J-09-346
VOIES D’EXECUTION – SAISIE ATTRIBUTION DE CREANCE – ACTE DE SAISIE – MENTIONS – OBSERVATIONS – FRAIS ET INTERETS ECHUS – EVALUATION INEXACTE – SANCTION NON PREVUE PAR L’AURCVE – NULLITE DE L’ACTE DE SAISIE (NON).
VOIES D’EXECUTION – FRAIS D’HUISSIER – ABSENCE DE L’ORDONNANCE DE TAXATION – PREUVE DE L’EVALUATION EXACTE (NON) – DEDUCTION DES FRAIS CONTESTES DES SOMMES A PAYER (OUI).
VOIES D’EXECUTION – SAISIE ATTRIBUTION DE CREANCE – TITRE EXECUTOIRE – ARRET POSTERIEUR NON SIGNIFIE – JUGEMENT ASSORTI D’EXECUTION PROVISOIRE – EXECUTION VALANT TITRE EXECUTOIRE (OUI).
Article 324 C. Pr. CIV
L’acte de saisie contenant la mention exigée, l’appelante ne peut se prévaloir de l’évaluation inexacte des frais et intérêts pour conclure à la nullité dudit acte, dès lors que l’article 157 AUPSRVE n’a nullement prévu cette sanction.
Les frais de l’Huissier n’ayant pas fait l’objet d’une ordonnance de taxe, les intimés ne rapportent pas la preuve de leur évaluation exacte. Dès lors, la juridiction des référés, véritable juge du fond, peut, sur le fondement de l’article 49 AUPSRVE déduire ces frais contestés des sommes dont le paiement est poursuivi en reformant en ce sens l’ordonnance querellée.
Une décision de justice ne produisant effet à l’égard des parties qu’à compter de sa signification, l’exécution du jugement assorti d’exécution provisoire valant titre exécutoire conformément à l’article 32 AUPSRVE doit être poursuivi jusqu’à son terme, dès lors que l’arrêt rendu postérieurement n’a pas été signifié.
COUR D’APPEL D’ABIDJAN, 5ème CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE, ARRET CIVIL CONTRADICTOIRE N 486 DU 03 MAI 2005, AFFAIRE CIE c/ Mr N’GORAN N’GUESSAN ET AUTRES.
LA COUR
Vu les pièces du dossier.
Oui les parties en leurs conclusions.
Ensemble, l’exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après.
Des faits, procédure et prétentions des parties
Par exploit dit « avenir d’audience comportant ajournement au 12 Avril 2005, la Compagnie Ivoirienne d’Électricité dite CIE agissant aux poursuites et diligences du Directeur Général Monsieur Frédéric Pepin et ayant pour conseil Maître N’DEYE ADJOUSSOU THIAM et la SCPA LEBOUATH & KONE, Avocats à la Cour, a fait servir une assignation à Monsieur N’goran N’guessan et dix autres à l’effet de comparaître par devant la Cour d’Appel de ce siège pour voir statuer sur les mérites de son appel non enrôlé relevé le 24 Mars 2005 de l’ordonnance de référé n 398 rendue le 14 Mars 2005 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan laquelle en la cause a statué comme suit :
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en premier ressort.
Déclarons la C.I.E. recevable en son action.
L’y disons cependant mal fondée.
L’en déboutons.
Condamnons la demanderesse aux dépens.
Il résulte des énonciations de l’ordonnance querellée que par exploit en date du 02 Mars 2005, la Compagnie Ivoirienne d’Électricité dite CIE, a fait assigner par devant la Juridiction Présidentielle messieurs N’goran N’guessan, Diemlé Bonion Léon et tous autres pour voir ordonner la main- levée de saisie attribution de créance du 07 Février 2005.
Au soutien de sa demande, elle a reproché à l’acte de saisie de n’avoir pas respecté les prescriptions des articles 157 alinéa 2 et 153 de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
En effet, a-t-elle précisé, ledit acte n’a pas mentionné le décompte distinct du montant exact de la créance, des intérêts et frais.
