J-09-318
DROIT DE RETENTION – REQUISITION DU CONTENEUR DETENU PAR LE TRANSPORTEUR – MAINLEVEE DE LA REQUISITION – RETOUR DU CONTENEUR AU TRANSPORTEUR – TRANSPORTEUR RDEVENU DETENTEUR – POSSIBILITE POUR LE TRANSPORTEUR D’EXERCER UN DROIT DE RETENTION.
RELATIONS D’AFFAIRES ENTRE LE DEBITEUR ET LE CREANCIER – RETENTION EXERCEE POUR D’AUTRES CREANCES QUE CELLE AYANT INITIALEMENT JUSTIFIE LA RETENTION – RETENTION JUSTIFIEE (OUI).
Le créancier rétenteur dépouillé de la détention d’un conteneur par une réquisition des douanes puis remis en détention dudit conteneur après mainlevée de la réquisition doit être considéré comme un détenteur-rétenteur si sa créance demeure impayée.
Les relations d’affaires entre le créancier rétenteur et son débiteur font présumer un lien de connexité entre le conteneur et une nouvelle créance.
Article 41 AUS
Article 42 AUS
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA), ARRET N’006//2008 du 28février 2008, ENVOL-TRANSIT C-I SARL (Me NOMEL – LORNG) c/ SDV-CI (Me Agnès OUANGUI); Société IED Administration des Douanes (Me Philippe KOUDOU-GBATE), Actualités juridiques n 60-61, p. 435, note anonyme. Voir J-09-29.
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique.
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que la société ENVOL-TRANSIT avait reçu de l’Établissement IED l’ordre d’effectuer à quai les formalités douanières de mise à la consommation des marchandises qu’il avait commandées’ et qui lui étaient expédiées par conteneur sur un navire de la SDV-CI que ledit conteneur, qui était resté à quai plus longtemps que permis, avait été réquisitionné par la douane ivoirienne’ et transféré par celle-ci à son dépôt n 1; qu’après accomplissement des formalités et paiement de tous les droits et taxes douaniers par la société ENVOL-TRANSIT, mainlevée de la réquisition douanière avait été donnée et le conteneur était ramené à quai sur le parc de la SDV-CI en sa qualité d’acconier manutentionnaire; que relativement à la SDV-Cl, la société ENVOL-TRANSIT avait réglé la totalité des frais d’acconage et de manutention; que voulant enlever par la suite ledit conteneur, ENVOL-TRANSIT s’était vue opposer le refus par la SDV-CI qui déclarait exercer son droit de rétention sur le conteneur pour garantir le paiement d’une précédente créance de 20.319.485 FCFA due par l’établissement IED; que considérant pour sa part que cette rétention était illégale, la société ENVOL-TRANSIT avait saisi la juridiction présidentielle du Tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau aux fins de contraindre la SDV-CI à livrer le conteneur litigieux; que par Ordonnance n 688 du 06 mai 2005, ladite juridiction présidentielle avait accédé à la requête de ENVOL-TRANSIT en déclarant celle-ci, “fondée en son action” et en ordonnant “qu’elle prenne possession du conteneur litigieux”; que par exploit du 27 mai 2005 de maître N’Guessan HYKPO Lydia, huissier de justice à Abidjan, la SDV-CI avait interjeté appel de ladite ordonnance; que statuant sur l’appel ainsi relevé, la Cour d’Appel d’Abidjan avait Infirmé l’ordonnance querellée en rendant l’Arrêt n 689 du 28juin 2005 dont pourvoi.
Sur le moyen unique pris en sa première branche
Vu l’artic1e 41 de l’Acte Uniforme portant organisation des sûretés
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé ou commis une erreur dans l’application ou l’interprétation de l’article 41 de l’Acte Uniforme susvisé en ce. que “ l’arrêt déféré a cru devoir retenir que la SDV-CI est créancière des Établissements IBD de la somme de plus de 20.319.400 F CFA et qu’elle est détentrice légitime du conteneur litigieux dont elle a assuré le transport et l’acconage” et en a conclu “qu’en soutenant qu’elle exerce un droit de rétention sur ledit conteneur, la société SDV-CI a agi en conformité de l’article 41 de l’Acte Uniforme portant sûretés; [qu’ une telle attitude est parfaitement légale en raison de ce qu’entre la SDV-CI et la société IED, il résulte des relations d’affaires dont la créance est la conséquence
alors que, selon cette première branche du moyen unique, la réquisition douanière a plutôt définitivement et légitimement dépossédé sans qu’au surplus la SDVCI ait pu y résister en invoquant son prétendu droit de rétention ou une quelconque créance en sa faveur née dudit conteneur; qu’au contraire, ENVOL-TRANSIT, pour avoir été la seule à lever la déclaration de cette Importation, à régler dans les délais tous les droits et taxes de douane entre les mains de Monsieur le Receveur des douanes, lequel lui a délivré une mainlevée le 30 mars 2005, devient juridiquement le détenteur légitime du conteneur par l’effet induit de la subrogation aux droits, actions et privilèges de la douane; qu’il était donc inexact, comme l’a fait l’arrêt déféré, d’affirmer que la SDV-CI détenait légitimement le conteneur; qu’en le disant, ledit arrêt a violé l’article 41 et mérite donc l’annulation de ce chef.
