J-09-315
VENTE DE MARCHANDISES – CLAUSE DE RESREVE DE PROPRIETE – OBLIGATION DE L’ACHETEUR DE PAYER LE PRIX NONOBSTANT LA CLAUSE (OUI).
La présence d’une clause de réserve de propriété ne fait pas obstacle à l’obligation de l’acheteur de payer le prix.
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, ARRET N 018/2008 du 24 avril 2008, Dr AMON Arnaud (Me AMON Séverin) c/ DFCI-SA (Me NOMEL – LORNG), Actualités juridiques, n 60-61, p. 427, note anonyme.
LA COUR
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif’ à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique.
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que courant quatrième trimestre de l’année 2002, la DPCI-SA avait vendu et livré au Docteur AMON Arnaud, propriétaire d’une officine de pharmacie sise à Blolequin, divers produits pharmaceutiques; qu’en conséquence de la survenance de la rébellion armée qui s’étendait à la ville de Blolequin,.Docteur AMON n’en avait pu payer le prix et avait signé des reconnaissances de dette; qu’ayant transféré son officine à San Pedro au mois d’août 2004 et établi des relations d’affaires privilégiées avec la société Laborex, concurrente de la DPCI-SA, cette dernière sollicitait et obtenait, sur la base des reconnaissances de dette, la condamnation de Docteur AMON au paiement de la somme de 12.031.177 F.CFA par Ordonnance N 162/04 du Président de la Section du Tribunal de Sassandra rendue le 30 août 2004; que sur opposition, la Section du Tribunal de Sassandra avait, par Jugement N 150/04 du 06 octobre 2004, débouté Docteur AMON de son opposition comme non fondée; que sur appel de celui-ci, la Cour d’appel de Daloa avait, par’ Arrêt N 53/05 du 23 février 2005 dont pourvoi, confirmé en toutes ses dispositions le jugement entrepris.
Sur le moyen unique
Vu l’article 283 de l’Acte Uniforme portant sur le droit commercial général
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la violation des articles 283 et 284 de l’Acte Uniforme susvisé en ce que, pour confirmer le jugement entrepris, la Cour d’Appel de Daloa, sans contester l’application de la clause de réserve de propriété prévue au contrat liant les parties, et selon laquelle “ la marchandise reste la. propriété du vendeur jusqu’au paiement intégral de son prix”, a estimé cependant que le contrat de vente a été formé à la livraison des marchandises conformément à la volonté des parties et ce en application des articles 283 et 284 de l’Acte Uniforme portant sur le droit commercial général alors que, selon le moyen, en l’espèce, il ne s’agissait pas de savoir si le contrat était valablement formé entre les parties, mais plutôt de savoir si les conditions d’application de la clause de réserve de propriété telle que stipulée au contrat permettait de donner effet à la reconnaissance de dette signée par le requérant; qu’en occultant les effets de la clause de réserve de propriété pour ne retenir que la reconnaissance de dette comme titre autonome de la créance poursuivie, la Cour d’Appel de Daloa s’était méprise sur la portée de cette clause et avait violé les articles 283 et 284 de l’Acte Uniforme susvisé, et son ‘arrêt encourt de ce fait cassation.
Attendu qu’aux termes de l’article, 283 de l’Acte Uniforme susvisé “ sauf convention contraire entre les parties, le transfert de propriété s’opère dès la prise de livraison par l’acheteur de la marchandise vendue”.
Attendu qu’il résulte de la convention liant les parties que “ le contrat de vente n’est réputé formé entre les, parties qu’à la livraison de la marchandise par la DPCISA dans les locaux de l’acheteur”; que Docteur AMON Arnaud ne conteste pas avoir reçu les marchandises, signé des reconnaissances de dette et proposé un échéancier de remboursement qu’il n’a pas respecté et dont il n’a payé que 245 000 FCFA; que ces éléments prouvent à suffire que les marchandises ont été livrées, que le contrat de vente est régulièrement formé et que par conséquent la clause de réserve de propriété ne pouvait plus empêcher que lesdites reconnaissances de dette, appuyées par un début de paiement, produisent leur plein et entier effet; qu’en considérant “ qu’il est aisé de dire, sans violer la clause de réserve de propriété qui ne sert en réalité qu’à protéger les droits du créancier qui s’est dessaisi dès marchandises, que le contrat de vente a été formé à la livraison des marchandises conformément à la volonté des parties et ce en application de l’article 283 de l’Acte Uniforme susvisé “, la Cour d’Appel de Daloa ne viole en rien les dispositions sus-énoncées; qu’il suit que le moyen unique de cassation n’est pas fondé et doit être rejeté.
Attendu que Docteur AMON Arnaud ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en ‘avoir délibéré, Rejette le pourvoi formé par’ Docteur AMON Arnaud; Le condamne aux dépens.
Président :M. Jacques M’BOSSO.
Juges : M. Maïnassara MP~IDAGA; M. Biquezil NMVIBAK (Rapporteur).
Greffier : Me ASSJEHUE ACKA.
Note anonyme
La disposition disputée est l’article 283 de 1’AUDCG qui dispose que “sauf convention contraire entre les parties, le transfert de propriété s’opère dès la prise de livraison par l’acheteur de la marchandise vendue “ La volonté contraire des parties se manifeste dans une clause dite de réserve de propriété qui reporte le transfert de propriété au jour du paiement complet du prix.
Quelle interprétation doit on donner à la clause selon laquelle “ le contrat de vente n’est réputé formé entre les parties qu’à la livraison de la marchandise par ta DPCISA dans les locaux de l’acheteur” surtout que le contrat comporte une clause de réserve de propriété selon laquelle “ la marchandise reste la propriété du vendeur jusqu’au paiement intégral de son prix”?
La question est d’autant plus intéressante que le moyen développé par le demandeur au pourvoi y est consacré. Dans l’arrêt de la CCJA, il ressort expressément de ce moyen qu’il “ ne s’agissait pas de savoir si le contrat était valablement formé entre les parties mais plutôt de savoir si les conditions d’application de la clause de réserve de propriété étaient réunies “.Il semble que le demandeur au pourvoi agitait cette clause de réserve de propriété pour se soustraire à son obligation de paiement (le transfert de propriété n’ayant pas eu lieu du fait de la clause de réserve de propriété, il ne pouvait lui être demandé de payer le prix des marchandises). La Haute Cour a perçu à juste titre le caractère spécieux de cette argumentation. En effet, l’effet de la clause de réserve de propriété n’est pas de geler les obligations de l’acheteur qui consistent dans le paiement du prix dès lors que le contrat de venté est régulièrement formé. Stipulée au bénéfice du créancier (du vendeur), elle constitue pour lui une garantie pour le paiement du prix de la marchandise vendue. Il s’imposait pour contraindre l’acheteur à l’exécution de son obligation en l’espèce, de seulement vérifier si le contrat de vente était effectivement formé. Et en s’appuyant sur la convention même des parties, la Haute Cour relève que ces marchandises ont été livrées dans les locaux de l’acheteur, qu’elles ont fait l’objet d’une reconnaissance de dette et un début de paiement a eu lieu. L’acheteur se devait donc d’en payer le prix nonobstant l’existence d’une clause de réserve de propriété dont le but, et il est bon de le rappeler, n’est pas de dégager l’acheter de son obligation de payer le prix de la marchandise livrée.