J-09-358
RECOUVREMENT DE CREANCE – ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER – OPPOSITION ANTERIEURE A LA SIGNIFICATION – DELAI AYANT PU COURIR A LA DATE DE L’OPPOSITION (NON) – PROHIBITION DE L’OPPOSITION AVANT TOUTE SIGNIFICATION (NON) – RECEVABILITE (OUI).
RECOUVREMENT DE CREANCE – REQUETE AUX FINS D’INJONCTION DE PAYER – CREANCE NON DETERMINEE AVEC EXACTITUDE ET TERME FIXE POUR LE PAIEMENT SUSPENDU – REUNION DES CARACTERES LIQUIDE ET EXIGIBLE (NON) – IRRECEVABILITE.
Article 10 AUPSRVE
L’opposition intervenue antérieurement à la signification de l’ordonnance d’injonction de payer doit être déclarée recevable, dès lors que le délai de quinze jours prévu par la loi n’a pu courir, aucune disposition légale ne prohibant l’opposition formée avant toute signification.
La requête aux fins d’injonction de payer doit être déclarée irrecevable, dès lors que la créance alléguée n’est ni liquide, ni exigible, la créance non seulement n’étant pas déterminée avec exactitude, mais encore le terme fixé pour obtenir le paiement étant demeuré suspendu.
COUR D’APPEL DE DALOA, 1èree CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE, ARRET N 156 DU 21 JUIN 2006, AFFAIRE LA COOPERATIVE AGRICOLE DU DEPARTEMENT DE GAGNOA « COOPADEG » c/ KOFFI KOUASSI MARCELLIN – FORGHO YAYA.
LA COUR
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Vu les conclusions des parties.
Ensemble, l’exposé des faits, procédure, prétentions et moyens des parties et motifs ci-après.
Faits et procédure
KOFFI KOUASSI MARCELIN et FORGO YAYA ont livré aux fins de commercialisation à la Coopérative Agricole du Département de Gagnoa dite COOPADEG des produits agricoles d’une valeur de 2.691.280 francs.
Cette somme n’a pu leur être remboursée après la vente pour cause de malversation financière qu’aurait commise le gérant de ladite coopérative.
Les démarches amiables entreprises auprès de la COOPADEG en vue du recouvrement de leur créance étant demeurées vaines, KOFFI KOUASSI Marcelin se prétendant créancier de ladite coopérative a sollicité et obtenu du Président du Tribunal de Première Instance de Gagnoa, l’ordonnance d’injonction de payer N 54/04 du 20 octobre 2004 condamnant cette dernière à lui payer la somme de 2.691.280 francs.
Cette décision ne lui a pas encore été signifiée quand par acte du 03 novembre 2004, la COOPADEG a formé opposition à son exécution.
Avant l’évocation de cette affaire inscrite au rôle de l’audience du Tribunal de Gagnoa prévue pour le 29 décembre 2004, KOFFI KOUASSI Marcelin, par acte du 19 novembre 2004 a signifié l’ordonnance attaquée à la COOPADEG.
Advenue l’audience du 29 décembre 2004, faute par la COOPADEG d’avoir comparu à la première évocation de l’affaire, le Tribunal de Gagnoa par jugement de défaut n 134/04 a ordonné la radiation de celle-ci du rôle.
C’est alors que par acte du 07 décembre 2005, la COOPADEG a réassigné devant cette même juridiction KOFFI KOUASSI Marcelin aux fins de reprise de la procédure en opposition contre cette ordonnance.
Suivant jugement civil contradictoire N 38 du 15 février 2006, la juridiction saisie a déclaré l’opposition irrecevable comme prématurée pour n’être pas intervenue dans le délai de 15 jours à compter du 19 novembre 2004, date de la signification de l’ordonnance querellée.
Cette décision n’a pas encore été signifiée que par acte du 09 mars 2006, la COOPADEG en a relevé appel.
Par arrêt avant-dire-droit n 77 du 29 mars 2006, la Cour d’Appel de ce siège a déclaré ledit appel recevable.
Prétentions et moyens des parties
Aux termes de son acte d’appel, la COOPADEG sollicite l’infirmation du jugement attaqué.
A cet égard elle a reproché au tribunal d’avoir déclaré son opposition irrecevable alors qu’aucune disposition juridique n’empêche le débiteur qui a connaissance d’une ordonnance d’injonction de payer de former opposition à son exécution avant que son créancier ne la lui signifie.
Elle fait valoir en outre que son opposition prématurée du 03 novembre 2004 contre l’ordonnance critiquée a eu pour effet aussi bien la suspension de l’exécution de ladite ordonnance jusqu’à l’intervention d’une décision définitive que celle du délai de 15 jours requis pour élever toute contestation.
Aussi fait-elle observer que la suppression du délai de 15 jours pour former opposition subsiste jusqu’à la reprise de l’instance après la décision de radiation laquelle, est une mesure non d’extinction mais de suspension de l’instance.
