J-09-284
V. Ohadata J-09-16
VOIES D’EXECUTION – SAISIE IMMOBILIERE – JUGEMENT D’ADJUDICATION – TRANSFERT DE PROPRIETE TRANSMIS – ACTION EN REVENDICATION CONTRE L’ADJUDICATION – CONDITIONS.
VOIES D’EXECUTION – SAISIE IMMOBILIERE – JUGEMENT D’ADJUDICATION – ACTION EN REVENDICATION DE PROPRIETE DE L’IMMEUBLE – IMMEUBLE RELEVANT NECESSAIREMENT DES NORMES DU DROIT FONCIER BURKINABE – INAPPLICATION DES DISPOSITIONS DE L’ACTE UNIFORME PORTANT VOIES D’EXECUTION (OUI) – ANNULATION DU JUGEMENT D’ADJUDICATION – INCOMPETENCE DE LA CCJA (OUI).
Il est de règle que dans la procédure de saisie immobilière, entre les parties, le transfert de propriété se réalise dès le prononcé du jugement d’adjudication. Toutefois, l’adjudication ne transmettant à l’adjudicataire d’autres droits de propriété que ceux appartenant au saisi, si celui-ci n’était pas le véritable propriétaire de l’immeuble adjugé, ce dernier pourrait légitimement exercer contre l’adjudicataire une action en revendication, dès lors que le revendiquant se fonde sur un droit réel incontestable qui, en raison de son caractère absolu, emporte droit de suite et de préférence.
II échet d’annuler le jugement entrepris, de se déclarer incompétent à statuer en la cause et de renvoyer les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront, dès lors que l’appréciation de la nature, de l’étendue et de la force probante des droits réels et des titres y afférents excipés par l’appelant sur l’immeuble litigieux relève nécessairement des normes du droit foncier burkinabé et non des dispositions de l’Acte uniforme portant voies d’exécution, sur lesquelles les premiers juges ont fondé leur décision et qui sont manifestement inapplicables en la cause pour trancher un litige portant principalement sur la propriété du même immeuble adjugé à l’une de parties litigantes et revendiqué par l’autre.
Article 246 AUPSRVE
Article 296 AUPSRVE
Article 299 AUPSRVE
Article 308 AUPSRVE
Article 313 AUPSRVE
C.C.J.A. 2ème Chambre, arrêt n 011 du 26 février 2009, affaire : Société Tamoil Burkina S.A c/ S dit B, Juris Ohada, n 2/2009, avril-juin, p. 25. Actualités juridiques n 60-61, p. 420.
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 16 février2006 sous le n 007/2006/PC et formé par la SOPA YAGUIBOU et YANOGO, société d’Avocats sise au secteur 9 de la ville de Ouagadougou, rue 9.51, 02 BP 5765 Ouagadougou 02, agissant au nom et pour le compte de la Société Tamoil Burkina S.A demeurant au secteur n 2 de la ville de Ouagadougou, rue 210, 06 BP 9146 Ouagadougou 06, dans la cause qui oppose celle-ci à Monsieur S dit B demeurant à Ouagadougou, 01 BP 884 Ouagadougou 01.
En cassation de l’Arrêt n 20 rendu le 18 février 2005 par la Cour d’appel de Ouagadougou (Chambre Civile et Commerciale) et dont le dispositif est le suivant :
– « Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort.
En la forme
Déclare l’appel de Monsieur S dit B recevable.
Au fond
Infirme le jugement entrepris.
Statuant à nouveau, condamne la Société Tamoil Burkina S.A à payer à Monsieur S dit B le montant des loyers, cent cinquante mille (150 000) F OFA par mois ayant couru depuis l’occupation des lieux.
Ordonne en outre l’expulsion de la Société Tamoil des lieux, de ses biens et tous occupants de son chef.
Dit qu’il y a lieu à ordonner une astreinte.
Déboute Monsieur S dit B du surplus de sa demande.
