J-09-355
VOIES D’EXECUTION – SAISIE-VENTE – FORMALITES – RESPECT (NON) – SANCTION – SANCTION NON PREVUE PAR L’ACTE UNIFORME – ABSENCE DE PREJUDICE – NULLITE DU PROCES VERBAL DE RECOLLEMENT (NON).
VOIES D’EXECUTION – SAISIE-VENTE – CONTESTATION (NON) – MAINLEVEE (NON) – RESTITUTION DES BIENS AU DEBITEUR.
L’article 123 de l’AUPSRVE n’ayant pas prévu de sanction en cas de non respect de formalités, il appartient à l’intimée qui sollicite la nullité du procès verbal de recollement de justifier du préjudice qu’il aurait subi du fait de la violation dudit article.
La saisie-vente n’ayant jamais fait l’objet d’une procédure de contestation, pour vice de fond ou de forme, c’est à juste titre que le premier juge a rejeté la demande de mainlevée.
Dès lors, la restitution au débiteur des biens, objets de la saisie-vente, ne se justifie pas, la nullité éventuelle d’un procès verbal de vérification n’y ayant aucun effet.
COUR D’APPEL D’ABIDJAN, 5ème CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE, ARRET CIVIL CONTRADICTOIRE N 457 DU 19 AVRIL 2005, AFFAIRE SOCIETE COMATEC c/ ETS NIKIEMA JEAN BAPTISTE.
LA COUR
Vu les pièces du dossier.
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après.
Des faits, procédure et prétentions des parties
Suivant exploit d’huissier en date du 21 Janvier 2005, comportant ajournement au 1er Février 2005, la société COMATEC, ayant pour représentant légal monsieur rob van Wegen, a relevé appel de l’ordonnance de référé N 53 rendu le 11 Janvier 2005 par la juridiction présidentielle du tribunal de première instance d’Abidjan qui, en la cause, a statué ainsi qu’il suit :
– « Statuant publiquement, par défaut à l’égard de la COMATEC, en matière d’urgence et en premier ressort.
Déclarons l’établissement N.J.B. recevable en son action.
L’y disons partiellement fondé.
Déclarons nul le procès-verbal de récolement suivi d’enlèvement du 04 Janvier 2005.
Ordonnons en conséquence la restitution des biens enlevés, sous astreinte comminatoire de 500 000 F par jour de retard.
La déboutons en revanche de sa demande de mainlevée de la saisie.
Mettons les dépens à la charge de la COMATEC.
II ressort des énonciations de cette ordonnance que par exploit d’huissier daté du 04 Janvier 2005, l’Établissement N.J.B. a assigné la Société COMATEC à comparaître pas devant le Juge des référés pour entendre prononcer l’annulation du procès-verbal de récolement suivi d’enlèvement du 04 Janvier 2005 et des actes subséquents et ordonner la mainlevée de la saisie ainsi que la restitution des biens sous astreinte de 90 000 F par jour de retard à compter du prononcé.
Au soutien de cette action, le demandeur a exposé que la Société COMATEC a fait pratiquer le 24 Août 2004 une saisie-vente sur ces biens mobiliers pour avoir paiement de la somme de 16.740.504 francs.
II a poursuivi en expliquant que le 04 Janvier 2005, la COMATLC a procédé à l’enlèvement et au recollement des biens saisis en fixant la vente forcée au 05 Janvier 2005, à savoir le lendemain; craignant que ses biens soient illégalement vendus, il a sollicité l’annulation du procès-verbal de recollement et d’enlèvement qui est intervenu selon lui au mépris des dispositions des articles 120 et suivants de l’acte Uniforme portant voies d’exécution, et par voie de conséquence la restitution des biens enlevés, sous astreinte comminatoire de 5 000 000F par jour de retard.
La Société COMATEC n’ayant pas comparu, n’a pas développé de moyens de défense.
Pour statuer comme il l’a fait, le Juge des référés a souligné qu’aux termes de l’article 123 de l’Acte Uniforme relatifs aux voies d’exécution l’huissier doit aviser le débiteur du jour, de l’heure et du lieu de la vente, au moins 10 jours avant.
II a indiqué qu’en l’espèce le débiteur n’a été avisé que la veille de la vente alors même que le saisissant n’établit pas avoir sacrifié aux formalités de publicité préalable et, il a conclu qu’aucune vente ne peut intervenir dans ses conditions sans préjudicier aux droits du débiteur saisi et, a déclaré nul le procès-verbal querellé.
Concernant la validité de la saisie-vente, le premier juge a estimé que la nullité du procès-verbal de recollement ne saurait servir de prétexte pour en ordonner la mainlevée, surtout que ladite saisie n’a pas été attaquée par le demandeur, et l’en a débouté.
