J-09-304
SOCIETE DE FAIT – CONDITIONS D’EXISTENCE – IMMORALITE DES LIENS AFFECTIFS (NON).
Pour exister, la société de fait exige des apports, l’intention des parties de s’associer et leur vocation à participer aux bénéfices et aux pertes. Le caractère immoral des liens affectifs n’est pas une condition d’existence de la société de fait.
Cour Suprême de Côte d’Ivoire, Chambre Judiciaire, arrêt n 426/07 du 12 juillet 2007, BOBECHE Jacqueline (SCPA ADJE-ASSI-METAN) C/MOURAD MOHAMED BEN ABDOULKADER, MOURAD HANNA BEN ABDOULKADER épouse FONAN – MOURAD MALIKAH épouse CONDE – MOURAD ASSANE BEN ABDOULKADER (Me Émile DERVAIN), Actualités juridiques n 59 p. 304.
LA COUR
Vu l’exploit de pourvoi en cassation du 19 septembre 2005.
Vu les conclusions écrites du Ministère Public du 20 février 2007.
Vu les pièces produites.
Sur le premier moyen de cassation tiré de la violation de la loi ou erreur dans l’application ou l’interprétation de la loi, notamment de l’article 1832 du Code Civil
Vu l’article 1832 du Code Civil.
Attendu que ce texte dispose que “La société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commun dans la vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter”.
Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué (Abidjan, 24 juin 2005). que BOBECHE Jacqueline, estimant avoir vécu maritalement avec MOURAD CHEICKABDOIJLKADER, assignait devant le Tribunal d’Abidjan les ayants droit de celui-ci à l’effet de voir liquider la société de fait ayant existé entre son défunt concubin et, elle et de se voir déclarer propriétaire de lia villa qu’elle habitait, objet du 1ot n 15 du Titre Foncier 9359 de la circonscription foncière de Bingerville; que reconventionnellement, les ayants droit de MOURAD sollicitaient son expulsion de la villa qu’elle habitait, sa condamnation au paiement de la somme de 5.50&788 F au fifre de la garantie d’un découvert de 4.OflOE000 F qui 1m avait été accordé par la banque de leur père et la liquidation de la BAICG, société ayant existé entre le de cujus et elle et celle d’un immeuble sis en banlieue parisienne qu’elle a acquis avec le découvert sus indiqué; que par jugement n 720 du 25 juillet 20 08, le “tribunal disait qu’il n’a jamais existé une société de fait entre BOBECHE Jacqueline et MOURAD et qu’immeuble revendiqué n’est pas la propriété de celle-ci, ordonnait la liquidation de la société BAJCG dans laquelle le défunt était associé au même titre que BOBECHE Jacqueline et déboutait les ayants droit de feu MQURAD de leur demande en liquidation de l’Immeuble sis en banlieue parisienne; que la Cour d’Appel d’Abidjan annulait le jugement entrepris, le premier-juge ayant omis de statuer sur une des demandes reconventionnelles; qu’évoquant, elle déboutait BOBECHE Jacqueline de ses demandes, déboutait les ayants droit de feu MOURAD de leur demande en paiement de la somme de 5.308.788 F au titre de la garantie d’un découvert accordé à BOBECHE, ordonnait l’expulsion de celle-ci de l’immeuble objet du Titre Foncier n 9359 de la circonscription foncière de Bingerville et la liquidation de la société BAICG et les déboutait en outre de leur demande en liquidation de l’immeuble sis en banlieue parisienne.
Attendu que pour débouter BOBECHE de sa demande en liquidation de société de fait, la Cour d’Appel a estimé inexistante une telle société en raison du caractère adultérin des relations des parties.
Attendu cependant qu’en statuant ainsi, alors que la société de fait exige l’existence d’apports, l’intention des parties de s’associer et leur vocation à participer aux bénéfices et aux pertes en application de l’article 1832 du Code Civil susvisé, la Cour d’Appel, qui a pris en compte le caractère immoral des liens affectifs des parties, a ajouté audit texte une condition non prévue et par suite l’a violé; qu’il s’ensuit que le moyen est fondé : qu’il convient de casser et annuler l’arrêt attaqué et d’évoquer conformément aux dispositions de l’article 28 nouveau de la loi n 97 – 243 du 25 avril 1997.
Sur l’évocation
Attendu que BOBECHE Jacqueline sollicite la liquidation de la société de fait ayant existé entre son ex-concubin MOURAD et elle et l’attribution à son profit de la villa sise à Cocody Danga, lot n 15 du Titre Foncier n 9359 de la circonscription foncière de Bingerville : que de leur côté, les ayants droit du cujus, à titre reconventionnel, demandent l’expulsion de dame BOBECHE de la villa susvisée qu’elle habite, sise à Cocody Danga, sa condamnation au paiement de la somme de 5 000 000 F au titre de la garantie d’un découvert qui lui avait été accordé par la banque de leur père et la liquidation de la BAICG, société ayant existé entre feu MOURAD et elle et l’attribution d’un immeuble sis en banlieue parisienne qu’elle a acquis avec le découvert sus indiqué.
Mais attendu que la Cour ne dispose pas d’éléments suffisants d’appréciation pour le règlement du présent litige; qu’il convient d’ordonner une mise en état de la procédure aux fins ci-dessous spécifiées
PAR CES MOTIFS
Et sans qu’il y ait lieu d’examiner le second moyen.
Casse et annule l’arrêt n 65 1 du 24 juin 2005 de la Cour d~Appel d’Abidjan.
Évoquant.
Sursoit à statuer.
Avant dire droit, ordonne une mise en état de la procédure à l’effet notamment de :
déterminer les apports de BOBECHE Jacqueline à la société de fait dont elle soutient l’existence.
produire les éléments justificatifs de la propriété de cette dernière relativement à la villa sise à Cocody Danga.
inviter les parties à justifier leurs demandes respectives
procéder à tous actes susceptibles d’éclairer les débats.
Commet à cet effet, le Conseiller-rapporteur.
Renvoie la cause et les parties à l’audience du 13
décembre 2007.
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.
Président : M. ADAM SEKA.
Conseillers : M. GNAGO DACOURY(Rapporteur) : M.VESOTTA.
Greffier : Me N’GUESSAN GERMAIN.