J-09-375
DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL – CONTRAT A DUREE INDETERMINEE – CONGE – OPPOSITION DU PRENEUR – OFFRE D’INDEMNITE D’EVICTION – DEFAUT D’ACCORD – BAILLEUR – ASSIGNATION EN RESILIATION – MONTANT DE L’INDEMNITE D’EVICTION – ARTICLE 94 ALINEA 2 AUDCG – ELEMENTS D’APPRECIATION – DEFAUT DE PIECES JUSTIFICATIVES – SITUATION GEOGRAPHIQUE DU LOCAL – FIXATION DU MONTANT DE L’INDEMNITE D’EVICTION – RESILIATION DU BAIL (OUI).
Le droit du bailleur de mettre fin au bail nonobstant l’opposition du preneur est un principe consacré. En revanche, et selon les dispositions de l’article 94 AUDCG, le preneur aura droit à une indemnité d’éviction fixée, en cas de désaccord, par la juridiction compétente en tenant compte, notamment, du montant du chiffre d’affaires, des investissements réalisés par le preneur et de la situation géographique du local.
Article 94 AUDCG
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n 20/2007 du 14 février 2007, SAWADOGO Pelga Boukary c/ DIOP Awa).
LE TRIBUNAL
Par acte d’huissier en date du 19 janvier 2006, SAWADOGO Pelga Boukary, directeur général des Établissements SAPEB, 01 BP 884 Ouagadougou 01, lequel a pour conseil maître SAVADOGO Mamadou, avocat à la Cour, a donné assignation à comparaître à Madame DIOP Awa, directrice du restaurant Hamanien, dont le conseil est maître KOPIHO Moumouni, avocat à la Cour par devant le Tribunal de grande instance de Ouagadougou à l’audience du 8 février 2006 à l’effet de :
– s’entendre fixer le montant de l’indemnité d’éviction conformément à la loi;
– s’entendre donner acte aux parties de la résiliation du bail conclu le 1er juillet 1994;
– s’entendre ordonner l’expulsion de Madame DIOP Awa de l’immeuble loué;
– s’entendre condamner DIOP Awa aux entiers dépens;
Au succès de sa demande, SAWADOGO Pelga Boukary par les soins de son conseil expose qu’il a donné à bail à usage commercial à Madame DIOP Awa, un immeuble sis sur l’Avenue Kwamé N’Krumah pour une durée indéterminée prenant effet à partir du 1er juillet 1994.
En vue de mettre un terme à ce bail et sur le fondement de l’article 93 alinéa 1er de l’Acte uniforme sur le droit commercial général, il a donné congé au preneur par exploit d’huissier en date du 2 novembre 2004. Par exploit d’huissier en date du 16/12/2004, le preneur a fait opposition au congé. En se fondant sur l’article 94 de l’Acte uniforme précité, il a offert au preneur de lui payer une indemnité d’éviction de un million cinq cent mille (1.500 000) francs CFA, par exploit d’huissier en date du 21 février 2005. Que, une fois de plus Madame DIOP Awa a rejeté cette offre d’indemnité d’éviction. C’est donc pourquoi il sollicite que le Tribunal puisse arbitrer entre les parties le montant de cette indemnité pour ainsi mettre fin au bail.
Pour résister à la demande de SAWADOGO Pelga Boukary, Madame DIOP Awa estime que l’offre réelle faite par le bailleur est fantaisiste, dérisoire et n’intègre pas le préjudice qu’elle aura à subir du fait de son éviction. En effet elle estime avoir réalisé d’importants investissements pour l’implantation du restaurant et aujourd’hui l’exploitation du fonds de commerce a permis de conquérir une clientèle appréciable en raison même de la situation géographique très avantageuse. Enfin elle réalise un chiffre d’affaires intéressant de sorte que son éviction lui portera un préjudice inestimable. C’est pourquoi elle sollicite que lui soit alloué une indemnité d’éviction de dix huit millions (18.000 000) de francs CFA.
En réplique SAWADOGO Pelga Boukary déclare qu’en réalité dans cette affaire son préjudice est plus important que celui de DIOP Awa, pour la simple raison que le loyer est sous évalué et le preneur en a profité pour se faire d’énormes profits depuis des années. Aussi le loyer n’est pas payé régulièrement (à preuve celui de janvier 2006 payé par chèque BIB rejeté pour défaut de provision). Enfin Madame DIOP Awa en raison de l’activité menée dans l’immeuble a contribué à le dégrader.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu qu’en l’espèce si SAWADOGO Pelga Boukary et Madame DIOP Awa sont d’accord sur le principe selon lequel le droit du bailleur de mettre fin au bail nonobstant l’opposition du preneur est consacré, en revanche ils ne s’accordent pas sur le montant de l’indemnité d’éviction à verser.
Attendu que s’agissant du montant de l’indemnité d’éviction, l’article 94 alinéa 2 de l’Acte uniforme dispose que « à défaut d’accord sur le montant de cette indemnité, celle-ci est fixée par la juridiction compétente en tenant compte notamment du montant du chiffre d’affaires, des investissements réalisés par le preneur, et de la situation géographique du local ».
Que la juridiction compétente conformément à la loi sur l’organisation judiciaire pour connaître des engagements et actes de commerce entre commerçants est le Tribunal de grande instance statuant en matière commerciale.
Attendu qu’en lieu et place de la somme de un million cinq cent mille (1.500 000) francs CFA que lui propose le bailleur, Madame DIOP Awa réclame la somme de dix huit millions (18.000 000) de francs CFA sans être en mesure de fournir les éléments d’appréciation notamment sur son chiffre d’affaires et sur les investissements réalisés.
Qu’en dépit des délais qui lui ont été consentis par le tribunal pour produire les pièces justificatives, force a été de constater que lesdits documents n’ont pu être produits pour appréciation par le Tribunal.
Attendu que le tribunal ne dispose que d’un seul élément d’appréciation, à savoir la situation géographique du local. L’avenue Kwamé N’Krumah, lieu de situation de l’immeuble est en effet une avenue à la renommée établie, ce qui peut laisser penser que les affaires du preneur étaient prospères.
Attendu qu’au regard de ce seul élément, le tribunal estime que la somme de cinq millions (5 000 000) de francs CFA serait une juste réparation du préjudice qui pourrait résulter de l’éviction de Madame DIOP Awa.
Attendu que par voie de conséquence il y a lieu de prononcer la résiliation du bail entre SAWADOGO Pelga Boukary et Madame DIOP Awa et d’ordonner l’expulsion du preneur de l’immeuble tant de sa personne que de tout occupant de son chef.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort.
Déclare SAWADOGO Pelga Boukary recevable en la forme en son action.
Fixe l’indemnité d’éviction à la somme de cinq millions de francs CFA (5 000 000).
Prononce la résiliation du bail existant entre les parties.
En conséquence, ordonne l’expulsion de DIOP Awa, tant de sa personne, de ses biens que de tout occupant de son chef de l’immeuble appartenant à SAWADOGO Pelga Boukary.
Dit que l’expulsion de DIOP Awa prendra effet seulement après paiement intégral de l’indemnité d’éviction.
Condamne DIOP Awa aux dépens.