Attendu qu’aux termes de l’article ‘41 de l’Acte uniforme susvisé, “le créancier qui détient légitimement un bien du débiteur peut le retenir jusqu’à complet paiement de ce qui lui est dû indépendamment de toute autre sûreté”
Attendu, en l’espèce, que la société ENVOL-TRANSIT a reçu mandat de la société IED pour effectuer les formalités de dédouanement du conteneur litigieux
qu’elle ne conteste pas que ledit conteneur, qui avait été entreposé au dépôt n 1 de la douane ivoirienne suite à la réquisition douanière du 1er mars 2005, avait été ramené après la mainlevée en date du 30 mars 2005 de ladite réquisition dans le parc à conteneurs de la SDVCI qui en a assuré l’acconage et la manutention; qu’il est établi, par ailleurs, au regard des pièces du dossier de la procédure que des relations d’affaires existant entre la SDV-CI et la société IED, il en a résulté au profit de celle-là une créance antérieure de plus de 20.319.400 F CFA attestée par un titre exécutoire et non encore réglée par celle-ci; qu’il suit qu’en considérant, pour rendre son arrêt attaqué, “qu’il est acquis au dossier que la société SDV-CI est également créancière de la même société IED destinataire dudit conteneur de la somme de plus de 20.319.400 F’ CFA comme l’atteste l’Ordonnance de condamnation n 1733/2005 du 31 mai 2005 et qu’elle [la SDV-CIj est détentrice légitime du conteneur litigieux appartenant à la débitrice la société IED dont elle a assuré le transport et l’acconage du colis “, la Cour d’Appel d’Abidjan n’a en rien violé l’article 41 sus énoncé de l’Acte Uniforme susvisé; qu’il échet en conséquence de rejeter cette première branche du moyen unique comme non fondée.
Sur le moyen unique pris en sa seconde branche
Vu l’article 42 de l’Acte Uniforme portant organisation des sûretés.
Attendu qu’il est également fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé ou commis une erreur dans l’application ou l’interprétation de l’article 42 de l’Acte Uniforme susvisé en ce que “ en ne déclarant pas l’appel de la SDV-CI sans objet et en le déclarant fondé en application de l’article 42 de l’Acte Uniforme relatif aux sûretés, l’arrêt déféré viole doublement ledit article parce qu’il n’existait plus la moindre créance connexe au profit de la SDV-CI; (..) qu’en effet, l’accusé de réception du chèque de 4.461.774 F CFA par SDV-CI indique clairement : Reçu le 24/05/05 chèque original pour règlement définitif IED/ENVOL-TRANSIT. Procédure de livraison en cours conformément à l’ordonnance du 06/05/05; que cela s’appelle un acquiescement à l’ordonnance rendue par le premier juge et qu’en conséquence, l’appel de la SDVCI relevé de cette ordonnance le 27/05/05 soit 03 jours après cet acquiescement est visiblement sans objet”.
Attendu qu’aux termes de l’article 42 alinéa 2 de l’Acte Uniforme susvisé, “la connexité est réputée établie si la détention de la chose et la créance sont la conséquence de relations d’affaires entre le créancier et le débiteur”.
l’examen des pièces du dossier de la procédure que la créance réclamée par la SDV-CI à la société’ IED est la conséquence des relations d’affaires entretenues. par les deux sociétés; que dès lors, la SDV – CI est fondée à exercer son droit de rétention sur le conteneur destiné à sa débitrice jusqu’à complet paiement par celle-ci de sa dette; qu’il suit qu’en déclarant que la SDV-Cl est détentrice légitime du conteneur litigieux appartenant à sa débitrice, à savoir la société IED, l’arrêt attaqué ne viole en rien l’article 42; alinéa 2 sussénoncé de l’Acte Uniforme susvisé; qu’ainsi la seconde branche du moyen unique n’est pas davantage fondée et doit être rejetée.
Attendu que la société ENVOL-TRANSIT COTE D’IVOIRE ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré.
Rejette le pourvoi formé par la société ENVOL-TRANSIT COTE D’IVOIRE.
La condamne aux dépens.
Président :M. Antoine Joachim OLIVIERA
Juges : M. Maïnassara MAIDAGI
M. Biquezil NAMBAK.
Greffier : Me ASSIEHUE Acka
Note anonyme
L’article 41 de l’Acte uniforme sur les sûretés (AUS) prévoit le droit de rétention.
L’exercice de ce droit de rétention est subordonné à certaines conditions notamment à l’existence d’un lien de connexité entre la naissance de la créance et la chose retenue. Cette connexité est réputée légalement établie si la détention de la chose et la créance sont la conséquence des relations d’affaires entre le créancier et le débiteur (article 42 AUS).
Ces relations d’affaires, c’est connu, peuvent consister en un ensemble d’opérations juridiques très différentes les unes des autres (vente à crédit, prestations de service, conseils..). En l’espèce, la créance dont se prévaut le SDV-CI pour exercer son droit de rétention résulte, selon la CCJA, de relations d’affaires avec la société IED, la première assurant l’acconage et la manutention de conteneurs appartenant à la seconde. La présomption de connexité établie par l’article 42 de l’AUS est une présomption simple. La société IED était donc en droit d’en rapporter la preuve contraire. Elle a avancé le fait que la SDV n’avait plus de créance connexe parce que lui ayant délivré un accusé de réception d’un chèque pour règlement définitif Il est permis de se demander s’il fallait mettre en avant l’absence de connexité de la créance ou, comme semble le suggérer le moyen lui-même, l’extinction de la créance ? L’argument tiré de l’absence de connexité ne pouvait à l’évidence pas prospérer, les deux sociétés étant en relations d’affaires.