J-09-344
PROCEDURE – MOYENS REGULIEREMENT PRESENTES – OMISSION DE STATUER – NULLITE DU JUGEMENT.
RECOUVREMENT DE CREANCE – ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER – EXPLOIT DE SIGNIFICATION – IRREGULARITE – SIGNIFICATION AYANT PU FAIRE COURIR LE DELAI D’OPPOSITION (NON) – RECEVABILITE DE L’OPPOSITION.
Article 1 AUPSRVE
Article 8 AUPSRVE
Article 10 AUPSRVE
Article 246. C. Pr. CIV
Article LOI N 2001-477 DU 9 AOÛT 2001 RELATIVE A L’ORGANISATION DU DEPARTEMENT
La décision du premier juge doit être annulée, dès lors que le tribunal a omis de statuer sur des moyens régulièrement présentés.
L’exploit de signification de l’ordonnance d’injonction de payer étant irrégulier, il n’a pas pu faire courir le délai d’opposition Par conséquent, l’opposition est recevable. Il en est ainsi lorsque l’exploit de signification a été signifié au Conseil général qui n’est pas doté de la personnalité morale et qui, par conséquent, ne peut être attrait devant une juridiction ni recevoir d’acte de justice.
COUR D’APPEL D’ABIDJAN, 3ème CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE, ARRET CICIL CONTRADICTOIRE N 995 DU 25 NOVEMBRE 2005, DEPARTEMENT DE DABOU c/ EGUE GNAGNE MATHIEU – SOCIETE E.G.M.
LA COUR
Vu les pièces de la procédure.
Vu les conclusions écrites du Ministère Public.
Ensemble l’exposé des faits, procédures, prétentions des parties et motifs ci-après.
De la procédure, des faits et des prétentions des parties
Suivant exploit en date du 02 Mars 2005 comportant ajournement au 25 Mars 2005 le Département de Dabou a relevé appel du jugement civil contradictoire n 13/2005 rendu le 08 Février 2005par la Section du Tribunal de Dabou laquelle saisie par lui d’une opposition à l’ordonnance d’injonction de payer N 83/2004 du 06 Septembre 2004 portant condamnation du conseil Général de Dabou à payer la somme de 42.012.000 F, a déclaré ladite opposition irrecevable.
Aux termes de son acte d’appel motivé, l’appelant rappelle les faits et expose :
Que le département de Dabou, Collectivité Territoriale a signé le 04 Septembre 2002, un contrat de travail avec Monsieur EGUE MATHIEU.
Qu’en sa qualité de travailleur du Département, Mr EGUE Gnagne a effectué des prestations diverses au profit de celui-ci et curieusement pourtant, Mr EGUE dont le contrat de travail est venu à expiration depuis le 31 Décembre 2003 réclame à son employeur, la somme de 42.012.000 F CFA qui représenterait le montant de prestation de la Société E.G.M. dont il serait le Gérant or celui-ci n’a jamais traité avec le département de Dabou.
Que la Société E.G.M. bénéficiaire d’une ordonnance d’injonction de payer n 83/2004 du 06 Septembre 2004 a entrepris d’exécuter le Département de Dabou en lui délaissant le 26 Septembre 2004 un exploit de signification de titre exécutoire avec commandement de payer.
Qu’au soutien de l’opposition que le Département a formée le 12 Octobre 2004, il a plaidé la nullité de l’acte de signification de l’ordonnance d’injonction de payer N 83/2004 et partant la nullité de signification qui n’a pu faire courir de délai à son égard et sans se prononcer sur ces moyens, le premier juge a déclaré son opposition irrecevable :
Après cette relation des faits, l’appelant fait valoir :
Que c’est à tort que le premier juge a déclaré son opposition irrecevable car le délai d’opposition de 15 jours ne commence à courir qu’a la seule condition que l’acte à partir duquel il court est régulier ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisqu’aussi bien l’acte de signification dont s’agit a omis des mentions obligatoires prévues à l’article 8 du traité OHADA portant procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution.
Que le premier juge ne s’étant pas prononcé sur ce moyen de nullité qui pourtant lui a été régulièrement présenté, sa décision doit être annulée afin que la Cour statuant à nouveau examine ce moyen et déclare son opposition recevable.
Que par ailleurs l’acte de signification dont s’agit devait être annulé par le premier juge pour d’autres raisons.
Qu’en effet ledit acte a été délaissé au Conseil Général de Dabou qui n’existe pas juridiquement puisqu’il est un organe délibérant du Département de Dabou, personne morale de droit public aux termes des articles 1 et 10 de la loi n 2001-477 du 1er Août 2001 portant organisation du Département.
Que tout acte d’huissier devant être signifié à une personne qui existe, l’acte de signification du 09 Septembre 2004 qui a été délivré au Conseil Général qui n’existe pas est irrégulier et doit être déclaré nul.
Qu’enfin, l’acte de signification du 09 Septembre 2004 est nul parce que l’huissier de justice n’a pas indiqué sur l’acte comme l’exige la loi, les motifs du refus du destinataire de l’acte de signer ledit acte.
Qu’au total, la cour est priée de déclarer nul l’acte de signification de l’ordonnance d’injonction de payer, déclarer l’opposition recevable et rétracter (sic) l’ordonnance d’injonction de payer pour cause d’irrecevabilité de la requête et pour inexistence de la créance.
Pour leur part, les intimés par l’organe de leur conseil Maître Béné Lambert concluent à la confirmation de la décision entreprise.
