J-09-351
VOIES D’EXECUTION – DISTINCTION ENTRE DECISION EXECUTOIRE PAR PROVISION ET DECISION DEFINITIVEMENT EXECUTOIRE (NON) – EXECUTION AYANT DEJA COMMENCE – ORDONNANCE DE SUSPENSION DU PRESIDENT DE LA COUR SUPREME – ORDONNANCE POUVANT FAIRE ECHEC A CETTE EXECUTION (NON) – INFIRMATION DE L’ORDONNACE DE MAINLEVEE.
Il échet d’infirmer l’ordonnance entreprise et de rejeter la demande de main levée dès lors que d’une part, il n y a pas à distinguer là où la loi ne distingue pas et d’autre part que l’ordonnance de suspension du Président de la Cour Suprême ne peut faire échec à l’exécution dudit arrêt laquelle exécution a été déjà commencée par les saisies.
COUR D’APPEL D’ABIDJAN, 5ème CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE ARRET CIVIL CONTRADICTOIRE N 198 DU 15 FEVRIER 2005, AFFAIRE JOUSSE MICHEL c/ SOCIETE CHIMIE COLLECTIVITES INDUSTRIES dite 2 C I.
LA COUR
Vu les pièces du dossier.
Oui les parties en leurs conclusions.
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après.
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort sur l’appel relevé le 03 novembre 2004 avec ajournement au 16 novembre 2004 par JOUSSE MICHEL ayant pour conseil Maître AGNES OUANGUI, de l’ordonnance de référé N 4107/04 rendue le 15 octobre 2004 par la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan-Plateau, signifiée le 27 octobre 2004 dont le dispositif suit :
– statuant publiquement contradictoirement en matière d’urgence et en premier ressort;.
– recevons la société CHIMIE COLLECTIVITES INDUSTRIES en son action;
– l’y disons bien fondée;.
– ordonnons donc la mainlevée de la saisie attribution de créances en date du 21 Septembre 2004;
Faisons masse des dépens et condamnons chacune des parties pour la moitié.
Considérant qu’aux termes de son appel, JOUSSE MICHEL explique que les 21,22,23 et 24 septembre 2004, il a pratiqué des saisies attribution de créances entre les mains de diverses banques, en vertu de l’arrêt N 391/04 rendu le 17 juin 2004 par la formation sociale de la Cour Suprême condamnant la société Chimie Collectivités Industries à lui payer la somme de 24.943.406 F.
Que la Société CHIMIE COLLECTIVITE, se basant sur une ordonnance de suspension du 29 septembre 2004 du Président de la Cour Suprême a demandé et obtenu la mainlevée des saisies.
Que selon l’appelant, par la combinaison des trois textes à savoir les articles 153,31 et 32 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution, le législateur du droit communautaire a consacré le droit du créancier d’entreprendre des mesures d’exécution à l’encontre de son débiteur.
Qu’il suffit pour cela que le créancier ait un titre définitivement ou provisoirement exécutoire.
Qu’estimant régulières les saisies par lui pratiquées et irrégulières et sans fondement l’ordonnance de suspension du Président de la Cour Suprême en date du 29 septembre 2004, JOUSSE MICHEL demande l’infirmation de l’ordonnance de mainlevée des saisies attribution de créances.
Considérant que la Société CHIMIE COLLECTIVITES INDUSTRIES dite 2 CI concluant par son conseil, la SCPA ADJE-ASSI-METAN reprenant les faits, fait savoir que suite à la signification de l’arrêt N 391 du 17 juin 2004 de la Cour Suprême la condamnant à payer au sieur JOUSSE MICHEL une certaine somme d’argent, elle a présenté au Président de la Cour Suprême une requête aux fins d’être autorisée à assigner le sieur JOUSSE MICHEL en délai de grâce.
Que par ordonnance N 081/05/78/,2004 du 29 septembre 2004, le Président de la Cour Suprême l’a autorisée à assigner le sieur JOUSSE Michel en délai de grâce pour le 18 octobre 2004 et dans l’attente de cette audience a ordonné le sursis à l’exécution de l’arrêt N 391 du 17 juin 2004 de la Cour Suprême.
Que cette ordonnance a été signifiée au sieur JOUSSE Michel le 29 septembre 2004.
Que le 21 septembre 2004, le sieur JOUSSE Michel a pratiqué une saisie attribution de créance en se fondant sur l’arrêt N 391 du 17 juin 2004 de la Cour Suprême.
Qu’après s’être fait autorisée, continue la Société CHIMIE COLLECTIVITES INDUSTRIES, elle a assigné le sieur JOUSSE MICHEL en mainlevée de ladite saisie attribution de créance.
Que c’est dans ces conditions que l’ordonnance querellée a été rendue.
Considérant que l’intimée rétorque que l’article 214 du code de procédure civile qui n’est pas contraire au droit communautaire et qui reçoit application quotidienne, autorise la suspension des arrêts de la Cour d’Appel.
Qu’elle ajoute que s’agissant du titre exécutoire par provision, une circulaire de la chancellerie avait certes suggéré le rejet des demandes de suspension de l’exécution provisoire attachée au jugement, mais le premier Président de la Cour d’Appel d’Abidjan ne s’est jamais interdit de faire application de l’article 181 nouveau du code de procédure civile et avec raison car cette disposition n’est contredite par aucun texte de l’Acte Uniforme.
Qu’elle poursuit pour affirmer que l’article 32 visé par le sieur JOUSSE MICHEL a son pendant au code de procédure civile en l’article 183 qui dispose : « lorsqu’un jugement exécutoire par provision est infirmé en tout ou partie, la juridiction d’Appel doit ordonner la restitution de ce que l’appelant a payé ou livré en exécution de la décision attaquée ».