Condamne Tamoil Burkina S.A aux dépens ».
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi e moyen unique en deux branches tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt.
Sur le rapport de Monsieur le Juge Boubacar DICKO
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique.
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure qu’à l’issue d’une audience de vente d’immeubles saisis sur la Société TAGUI par un tiers créancier de celle-ci, trois lots d’immeuble concernés par la vente furent adjugés à la Société Tamoil Burkina S.A. par Jugement n 756 en date du 12 septembre 2001 du Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou; que le 15 mars 2002, Monsieur S dit B assignait ladite société devant le même Tribunal à l’effet d’obtenir son expulsion de l’immeuble ayant formé le lot n 3 ainsi que le paiement d’arriérés de loyers, justifiant son action par le fait qu’il est propriétaire dudit immeuble en vertu d’un « permis urbain d’habiter » y afférent établi à son nom par les autorités municipales compétentes; qu’il déclarait par ailleurs avoir loué son immeuble à la Société Tagui et marqué sa surprise quant à l’adjudication faite à la Société Tamoil Burkina S.A. dudit immeuble, précisant en outre qu’il était dans l’ignorance de la procédure y ayant abouti en raison d’un séjour hors du pays; que par Jugement n 158/2003 rendu le 02 avril 2003, le Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou le déboutait de son action; que sur son appel, interjeté le 09 avril 2003 devant la Cour d’appel de Ouagadougou, celle-ci rendait l’arrêt infirmatif sus mentionné, objet du présent pourvoi en cassation.
Attendu qu’il y a lieu de noter que le défendeur au pourvoi n’a donné aucune suite à la lettre n 140/2006 du 06 avril 2006 de Monsieur le Greffier en chef p.i. de la Cour de céans qui, en même temps qu’elle lui signifiait le présent recours en application des articles 29 et 30 du Règlement de procédure de Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, l’invitait, dans un délai de trois mois à compter de la date de réception de ladite lettre, à présenter un mémoire en réponse qui devra être signé obligatoirement par l’avocat qu’il aura choisi; que ce courrier ayant été reçu par son destinataire le 12juillet2006, ainsi que le prouve la copie de l’accusé de réception versée au dossier, et n’ayant pas été suivi d’effet, il échet de passer outre et de statuer en la cause.
Sur le moyen unique pris en ses deux branches
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir reçu, sans égard aux « dispositions pertinentes » de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, une action introduite par le défendeur au pourvoi et visant à reconnaître à ce dernier des droits sur l’immeuble adjugé à la requérante et d’avoir ainsi violé les articles 308 et 313 de l’Acte uniforme précité en ce que, d’une part, dans le cas d’espèce, aucune demande en distraction n’ayant été présentée par Monsieur S dit B durant toute la procédure de la saisie immobilière ayant abouti à l’adjudication, il y a donc lieu de constater et de déclarer la déchéance du susnommé à prétendre à la propriété dudit immeuble; que, d’autre part, il y a lieu de relever que l’action en expulsion et en paiement de loyers initiée par le défendeur au pourvoi n’est rien d’autre qu’une action en contestation de la propriété de la Société Tamoil Burkina S.A sur l’immeuble concerné, dans la mesure où seul le propriétaire d’un immeuble peut revendiquer le droit aux loyers qu’il génère, et lui seul peut expulser toute personne qui l’occupe; que le défendeur au pourvoi n’est plus admissible, même s’il avait été propriétaire, ce qui est loin d’être le cas, à contester la propriété de la requérante sur l’immeuble adjugé, ni par une action directe, ni par « des actions subtiles » visant à contourner l’irrecevabilité pour cause de forclusion de son action mais produisant, en réalité, le même effet; qu’ainsi, la Cour d’appel de Ouagadougou a violé les articles 308 et 313 de l’Acte uniforme susvisé en accueillant l’action en paiement de loyers et en expulsion de Monsieur S dit B alors même que le jugement d’adjudication faisant de la Société Tamoil Burkina S.A. le propriétaire dudit immeuble est revêtu de l’autorité de la chose jugée; que son arrêt « encourt annulation pour violation de la loi ».