En ce qui concerne les intérêts, un taux unique de 5,5% a été appliqué pour la période allant du 20 Novembre 2003 au 31 Janvier 2005 alors que depuis le 22 Mars 2004, le taux d’escompte de la BCEAO est passé de 5% à 4,5%, a-t-elle fait remarquer.
Elle a poursuivi en disant que non seulement les intérêts obtenus sont erronés mais également le droit de recette d’un montant de 9.821.145 francs représentant 10% du principal de créance.
Les frais exposés au titre de ce droit n’ont pas été indiqués avec précision ce, contrairement aux dispositions des articles 85 et 86 du décret N 75-71 du 29 Janvier 1975 portant tarification des émoluments des Huissiers de Justice.
Elle a ajouté que le décret susvisé ne prévoit pas la taxe sur prestation de service (T.P.S.) au profit de l’Huissier au titre de ces frais.
Enfin, a-t-elle indiqué, l’acte de saisie retient à titre de dépens la somme de 6.114.157 francs, dont la consignation, le coût de la grosse et d’autres frais qui n’ont pas été précisés.
Elle a conclu, en disant que cet acte de saisie avec toutes les irrégularités qu’il comporte viole l’article 157 de l’Acte Uniforme et doit être déclaré nul, et la main- levée ordonnée.
En réplique, les défendeurs ont rétorqué qu’il n’y a pas de violation dudit article dès lors que les mentions exigées figurent sur l’acte.
Non seulement les intérêts dits erronés, ont-ils articulé, touchent le fond du litige mais la CIE n’apporte pas la preuve de ses allégations sur ce point.
Enfin, ils ont fait valoir que le jugement assorti de l’exécution provisoire fondement de la saisie attribution de créance, ne peut être suspendu du seul fait de l’appel, ni par arrêt non signifié.
Un tel jugement ont-ils soutenu, doit être exécuté jusqu’à son terme
Pour statuer comme il l’a fait, le premier juge a déclaré que seule la non mention des éléments exigés par l’article 157 de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant recouvrement simplifié de créances et voies d’exécution emporte la nullité de l’acte de saisie et non des erreurs dans les calculs; qu’un appel interjeté et un arrêt intervenu non signifié ne peuvent produire d’effet sur le jugement, fondement de la saisie assortie de l’exécution provisoire.
Il a donc déclaré la saisie litigieuse régulière et valable et a débouté la C.I.E. de sa demande.
En cause d’appel, la C.I.E. dans son acte d’appel motivé et par écritures de ses conseils Maître Adjoussou Thiam et la SCPA Lebouath & Koné en dates des 8 et11 Avril 2005, reprend ses moyens précédemment développés en Première Instance relatifs à la nullité de l’acte de saisie du 7 Février 2005 et à l’absence de titre exécutoire.
Elle relève toutes les irrégularités contenues dans cet acte concernant l’évaluation inexacte des intérêts de droit, le calcul erroné des droits de recette de l’huissier, la mention d’une TPS non prévues par les textes et la formule « autres frais » portée sans autres précisions et soutient qu’elles violent les dispositions de l’article 157 de l’Acte Uniforme.
S’agissant de l’absence de titre exécutoire, l’appelante affirme qu’un jugement exécutoire par provision n’est exécutoire que jusqu’au prononcé de l’arrêt.
En l’espèce, soutient-elle, la force exécutoire provisoire attachée au jugement civil N 171 CIV 1 du 20 Novembre 2003 assorti d’exécution provisoire à hauteur de 98.211.452 francs est devenue caduque avec la survenance de l’arrêt de la Cour d’Appel intervenu postérieurement.
Cet arrêt se substituant au jugement susvisé, aurait dû servir de fondement à la saisie-attribution de créances.
En statuant comme il l’a fait, le Premier Juge a méconnu les dispositions des articles 153 et 157 de l’Acte Uniforme.
Elle sollicite dès lors l’infirmation de l’ordonnance querellée et prie la Cour, statuant à nouveau d’ordonner la main- levée de la saisie pratiquée.
