J-09-326
PROCEDURES COLLECTIVES D’APUREMENT DU PASSIF – LIQUIDATION DES BIENS – DEMANDE DE RETRACTATION – REPARTITION DES DENIERS ENTRE CREANCIERS – FIXATION DE LA QUOTITE – JUGE COMMISSAIRE – SYNDIC.
Il ressort des dispositions de l’article 164 de l’AUPCAP que « le juge commissaire ordonne, s’il y a lieu, une répartition des deniers entre les créanciers, en fixe la quotité et veille à ce que tous les créanciers en soient avertis. Cette répartition doit respecter l’ordre prévu par l’article 166 du même Acte uniforme. Si tel n’est pas le cas, la décision de répartition doit être rétractée.
Article 164 AUPCAP ET SUIVANTS
Article 165 AUPCAP
Article 166 AUPCAP
Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, Jugement commercial N 136 du 11 Mars 2005. Affaire : Société Nationale de Recouvrement dite SNR c/ la SONADIS.
Attendu que par acte reçu au Greffe du Tribunal de céans le 15 juin 2005, la Société Nationale de Recouvrement dite SNR, venant aux droits et obligations de l’ex-BNDS, a formé opposition contre l’ordonnance de répartition n 369/2004 du 11 mars 2004 par le Juge Mactar Ndiaye, Juge Commissaire de la liquidation des biens de la SONADIS.
Que par conclusions du 22 juillet 2004, les sociétés SAGA SENEGAL, COLGATE PALMOLIVE, MABI S.A et TOTAL SENEGAL sont intervenues volontairement dans la procédure.
EN LA FORME
Attendu que tant l’opposition que les interventions volontaires ont été faites dans les formes et délais légaux, qu’il échet de les déclarer recevables.
AU FOND
Attendu que par conclusions en date du 22 juillet 2004, la SNR a sollicité la rétractation de l’ordonnance n 369/2004 portant homologation du plan de répartition de partage pour violation des dispositions des articles 164 et suivant de l’acte uniforme sur les procédures collectives d’apurement du passif.
Qu’au soutien de cette demande, la SNR a fait observer qu’elle était créancière de la SONADIS de la somme de 56.265.433 francs CFA et que lorsque le syndic de la liquidation de la SONADIS a été autorisé, suivant ordonnance n 760 du 31 mai 2002, à procéder à la vente de gré à gré de l’actif de la Société notamment sur les titres fonciers n 3747/DG et 1355/DG, elle a perçu la somme de 50 000 000 francs CFA à titre d’acompte sur sa créance et le reliquat était de 6.265.433 francs CFA.
Qu’elle précise que par ordonnance n 1494 le syndic a été autorisé à céder de gré à gré le TF n 12123/DG de la SONADIS et l’immeuble a ainsi été vendu à 35 000 000 francs et que suite à cela le syndic de la liquidation de la SONADIS a dressé un plan de répartition qui a été homologué par le Juge Commissaire.
Que selon la SNR, le syndic a fixé au titre de ses honoraires, charges et frais la somme de 8.500 000 francs dont 7.500 000 francs et 1 000 000 francs à titre de frais et charges.
Qu’elle expose qu’aux termes de l’article 164 de l’acte uniforme sur les procédures collectives d’apurement du passif, c’est le Juge qui ordonne la répartition de deniers entre les créanciers en fixe la quotité et veille à ce que les créanciers en soient avertis.
Que tel n’a pas été le cas précise-t-elle, puisqu’elle n’a été informée de la fixation de la quotité à partager et que le syndic n’a pas signifié le plan de répartition aux créanciers.
Qu’elle ajoute que le syndic a prélevé des honoraires de 7.500 000 francs sans en fournir la base de taxation et que pour ce qui est des frais et charges de 1 000 000 francs, ladite somme doit être justifiée par des éléments probants et communiquée aux créanciers inscrits.
Attendu que par conclusions du 10 septembre 2004, le sieur Djibril WAR, syndic de la liquidation de la SONADIS, a, par l’intermédiaire de son conseil, sollicité le déboute de la SNR ainsi que des intervenantes qui du fait de leur rang, ne peuvent venir au partage.
Qu’il estime en outre que la SNR qui avait fait une surenchère de 40 000 000 francs sur le TF 12123/DG, ne peut lui reprocher de n’avoir pas été informée de la fixation de la quotité de la masse à partager; qu’en effet selon lui c’est suite au désistement de la SNR que le TF a été adjugé à Awa CISSE pour 35 000 000 francs CFA.
Qu’au surplus le syndic fait remarquer que la SNR a reçu conformément à l’article 164 de l’AUPC notification du plan de répartition par l’intermédiaire de ses conseils et que c’est par courrier en réponse qu’elle lui a fait savoir qu’elle entendait faire opposition.
Que selon lui donc ce moyen doit être rejeté; que pour ce qui est des frais charges et honoraires le syndic soutient que ni leur importance, ni leur existence ne peuvent être niées puisqu’ils ont été prélevés conformément à l’article 165 in fine de l’AUPC.
Qu’en ce qui concerne les intervenants volontaires le syndic précise qu’ils ne peuvent venir à la répartition parce qu’ils sont créanciers de second rang, et que conformément à l’article 166 AUPC, ce sont les créanciers de premier rang qui sont désintéressés au premier et comme la quotité à répartir était insuffisante, pour désintéresser les créanciers de premier rang, les autres ne peuvent ainsi venir au partage.
Attendu que dans leurs différentes écritures les intervenants volontaires : les sociétés SAGA Sénégal, Colgate Palmolive, Total Sénégal et MABI- SA sollicitent l’annulation de l’ordonnance n 369/2004 du 11 mars 2004 et la reprise de la répartition de manière contradictoire devant le juge commissaire.
Qu’elles exposent qu’aux termes de l’article 165 de l’AUPC les frais et dépens de la liquidation sont prélevés sur l’actif en proportion de la valeur de chaque élément d’actif par rapport à l’ensemble.
Qu’elles en déduisent ainsi qu’il faut tenir compte des honoraires perçus par le syndic lors de la première répartition et lors de celle-ci le syndic a reçu près de 50 000 000 francs; qu’ainsi selon elle le syndic ne peut s’adjuger 8.500 000 francs à titre d’honoraires et frais sans qu’il soit tenu compte des sommes qu’il a déjà perçue lors de la première répartition.
Qu’en outre les intervenantes font prévaloir que les montants prélevés par le syndic ne sont nullement justifiés.
Que s’agissant de leur vocation à venir à la répartition elles précisent que l’article 166 de l’AUPC indique dans l’ordre, les créanciers susceptibles de participer à la répartition des deniers provenant de la réalisation d’immeuble en cas de liquidation des biens; qu’elles même sont susceptibles de participer à la répartition alors surtout qu’elles bénéficient d’une hypothèque inscrite sur l’immeuble.
Qu’elles indiquent que la répartition est en fonction du pourcentage que représente chaque créance par rapport à l’ensemble appliqué au produit de la vente.
Attendu que par conclusions en réplique du 24 février 2005 le syndic de la liquidation de la SONADIS a fait observer qu’après la vente du TF 12123/DG il a adressé un plan de répartition du produit de la vente qui a été homologué par le juge commissaire.
Qu’il soutient que toutes les notifications prescrites par la loi ont été effectuées.
Que pour ce qui est de la répartition, le syndic précise que si l’Acte Uniforme sur les Procédures Collectives ne lui interdit pas de recouvrir à une répartition consensuelle, il ne lui fait pas obligation d’y recouvrir; que si lors de la première répartition un consensus a été obtenu c’est parce que les créanciers de premier rang avaient accepté un abandon de créance mais aussi la somme à distribuer était plus importante; qu’il estime que pour cette répartition non seulement la somme à distraire n’est pas importante mais les créanciers de premier rang n’avaient fait aucune concession, ce qui l’a obligé à effectuer la répartition conformément à la loi.
Que pour ce qui est des créanciers devant venir à la répartition le syndic expose que l’article 166 prévoit l’ordre de distribution et il ressort de ce texte que ce sont les créanciers de premier rang qui sont désintéressés en premier; qu’il fait valoir que la somme à distribuer étant insuffisante, les intervenants volontaires, qui ne contestent pas qu’elles sont créanciers de second rang et même chirographaires pour d’autres, ne peuvent venir à la répartition.
Que pour ce qui est de ses honoraires le syndic estime que l’examen de l’ordonnance de taxation d’honoraires produit montre que tout a été fait dans les formes requises; et que selon lui la proportionnalité invoquée outre la somme perçue lors de la première répartition et celle-ci ne peut prospérer, puisque précise-t-il dans la première répartition il y a eu abandon de créance alors que lors de la seconde répartition la loi a été appliquée dans toute sa rigueur avec une distribution au marc le franc.
SUR CE
Attendu qu’aux termes de l’article 164 de l’AUPC « le juge commissaire ordonne, s’il y a lieu, une répartition des deniers entre les créanciers, en fixe la quotité et veille à ce que tous les créanciers en soient avertis ».
