J-09-265
CCJA – INSTRUMENT DE PAIEMENT – LETTRES DE CHANGE – SIGNATURE DU TIREUR – EXISTENCE D’UN EMPLACEMENT SPECIFIQUE PREVU PAR LA LOI POUR LA SIGNATURE DU TIREUR (NON) – SIGNATURE APPOSEE SUR LE TITRE – VALIDITE DES LETTRES DE CHANGE (OUI) – CONDAMNATION.
Les lettres de change ne sont pas nulles et il convient de condamner le débiteur à en payer le montant, dès lors que l’article 110 de la loi n 97-518 du 4 septembre 1997 relative aux instruments de paiement ne prescrit pas dans la lettre de change un emplacement spécifique pour la signature du tireur.
En décidant le contraire, la Cour d’appel ne permet pas à la CCJA d’exercer son contrôle sur le fondement légal de sa décision, qui encourt de ce fait la cassation.
C.C.J.A. 2ème CHAMBRE, ARRET N 056 du 11 décembre 2008, Affaire :-Épouse K-K c/ D. Juris Ohada n 1/2009, janvier-mars, p. 24.
Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire dame E épouse K et K contre D, par Arrêt n 093/04 du 12 février 2004 de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, Chambre judiciaire, formation civile, saisie d’un pourvoi formé le 24 janvier 2003 par le Cabinet SARR, Allard et Associés, Avocats demeurant boulevard de Marseille, immeuble Le Home, 01 B.P. 6082 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de Madame E, épouse K, fermière, demeurant à Séguéla quartier résidentiel et de Monsieur K, Pharmacien, demeurant à Seguéla, quartier résidentiel, BP 226, dans la cause qui les oppose à Monsieur D, commerçant, domicilié à Daloa, pris en sa qualité de représentant légal des héritiers de feu D.W et D.M.
en cassation de l’Arrêt n 316, rendu le 08 août 2001 par la Cour d’appel de Daloa et dont le dispositif est le suivant :
– « Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort.
En la forme : S’en rapporte à l’arrêt avant dire droit n 171/01 du 02 mai 2001 de la Cour d’appel de ce siège qui a ordonné la jonction des dossiers des procédures n 33 et 34 du rôle général et déclaré recevables les appels principaux de D, et incidents des époux K.
Au fond
Dit l’appel de D sur le faux incident mal fondé.
Dit l’appel des époux K également mal fondé.
Dit cependant bien fondé l’appel de D en ce qui concerne sa condamnation au paiement dé la créance des intimés.
infirme en conséquence le jugement attaqué sur ce point.
Statuant à nouveau.
Rejette la demande d’inscription de faux de D.
Ordonne la restitution de ses deux carnets de bons de livraison déposés au greffe à K.
Condamne D au paiement d’une amende civile de 10 000 francs CFA.
Déboute les époux K de leur demande en paiement de la somme de 8.588.000 francs CFA à l’encontre de D.
Les déboute également de leur demande en paiement de dommages-intérêts
Condamne les intimés aux dépens »
Les requérants invoquent à l’appui de leur pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt.
Sur le rapport de Monsieur le Juge Doumssinrinmbaye BAHDJE.
Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique.
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de la procédure que les époux K étaient en relation d’affaires avec feu D.W à qui ils avaient livré des oeufs pour une valeur de 15 000 000 (quinze millions) de francs CFA, payables suivant un échéancier convenu d’accord parties; que suite au décès du débiteur, son frère Monsieur D.M, représentant légal des héritiers, signait 29 lettres de change de 300 000 francs CFA, remboursables chacune et une de 188 :000 francs CFA, toutes versées au dossier par les époux K; qu’ayant pris la place de son frère D.M également décédé, Monsieur D, représentant les héritiers des défunts susnommés, poursuivait le paiement en s’acquittant de la somme de 300 000 francs CFA, avant de contester l’existence de la créance des époux K que c’est ainsi que Madame E, épouse K, sollicitait et obtenait du Président du Tribunal de première instance de Daloa l’Ordonnance d’injonction de payer n 365 du 03 juillet 2000 condamnant Monsieur D à lui payer la somme de 8.588.000 francs CFA au titre de solde du reliquat de la créance litigieuse; que sur opposition de Monsieur D, le Tribunal de première instance de Daloa, après avoir rejeté toutes les exceptions soulevées par les parties, affirmait que la créance était partiellement fondée et déclarait Monsieur D « non redevable de la somme de 8.588.000 francs CFA avec paiement de 3.300 000 francs CFA à la date du Jugement n 35 du 30 janvier 2001 »; que sur appels des parties la Cour d’appel de Daloa, par Arrêt n 316 du 08 août 2001, déclarait l’appel de Monsieur D sur le faux incident mal fondé; déclarait l’appel incident des époux K également mai fondée et l’appel principal de Monsieur D en ce qui concerne sa condamnation au paiement de la créance litigieuse bien fondée; qu’en conséquence, elle infirmait le jugement entrepris sur ce point et, statuant à nouveau, rejetait la demande d’inscription de faux de Monsieur D tout en ordonnant la restitution à Monsieur K de ses deux carnets de bons de livraison déposés au greffe; que la Cour d’appel condamnait en outre Monsieur D au paiement de l’amende civile de 10 000 francs CFA, déboutait les époux K de leur demande en paiement de la somme de 8.588.000 francs CFA à l’encontre de Monsieur D; ainsi que de leur demande en paiement de dommages-intérêts; que l’Arrêt n 316 du 08 août 2006 de la Cour d’appel de Daloa était attaqué par les époux K devant la Cour Suprême de Côte d’Ivoire celle-ci, après avoir relevé que l’affaire soulève des questions relatives à l’application de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, s’en est dessaisie au profit de la Cour de céans.