Attendu en l’espèce qu’il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que celui-ci a fait droit à la « demande principale » de Monsieur S dit B contre la Société Tamoil Burkina S.A « en raison de la vente de la parcelle dont il est propriétaire sur le fondement de l’article 1599 du code civil » et aux motifs notamment que « .. la Société Tamoil, acquéreur de la parcelle N du lot 104, objet du permis Urbain d’Habiter (PUH) n 0116744-187 du 05février 1992 au nom de S B, ne peut lui opposer ladite vente;.. que [ladite] parcelle, adjugée par jugement 756 du 12 septembre 2001 à la Société Tamoil est décrite comme étant la parcelle 01/2 EST et N du lot 104 du secteur 11 de la commune de Baskuy, objet du Permis d’Exploiter 4180 du 23 octobre 1992.. que la Société Tagui avait, par contrat, accepté d’occuper contre paiement de loyers mensuels de 150 000 francs »; qu’en statuant ainsi sans rechercher, alors qu’elle en avait le devoir, d’une part, si « la parcelle, adjugée par Jugement 756 du 12 septembre 2001 à la Société Tamoil.. décrite comme étant la parcelle 01/2 EST et N du lot 104 du secteur 11 de la commune de BASKUY, objet du permis d’exploiter 4180 du 23 octobre 1992 » était ou non la même que « la parcelle N du lot 104, objet du permis Urbain d’Habiter (PUH) n 0116744-187 du 05 février 1992 » appartenant à Monsieur S dit B, et, d’autre part, conformément à l’article 296 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées et des voies d’exécution aux termes duquel « l’adjudication, même publiée au bureau de la conservation foncière, ne transmet à l’adjudicataire d’autres droits réels que ceux appartenant au saisi », si la Société Tagui, au détriment de laquelle l’adjudication a été prononcée, n’avait transmis à l’adjudicataire, en l’occurrence la Société Tamoil Burkina S.A, que les droits réels lui appartenant sur l’immeuble litigieux, ce qui devait le déterminer à rechercher également, entre autres, si le saisi était ou non le véritable propriétaire à l’égard du défendeur au pourvoi, ou si, le cas échéant, le droit de propriété du saisi était résoluble ou révocable, l’arrêt attaqué ne permet pas à la Cour de céans d’exercer son contrôle sur le fondement juridique de sa décision qu’il échet en conséquence de casser ledit arrêt et d’évoquer.
Sur l’évocation
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que par acte en date du 09 avril 2003, Monsieur S dit B a relevé appel du Jugement n 158/2003 rendu le 02 avril 2003 par le Tribunal de Grande instance de Ouagadougou et dont le dispositif est ainsi conçu :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort :
En la forme, déclare l’action de S dit B recevable.
Au fond, l’en déboute comme étant mal fondée.
Condamne S dit B aux dépens ».
Attendu que l’appelant sollicite l’infirmation du jugement susvisé aux motifs que la vente de la chose d’autrui est nulle de plein droit (article 1599 du Code civil) dans l’hypothèse où la vente concernerait sa parcelle; qu’en outre, l’article 246 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution indique clairement que le créancier ne peut saisir que les biens immeubles de son débiteur alors que lui, S dit B, n’est pas débiteur de la Société Tamoil Burkina S.A et la Société Tagui n’est pas non plus propriétaire de la parcelle adjugée; qu’enfin, sa demande n’est ni une demande incidente, ni une contestation au sens de l’article 299 de l’Acte uniforme susvisé, mais plutôt une demande principale sur le fondement de l’article 1599 du code civil.