Que l’article 183 a toujours fait bon ménage avec l’article 181 nouveau et il doit en aller de même de l’article 32 de l’Acte Uniforme OHADA.
Qu’en tout état de cause, indique la Société CHIMIE COLLECTIVITES INDUSTRIES, l’article 32, n’a pas cours au présent débat, le titre en litige n’étant pas un titre exécutoire par provision.
Qu’en tout état de cause, ajoute l’intimée, la décision du président de la Cour Suprême ordonne le sursis à l’exécution de l’arrêt dont se prévaut l’appelant.
Que la Cour ne peut que prendre acte de l’existence de la décision du Président de la Cour Suprême laquelle a retiré en tout cas momentanément au sieur JOUSSE Michel le caractère exécutoire de son titre, fondement de toute exécution forcée.
Qu’alors l’intimée conclut à la confirmation de la décision attaquée.
Considérant qu’en répliques, le sieur JOUSSE Michel plaide la forclusion de l’intimée au motif que ses conclusions déposées le 17 novembre en réplique de l’acte d’appel du 03 novembre sont hors délai en vertu de l’article 228 alinéa 3 du code de procédure civile.
Considérant qu’à son tour la Société CHIMIE COLLECTIVITES INDUSTRIES, rétorque que ses conclusions sont déposées tardivement en raison des évènements de troubles qui ont secoué le pays à compter du 06 novembre 2004.
Qu’elle n’a pu déposer ses conclusions que le 17 novembre 2004 le lendemain de la reprise des activités à Abidjan.
Considérant que le sieur JOUSSE MICHEL répond à cela que l’appel ayant été signifié le 03 novembre 2004, l’intimée disposait des journées des 04 et 05 novembre 2004 pour déposer ses écritures et après les évènements, elle disposait des journées des 10,11 et 12 novembre 2004 pour le faire.
Qu’il demande donc à la cour d’écarter des débats les conclusions de l’intimée en date du 17 novembre 2004.
SUR CE
EN LA FORME
Considérant que l’appel conforme à la loi est recevable.
Sur l’exception de forclusion
Considérant que l’appel signifié le 03 novembre 2004, la Société CHIMIE COLLECTIVITES INDUSTRIES a déposé ses conclusions et pièces le 17 novembre 2004, soit plus de huit jours après.
Considérant que la Société CHIMIE COLLECTIVITE INDUSTRIE pour déjouer la forclusion soulevée par le sieur JOUSSE MICHEL se fonde sur les évènements qui ont secoué le pays le 06 novembre 2004.
Or considérant que les évènements dont il s’agit ont eu lieu les 06 et 09 novembre 2004.
Que l’intimée avait jusqu’au 12 novembre 2004 pour déposer ses conclusions et pièces.
Que l’ayant fait plus de huit jours après la signification de l’appel du 03 novembre 2004, il convient d’écarter des débats des conclusions et pièces de l’intimée déposées le 17 novembre 2004, pour forclusion, conformément à l’article 228 alinéa 3 du code de procédure civile.
Sur la mainlevée des saisies attribution de créances pratiquées les 21, 23 et 24 septembre 2004
Considérant que le sieur JOUSSE Michel a pratiqué saisies attribution de créances les 21,23 et 24 septembre 2004 sur les comptes de la Société CHIMIE COLLECTIVITES INDUSTRIES, ce, en vertu d’un titre exécutoire à savoir l’arrêt N 391 du 17 juin 2004 de la Cour Suprême.
Considérant que le premier juge a ordonné la mainlevée desdites saisies au motif d’une part que par ordonnance N 081 du 29 septembre 2004, le Président de la Cour Suprême a ordonné le sursis à l’exécution de l’arrêt N 391 du 17 juin 2004 de la Cour Suprême et d’autre part que l’article 32 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution ne peut trouver application en l’espèce, l’arrêt dont l’exécution est poursuivie n’étant pas une décision exécutoire par provision.
Considérant que d’une part, il n’y a pas à distinguer là où la loi ne distingue pas.
Qu’au demeurant si la loi permet l’exécution forcée des décisions provisoirement exécutoires à fortiori l’exécution forcée est-elle permise pour les décisions définitivement exécutoires comme en l’espèce.
Que d’autre part l’ordonnance de suspension N 081 du 29 septembre 2004 du Président de la Cour Suprême de l’exécution de l’arrêt N 391 du 17 juin 2004 de la Cour Suprême ne peut faire échec à l’exécution dudit arrêt laquelle exécution a déjà commencé par les saisies des 21, 23 et 24 septembre 2004.
Que dès lors c’est à tort que le premier juge a ordonné la mainlevée desdites saisies.
Qu’il échet donc d’infirmer l’ordonnance entreprise et statuant à nouveau de rejeter la demande de mainlevée présentée par la Société CHIMIE COLLECTIVITES INDUSTRIES.
SUR LES DEPENS
Considérant que l’intimée qui succombe doit supporter les dépens.
PAR CES MOTIFS
Déclare JOUSSE Michel recevable et bien fondé en son appel relevé de l’ordonnance de référé N 4107/2004 rendue le 15 octobre 2004 par la juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan-Plateau.
Infirme l’ordonnance entreprise.
Statuant à nouveau.
Déboute la Société CHIMIE COLLECTIVITES INDUSTRIES de sa demande de mainlevée des saisies attribution de créance pratiquées les 21, 23 et 24 septembre 2004.
Condamne l’intimée aux dépens distraits au profit de Maître AGNES OUANGUI, Avocat à la Cour aux offres de droit.
En foi de quoi, le présent arrêt prononcé publiquement, contradictoirement en matière civile, commerciale et en dernier ressort par la Cour d’Appel d’Abidjan (5ème Chambre Civile) a été signé par le Président et le Greffier.