A l’appui de son appel contre cette décision, la Société COMATEC explique que par arrêt N 793 daté du 09 Juillet 2004 la Cour d’Appel d’Abidjan a confirmé le jugement N 125 en date du 21 Janvier 2004 qui condamne la société N.J.B. à lui payer la somme de 14 millions de- : francs de ce titre exécutoire elle a fait pratiquer la saisie vente des biens meubles de la Société N.J.B et après s’être conformée à toutes les formalités prescrites par l’Acte Uniforme, à savoir le procès-verbal de vérification, les différentes publicités, elle a procédé le 4 Janvier 2005 à l’enlèvement effectif des biens restants et à leur vente le 5 Janvier 2005 en les adjugeant à Mr. Adahié Codjo Jacques Alexandre, le plus offrant.
C’est après cette vente qu’elle a reçu le 14 Janvier 2005 signification de l’ordonnance querellée rendue le 11 Janvier 2005.
La Société COMATEC fait valoir que la Société B.J.B. l’a assignée en la personne de son vigile dans la seule intention d’éviter le contradictoire.
Elle estime qu’une telle assignation, faite en violation des dispositions de l’article 255-4è du code de procédure civile, équivaut à un défaut d’assignation dont la conséquence est la nullité de l’ordonnance de référé N 53/2005 du 11 Janvier 2005, qu’elle demande à la Cour de prononcer.
La Société COMATEC fait grief au premier Juge d’avoir déclaré nul le procès-verbal de recollement suivi d’enlèvement et d’avoir ordonné la restitution des biens enlevés.
Elle articule, en effet, que l’article 123 de l’Acte Uniforme relative aux voies d’exécution donne la possibilité au créancier d’user de tout moyen laissant trace écrite pour informer le débiteur saisi des conditions de la vente, sans privilégie un moyen quelconque d’information.
Or, en l’espèce, par l’intermédiaire du commissaire priseur, elle a. fait apposer des placards aux portes de la Société N.J.B., dans les Mairies de Treichville et Yopougon, dans les Tribunaux d’Abidjan et de Yopougon, ainsi qu’au lieu de vente.
Par ailleurs, soutient la société COMATEC, le Commissaire Priseur a fait publier la vente, dans le journal. d’annonce légale Fraternité Matin du 23 Décembre 2004.
Après toutes ces formalités de publicité, elle a procédé à l’enlèvement effectif des objets saisis en faisant dresser un procès-verbal dans lequel la Société N.J.B. a été une fois de plus invitée à assister à la vente prévue pour le lendemain.
La Société COMATEC ajoute que l’Acte Uniforme relatif aux voies d’exécution n’a pas prévu la nullité comme la sanction du défaut d’accomplissement des formalités de publicité.
Elle affirme qu’en cas de défaut d’accomplissement des formalités de publicité, il appartient au débiteur saisi d’agir en responsabilité civile et non de se faire restituer illégalement les biens déjà saisis et vendus, comme c’est le cas en l’espèce.
Elle sollicite par conséquent l’information de l’ordonnance querellée.
En réplique, l’Établissement Nikiéma Jean-Baptiste déclare, pour sa part, que l’assignation en référé a été signifiée au siège social de la société COMATEC pour avoir été servie au gardien de ladite société.
Cette assignation, à son sens, vaut signification à personne conformément aux dispositions de l’article 255 du code de procédure civile.
II soutient que l’ordonnance rendue dans de telles circonstances ne peut être annulée, la signification étant valable en tout point.
L’intimé soutient par ailleurs que le débiteur est privilégié dans la procédure qui mènerait éventuellement à la vente forcée de ses biens et que pour cette raison l’article 123 de l’Acte uniforme relatif aux voies d’exécution a prévu qu’il soit personnellement avisé du jour, du lieu et de l’heure de la vente, par tout moyen laissant trace écrite.
Cet avis n’ayant pas été adressé à Mr NIKIEMA Jean-Baptiste, son représentant légal, l’intimé estime qu’il y a violation des dispositions de l’article 123 justifiant la suspension des opérations d’exécution, la nullité des actes d’exécution et la restitution de ses biens meubles.
L’Établissement Nikiéma Jean-Baptiste ajoute que les délais réservés au débiteur saisi lui permettent de demander jusqu’à la vente des biens saisis la nullité pour vice de forme ou de fond telle que prévue par l’article 144.
Selon lui le non respect des formalités d’avis constitue une violation manifeste des droits de la défense, le débiteur ne pouvant profiter du délai de 10 jours au moins prévu pour demander éventuellement la nullité.
II considère que, s’agissant d’une véritable violation des droits de la défense le non respect du délai prescrit doit être sanctionné en tout état de cause et indépendamment de tout grief, par la nullité absolue.