Argumentant sur le fond du litige, l’appelante articule que c’est à tort que KOFFI KOUASSI Marcelin en sa qualité de coopérateur se prétend créancier de la COOPADEG.
Qu’en effet, fait-elle remarquer, dès lors que le produit est livré par un coopérateur qui est de surcroît un administrateur, il devient propriété de la coopérative.
Que les membres de la coopérative contribuant aux pertes et participant au bénéfice, lorsqu’à la suite d’une mauvaise gestion du gérant de la structure, celle-ci enregistre des pertes, aucun des coopérateurs administrateurs ne peut être fondé à demander le remboursement de l’apport par lui fait.
Qu’ainsi poursuit-elle, les coopérateurs n’ayant pu rentrer en possession de leur part du bénéfice eu égard aux malversations financières du gérant, l’intimé n’est pas fondé à poursuivre par voie judiciaire le recouvrement de sa prétendue créance laquelle du reste, n’est pas certaine puisque résultant d’une reconnaissance de dette faite par son secrétaire général qui n’avait pas qualité pour agir au nom et pour le compte de la coopérative.
En cause d’appel l’intimé n’a pas conclu.
Il a toutefois exposé devant le premier juge que l’opposition prématurée formée par l’appelante le 03 novembre 2004 contre l’ordonnance attaquée doit être déclarée irrecevable pour violation de l’article 7 alinéa 2 de l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution dont l’interprétation impose que l’opposition à l’ordonnance d’injonction de payer soit nécessairement formée dans le délai de 15 jours à compter de la date de sa signification.
Que l’ordonnance litigieuse ayant été signifiée le 19 novembre 2004, l’appelant avait 15 jours à compter de cette signification pour former opposition; Que ne l’ayant pas fait dans le délai légal, elle est forclose.
MOTIFS
EN LA FORME
Sur la recevabilité de l’appel
Considérant qu’aux termes de l’arrêt avant – dire-droit N 77 du 29 mars 2006, la Cour d’Appel de ce siège a déjà déclaré recevable l’appel interjeté par la COOPADEG.
Qu’il y a lieu de s’en rapporter.
Sur la recevabilité de l’opposition
Considérant que l’article 10 de l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement dispose que « l’opposition doit être formée, dans les quinze jours qui suivent la signification de la décision d’injonction de payer ».
Considérant que l’opposition formée le 03 novembre 2004 par la COOPADEG contre l’ordonnance d’injonction de payer n 54/04 du 20 octobre 2004 est intervenue antérieurement à la signification à elle faite, de sorte que le délai de quinze jours prévu par la loi n’a pu courir, surtout qu’aucune disposition légale ne prohibe l’opposition formée avant toute signification.
Qu’ainsi, il sied de déclarer recevable l’opposition formée par la COOPADEG nonobstant la décision de radiation prononcée, laquelle, n’a fait que suspendre l’instance régulièrement reprise par l’acte de réassignation du 7 décembre 2005.
Qu’il y a lieu en conséquence d’infirmer sur ce point le jugement attaqué.
AU FOND
Du bien fondé de l’opposition
Considérant que pour justifier le recouvrement de sa créance KOFFI KOUASSI Marcelin verse à l’appui de sa requête une facture établie par le secrétaire général de la COOPADEG en date du 30 juillet 2004 faisant apparaître à son crédit un montant de 6.117.200 francs reconnu par ladite coopérative, laquelle s’est engagée en outre à effectuer le paiement à une date que le conseil d’administration décidera à sa séance du 20 Août 2004.
Considérant au vu de la pièce susvisée, que la créance de 2.691.280 francs dont se prévaut l’intimé non seulement n’est pas déterminée avec exactitude, mais encore le terme fixé pour obtenir le paiement de celle-ci est demeuré suspendu.
Qu’il en résulte que la créance alléguée n’étant ni liquide, ni exigible, la requête aux fins d’injonction de payer initiée par KOFFI KOUASSI Marcelin doit être déclarée irrecevable.
Considérant que l’intimé succombe.
Qu’il y a lieu de le condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort.
EN LA FORME
S’en rapporte à l’arrêt avant-dire-droit N 77 du 29 mars 2006 rendu par la Cour d’Appel de ce siège qui a déjà déclaré recevable l’appel interjeté par la COOPADEG.
AU FOND
Déclare ledit appel bien fondé.
Infirme en toutes ses dispositions le jugement attaqué n 38 du 15 février 2006 rendu par le tribunal de première instance de Gagnoa.
Statuant à nouveau
Déclare recevable et bien fondée l’opposition de la COOPADEG.
Déclare l’action de KOFFI KOUASSI Marcelin contre la COOPADEG irrecevable.
Condamne KOFFI KOUASSI Marcelin aux dépens.
Prononcé publiquement par le Président de la Chambre, les jour, mois et an que dessus.
Lequel Président a signé la minute avec le Greffier.