J-09-291
ASSURANCE – CHANGEMENT DE L’OBJET DU RISQUE DECLARE – NULLITE DU CONTRAT D’ASSURANCE – MISE HORS DE CAUSE DE L’ASSUREUR.
Même s’il résulte des conditions particulières du contrat que la garantie de la police est étendue aux accidents corporels pouvant être causés aux passagers transportés occasionnellement dans le camion, en dépit des instructions formelles donnés au chauffeur de ne se livrer à aucun transport de personnes à titre gratuit ou payant, le contrat d’assurance est nul dès lors que le véhicule a été affecté au transport public de marchandises à titre onéreux, alors que l’assurance a été souscrite pour le transport privé de marchandises appartenant à l’assuré lui-même.
L’assureur doit être mis hors de cause en cas de préjudice subi par un passager.
Cour Suprême de Côte d’Ivoire, Chambre Judiciaire, arrêt n 623du 13 novembre 2003, affaire COLINA Conseil (Me Agnès OUNGUI) c/ DKIGUINDE YEMDAOGO (Me BERTHE MORY). Actualités juridiques n 50, p. 287.
LA COUR
Vu l’exploit à fins de pourvoi en cassation en date du 31 Mars 2003.
Vu le mémoire en défense produit.
Vu les pièces du dossier.
Sur le moyen unique de cassation tiré de la violation de la loi ou erreur dans l’application ou l’interprétation de la loi notamment l’article 18 du Code CIMA
Attendu que l’article 18 du Code CIMA dispose « Indépendamment des causes ordinaires de nullité et sous réserves des dispositions de l’article 80, le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l’objet du risque et en diminue l’opinion pour l’assureur alors même que le risque omis ou dénaturé a été sans influence sur le sinistre ».
Vu ledit texte.
Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué (Abidjan n 201 du 21 février 2003) et des productions que le 07 février 1995, le véhicule de marque MITSUBISHI immatriculé 1756 AX 01, appartenant à BAZIE BALIRIBIE, assuré par les soins de la Compagnie d’Assurances COLINA, affecté au transport public de marchandises et conduit par KIENDREBEOGO Abdoulaye, occasionnait au PK 12 de l’axe DAGADJI-BRAHIMAKRO (San-Pédro) un accident de la circulation qui causait des blessures à trois passagers dont DJIGUIMDE YEMDAOGO qui eut la jambe amputée; que le Tribunal de Première Instance d’Abidjan saisi d’une action en réparation par DJIGUIMDE YEMDAOGO la victime contre BAZIE BALIRIBIE le propriétaire du véhicule, KIENDREBEOGO le chauffeur et la COLINA. assureur, condamnait le propriétaire du véhicule et le chauffeur à lui payer la somme de 16.367.838 F CFA à titre de dommages intérêts et mettait hors de cause l’assureur par jugement n 882 en date du 29 mai 2002; que sur appel de DJIGUIMDE YEMDAOGO, la Cour d’Appel d’Abidjan, par arrêt n 201 en date du 21 février 2003 présentement attaqué, infirmait le jugement entrepris en ce qu’il a mis hors de cause la COLINA et, statuant à nouveau, déclarait la COLINA tenue à garantie et confirmait le jugement pour le surplus.
Attendu qu’il est reproché à la Cour d’Appel d’avoir, pour retenir la garantie de la COLINA, estimé : « qu’il est constant comme résultant des conditions particulières du contrat d’assurance souscrit par le propriétaire du véhicule en cause, que la garantie de la police est détenue aux accidents corporels pouvant être causés aux passagers transportés occasionnellement dans le camion même malgré les instructions formelles données au chauffeur de ne se livrer à aucun transport de personne à titre gratuit ou payant; qu’ainsi, DJIGUIMDE YEMDAOGO dont la demande a pour objet la réparation du préjudice corporel subi du fait de l’accident est bien venu à réclamer la garantie de la Compagnie d’Assurances COLINA S.A. dont la mise hors de cause par le premier Juge apparaît sans fondement »; alors que selon le pourvoi, il ressort des conditions particulières de la police d’assurance n 0 198530 souscrite par BAZIE BALIRIBIE auprès de la Compagnie COLINA SA, que le véhicule dommageable était assuré auprès de la Compagnie pour les risques découlant d’un transport privé de marchandises ou d’objet appartenant à l’assuré; que par ailleurs il résulte des divers témoignages mentionnés dans le procès-verbal d’enquête préliminaire qu’au moment du sinistre, le véhicule était chargé de marchandises appartenant à des tiers et transportés à titre onéreux ce qu’a confirmé le propriétaire du véhicule; que l’article 18 du Code CIMA disposant qu’indépendamment des causes ordinaires de nullité et sous réserve des dispositions de l’article 80, le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l’objet du risque et diminue l’opinion pour l’assureur alors même que le risque omis ou dénaturé par l’assuré a été sans influence sur le sinistre, la Cour d’ Appel en statuant comme elle l’a fait a erré quant à l’application dudit article; que sa décision encourt la cassation.
Attendu, en effet, que contrairement au raisonnement de la Cour, le problème posé n’est pas la nature du préjudice subi par la victime DJIGUIMDE YEMDAOGO mais bien la validité du contrat d’assurance souscrit par BAZIE BALIRIBIE, propriétaire du véhicule au moment du sinistre; qu’il est constant comme’ résultant des déclarations des passagers transportés ce jour-là et du propriétaire du véhicule dommageable lui-même que celui-ci était affecté au transport public de marchandises à titre onéreux, alors que l’assurance souscrite l’a été pour le transport privé de marchandises appartenant à l’assuré lui-même; qu’il est donc manifeste au vu de ce qui précède que BAZIE BALIRIBIE a fait une fausse déclaration intentionnelle auprès de la COLINA dont la sanction est la nullité telle que stipulée par l’article 18 du Code CIMA; qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’Appel a violé l’article 18 précité visé au moyen; d’où il suit que le moyen est fondé; qu’il y a lieu de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer.
Sur l’évocation
Attendu qu’il est établi par les déclarations figurant au procès-verbal d’enquête préliminaire, que le véhicule dommageable effectuait un transport public de marchandises à titre onéreux, alors qu’il a été assuré au titre du transport privé de marchandises appartenant à l’assuré; que le propriétaire BAZIE BALIRIBIE a reconnu ce changement d’affectation du véhicule; ce qui correspond à la fausse déclaration intentionnelle sanctionnée par la nullité du contrat d’assurance conformément à l’article 18 du Code CIMA; qu’il échet en conséquence de constater cette nullité et de mettre hors de cause la Compagnie d’Assurances COLINA SA.
PAR CES MOTIFS
Casse et annule l’arrêt n 20 1 rendu le 21 Février 2003 par la Cour d’Appel d’Abidjan.
Évoquant
Constate la nullité du contrat d’assurance couvrant le véhicule de marque MITSUBISHI immatriculé 1756 AX 01 propriété – de BAZIE BALIRIBIE et met en conséquence hors de cause la COLINA S.A.
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.
Président : M. BAMBA LACINE.
Conseillers : M. AGNINI YOUSSOUF (Rapporteur), M. WOUNE BLEKA.
Greffier : Me N’GUESSAN GERMAIN.