Ils font valoir :
Que l’exception de nullité de l’exploit de signification découlant de la non indication de certaines mentions obligatoires, soulevée pour la première fois devant la Cour d’Appel est irrecevable pour être intervenue après que le premier juge ait statué sur les autres exceptions et les défenses au fond.
Que relativement à la violation de l’article 246 du code de procédure civile, ce moyen doit être rejeté parce que le Conseil Général qui est capable de contracter est également capable de recevoir l’acte.
Il importe d’indiquer le Ministère Public a reçu communication de la procédure pour avis en application de l’article 106 du code de procédure civile.
DES MOTIFS
EN LA FORME
Considérant que l’appel intervenu dans les forme et délais prévus par la loi est régulier et recevable.
Considérant que les intimés sont représentés par leur conseil qui a développé pour eux des moyens de défenses; qu’il échet de statuer contradictoirement.
AU FOND
De la recevabilité de l’opposition
Considérant qu’il est constant comme résultant des énonciations de l’exploit d’opposition à ordonnance d’injonction de payer en date du 12 Octobre 2004 que le demandeur à l’opposition a soulevé la nullité de la signification du 09 Septembre 2004 de l’ordonnance d’injonction de payer en invoquant tour à tour la violation de l’article 8 du traité d’OHADA portant procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution et les dispositions de l’article 246 du code de procédure civile.
Considérant qu’il est également constant parce que non contesté par Mr EGUE Gnagne que par des notes en cours de délibéré du 27 Octobre 2004 versées aux débats devant le premier juge, le demandeur à l’opposition a développé ces moyens de nullité or il résulte des énonciations de l’ordonnance attaquée que le premier juge ne s’est nullement prononcé sur ces moyens qui pourtant lui ont été régulièrement présentés.
Que pour avoir ainsi omis de statuer sur des moyens régulièrement présentés, la décision du premier juge doit être annulée afin que par évocation la Cour procède au réexamen de la cause et statue notamment sur lesdits moyens.
Sur l’évocation de la nullité de l’acte de signification du 09 Septembre 2004
Considérant qu’il est établi d’après les productions que suivant exploit du Jeudi 09 Septembre 2004, la société EGM représentée par son Gérant Mr EGUE GNAGNE Mathieu a fait signifier au Conseil Général de Dabou une ordonnance d’injonction de payer n 83/2004 portant condamnation dudit conseil à payer la somme de 42.012.000 F outre les intérêts et frais de procédure aux termes de l’article 3 du code de procédure civile or pour ester en justice c’est-à-dire agir ou se défendre en justice, il faut avoir la capacité juridique et s’agissant des collectivités territoriales comme c’est le cas en l’espèce, la capacité juridique s’apprécie au regard de la personnalité morale qui est attribuée à ladite collectivité qui est dès lors titulaire de droits et d’obligations.
Que tel est le cas du Département lequel aux termes de l’article 1 de la loi n 2001-477 du 9 Août 2001 relative à l’organisation du Département est une collectivité territoriale dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière ce qui est tout à fait différent du Conseil Général qui aux termes de l’article 10 de la loi précitée est l’organe délibérant du Département ce qui signifie que le Conseil Général n’est pas dotée de la personnalité morale et qu’il ne peut par conséquent être attrait devant une juridiction ni recevoir d’acte de justice comme en l’espèce signification de l’exploit d’huissier du 09 Septembre 2004.
Qu’il résulte de tout ce qui précède que ledit exploit de signification est irrégulier et n’a pas pu faire courir de délai.
Considérant en conséquence qu’aucun délai n’ayant couru, le Département de Dabou qui a formé opposition le 12 Octobre 2004 contre l’ordonnance d’injonction de payer n 83/2004 du 06 Septembre 2004 qui a condamné le Conseil Général de Dabou est recevable en son opposition et cela sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens de nullité de l’acte de signification soulevés par le demandeur à l’opposition.
Sur le bien fondé de l’opposition
Considérant qu’au regard des développements ci-dessus, il échet de déclarer la Société EGM et son gérant mal fondés à réclamer paiement au Conseil Général qui n’est pas leur débiteur.
Considérant qu’il échet par conséquent de déclarer le Département de Dabou bien fondé en son appel.
D’annuler le jugement entrepris qui à tort a déclaré son opposition irrecevable et évoquant débouter la Société EGM de sa demande en paiement.
Considérant que les intimés succombant doivent être condamnés aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort.
Déclare recevable l’appel relevé par le Département de Dabou contre le jugement civil contradictoire n 13/2005 rendu le 08 Février par la Section du Tribunal de Dabou.
Annule ledit jugement qui a omis de statuer sur une demande régulièrement présentée.
Évoquant
Déclare irrégulier l’exploit du 09 Septembre 2004 par lequel l’ordonnance d’injonction de payer n 33/2004 du 06 Septembre a été signifiée.
Dit que ladite signification n’a pas pu faire courir de délai.
Déclare par conséquent recevable et fondée l’opposition formée par le département de Dabou le 12 Octobre 2004 contre l’ordonnance d’injonction de payer rendue le 06 Septembre 2004.
Déboute la Société EGM représentée par son gérant de sa demande en paiement dirigée contre le Conseil Général de Dabou, n’étant pas doté de la personnalité morale.
Condamne la Société EGM et son gérant aux entiers dépens.
Ainsi fait jugé et prononcé par la Cour d’Appel (Côte d’Ivoire, les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier