J-09-329
PROCEDURES COLLECTIVES D’APUREMENT DU PASSIF – LIQUIDATION DES BIENS – CONDITIONS DE REPARTITIONS DE DENIERS – DELAIS D’OPPOSITION – JUGE COMMISSAIRE.
Le juge commissaire doit procéder à la répartition des deniers tout en tenant compte de la provenance de chaque denier conformément aux articles 162, 166 et 167 de l’AUPCAP. Ainsi, si la répartition est faite en violation de ces dispositions, une nouvelle répartition doit être ordonnée.
L’opposition formulée contre une décision du juge commissaire doit être rejetée si elle n’est pas intervenue dans un délai de 8 jours à compter de la date de notification de celle ci.
Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, Audience N 38 du 11 Juillet 2003. Affaire : Société Sénégalaise des Eaux (SDE), Société FERMON LABO, Société EAGLE SECURITE, Compagnie Sucrière Sénégalaise (CSS) et Édouard GAKOSSO c/ Idrissa NIANG.
Attendu que par actes en date des 28 et 30 novembre 2001, la Société Sénégalaise des Eaux dite SDE, la Société FERMON LABO, la Société EAGLE SECURITE, la Compagnie Sucrière Sénégalaise dite CSS et le sieur Édouard GAKOSSO représenté par l’Agence Immobilière Pierre HORTALA SA ont formé opposition contre l’ordonnance N 1447/2001 rendu le 15 novembre 2001 par Monsieur Cheikh Tidiane LAM juge commissaire de la liquidation des biens des Nouvelles Brasseries Africaine dite NBA.
Que par autres actes du 30 novembre 2001, la Société EAGLE SECURITE, la Société FERMON LABO, la CSS et le sieur Édouard GAKOSSO représenté par l’Agence Pierre HORTALA SA ont formé opposition contre l’ordonnance de taxe N 526/2001 rendue par le juge commissaire de la liquidation des biens des NBA.
Attendu que pour une bonne administration de la justice, les deux procédures ont été jointes par le juge chargé de la mise en état à l’audience du 11 avril 2003.
EN LA FORME
Sur l’irrecevabilité de l’opposition C/ l’ordonnance N 1447/01
Attendu que par écritures du 24 avril 2002, le syndic Idrissa NIANG a soulevé in limine litis l’irrecevabilité des oppositions de la société FERMON LABO, de la CSS, de EAGLE SECURITE et du sieur Édouard GAKOSSO motif pris de ce que l’article 40 alinéa 2 et 3 de AUPCAP prévoit un délai de 8 jours pour l’opposition c/ les décisions du juge commissaire alors qu’en l’espèce les demandeurs qui ont reçu notification de l’ordonnance de répartition par exploit du 19 novembre 2001 n’ont formé opposition que le 30 novembre 2001 soit 10 jours après au lieu de 8 jours francs édictés; qu’ils sont de ce fait forclos.
Attendu que dans leurs différentes écritures, les demandeurs ont conclu au rejet de l’exception au motif que l’article 40 invoqué par le syndic ne s’applique pas en l’espèce car il concerne plutôt les décisions du juge commissaire faisant suite à la production des créances, à leur acceptation ou à leur rejet.
Qu’ils poursuivent en faisant valoir que pour ce qui est de la réalisation de l’actif de la liquidation, ce sont les articles 146 à 169 de l’AUPCAP qui s’appliquent.
Qu’en outre, il font observer que même si l’article 40 précité est applicable en l’espèce aucune sanction n’est prévue si l’opposition est faite au delà des 8 jours d’autant plus que la signification de l’ordonnance N 1447/2001 n’a pas été faite à domicile réel mais à domicile élu alors qu’il est de jurisprudence constante qu’une notification n’est valable que si elle est faite au domicile de la personne visée.
Attendu qu’aux termes de l’article 40 de l’AUPCAP « le juge commissaire statue sur les demandes, contestations et revendications relevant de sa compétence dans le délai de 8 jours à partir de sa saisine…Les décisions du juge commissaire sont immédiatement déposées au greffe et notifiées par les soins du greffier, par lettre recommandée au tout moyen laissant trace écrite à toutes personnes à qui elles sont susceptibles de faire grief; elles peuvent être frappées d’opposition par simple déclaration au greffe dans les 8 jours de leur dépôt ou de leur notification ou suivant le délai prévu à l’alinéa premier du présent ARTICLE ».
Qu’ainsi libellé l’article 40 réglemente l’opposition comme voie de recours par excellence de toutes décisions relevant de la compétence du juge commissaire et au cas où un texte spécial ne régisse l’opposition pour une étape spécifique de la liquidation.
Qu’il n’est pas discuté en l’espèce que le juge commissaire a compétence pour procéder à la répartition des deniers provenant de la liquidation
Que l’ordonnance de répartition N 1447/2001 rendue le 15 novembre 2001 a été notifiée aux demandeurs par exploit du 19 novembre 2001.
Qu’ainsi en application de l’article 40 précité ils disposaient d’un délai de 8 jours francs pour faire opposition soit au plus tard le 29 novembre 2001.
Qu’en formant opposition le 30 novembre 2001 ils l’ont fait hors délai et celle-ci étant une voie de recours son introduction hors délai la rend irrecevable.
Qu’il échet en conséquence de déclarer l’opposition des sociétés FREMON LABO, de la CSS, de EAGLE SECURITE et du sieur GAKOSSO irrecevable.
Sur l’irrecevabilité de l’opposition contre l’ordonnance de taxe N 526/2001
Attendu que par conclusions des 22 mars et 17 juin 2002 le syndic Idrissa NIANG a également soulevé in limine litis l’irrecevabilité de l’opposition formée par FERMON LABO, la CSS, EAGLE SECURITE et le sieur Édouard GAKOSSO contre l’ordonnance de taxe de ses honoraires N 526/2001.
Qu’il soutient que l’article 40 AUPCAP prévoit un délai de 8 jours pour toutes les oppositions contre les décisions du juge commissaire.
Que selon lui les demandeurs ont reconnu dans leur exploit du 30 novembre 2001 avoir reçu signification de l’ordonnance de taxe le 19 novembre 2001 et que c’est dans cet acte de signification que l’ordonnance de taxe N 526/01 a été visée.
Qu’il fait valoir que dans ces conditions ils avaient 8 jours à partir du 19 novembre 2001 pour faire opposition et qu’ayant agit hors délai ils sont forclos d’autant plus que seul le dépôt au greffe ou la notification faisant foi, il n’est pas impératif de faire la notification à domicile réel.
Attendu qu’en réplique les demandeurs ont conclu au rejet de l’exception puisque selon eux l’article 40 n’est pas applicable.
Qu’ensuite même si le principe de son application était retenu, ils soutiennent que l’ordonnance de taxe dont ils ignorent la date n’a pas été déposée au greffe et qu’ils n’ont même pas reçu notification de ladite décision.
Qu’ils ajoutent que même s’ils ont eu connaissance de l’ordonnance de taxe à travers la signification de l’ordonnance de répartition il ne résulte de cet acte que l’ordonnance N 526/01 a été déposée au greffe.
Attendu qu’il résulte de ce qui précède que le principe de l’application de l’article 40 a été retenue.
Qu’en l’espèce l’ordonnance de taxe n’échappe pas à la compétence du juge commissaire.
Que la notification prévue a pour objet de porter à la connaissance de la personne l’acte.
Que s’il est vrai qu’en l’espèce aucun exploit n’a été pris pour notifier spécialement l’ordonnance de taxe au demandeur, il n’en demeure pas moins que par le biais de la signification de l’ordonnance de répartition faite le 19 novembre 2001, ils étaient au courant de l’existence de l’ordonnance de taxe; et qu’à partir de cette date ils avaient 8 jours pour faire opposition soit au plus tard le 29 novembre 2001.
Qu’en agissant le 30 novembre 2001, ils l’ont fait hors délai et sont par voie de conséquence irrecevables puisque l’opposition à une telle décision est une voie de recours.
Qu’il échet également de déclarer leur opposition c/ l’ordonnance de taxe irrecevable.
Sur l’exception de communication de pièces
Attendu que par conclusions du 24 avril 2002 le syndic de la liquidation des NBA a soulevé l’exception de communication de pièces à l’encontre de la SDE au motif que cette dernière ne lui a communiqué aucune pièce à l’appui de ses prétentions.
Qu’il sollicite que toute pièce déposée par la SDE soit ainsi écartée.
Attendu que par écritures en réponses du 03 juillet 2002, la SDE a conclu au rejet de l’exception en soutenant que toutes les pièces produites par elle proviennent du syndic.
Qu’à cet effet, il fait valoir que l’ordonnance de répartition lui a été notifiée à la requête du greffier en chef, de même que l’ordonnance N 482/2001 autorisant la cession globale de l’actif des NBA qui a été rendue le 10 avril 2001 par le juge commissaire au bas d’une requête présentée le même jour par le syndic.
Et qu’enfin l’état des créances déposé au greffe a été dressé par ledit syndic.
Attendu que la communication des pièces entre les parties au procès participe du respect du principe du contradictoire et à un débat loyal.
Qu’en l’espèce, il résulte des pièces produites par la SDE en dehors des ordonnances du juge commissaire, qu’il s’agit de deux correspondances des 25 et 27 octobre 2000 adressées par le syndic Idrissa NIANG respectivement au responsable du service juridique de la SDE et au conseil de cette dernière et tendant toutes les deux à la souscription d’une police d’abonnement à la SDE pour le compte de la liquidation des biens des NBA.
Qu’ainsi, à l’égard de ces seules deux pièces produites par la SDE, la non communication ne s’aurait prospérer puisqu’elles proviennent de celui qui soulève l’exception.
Qu’il échet en conséquence de rejeter l’exception comme non fondée et de déclarer l’opposition de la SDE recevable puisqu’introduite dans les forme et délai de la loi.
AU FOND
Attendu que dans ces différentes écritures la SDE a sollicité l’annulation de l’ordonnance de répartition et qu’il soit procédé à une nouvelle répartition motif pris de ce que les articles 166 et 167 de l’AUPCAP et les articles 348 et 349 du CPC ont été violés.
Qu’elle soutien en effet, qu’elle est créancière de la société NBA de la somme de 25.672.562 francs CFA; que par lettre du 14 septembre 2000 le syndic lui indiquait qu’après vérification de la somme de 5.672.567 francs était admise à titre privilégié et celle de 19.999.995 francs CFA à titre chirographaire.
Que selon elle une telle répartition a été faite sans tenir compte du fait que sa créance fait partie des frais engagés pour la conservation des biens du débiteur car la fourniture d’eau est nécessaire et indispensable au fonctionnement de l’unité industrielle de fabrication de boissons.
Qu’au surplus elle a fait valoir que les frais de notification des ordonnances de cession et de répartition ont été réglés sans la procédure ordinaire de taxation alors que ce sont des frais de justice.
Attendu que par écritures du 24 avril 2002 le syndic a conclu au débouté de la SDE de toutes ses demandes au motif que la fourniture d’eau ne constitue pas un frais engagé pour la conservation des biens des NBA puisque l’eau est une matière première dans la production de boissons et que les prestations de la SDE ne constituent que de simples fournitures commerciales pour la production.
Qu’il ajoute que l’argument de la prétendue violation de l’article 348 du CPC ne saurait prospérer car ce texte qui vise nommément les auxiliaires de justice concernés par la procédure de taxation ne fait nullement allusion au syndic qui demeure soumis aux dispositions légales particulières de l’OHADA, qui régissent la rémunération au même titre que sa désignation et l’exercice de sa mission et qu’en la matière la règle spéciale déroge à la règle générale.
SUR QUOI
Sur la Nature de la Créance de la SDE
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure notamment de la lettre du 25 octobre 2000 adressée par le syndic au responsable du service juridique de la SDE que celui-là sollicitait un abonnement pour une période d’un mois pour permettre aux potentiels acquéreurs et à leurs techniciens de se rende compte de l état du matériel des NBA qui faisait l’objet d’une cession globale autorisée par le juge commissaire.
Que par ailleurs dans la même correspondance, le syndic proposait à la SDE de payer la consommation afférente par le débit du compte de la liquidation ouvert à la SGBS.
Qu’au regard de ces éléments on peut considérer que pour une police souscrite pour un mois et destinée à la réalisation de l’actif des NBA, c’est des frais engagés pour la conservation des biens du débiteur.
Mais attendu que cette seule lettre ne suffit pas pour consacrer la créance.
Qu’en effet, aucune police d’abonnement, ou de facture de consommation concernant la période n’a été versée aux débats et la qualification de frais engagés pour conservation des biens du débiteur ne pourrait concerner que cette police et les factures y afférentes.
Que pour ce qui est de la créance de 25.672.562 francs CFA elle ne saurait faire partie d’une telle catégorie puisqu’il résulte de l’état des créances du 15 mai 2001 versé à la procédure qu’elle a été admise à hauteur de 5.672.567 francs CFA à titre privilégié et 19.999.995 francs CFA à titre chirographaire et la SDE n’a pas justifié que ladite créance découle de demande faite par le syndic le 25 octobre 2000.
Qu’il échet de rejeter ce moyen comme non fondé.
Sur la violation des Articles 348 et 349 du CPC
Attendu qu’en ce qui concerne l’argument selon lequel les frais de notification des ordonnances de cession et de répartition ont été reglées sans la procédure ordinaire de taxation, il y a lieu de rappeler que les articles 348 et 349 de CPC régissant la procédure de taxation pour ce qui concerne les avocats, notaires et huissiers.