Ainsi, à la suite de son action en nullité, il a obtenu de la Juridiction du contentieux l’ordonnance N 43 du 04 Janvier 2005 suspendant les opérations d’exécution jusqu’à ce qu’il soit statué sur les mérites de sa requête, conformément à l’article 146 de l’Acte Uniforme portant voies d’exécution.
Par conséquent, soutient l’intimé, aucune vente n’a pu être réalisée le 05 Janvier 2005, comme l’atteste le constat dressé et ce, contrairement à l’argument de l’appelante tiré de la vente des objets saisis par un commissaire priseur qui n’a pas été en mesure d’en produire le procès-verbal.
Étant déjà entré en possession des objets enlevés, l’Établissement Nikiéma Jean-Baptiste conclut à la confirmation de l’ordonnance querellée.
DES MOTIFS
Toutes les parties ayant conclu, il échet de statuer contradictoirement.
EN LA FORME
L’appel de la Société COMATEC est intervenu dans les forme et délai légaux.
II y a lieu de le déclare recevable.
AU FOND
Sur la demande en nullité de la décision querellée
Aux termes de l’article 255-4è du code de procédure civile, les sociétés de commerce, jusqu’à leur liquidation définitive, sont assignées à leur siège social et, s’il n’y en a pas, en la personne ou au domicile de leurs associés.
La Société COMATEC a soulevé l’irrégularité de l’assignation à comparaître en ce sens que l’exploit a été délivré au vigile de la société qui n’était pas la personne habilitée à le recevoir et que ce fait ne lui a pas permis de comparaître.
II est constant que le premier juge, tirant conséquence de ce qu’elle n’a pas comparu, a statué par défaut.
Certes, les dispositions de l’article 228 du code de procédure civile prescrivent que les ordonnances de référé ne sont pas susceptibles d’opposition.
Cependant la signification irrégulière de l’exploit d’assignation ne peut entraîne- la nullité de la décision que si le défendeur justifie d’un préjudice.
Or en l’espèce, la décision rendue par défaut est susceptible d’appel, alors qu’aux termes des dispositions de l’article 177 du code de procédure civile l’appel remet les parties dans l’état où elles étaient avant la décision entreprise, donnant ainsi à la Cour d’Appel le pouvoir d’évoquer le litige.
En ce Sens, l’appel Relevé par la Société COMATEC; permet à la Cour de tenir compte des moyens qu’elle présente contre les prétentions de l’Établissement N.J.B.
C’est donc à tort qu’elle sollicite la nullité de la décision rendue.
II convient, en conséquence de rejeter ce moyen d’annulation non fondé.
Sur l’annulation du procès-verbal de vérification suivi d’enlèvement
L’article 123 de l’Acte Uniforme relatif aux voies d’exécution qui prescrit un avis adressé au débiteur l’informant des lieux, jour et heure de la vente dix jours avant par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout moyen laissant trace, n’a pas prévu de sanction en cas de non respect de ces formalités.
II appartient donc à l’Établissement Mikiéma Jean-Baptiste qui se prévaut du non-respect du délai de 10 jours avant la date de la vente pour solliciter la nullité du procès-verbal de vérification (procès-verbal de recollement de justifier du préjudice qu’il aurait subi du fait de cette violation; or, celui-ci ne justifie pas d’un quelconque préjudice, comme l’exige l’article 123 du code de procédure civile.
C’est donc à tort que le Juge des référés a prononcé la nullité du procès-verbal de vérification (recollement) suivi d’enlèvement du 04 Janvier 2005.
Par ailleurs, il est constant que la saisie-vente n’a jamais fait l’objet d’une procédure de contestation, pour vice de fond ou de forme, de sorte que le premier Juge a, à juste titre, rejeté la demande de mainlevée.
Dès lors, la restitution au débiteur, des biens, objets de la saisie vente, ne se justifie pas, la nullité éventuelle d’un procès-verbal de vérifications n’y ayant aucun effet.
La décision du Juge des référés ordonnant la restitution des biens saisis qui, au demeurant, ont fait l’objet d’une vente, résulte d’une mauvaise application de la loi.
II convient par conséquent d’infirmer l’ordonnance querellée et de débouter l’Établissement N.J.B. de tous ses chefs de demande.
SUR LES DEPENS
L’Établissement N.J.B, qui succombe en la cause, doit être condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort.
EN LA FORME
Déclare recevable l’appel de la Société COMATEC relevé de l’ordonnance de référé 53 rendue le 11 Janvier 2004 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan.
AU FOND
L’y dit "bien fondé.
Infirme ladite ordonnance en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau.
Rejette comme non fondée l’action des Ets N.J.B.
Les condamne aux dépens.
En foi de quoi, le présent arrêt prononcé publiquement, contradictoirement en matière civile, commerciale et en dernier ressort par la Cour d’Appel d’Abidjan (5ème Chambre Civile) a été signé par le Président et le Greffier.