG Félix a cru devoir former opposition contre cette décision de Justice pourtant devenue définitive.
Qu’il estime qu’en déclarant son opposition recevable, elle mérite néanmoins d’être jugée non fondée.
Qu’il sollicite en outre que la décision à intervenir soit assortie d’exécution provisoire et le demandeur condamné aux dépens.
Attendu que réagissant à cet argumentaire, TINFANG Félix sollicite qu’une enquête soit ordonnée pour auditionner Maître MEKOUDJA GUIMFAC en cas de doute sur l’absence de signification par lui alléguée.
Qu’il poursuit qu’une fois cette défaillance établie, l’on se rendra compte que l’ordonnance attaquée ne lui a pas été signifiée dans le délai de trois mois suivant la date de son obtention.
Qu’il demande partant que cette décision soit déclarée caduque.
Qu’il ajoute à titre subsidiaire que le chèque évoqué par Maître NGOUNOU n’a pas de cause, le prix convenu pour la vente de son véhicule après constat de l’état réel de celui-ci ayant été entièrement versé.
Attendu que toutes les parties ayant conclu, il échet de statuer contradictoirement à leur endroit et de dire.
EN LA FORME
Attendu que si selon l’article 10 alinéa 1 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution, l’opposition contre la décision d’injonction de payer doit être formée dans les quinze jours suivant sa signification; l’alinéa 2 du même article précise néanmoins que « si le débiteur n’a pas reçu personnellement la signification de la décision portant injonction de payer, l’opposition est recevable jusqu’à l’expiration du délai de 15 jours suivant le premier acte signifié à personne ou à défaut suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponible ou en tout ou en partie les biens du débiteur ».
Attendu que comme preuve de la signification de l’ordonnance attaquée, NGOUNOU Boniface a produit thermocopie d’un exploit en date du six Décembre mentionnant comme Huissier instrumentaire, Maître MEKOUDJA GUIMFAC, Huissier de Justice à Nkongsamba.
Mais attendu que cet exploit ne contient point la signature de son auteur.
Que s’agissant d’une mention essentielle pour la validité des exploits d’Huissier selon la jurisprudence constante en la matière, cet acte ne peut être considéré comme exploit de signification de l’ordonnance attaquée; CIV. Mars 1891 D.P. 91.1.223.
Que pareille analyse accrédite la version des faits du demandeur et commande de dire qu’il n’y a point eu en l’espèce de signification.
Qu’il s’en suit que ce sont les dispositions de l’article 10 alinéa 2 de l’acte uniforme sus visé qui sont applicables à ce cas.
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que le premier acte d’exécution intitulé signification commandement a été signifié à TINFANG Félix le 26 Janvier 2006 suivant exploit du ministère de Maître BIWOLE Jean René, Huissier de Justice à Yaoundé.
Attendu qu’entre cette date et celle de l’opposition déférée il s’est seulement écoulé 07 jours.
Qu’il s’en dégage que cette voie de recours mérite d’être déclarée recevable comme faite dans les termes de la loi.
AU FOND
Attendu qu’il a été sus démontré que jusqu’au 26 Janvier 2006, l’ordonnance querellée n’avait pas été signifiée au débiteur comme l’exige l’article 7 alinéa 1 de l’Acte Uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution.
Attendu que l’alinéa 2 de cette disposition légale énonce que « la décision portant injonction de payer est non avenue si elle n’a pas été signifiée dans les trois mois de sa date ».
Attendu que ce délai n’ayant pas été respecté, il convient de prononcer cette sanction.
Attendu que NGOUNOU Boniface a succombé.
Que les dépens doivent être mis à sa charge.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de toutes les parties, en matière civile et commerciale, en premier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi.
Constate la non conciliation des parties.
Déclare recevable l’opposition de TINFANG Félix comme faite dans les termes de la loi.
Déclare l’ordonnance querellée non avenue (…)