J-09-345
VOIES D’EXECUTION – DIFFICULTES – LOI APPLICABLE – DIFFICULTE CONCERNANT UN JUGEMENT D’EXPULSION OPPOSANT LE BAILLEUR A SON LOCATAIRE – APPLICATION DE L’ARTICLE 49 AUPSRVE (NON) – APPLICATION DE L’ARTICLE 221. AL2 C. Pr. CIV (OUI) – ORDONNANCE AYANT RESPECTE LES PRESCRIPTIONS DE L’ARTICLE 106. C. Pr. CIV (NON) – NULLITE.
Article 106 ET 221 ALINEA 2 C. PR.CIV
L’article 49 AUPSRVE ayant vocation de s’appliquer uniquement aux difficultés survenant dans le cadre spécifique des voies d’exécution, c’est-à-dire des procédures permettant à un créancier impayé de saisir et, dans certains cas, de vendre les biens de son débiteur, afin de se faire payer sur le prix de vente, il n’est pas applicable à la difficulté d’exécution concernant un jugement d’expulsion et opposant le bailleur à son locataire, qui est régie par l’article 221 al 2. C. Pr. civ.
Doit être déclarée nulle et de nullité absolue l’ordonnance, dès lors que les prescriptions de l’article 106. C. Pr. civ n’ont pas été respectées.
COUR D’APPEL D’ABIDJAN, 5ème CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE, ARRET CIVIL CONTRADICTOIRE N 982 DU 22 NOVEMBRE 2005, AFFAIRE SCI HAMZA ET FRERES c/ Mr MOHAMED CHAMARI.
LA COUR
Vu les pièces du dossier.
Oui les parties en leurs conclusions.
Oui le Ministère Public en ses conclusions écrites.
Ensemble l’exposé des faits, procédures, prétentions des parties et motifs ci-après.
Des faits, procédure et prétention des parties
Par exploit en date du 15 Février 2005 de Maître Adjo Pierre, Huissier de Justice à Abidjan, la Société Civile Immobilière Hamza et Frères dite SCI HAMZA ET FRERES a relevé appel de l’ordonnance de référé n 4405/2004 rendue le 15 Décembre 2004 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan-Plateau qui a statué ainsi qu’il suit :
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en premier ressort.
Déclarons Monsieur Mohamed Chamari recevable en son action.
L’y disons bien fondé.
Ordonnons l’arrêt des mesures d’exécution fondées sur le jugement civil N 569 du 16 Décembre 2002
Condamnons les défendeurs aux dépens.
Au soutien de son appel la SCI HAMZA et FRERES expose que par un jugement N 569 du 16 Décembre 2002 passé en force de chose jugée le Tribunal de Première Instance d’Abidjan a prononcé la résiliation du bail existant entre Monsieur MOHAMED CHAMARI, l’intimé, et elle et ordonné l’expulsion des lieux qu’il occupait au 18 de l’Avenue Terrasons de Fougères à Abidjan-Plateau.
Elle explique que dans le cadre de l’exécution de ce jugement elle a, après une mise en demeure par lettre datée du 30 Septembre 2004 restée sans suite, fait servir à l’intimé le 06 Décembre 2004 et par ministère d’huissier un commandement d’avoir à libérer les locaux sous huitaine.
Elle indique que c’est pour obtenir l’arrêt de toutes les mesures d’exécution entreprise contre lui que l’intimé l’a assigné devant le premier Juge en invoquant une prétendue difficulté d’exécution.
Elle relève qu’après avoir déclaré recevable cette action, le premier Juge a statué comme il l’a fait en estimant que le fait pour elle d’accepter les loyers versés par l’intimé après la décision d’expulsion a fait naître entre l’intimé et elle un nouveau contrat de bail qui faute d’avoir été résilié ne l’autorise pas à expulser celui-ci.
Contestant cette motivation, elle invoque en premier lieu l’irrecevabilité de l’action initiée devant le premier juge.
Elle fait savoir en effet alors qu’en vertu de l’article 221 nouveau du code de procédure civile les ordonnances de référé relatives aux difficultés d’exécution d’une décision de justice sont rendues sur réquisition du Procureur de la République près la Juridiction qui a statué auquel doit être transmis le dossier de la procédure pour ses conclusions écrites, l’intimé a diligenté son action sans se conformer à cette formalité.
Sur le fond, elle soutient qu’aucun contrat de bail nouveau n’est né entre l’intimé et elle.
Elle avance que le fait pour ce dernier de se maintenir sur les lieux nonobstant le jugement d’expulsion et les mesures d’exécution entreprises, fait de lui un occupant sans titre et les sommes d’argent qu’il verse au propriétaire constituent non des loyers mais une indemnité d’occupation en attendant son expulsion forcée.
Poursuivant, elle rejette également les arguments de l’intimé selon lesquels elle aurait, en vertu d’un « acte d’abandon de poursuites en date du 24 Septembre 2004, renoncé à se prévaloir contre lui du jugement d’expulsion et que par ailleurs, ayant acquitté les arriérés de loyers en considération desquels son expulsion était poursuivie, il retrouvait son statut d’occupant légitime rendant ainsi caduc le jugement d’expulsion.
Elle répond sur le premier point que l’acte d’abandon de poursuite est irrégulier dans la mesure où son signataire qui prétendait agir sur ordre du Gérant de la SCI HAMZA et FRERES ne justifie d’aucune délégation expresse de pouvoir l’autorisant à agir, cela d’autant plus le gérant a dénié tout ordre de signature pour l’acte en cause et s’est refusé à ratifier ladite signature.
Sur le second point, elle fait valoir que le payement des arriérés de loyers par le locataire expulsé ne peut nullement remettre en cause le jugement d’expulsion que en l’espèce est d’ailleurs passé en force de chose jugée.
