J-09-381
DROIT COMMERCIAL GENERAL – FONDS DE COMMERCE – LOCATION GERANCE – STATION D’ESSENCE – SOUS-LOCATION DE LA BAIE DE LAVAGE – NOUVELLE GERANCE – EXPULSION DU SOUS-LOCATAIRE – ASSIGNATION EN PAIEMENT D’UNE INDEMNITE D’EVICTION – RECEVABILITE (OUI) – VALIDITE DU BAIL.
BAIL DE FONDS DE COMMERCE – CONTRAT A DUREE DETERMINEE – CHARGES ET CONDITIONS GENERALES – INTERDICTION DE CESSION OU SOUS-LOCATION – VIOLATION DES CONDITIONS DE L’ARTICLE 89 AUDCG – DROIT A SOUS LOCATION (NON) – APPLICATION DE L’ARTICLE 78 AUDCG (NON) – ACTION MAL FONDEE – DEMANDES RECONVENTIONNELLES – ACTION MALICIEUSE ET VEXATOIRE (NON) – DOMMAGES ET INTERETS (NON) – EXECUTION PROVISOIRE (NON).
Ne s’agissant pas d’une vente de locaux encore moins d’une mutation de droit de propriété, l’article 78 AUDCG relatif à la continuation de plein droit du bail est inopérant en l’espèce.
Le demandeur n’est pas en location bail, et l’article 89 AUDCG interdit toute sous-location totale ou partielle sauf si le contrat le prévoit. Dans le cas où celle-ci est autorisée, l’acte doit être notifié au bailleur pour lui être opposable.
En l’espèce, le demandeur n’a de contrat ni avec le propriétaire du fonds de commerce, ni avec le locataire principal. Mieux, la sous-location même partielle du fonds de commerce est strictement interdite selon les termes du contrat. Par conséquent, dans la mesure où le locataire principal ne tient pas du propriétaire un droit à sous-location, l’action du demandeur est mal fondée.
Article 15 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 394 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n 045 du 27 février 2008, TIENDREBEOGO Bruno c/ SIGUE Fatimata).
LE TRIBUNAL
I. EXPOSE DES FAITS ET PROCEDURE
Par acte de maître Simon PODA, huissier de justice en date du 24 septembre 2007, monsieur TIENDREBEOGO Bruno a assigné madame SIGUE Fatimata Franceline devant le Tribunal de céans en paiement d’une indemnité d’éviction.
A l’appui de sa requête il expose que courant l’année 2003, il a pris en location dans le cadre d’un bail commercial à durée indéterminée, la baie de lavage de la station Shell sise au marché SANKARIARE à DAPOYA, secteur 12 de la ville de Ouagadougou sous un loyer mensuel de 100 000 FCFA; Que le 04 mai 2007, la station changeait de gérant.
Que madame SIGUE, nouvelle gérante de la station décidait unilatéralement de mettre fin au contrat de location conclu entre la station et lui motif pris de ce qu’elle ne serait pas liée par ce contrat passé entre le précédent gérant.
Qu’elle lui proposait de l’employer comme salarié, ce qu’il a refusé.
Que face à ce refus, madame SIGUE avec l’aide de certains de ses agents procédait le 15 mai 2007 sans préavis et sur fond d’injures, à son expulsion des lieux loués; Que cette expulsion, est manifestement illégale.
Qu’en effet, il résulte des dispositions de l’article 78 de l’Acte uniforme OHADA que « le bail ne prend pas fin par la vente des locaux donnés à bail. En cas de mutation du droit de propriété sur l’immeuble dans lequel se trouvent les locaux donnés à bail, l’acquéreur est de plein droit substitué dans les obligations du bailleur et doit poursuivre l’exécution du bail ».
Que la continuation du bail de plein droit constitue ainsi une exception à l’effet relatif des conventions et s’étend à tous les cas de mutation de propriété.
Qu’il s’ensuit donc qu’en procédant à l’expulsion, à l’éviction de monsieur TIENDREBEOGO Bruno dans les conditions telles que décrites ci-dessus, la dame SIGUE a violé les dispositions de l’article 78 de l’Acte uniforme.
Que c’est à bon droit qu’elle sera condamnée à lui payer une indemnité d’éviction.
Qu’il convient de révéler que lorsqu’il prenait en 2003 la gérance de la baie de lavage, cette dernière était hors service; Que c’est donc lui qui a donné vie à cette partie de la station et par ses démarches rechercher la clientèle et fait de cette baie de lavage ce qu’elle est aujourd’hui; Qu’à ce jour, il se voit obliger de tout reprendre à zéro.
Que c’est pourquoi, au titre de l’indemnité d’éviction, il sollicite que SIGUE Fatimata soit condamnée à lui payer la somme de 3.000 000 FCFA pour toutes causes de préjudices confondus.
En réponse SIGUE Fatimata sollicite du tribunal de rejeter les demandes de TIENDREBEOGO Bruno comme étant mal fondées.
Qu’elle sollicite du tribunal la condamnation du demandeur à lui payer reconventionnellement la somme de 3.000 000 FCFA pour action malicieuse et vexatoire sur le fondement de l’article 15 du code de procédure civile à lui payer outre celle de 300 000 FCFA au titre des frais non compris dans les dépens, enfin condamner le demandeur aux dépens.
II. DISCUSSION
A) EN LA FORME
Attendu que l’assignation de TIENDREBEGO Bruno a été faite dans les formes et délais prévues par la loi, qu’il y a lieu de la déclarer recevable en la forme.
B) AU FOND
1) Sur la demande de TIENDREBEOGO BRUNO
Attendu que TIEND&EBEOGO Bruno sollicite du tribunal la condamnation de SIGUE Fatimata au paiement d’une indemnité d’éviction sur la base de l’article 78 de l’Acte uniforme OHADA sur le droit commercial général.
Mais attendu qu’il y a lieu de restituer les faits avant de faire une analyse juridique.
Attendu que Burkina & Shell est propriétaire d’un fonds de commerce dénommé « SHELL SANKARIARE » et qui comprend les éléments tant corporels qu’incorporels.
Qu’en droit, le fonds de commerce peut être exploité directement ou dans le cadre d’un contrat de location gérance qui l’exploite à ses risques et périls.
Que madame SIGUE Fatimata a de ce fait souhaité prendre à bail le fonds de commerce « SHELL SANKARIARE » afin d’en assurer l’exploitation à ses risques et périls pour une durée déterminée de douze mois et dont l’éventuel renouvellement donnera nécessairement lieu à la rédaction d’un autre contrat qui annule toujours toutes dispositions antérieures dès sa signature.
Que les charges et conditions générales sont exposées, traitées et définies à l’article 5 du contrat type où il est conclu toute interdiction de cession ou sous-location.
Qu’à la fin du contrat de madame SIKO/PARKOUDA M. Brigitte et avant l’entrée en vigueur de celui de madame SIGUE Fatimata, un inventaire contradictoire de stocks a été fait le 04 mai 2007 sous la supervision du propriétaire du fonds de commerce.
Attendu que le bail commercial est une convention entre le propriétaire (Burkina & Shell) et une personne physique ou morale (madame SIKO d’abord et ensuite madame SIGUE).
Qu’en claire TIENDREBEOGO Bruno n’est pas en location bail, et l’article 89 de l’Acte uniforme sur le droit commercial général interdit toute sous-location totale ou partielle sauf si le contrat le prévoit; Que même si cette sous-location est autorisée, l’acte doit être notifiée pour être opposable; Qu’alors qu’en l’espèce, monsieur TIENDREBEOGO n’a de contrat ni avec BURKINA & SHELL ni avec madame SIGUE; Que mieux, la sous-location même partielle de SHELL SANKARIARE est strictement interdite.
Que dans la mesure où le locataire principal ne tient pas du propriétaire un droit à sous location, monsieur TIENDREBEOGO Bruno est mal venu en sa démarche.
Que si TIENDREBEOGO estime avoir un bail commercial avec madame SIKO/PARKOUDA M. Brigitte, il se heurte toujours aux dispositions des articles 89 de l’Acte uniforme invoqués et 5 alinéa 17 du contrat.
Que ne s’agissant pas d’une vente de locaux encore moins d’une mutation de droit de propriété, l’article 78 de l’Acte uniforme invoqué par TIENDREBEOGO Bruno est inopérant en l’espèce.
Qu’il échet tout simplement le débouter de sa demande.
2) Sur les demandes reconventionnelles de SIGUE FATIMATA
Attendu que madame SIGUE Fatimata déclare qu’au regard de tout ce qui précède, l’action de TIENDREBEOGO Bruno est malicieuse, vexatoire, et n’est pas fondée sur des moyens sérieux; Qu’en prenant l’initiative de ce procès, TIENDREBEOGO Bruno a entendu malicieusement l’exposer, surprendre la religion du tribunal et extorquer la somme de 3.500 000 f CFA.
Qu’au regard de l’article 15 du code de procédure civile, le tribunal voudra condamner TIENDREBEOGO Bruno à lui payer la somme de 3.000 000 FCFA à titre de dommages et intérêts, outre celle de 300 000 FCFA au titre des frais non compris dans les dépens sur le fondement de l’article 6 de la loi n 028-2004/AN du 08 septembre 2004 portant modification de la loi n 010/93/ADP du 17 mai 1994 portant organisation judiciaire au Burkina Faso.
Attendu que pour ce qui est du premier chef de demande il y a lieu de déclarer que l’action de TIENDREBEOGO Bruno n’est en aucune manière malicieuse et vexatoire.
Qu’il y a lieu de débouter SIGUE Fatimata de ce chef de demande.
Attendu que SIGUE Fatimata sollicite en outre que le demandeur soit condamné à lui payer la somme de 300 000 FCFA au titre des frais non compris dans les dépens sur la base de l’article 6 précité.
Attendu que cet article veut que la partie qui succombe ou qui est tenue aux dépens soit condamnée au paiement des frais non compris dans les dépens de l’autre.
Attendu que c’est de bon droit que SIGUE Fatimata demande que TIENDREBEOGO soit condamné à lui payer la somme de 300 000 FCFA au titre des frais non compris dans les dépens.
Mais attendu que le montant sollicité paraît excessif; Qu’il y a lieu de le ramener à de justes proportions en condamnant le demandeur à payer la somme de 150 000 FCFA et en déboutant SIGUE du surplus de sa demande.
Attendu que madame SIGUE Fatimata sollicite que le tribunal assortisse sa décision de l’exécution provisoire nonobstant toutes les voies de recours.
Mais attendu qu’aucune urgence ne justifie la mesure sollicitée; qu’il y a lieu de la rejeter.
Attendu enfin que selon les énonciations de l’article 394 du code de procédure civile, la partie qui succombe est condamnée aux dépens sauf au juge à laisser la totalité ou une fraction des dépens à la charge d’une autre par décision spéciale et motivée.
Qu’ainsi il y a lieu de condamner TENDREBEOGO Bruno aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort :
Déclare TENDREBEOGO Bruno recevable en son action.
Au fond l’en déboute comme étant mal fondée.
Reçoit partiellement la demande reconventionnelle de madame SIGUE Fatimata Franceline.
Condamne monsieur TIENDREBEOGO Bruno à payer à madame SIGUE Fatimata Franceline la somme de cent cinquante mille (150 000) FCFA au titre des frais non compris dans les dépens.
Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Condamne TIENDREBEOGO Bruno aux dépens.