En réplique, Monsieur N’goran N’guessan et dix autres par écritures de leur conseil, Maître Flan G. G. Lambert Avocat à la Cour, en date des 1er et 12 Avril 2005 reconduisent également leur argumentation antérieure tant sur la nullité de l’acte de saisie que sur l’absence de titre exécutoire.
Ils réitèrent que l’acte de saisie comporte toutes les mentions exigées et que les calculs contestés relèvent du fond du litige et ne peuvent aboutir qu’au cantonnement de la saisie et non de la nullité.
Ils font valoir par ailleurs qu’un arrêt non signifié ne peut se substituer à un jugement assorti de l’exécution provisoire
L’exécution forcée entreprise doit donc être poursuivie jusqu’à son terme.
Ils concluent en conséquence à la confirmation de l’ordonnance querellée.
DES MOTIFS
EN LA FORME
L’appel relevé le 24 Mars 2005 par la CIE de l’ordonnance de référé N 398 du 17 Mars 2005 est régulier pour être intervenu conformément à la loi.
Il échet dès lors de le déclarer recevable.
Sur la nullité de l’acte de saisie
La CIE, appelante conclut à la nullité de l’acte de saisie motif pris de ce que la mention des frais et intérêts échus erronés équivaut à un défaut d’indication des dits frais et intérêts.
Aux termes de l’article 157 de l’Acte Uniforme portant procédure simplifiée de recouvrement et des voies d’exécution l’acte de saisie doit contenir à peine de nullité des mentions obligatoires entre autre, le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus majorés d’une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d’un mois prévu pour élever une contestation.
Contrairement à l’opinion de l’appelante, l’acte de saisie en date du 7 Févier 2005 contient cette mention.
Il s’est donc conformé à cette exigence.
Dès lors, l’appelante ne peut se prévaloir de l’évaluation inexacte des frais et intérêts pour conclure à la nullité de l’acte de saisie et ce, d’autant plus que l’article 157 précité n’a nullement prévu cette sanction.
Sur ce point, celle-ci ne rapporte pas la preuve de ses allégations concernant les intérêts.
En revanche, il est constant que les frais de l’huissier n’ont pas fait l’objet d’une ordonnance de taxe.
A défaut d’être taxés, les intimés ne rapportent pas la preuve de leur évaluation exacte.
Dans ces conditions et sur le fondement de l’article 49 du traité OHADA, la juridiction des référés véritable du juge du fond, peut déduire ces frais contestés des sommes dont le paiement est poursuivi, en réformant en ce sens l’ordonnance querellée.
Sur l’absence de titre exécutoire
La CIE reproche aux intimés d’avoir pratiqué la saisie attribution de créance sans titre exécutoire arguant que le jugement N 171 DU 20 Novembre 2003 exécutoire par provision, fondement de cette saisie ne peut produire d’effet du fait de l’arrêt rendu postérieurement.
Il ne résulte pas du dossier que cet arrêt non produit ait fait l’objet de signification.
Or, conformément à l’article 324 du code de procédure civile, une décision de justice ne produit effet à l’égard des parties qu’à compter de sa signification.
A défaut de signification, l’exécution du jugement assorti d’exécution provisoire valant titre exécutoire par provision conformément à l’article 32 de l’Acte Uniforme OHADA doit être poursuivi jusqu’à son terme.
Il échet dès lors de rejeter ce moyen non pertinent et de condamner la CIE qui succombe aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort.
EN LA FORME
Déclare recevable l’appel relevé par la CIE de l’ordonnance de référé n 398/2005 rendue le 14/03/2005 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan.
AU FOND
L’y dit bien partiellement fondée.
Reforme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté l’action de la CIE relativement aux frais de l’huissier non taxés.
Statuant à nouveau.
Dit que les frais de l’huissier non taxés seront déduits des sommes dont le paiement est poursuivi.
Confirme l’ordonnance sur le surplus.
Condamne la CIE aux dépens.
En foi de quoi, le présent arrêt prononcé publiquement, contradictoirement, en matière civile, commerciale et en dernier ressort par la Cour d’Appel d’Abidjan (5ème chambre civile), a été signé par le Président et le Greffier.