Attendu que régulièrement signifié du’ présent pourvoi par lettre n 521/2004/G5 du Greffier en chef de la Cour de céans en date du 05 novembre 2004, Monsieur D, défendeur au pourvoi n’a pas cru devoir déposer ses écritures et pièces dans le délai à lui imparti; qu’il convient par conséquent de passer outre ce silence et de dire le dossier en état d’être jugé.
Sur le premier moyen
Attendu que les demandeurs au pourvoi reprochent à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions de l’article 110 de la loi n 97-518 du 4septembre 1997 relative aux instruments de paiement, en ce que le juge d’appel a considéré que la signature de Monsieur D.M, prétendu auteur des lettres de change, « n’était pas apposée « à l’emplacement prévu à cet effet sur lesdits effets de commerce » alors que ladite signature figurait sur les effets de commerce, mais à un autre emplacement; que les demandeurs au pourvoi concluent à la cassation ‘de l’arrêt attaqué pour ce fait.
Attendu qu’aux termes de l’article 110 de la loi n 97-518 du 4 septembre 1997, « la lettre de change contient n 7 la signature de celui qui émet la lettre de change. Cette signature est apposée soit à la main, soit par tout procédé non manuscrit »
Attendu qu’en l’absence, dans l’article 110 de la loi susvisée relative aux instruments de paiement de dispositions prescrivant dans la lettre de change un emplacement spécifique pour la signature du tireur, sont donc valables les lettres de change sur lesquelles figure la signature du tireur apposée sur le titre lui-même; qu’ainsi, en considérant comme étant nulles les lettres de change sur lesquelles Monsieur D.M n’avait pas apposé sa signature à « l’emplacement prévu », la Cour d’appel ne permet pas à la Cour de céans d’exercer son contrôle sur le fondement légal de sa décision; d’où il suit que l’arrêt attaqué doit être cassé et qu’il y a lieu d’évoquer, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le second moyen.
Sur l’évocation
Attendu que les appelants sollicitent de la Cour qu’elle réforme le Jugement civil n 31 rendu le 30 janvier 2001 par le Tribunal de première instance de Daloa, en condamnant Monsieur Di à leur payer la somme de 8.588.000 (huit millions cinq cent quatre vingt huit mille) francs CFA exigible à ce jour et qu’elle restitue à l’Ordonnance n 365/2000 rendue le 03 juillet 2000 par la juridiction présidentielle du Tribunal de première instance de Daloa son plein et entier effet.
Attendu que l’intimé conclut à la confirmation du jugement entrepris.
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux sur le fondement desquels l’arrêt attaqué a été cassé, il y a lieu de considérer que les lettres de change ne sont pas nulles et qu’il convient de condamner Monsieur D à payer à Madame E, épouse K, la somme de 8.588.000 francs CFA réclamée par la susnommée et qui représente le montant des lettres de change émises par feu D.M.
Attendu que Monsieur D ayant succombé, doit être condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré.
Casse l’Arrêt n 316 rendu le 08 août 2001 par la Cour d’appel de Daloa.
Évoquant et statuant au fond.
Infirme le Jugement civil n 31 rendu le 30 janvier 2001 par le Tribunal de première instance de Daloa.
Restitue à l’Ordonnance n 365/2000 rendue le 03 juillet 2000 par le Président du Tribunal de première instance de Daloa son plein et entier effet.
Condamne Monsieur D aux dépens.
PRESIDENT : Antoine Joachim OLIVEIRA