Au total, elle estime que le premier juge a erré en statuant comme il l’a fait et sollicite par voie de conséquence l’infirmation en toutes ces dispositions de l’ordonnance de référé querellée.
En réplique, l’intimé relève s’agissant de la recevabilité de son action devant le premier juge, que c’est à tort que l’appelante invoque l’article 221 alinéa 2 du code de procédure civile Ivoirien car ce texte n’a plus cours depuis l’entrée en vigueur de l’Acte Uniforme OHADA relatif aux procédures simplifiées de recouvrement de créances et aux voies d’exécution qui en son article 49 confie le contentieux relatif aux difficultés d’exécution au président de la juridiction statuant en matière d’urgence sans reprendre la formalité de la communication du dossier au Ministère Public.
Il en conclut que le grief tiré de la violation de l’article 221 alinéa 2 du code de procédure civile précité n’est pas fondé.
Sur le fond, il indique que la SCI HAMZA et FRERES était consentante à son maintien dans les locaux dont s’agit dans la mesure où disposant d’une décision d’expulsion depuis Décembre 2002, elle ne l’a pourtant pas exécuté mais a même renoncé à s’en prévaloir à travers l’attestation d’abandon de poursuite du 24 Septembre 2004.
Il ajoute que les sommes qu’il versait loin de constituer une indemnité d’occupation étaient de véritable loyers payés dans le cadre du nouveau contrat de bail existant désormais entre les parties.
Poursuivant il soutient que c’est vainement que ladite appelante conteste l’acte d’abandon de poursuite alors qu’il est constant que celui émane de ses services qu’il porte régulièrement son sceau et qu’elle n’a jamais dénié pouvoir à ses préposés, bien que n’étant pas gérants d’encaisser les loyers contre reçus signés par ceux-ci.
Il considère que c’est donc à bon droit que le premier juge a statué comme il l’a fait et sollicite ainsi confirmation de sa décision.
Aux arguments avancés par l’intimé concernant l’article 49 de l’acte uniforme OHADA sur les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution, la SCI HAMZA et FRERES répond que s’il est vrai que ce texte détermine la juridiction compétente pour connaître du contentieux relatif aux difficultés d’exécution d’une décision de justice, en revanche il ne règle pas celle de la forme d’introduction et d’instruction de l’instance de sorte que l’article 221 alinéa 1er du code de procédure civile précité restait applicable en l’espèce.
Pour le surplus, elle reconduit ses développements antérieurs.
Pour sa part et dans ses conclusions écrites en date du 04 Juillet 2005, le Ministère Public estime que l’article 49 de l’Acte Uniforme OHADA sus mentionné n’ayant pas régi la question de la forme d’introduction et d’instruction de l’instance relative aux difficultés d’exécution d’une décision de justice, l’article 221 alinéa 1 du code de procédure civile avait vocation à s’appliquer à la présente cause.
Il en déduit que l’action initiée par l’intimé devant le premier juge doit être déclarée irrecevable pour avoir été examinée sans que la réaction du Ministère Public ait été suscitée.
DES MOTIFS
EN LA FORME
L’appel de la SCI HAMZA et FRERES doit être déclaré recevable pour être intervenu dans les forme et délai prescrits par la loi.
Par ailleurs, il convient de se prononcer contradictoirement, les parties ayant comparu et conclu.
AU FOND
C’est à tort que l’intimé invoque l’application de l’article 49 de l’Acte Uniforme OHADA sur les voies d’exécution car ce texte n’a pas vocation à s’appliquer dans tous les cas de difficultés d’exécution d’une décision de justice mais uniquement à celles survenant dans le cadre spécifique des voies d’exécution c’est-à-dire des procédures permettant à un créancier impayé de saisir et dans certains cas de vendre les biens de son débiteur afin de se faire payer le prix de vente.
Ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque la difficulté d’exécution concerne un jugement d’expulsion et oppose le bailleur à son locataire qui veut se maintenir dans les lieux nonobstant ladite décision.
En conséquence, ce n’est pas ce texte mais bien l’article 221 alinéa 2 du code de procédure civile Ivoirien qui s’applique dans la présente cause.
Or ledit article prescrit que l’ordonnance du juge des référés statuant en la matière doit obligatoirement être rendue sur réquisitions du Ministère Public; ce qui n’a pas été observé en l’espèce puisque l’ordonnance querellée ne fait nullement mention du respect de cette formalité.
En vertu de l’article 106 du code de procédure civile dans toutes les affaires communicables au Ministère Public, le non respect de cette règle entraîne la nullité absolue la décision entreprise.
Il y a lieu ainsi de déclarer nulle de nullité absolue l’ordonnance querellée et de dire, qu’en application dudit article 106 l’affaire pourra être reprise à nouveau sur simple requête par la partie intéressée devant la même juridiction qui statue autrement composée dans le délai d’un mois, à compter du dépôt des conclusions du Ministère Public devant ladite juridiction.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort.
Déclare la SCI HAMZA et FRERES recevable en son appel relevé de l’ordonnance de référé n 4405/2004 rendue le 15 Décembre 2004 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan-Plateau.
L’y dit bien fondée.
Déclare nulle de nullité absolue l’ordonnance entreprise.
Dit que l’affaire pourra être reprise à nouveau sur simple requête par la partie intéressée devant la même juridiction autrement composée qui statue dans le délai d’un mois, à compter du dépôt des conclusions du Ministère Public devant ladite juridiction.
Condamne l’intimé aux dépens.
En foi de quoi, le présent arrêt prononcé publiquement, contradictoirement en matière civile, commerciale et en dernier ressort par la Cour d’Appel d’Abidjan (5ème chambre civile B) a été signé par le Président et le Greffier.