J-09-303
SURETES – TIERCE DETENTION DE PRODUITS AGRICOLES – RESPONSABILITE DU TIERS DETENTEUR – CONDITION DE MISE EN OEUVRE.
La responsabilité du tiers détenteur de produits agricoles ne peut être recherchée qu’en cas de faute prouvée contre elle dans l’exécution de sa mission de tiers détenteur et qui aurait eu pour conséquence la perte de la sûreté accordée à la banque.
Cour Suprême de Côte d’ivoire, Chambre Judiciaire, arrêt n 313 du 07 juin 2007, SAGA COTE D’IVOIRE (Me ESSY N’GATTA) c/Société Ivoirienne d’Exploitation et de Transformation de Café, de Cacao et de Produits Agricoles et Industriels, dite SIDEXA (SCPA), Actualités juridiques n 59, p. 302.
LA COUR
Vu l’exploit de pourvoi en date du 2 mars 2004.
Vu les conclusions écrites du Ministère Public en date du 24 janvier 2007.
Sur le premier moyen de cassation tiré de la violation de la loi ou erreur dans l’application ou l’interprétation de la loi notamment de l’article 3 alinéa 2 de la loi n 94-620 du 13 novembre 1994 relative à la tierce-détention en matière de produits agricoles
Attendu que selon les énonciations de l’arrêt attaqué (Abidjan, 1er avril 2004), la Société Ouest Africaine d’Entreprises Maritimes en Côte d’Ivoire dite SOAEM-CI était tiers détenteur de produits agricoles déposés dans ses entrepôts par la Société Ivoirienne d’Exportation et de Transformation de Café, Cacao et de Produits Agricoles et Industriels ou SIDEXCA et destinés à être nantis au profit de certaines banques et notamment de la Banque Internationale pour le Commerce et l’Industrie de la Côte d’Ivoire dite ‘BICICI; que celle-ci, ayant constaté des sorties de produits sans mise en place de paiement à son profit, assignait la SOAEM-CI pour obtenir sa condamnation solidaire avec SIDEXCA au paiement des sommes dues par cette dernière.
Attendu que le pourvoi fait grief à l’arrêt d’avoir retenu la responsabilité de la SOAEM-CI alors que selon le moyen, aux termes de l’article 3 alinéa 2 de la loi n 94-620 du 13 novembre 1994, le tiers détenteur n’est responsable, dans la limite de la valeur déclarée, que de la garde et de la conservation des produits agricoles déposés; qu’ainsi en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel aurait violé ce texte.
Mais Attendu que la loi ne disposant, selon l’article 2 du Code Civil, que pour l’avenir, l’arrêt qui est antérieur à la loi n 94-620 du 13 novembre 1994 visée au moyen n’a pu violer celle-ci; D’où il suit que le moyen n’est pas fondé.
Mais sur le second moyen de cassation tiré du défaut de base légale résultant de l’absence, de l’insuffisance, de l’obscurité ou de la contrariété des motifs
Vu l’article 206.6 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Administrative.
Attendu que pour condamner solidairement la SOAEM-CI au paiement de la dette de SIDEXCA, l’arrêt a retenu qu’en sa qualité de transitaire, tiers détenteur, la SOAEM-CI avait l’obligation non seulement d’informer toutes les banques bénéficiaires du nantissement, de la vente des produits nantis mais aussi et surtout, de déposer aux guichets de chaque banque tous les documents y afférents pour leur permettre de se faire payer sur les produits desdites ventes et qu’en ayant omis de produire lesdits documents aux guichets de la BICICI, alors que les lettres de nantissement délivrées par celle-ci ne la dispensaient pas de cette obligation, elle a commis une faute professionnelle dans ses rapports avec la BICICI, faute qui engage sa responsabilité aux côtés de la SIDEXCA.
Attendu cependant, qu’en retenant ainsi, à la charge de la société SOAEM-CI, une faute professionnelle, pour inexécution d’obligation dont elle se borne à affirmer l’existence, sans en indiquer le fondement, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision; D’où il suit que le moyen est fondé; qu’il y a donc lieu de ‘casser et annuler l’arrêt attaqué mais seulement en ce qui concerne la société SOAEM-CI et d’évoquer conformément aux dispositions de l’article 28 de la loi n 97-243 du25 avril 1997 modifiant et complétant la loi n 94-440 du 16 août 1994 déterminant, la composition et les attributions de la Cour Suprême.
Sur l’évocation
Attendu que le ‘non-paiement de la créance dont le recouvrement est poursuivi par la BICICI n’est pas imputable à la SOAEM-CI, en l’absence de faute prouvée contre elle dans l’exécution de sa mission de tiers détenteur et qui aurait eu pour conséquence la perte de la sûreté accordée à ladite banque; que c’est donc à tort que sa responsabilité est recherchée en vue de sa condamnation solidaire au paiement des sommes dues par la société SIDEXCA à la BICICI; qu’il y a lieu de la mettre hors de cause.
Attendu cependant que l’action initiée contre elle ne présente pas un caractère abusif; qu’ainsi les dommages-intérêts, pour procédure abusive, réclamés ne sont guère justifiés : qu’il y a donc lieu de rejeter comme non fondée la demande introduite par la SOAEM-CI à cette fin.
PAR CES MOTIFS
Casse et annule partiellement l’arrêt n 428 rendu le 1er avril 2004 par la Cour d’Appel d’Abidjan.
Évoquant.
Met hors de cause la Société Ouest Africaine d’Entreprises Maritimes en Côte d’Ivoire dite SOAEM-CI (SAGA).
Déboute SOAEM-CI de sa demande de dommages-intérêts, pour procédure abusive.
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.
Président : M. YAO ASSOMA.
Conseillers : M.KOUAME AUJGUSTIN; M. ADJOUSSOU YOKOUN.
Greffier : Me AHISSI N’PA J-F.