Qu’en l’espèce s’agissant de deniers provenant de la réalisation de biens immeubles c’est l’ordre prévu par l’article 166 du même acte uniforme qui doit recevoir application.
Que l’examen de l’ordonnance n 369/2004 du 11 mars 2004 du juge commissaire de la liquidation de la SONADIS montre que ce dernier a homologué la répartition dressée par le syndic de cette liquidation; ce qui n’est pas conforme à la loi.
Que s’agissant de l’avertissement qui doit être fait à tous les créanciers sur les sommes à répartir et la quotité de répartition il ne résulte pas des pièces du dossier que les créanciers ont été avisés.
Que l’argument du syndic selon lequel la SNR était au courant de la somme à répartir puisqu’elle avait même surenchéri ne saurait prospérer; qu’en effet il ne s’agit pas uniquement d’informer les créanciers sur les péripéties de la procédure de vente de l’immeuble mais bien de les informer sur la répartition des deniers ainsi que la quotité qui a été fixée par le juge.
Que pour ce qui est de la répartition elle-même il y a lieu de relever que si tous les créanciers sont susceptibles de venir concourir, il n’en demeure pas moins que l’ordre fixé par l’article 166 de l’AUPC doit être respecté.
Que si le respect de cet ordre ne se pose pas il résulte de la répartition faite par le syndic et homologuée par le juge commissaire que le produit à répartir était de 35 000 000 francs.
Que ce sont les frais de justice qui doivent être prélevés en premier; mais qu’au sens de l’article 165 in fine de l’AUPC « les frais et dépens de la liquidation des biens, dont les honoraires du syndic sont prélevés sur l’actif en proportion de la valeur de chaque élément d’actif par rapport à l’ensemble ».
Que le montant total de ces frais et honoraires a été fixé par le syndic à 8.500 000 franc; dont 7.500 000 francs à titre d’honoraires et 1 000 000 à titre de frais.
Que s’il est vrai que ce montant a fait l’objet d’une taxation par ordonnance du juge commissaire n 1572/2003 du 2 décembre 2003; il n’en demeure pas moins qu’il est excessif et que surtout l’article 165 in fine de l’AUPC a été violé.
Qu’en effet le syndic ne conteste pas qu’il y a eu une première répartition qui est intervenue; que même si elle était effectuée de manière amiable il résulte clairement du texte précité que toute nouvelle taxation des honoraires et frais du syndic doit être faite en proportion de la valeur de chaque élément d’actif par rapport à l’ensemble.
Que le montant des honoraires est excessif puisque aucun justificatif n’a été rapporté par rapport aux diligences effectuées et que le montant de la TVA de 3.000 000 francs l’est d’autant plus que le pourcentage de 18% légalement prévu a été excédé.
Qu’au surplus les frais d’un montant de 1 000 000 francs ne sont pas dus puisque les pièces justificatives produites par le syndic représentent des frais pour un montant de 234.820 francs.
Qu’ainsi lorsque le montant des honoraires du syndic sera revu à la baisse, la quotité des créanciers sera plus importante et même d’autres créanciers pourront venir à la répartition.
Qu’au regard de tous ces éléments il y a lieu de rétracter l’ordonnance de répartition n 369/2004 du 11 mars 2004 du juge commissaire de la liquidation de la SONADIS ainsi que celle n 1572/2003 du 2 décembre 2003 qui a été prise en compte dans l’ordonnance de répartition.
Qu’il échet également de renvoyer devant le juge commissaire pour une nouvelle répartition conformément aux articles 164, 165 et 166 de l’Acte Uniforme sur les Procédures Collectives d’apurement du passif.
Attendu qu’il y a urgence que l’exécution provisoire soit ordonnée en raison de la nature commerciale du litige et surtout du caractère urgent attaché aux procédures collectives; qu’il échet d’ordonner l’exécution provisoire.
Attendu que s’agissant d’une procédure de liquidation, il y a lieu de mettre les dépens en frais privilégiés.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort.
EN LA FORME
Déclare tant l’action principale que les interventions volontaires recevables.
AU FOND
Rétracte l’ordonnance de répartition n 369/2004 du 11 mars 2004 du juge commissaire de la liquidation des biens de la SONADIS ainsi que celle n 1572/2003 portant taxation des honoraires du syndic.
Renvoie devant le juge commissaire pour une nouvelle répartition.
Ordonne l’exécution provisoire.
Met les dépens en frais privilégiés.
Ainsi fait jugé et prononcé les, jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.