J-09-322
PROCEDURES SIMPLIFIEES DE RECOUVREMENT ET VOIES D’EXECUTION – SAISIE ATTRIBUTION – DOMICILIATION IRREVOCABLE – TITRE EXECUTOIRE – MAINLEVEE.
Une somme d’argent versée par le débiteur pour faire l’objet d’une domiciliation bancaire irrévocable au profit dudit banquier ne peut faire l’objet d’une saisie attribution même si le créancier saisissant dispose d’un titre exécutoire.
Cour d’Appel de Niamey, Arrêt n 110 du 05 novembre 2003. Affaire : Société Nigérienne de Banques (SONIBANK) c/ Office des Produits Vivriers du Niger (OPVN).
LA COUR
EN LA FORME
Attendu que par exploits respectivement datés du 3 et 8 juillet 2003, la SONIBANK et Elh Nassirou Ambouka ont interjeté appel contre l’ordonnance de référé rendue le 02/07/2003 par le vice Président du Tribunal Régional de Niamey.
Attendu que les dits appels sont intervenus dans les formes et délais prescrits par la loi. Qu’il y a lieu de les déclarer recevables.
AU FOND
Sur la régularité de l’ordonnance attaquée
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure et des débats à l’audience que le 12/12/2002, ELH NASSIROU AMBOUKA sollicitait de la SONIBANK une avance sur le marché à hauteur de 130 000 000 FCFA pour achat et livraison de 1000 tonnes de mil au profit de l’OPVN.
Attendu que SONIBANK marquait son accord mais à condition de bénéficier d’une domiciliation irrévocable de règlement à ELH NASSIROU AMBOUKA par la Cellule des Crises Alimentaires. Que ladite domiciliation étant intervenue le 30/12/2002, cette dernière attribuait le marché n 10/FSA/2002/SN à ELH NASSIROU qui livrait les 1000 tonnes les 23 janvier et 21/04/2003 comme convenu.
Mais attendu que l’OPVN, qui était muni d’un titre exécutoire relatif à un autre marché que n’avait pas honoré ELH NASSIROU AMBOUKA pratiquait entre les mains de la Cellule des Crises Alimentaires une saisie attribution des « avoirs » de ce dernier.
Attendu qu’informée de ladite saisie qu’elle estime irrégulière, la SONIBANK saisissait le juge des référés du Tribunal Régional de Niamey pour en demander mainlevée. Que celui-ci déclarait sa requête et celle de ELH NASSIROU AMBOUKA irrecevables suivant l’ordonnance n 156 en date du 02/07/2003 dont appel.
Attendu que pour déclarer la requête de la SONIBANK et celle de ELH NASSIROU AMBOUKA irrecevable, le 1er juge a écrit que la saisie attribution a été faite entre les mains de la SONIBANK le 12/05/2003, « que la dénonciation au débiteur saisi été faite le 19/05/2003… »
Mais attendu en réalité que la saisie a été pratiquée entre les mains de la Cellule des Crises Alimentaires comme l’atteste la lettre n 0510/Cab/PM/CCA en date du 19/06/2003 du Directeur de Cabinet du Premier Ministre au Directeur Général de la SONIBANK.
Attendu qu’en présentant les faits comme il l’a fait, le 1er juge les a dénaturés.
Attendu par ailleurs que l’ordonnance attaquée n’est pas suffisamment motivée.
Attendu qu’il est de jurisprudence constante que la dénaturation des faits et l’insuffisance des motifs constituent une violation de la loi dont la conséquence est l’annulation de la décision de justice de laquelle ils résultent.
Sur la mainlevée des saisies
Attendu qu’aux termes de l’article 153 de l’Acte Uniforme de PRSVE « tout créancier, muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour obtenir paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent »
Attendu en l’espèce qu’il n’est pas contesté qu’ELH NASSIROU AMBOUKA doit la somme de 98.048.562 FCFA à l’OPVN. Que suite au marché qu’il a signé avec la CELLULE DES CRISES ALIMENTAIRES, une somme de 140.260.200 FCFA doit être virée dans son compte logé à la SONIBANK.
Mais attendu que celle-ci qui a permis la signature dudit marché a pris la précaution de se faire octroyer une domiciliation irrévocable pour être seule et unique propriétaire de la somme qui sera virée par la CELLULE DES CRISES ALIMENTAIRES au profit de ELH NASSIROU AMBOUKA.
Attendu qu’aux termes de l’article 1134 du Code Civil, « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les cause que la loi autorise… » Qu’il ressort de la convention signée entre SONIBANK et ELH NASSIROU AMBOUKA à savoir la domiciliation irrévocable, que la somme qui sera virée par la CELLULE DES CRISES ALIMENTAIRES dans le compte SONIBANK de celui-ci devient la propriété exclusive de la SONIBANK. Qu’il ne s’agit pas d’une simple opération bancaire comme le soutien le conseil de l’OPVN. Qu’en plus, c’est par ce qu’elle savait que la somme de 140.260.200 FCFA est devenue la propriété de la SONIBANK que la CELLULE DES CRISES ALIMENTAIRES a informé celle-ci et non ELH NASSIROU AMBOUKA de la saisie qui a été pratiquée entre ses mains.
Attendu par ailleurs qu’ELH NASSIROU AMBOUKA a lui-même déclaré à l’audience que la somme saisie n’est plus sa propriété.
Attendu par voie de conséquence il y a lieu de déclarer illégale la saisie pratiquée entre les mains de la CELLULE DES CRISES ALIMENTAIRES et d’en ordonner mainlevée.
Sur le délai de grâce
Attendu que ELH NASSIROU AMBOUKA sollicite de la Cour qu’il lui soit accordé un délai de grâce pour payer la créance de l’OPVN.
Mais attendu qu’il ne rapporte aucun élément de preuve attestant de son insolvabilité.
Qu’il y a lieu de rejeter sa demande comme étant non fondée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement en matière de référé et en dernier ressort.
Reçoit les appels de la SONIBANK et de ELH NASSIROU AMBOUKA réguliers en la forme.
Annule l’ordonnance N 156 du 02/07/2003 pour violation de la loi.
Évoque et statue à nouveau.
Reçoit la SONIBANK en sa demande.
Ordonne mainlevée de la saisie pratiquée sur la somme de 140.260.200 FCFA entre les mains de la CELLULE DES CRISES ALIMENTAIRES.
Reçoit ELH NASSIROU AMBOUKA en sa demande de délai de grâce.
Au fond la rejette.
Condamne l’OPVN et ELH NASSIROU AMBOUKA aux dépens.
Ainsi fait et jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel de Niamey, les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé; le Président et le Greffier.