Attendu qu’en réplique, la Société Tamoil Burkina S.A conclut à l’irrecevabilité de l’action de l’appelant sur e fondement de l’article 299, alinéa 2, de l’Acte uniforme susvisé aux termes duquel « les demandes fondées sur un fait ou un acte survenu ou révélé postérieurement [à l’audience éventuelle) et celles tendant à faire prononcer la distraction de tout ou partie des biens saisis, la nullité de tout ou partie de la procédure suivie à l’audience éventuelle ou la radiation de la saisie, peuvent encore être présentées après l’audience éventuelle, mais seulement, à peine de déchéance, jusqu’au huitième jour avant l’adjudication ».
Attendu, en l’espèce, qu’il est constant comme résultant des pièces du dossier de la procédure que par Jugement d’adjudication n 756 en date du 12 septembre 2001 du Tribunal de Grande instance de Ouagadougou, la propriété de « l’immeuble abritant une station service sise sur la parcelle 01/2 EST et Nord du lot 104 du secteur 11, quartier Ouidi de la Commune de BASKUY du Centre loti de Ouagadougou, objet du permis d’exploiter n 4180 du 23 octobre 1992 » a été transférée de la Société Tagui, entre les mains de laquelle ledit immeuble avait été saisi par un tiers créancier, à la Société Tamoil Burkina S.A; que c’est bien après l’adjudication prononcée en faveur de cette dernière que Monsieur S dit B, affirmant tout ignorer de la procédure y afférente en raison d’un séjour à l’étranger, revendique comme sien ledit immeuble dont la Société Tagui était locataire et réclame dans le même temps le paiement d’arriérés de loyers à la Société Tamoil Burkina S.A, adjudicataire, et l’expulsion de celle-ci.
Attendu qu’il est de règle que dans la procédure de saisie immobilière, entre les parties, le transfert de propriété se réalise dès le prononcé du jugement d’adjudication; que toutefois, l’adjudication ne transmettant à l’adjudicataire d’autres droits de propriété que ceux appartenant au saisi, si celui-ci n’était pas le véritable propriétaire de l’immeuble adjugé, ce dernier pourrait légitimement exercer contre l’adjudicataire une action en revendication, dès lors que le revendiquant se fonde sur un droit réel incontestable qui, en raison de son caractère absolu, emporte droit de suite et droit de préférence.
Attendu en l’espèce que l’appelant revendique comme étant sienne, la parcelle N du lot 104, objet du Permis Urbain d’Habiter (PUH) n 0116744-1 87 du 05février1992 établi en son nom par les Autorités compétentes burkinabè et soutient que la même parcelle serait celle adjugée à la Société Tamoil Burkina S.A et qui est décrite comme étant la « parcelle 01/2 EST et N du lot 104 du secteur 11, objet du permis d’exploiter 4180 du 23 octobre 1992 ».
Attendu que l’appréciation de la nature, de l’étendue et de la force probante des droits réels et des titres y afférents excipés par l’appelant sur l’immeuble litigieux relève nécessairement des normes du droit foncier burkinabè et non des dispositions de l’Acte uniforme susvisé, notamment celles des articles 299 et 308 dudit Acte uniforme, sur lesquelles les premiers juges ont fondé leur décision et qui sont manifestement inapplicables en la cause pour trancher un litige portant principalement sur la propriété du même immeuble adjugé à l’une des parties litigantes et revendiqué par l’autre; qu’il échet par suite d’annuler le jugement entrepris, de se déclarer incompétent à statuer en la cause et de renvoyer les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront.
Attendu qu’il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré.
Casse l’Arrêt n 20 rendu le 18 février 2005 par la Cour d’appel de Ouagadougou.
Évoquant.
Annule le Jugement n 158/2003 rendu le 02 avril 2003 par le Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou.
Se déclare incompétente.
Renvoie les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront.
Dit que chaque partie supportera ses propres dépens.
PRESIDENT; M. Antoine Joachim OLIVEIRA