J-09-279
DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL – REFUS DE RENOUVELLEMENT DU BAILLEUR – NON PAIEMENT DE L’INDEMNITE D’EVICTION – CONDITION D’INEXECUTION D’UNE OBLIGATION – MISE EN DEMEURE DU BAILLEUR D’AVOIR A LA FAIRE CESSER – OBSERVATION (NON) – EXPULSION (NON).
Le bailleur peut refuser le renouvellement sans être tenu au paiement d’aucune indemnité s’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du preneur sortant.
Toutefois s’il s’agit de l’inexécution d’une obligation, celle-ci ne pourra être invoquée que si elle s’est poursuivie ou renouvelée plus de deux mois après mise en demeure du bailleur d’avoir à la faire cesser.
Dès lors, en infirmant le jugement et en déclarant que le bailleur était mal fondé en sa demande d’expulsion, la Cour d’appel n’a pas violé l’article 95 de l’Acte uniforme portant droit commercial général, après avoir relevé que le défaut de souscription d’assurance reproché au preneur ne figurait pas dans la mise en demeure à lui signifiée.
Article 95 AUDCG
C.C.J.A. 2ème CHAMBRE, ARRET N 006 du 05 février 2009, Affaire : S C/ Z, Juris Ohada, n 2/2009, avril-juin, p. 14.
Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans, de l’affaire S contre Z, par Arrêt n 142/03 du 13 mars 2003 de la Cour Suprême de la République de COTE D’IVOIRE, Chambre judiciaire, Formation civile, saisie du pourvoi formé le 09 octobre 2002 par Maître BOUAKE Binaté, Avocat à la Cour, demeurant à Abidjan Treichville Arras 4, Immeuble BICICI Arras, 1er étage, porte n 1, 05 BP. 224 Abidjan 05, agissant au nom et pour le compte de Madame S, gérante de l’Entreprise « SEYAUDLAU » sise à Koumassi Remblais, lot n 714, ilôt n 57, 12 B.P. 569 Abidjan 12.
En cassation de l’Arrêt n 657 rendu le 17 mai 2002 par la Cour d’appel d’Abidjan au profit de Madame Z, Exploitante de boîte de nuit, demeurant à Koumassi Remblais lot n 741, 01 B.P. 7696 Abidjan 01, et dont le dispositif est le suivant :
« En la forme : Déclare Dame Z recevable en son appel relevé du Jugement n 592/Civ.4 rendu le 3 décembre 2001 par le Tribunal d’Abidjan-Plateau.
Au fond
L’y dit bien fondé.
Infirme en toutes ses dispositions ledit jugement.
Statuant à nouveau.
Déclare dame S, gérante des Établissements SEYAUDLAU recevable mais mal fondé et en expulsion.
L’en déboute.
La condamne aux dépens ».
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt.
Sur le rapport de Monsieur Antoine Joachim OLIVEIRA, Président.
Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique.
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que par contrat en date du 30octobre 1998 venant à expiration le 30octobre2001, Madame Sa loué un local à usage commercial à Madame Z; que par exploit en date du 22 mars 2001, la bailleresse a donné à Madame Z congé sans renouvellement du bail et sans offre d’indemnité d’éviction au motif que Madame Z a modifié la destination du local prévue dans le contrat, notamment en y exploitant une boîte de nuit avec des nuisances sonores pour les tiers; que par requête en date du 10 septembre 2001, Madame Z a assigné devant le Tribunal de première instance d’Abidjan, Madame S, gérante de l’Entreprise SEYAUDLAU pour s’entendre annuler purement et simplement l’exploit de congé en date du 22 mars 2001 au motif qu’il résulte des pièces produites qu’elle a informé la bailleresse de l’installation d’une boîte de nuit et « que cette dernière l’avait même encouragée dans ses travaux »; que par requête en date du 15 octobre 2001 adressée à la même juridiction, Madame S a prétendu que le congé qu’elle avait donné à Madame Z trouvait sa justification dans le changement de destination du local loué; que par Jugement n 592 Civ/4 en date du 03 décembre 2001, le Tribunal de première instance d’Abidjan a validé le congé sans offre d’indemnité d’éviction donné à Madame Z par Madame S au motif que le preneur n’avait pas souscrit de police d’assurance stipulé dans le contrat; que sur appel formé leH8 décembre 2001, contre ce jugement, par Madame Z, la Cour d’appel d’Abidjan a, par Arrêt n 657 du 17 mai 2002, objet du pourvoi, infirmé ladite décision en toutes ses dispositions et déclaré Madame S mal fondée en sa demande d’expulsion de l’appelante.
Sur le moyen unique
Attendu qu’il est reproché à l’Arrêt attaqué d’avoir statué comme il a été indiqué ci-dessus alors que l’article 95 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général n’interdit pas au bailleur qui refuse le renouvellement du bail au preneur « d’étayer en cours d’instance » les violations contractuelles autres que celle mentionnée dans la mise en demeure de congé, telle que l’absence de la police d’assurance par le preneur, ce qui constitue une « entorse à la convention justifiant sa légitime rupture, qu’en décidant le contraire la Cour d’appel d’Abidjan a violé l’article 95 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général; »
Vu l’article 95 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général qui dispose que « le bailleur peut s’opposer au droit au renouvellement du bail à durée déterminée, ou indéterminée, sans avoir à régler d’indemnité d’éviction, dans les cas suivants :
1 ) s’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du preneur sortant. Ce motif doit consister, soit dans l’inexécution par le locataire d’une obligation substantielle du bail, soit encore dans la cessation de l’exploitation du fonds de commerce.
Ce motif ne pourra être invoqué que si les faits se sont poursuivis ou renouvelés plus de deux mois après mise en demeure du bailleur, par acte extrajudiciaire, d’avoir à les faire cesser ».
Attendu que selon cet article, le bailleur peut refuser le renouvellement sans être tenu au paiement d’aucune indemnité s’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du preneur sortant; que toutefois s’il s’agit de l’inexécution d’une obligation, celle-ci ne pourra être invoquée que si elle s’est poursuivie ou renouvelée plus de deux mois après mise en demeure du bailleur d’avoir à la faire cesser; qu’il s’ensuit que n’a pas violé l’article 95 suscité, la Cour d’appel d’Abidjan qui, après avoir relevé que le défaut de souscription d’assurance reproché à Madame Z ne figurait pas dans la mise en demeure signifiée à cette dernière le 22 mars 2001, a retenu que « le premier juge n’a pas donné de base légale à sa décision, car il lui appartenait, dans une instance de congé et en validation du même congé, d’apprécier le bien fondé du motif du congé et sa conformité à la loi de sorte que pour ce motif le jugement entrepris mérite infirmation »; que l’arrêt attaqué étant par conséquent rendu conformément à l’article précité, le moyen doit être rejeté.
Attendu que Madame S ayant succombé, doit être condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré.
Rejette le pourvoi formé par Madame S contre l’Arrêt n 657 rendu le 17 mai 2002 par la Cour d’appel d’Abidjan.
La condamne aux dépens.
PRESIDENT : M. Antoine Joachim OLIVEIRA