Que pour ces personnes la procédure est clairement définie et il s’agit d’une procédure de droit commun relative à la liquidation des dépens et frais.
Que pour ce qui est de frais de notification contestés, ils sont régis par les règles 166 et 167 de l’AUPCAP qui dérogent aux règles générales du CPC.
Que par ailleurs plus spécifiquement, l’article 165 du même acte uniforme prévoit que « le montant de l’actif, distraction faite des frais et dépens de liquidation des biens ainsi que des secours qui aurait été accordés au débiteur ou à sa famille est réparti entre tous les créanciers dont la créance est vérifiée et admise ».
Qu’il est nullement prévu que les frais et dépens de la liquidation doivent être taxés.
Qu’il échet de rejeter ce moyen comme non fondé.
Sur la violation des articles 166 et 167 de l’AUPCAP
Attendu que les articles 166 et 167 de l’AUPCAP règlementant l’ordre de paiement des créanciers respectivement en matière immobilière et en matière mobilière.
Qu’en d’autre termes pour les deniers provenant de la réalisation des immeubles il faut respecter l’ordre prévu par l’article 166 et pour les deniers provenant de la réalisation des meubles c’est l’article 167 qui s’applique.
Qu’ainsi à l’étape de la répartition des deniers de la liquidation il doit être clairement distingué la provenance de chaque denier.
Attendu qu’en l’espèce il est constant que le juge commissaire de la liquidation des NBA avait autorisé par ordonnance N 482/01 du 12 avril 2001 la cession globale de l’actif des NBA pour la somme de 500 000 000 francs CFA à la société AFRICA TRANSIT; que le prix de cession a été réparti par le juge commissaire ainsi qu’il suit : 272.715 000 francs pour la première chaîne et les accessoires (usine complète); 142.457.132 francs CFA pour la 2ème chaîne (unité complémentaire de production) et 84.827.868 francs CFA pour les constructions.
Qu’en application des articles précités la répartition devait se faire distinctement sur la première et la deuxième chaîne par rapport à l’ordre prévu pour les meubles et sur les constructions par rapport à l’ordre prévu pour les immeubles.
Que l’examen de l’ordonnance de répartition du 15 novembre 2001 montre que le juge commissaire a ajouté à la somme de 500 000 000 francs CFA résultant de la cession globale d’actif celle de 7.000 000 francs CFA montant dont disposait la liquidation.
Que sur cette somme aucune indication n’est donnée quant à sa nature.
Qu’ainsi en procédant à la répartition sans tenir compte de la provenance de chaque denier, le juge commissaire a violé les articles 162, 166 et 167 de l’AUPCAP.
Qu’il échet en conséquence d’annuler l’ordonnance N 1447/01 du 15 novembre 2001.
Attendu par ailleurs que le juge commissaire a taxé les honoraires du syndic à la somme de 79.334.466 francs CFA et l’a passé en frais de justice sur l’ordonnance de répartition sans que l’on sache les bases de calculs et les diligences effectuées par le syndic.
Qu’en effet sur l’ordonnance de taxe N 526/01 aucun décompte détaillé n’a été libellé, le juge commissaire se contente de viser le décompte fait par le syndic.
Que cette ordonnance de taxe étant prise en compte dans l’ordonnance de répartition; il échet également de l’annuler et d’ordonner le renvoi devant le nouveau juge commissaire qui après avoir accompli les formalités requises par la loi, devra procéder à une nouvelle répartition.
Attendu qu’il y a urgence que l’exécution provisoire soit ordonnée en raison de la nature commerciale du litige et surtout du caractère urgent attaché aux procédures collectives.
Qu’il échet en conséquence d’ordonner l’exécution provisoire du présent jugement.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoire, en matière commerciale et en premier ressort.
EN LA FORME
Déclare l’opposition de la SDE recevable.
Déclare l’opposition des Sociétés FERMON LABO, la CSS, la Société EAGLE SECURITE et du sieur Édouard GAKOSSO irrecevable.
Rejette l’exception de communication des pièces.
AU FOND
Dit que l’ordonnance N 1447/01 du 15 novembre 2001 portant répartition viole les dispositions des articles 162, 166 et 167 de l’Acte Uniforme sur les procédures collectives.
Annule en conséquence ladite ordonnance.
Annule également l’ordonnance de taxe N 526/01 du 24 avril 2001.
Renvoie devant le nouveau juge commissaire qui après avoir accompli les formalités requises par la loi devra procéder à une nouvelle répartition.
Ordonne l’exécution provisoire.
Met les dépens en frais privilégiés.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER.