J-09-384
DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL A USAGE PROFESSIONNEL – CONTRAT A DUREE DETERMINEE – PRENEUR – RESILIATION AVANT TERME – ASSIGNATION EN RESPONSABILITE CONTRACTUELLE ET EN PAIEMENT – PRESCRIPTIONS DE L’ARTICLE 101 ALINEA 2 AUDCG – RECEVABILITE (OUI).
REMISE EN L’ETAT DES LIEUX – APPLICATION DE L’ARTICLE 74 AUDCG (NON) – CLAUSES ET CONDITIONS DU BAIL – MODIFICATIONS ET TRANSFORMATIONS – CHARGE EXCLUSIVE DU PRENEUR (OUI) – OBLIGATIONS CONTRACTUELLES – INEXECUTION – RUPTURE IRREGULIERE ET ABUSIVE – ARTICLE 1147 CODE CIVIL – DOMMAGES ET INTERETS (OUI) – RESILIATION DU CONTRAT – INDEMNITE DE PREAVIS (NON) – RESILIATION DES COMPTEURS – DEMANDE MAL FONDEE.
Aux termes de l’article 74 AUDCG, « le bailleur fait procéder, à ses frais, dans les locaux donnés à bail à toutes les grosses réparations devenues nécessaires et urgentes ».
Dans la présente cause, les modifications et transformations ont été faites sur ordre du preneur et sans autorisation préalable du bailleur comme le stipule le contrat de bail. En outre, de par leur nature, ces modifications n’avaient aucun caractère urgent comme l’exige l’article 74 suscité. Enfin, il importe de préciser et c’est de loin le plus important, que l’article 74 concerne « les grosses réparations » alors que les travaux effectués par le preneur sont des « modifications » et des « transformations ». Il est constant que la réparation est une notion juridique nettement distincte de la modification et de la transformation. Par conséquent, il sied donc d’ imputer la charge définitive des frais au preneur.
Article 74 AUDCG
Article 101 AUDCG
Article 1147 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 1150 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 394 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n 079/07 du 25 avril 2007, BAYALA Clarisse c/ Bureau des Investissements Populaires (BIP)).
LE TRIBUNAL
Vu les pièces du dossier.
Ouï les parties à l’audience du 28 février 2007, date à laquelle l’affaire a été renvoyée à la mise en état, puis renvoyée devant le Tribunal à l’audience du 25 avril 2007; à cette date le dossier a été mis en délibéré au 13 juin 2007.
Advenue cette date le tribunal a statué en ces termes.
Attendu que par acte de maître Simon PODA, huissier de justice près les Cours et Tribunaux de Ouagadougou, Madame BAYALA A. Clarisse a fait assigner le Bureau des Investissements Populaires (BIP) en responsabilité contractuelle et en paiement, en sollicitant que le Bureau des Investissements Populaires (BIP) soit condamné à lui payer la somme de quatre cent trente six mille deux cent soixante un (436.261) Francs CFA au titre des frais exposés pour la remise en état des lieux, celle de deux millions deux cent mille (2.200 000) au titre du gain manqué et à supporter les dépens ainsi que des frais non compris dans les dépens d’un montant de trois cent cinquante quatre mille (354.000) FCFA.
Qu’elle excipe à l’appui de sa demande qu’elle a donné en bail à usage professionnel son immeuble sis parcelle 2 lot 13 secteur 8 de Ouagadougou au Bureau des Investissements Populaires (BIP) à raison d’un loyer mensuel de neuf mille (900 000) FCFA.
Que cette location a été matérialisée par un contrat de bail en date du 27 février 2006 pour une durée d’un an venant à expiration le 28 février 2007.
Que le 14 juin 2006 elle recevait du BIP une lettre du 07 juin 2006 l’informant de son intention de résilier le contrat de bail à la date du 30 juin 2006.
Qu’elle réagissait en attirant l’attention du BIP sur les dispositions de l’article 3 dudit contrat notamment sur le délai de préavis qui est de trois (03) mois.
Que malgré ce désaccord, le Bureau des Investissements Populaires (BIP) a rompu abusivement le bail avant terme en observant un préavis de seize (16) jours contrairement à l’article 3 sus visé.
Que par ailleurs, le BIP a laissé des factures d’électricité impayées d’un montant de quarante mille deux cent cinquante (40.250) et a libéré les lieux en mauvais état.
Qu’elle a alors effectué des réparations d’un montant total de deux millions deux cent trente six mille deux cent soixante un (2.236.261) se décomposant comme suit : le forage en panne réparé à cent un mille (101 000) F, climatisation à cent quarante neuf mille (149.000) F; le jardin saccagé à cent cinq mille cinq cent cinquante (105.550) F, sanitaire dégradés à cent quarante neuf mille cinq cent (149.500) F, peinture à un million quatre cent cinquante trois mille (1.453.000)F, menuiserie bois quatre vingt dix mille (90 000) F, menuiserie aluminium cent quarante sept mille cinq cent (147.500) F.
Qu’elle déclare avoir en sa possession la somme de un million huit cent mille (1.800 000) F représentant une caution versée par le BIP lors de conclusion du contrat.
Qu’elle a utilisé ladite somme qui s’est avérée insuffisante pour faire face aux différentes réparations.
Qu’ils ont convenu ensemble que le BIP lui restait redevable de la somme reliquataire de quatre cent trente six mille deux cent soixante un (436.261) F qu’il sait engagé à payer.
Que contre toute attente, le BIP, après avoir libéré les lieux, refuse de s’exécuter et de résilier les compteurs d’eau et d’électricité.
Que toutes les tentatives de règlement à l’amiable sont demeurées vaines.
Que l’attitude du BIP lui a causé un sérieux préjudice dont il demande réparation.
Qu’au regard de tout ce qui précède, elle demande au tribunal de condamner le BIP à lui payer la somme de quatre cent trente six mille deux cent soixante un (436.261) F en remboursement des frais exposés pour la remise en état des lieux, celle de deux millions deux cent vingt mille (2.220 000) F au titre de l’indemnité de préavis de deux (02) mois et quatorze (14) jours, celle de quatre millions (4.000 000) F au titre du gain manqué ainsi que celle de trois cent cinquante mille (354.000) F au titre des honoraires d’avocat et d’ordonner la résiliation des compteurs d’eau et d’électricité sous astreinte de cinquante mille (50 000) F par jour de retard à compter du délibéré et enfin de condamner le BIP aux dépens.
Attendu qu’en réplique le BIP demande au Tribunal de débouter Madame BAYALA clarisse de toutes ses prétentions comme étant mal fondées.
Qu’il prétend d’abord que les grosses réparations ne sont pas imputables au BIP mais au bailleur et ce conformément aux dispositions de l’article 74 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général.
Qu’ensuite, la demande de paiement de dommages et intérêts est irrecevable conformément à l’article 1150 du code civil qui stipule que « le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ».
Qu’en effet, il ne ressort d’aucune disposition du contrat de bail que le non respect du délai de préavis donne droit au paiement de dommage et intérêts.
Qu’enfin l’état des lieux attestant des dégradations a été dressé unilatéralement à l’insu du BIP en violant l’article 8 du contrat de bail.
Que mieux, le bailleur aurait dû saisir le juge à l’effet de désigner les techniciens à la constatation de l’état de l’immeuble conformément à l’article 288 du code de procédure civile.
Que cet état des lieux est donc arbitraire et que les données s’y dégageant doivent être remises en cause.
Que par conséquent, il y a lieu de rejeter la demande de paiement de la somme reliquataire de quatre cent trente six mille deux cent soixante un (436261) F et de condamner le bailleur à restituer la caution d’un montant de un million huit cent mille (1.800 000) F en intégralité.
Attendu qu’en réponse, Madame BAYALA clarisse argue que l’article 9 du contrat de bail dispose que » le preneur ne pourra faire aucune transformation ou modification dans l’état ou la disposition des lieux loués sans autorisation préalable expresse écrite du bailleur. Les travaux autorisés par ce dernier seront à la charge exclusive du preneur.. « .
Que le BIP a transformé un débarras en bureau, installé un réseau de téléphone parallèlement à celui qui existait déjà, modifié la porte de la chambre principale, remplacé certains climatiseurs par d’autres de qualité moindre et douteuse.
Que ces modifications et transformations le BIP les a faites à l’insu du bailleur qui n’a donc pu donner son autorisation.
Que l’article 10 du contrat de bail dispose que le bailleur s’acquittera des grosses réparations qui n’ont pas été causées par le preneur.
Que dans la présente cause les réparations résultent du fait du preneur.
Que concernant les dommages et intérêts, il y a rupture irrégulière et abusive du contrat de bail par le BIP.
Que cette rupture abusive constitue une faute qui lui a causée préjudice et qu’il faut par conséquent réparer.
Qu’enfin l’état des lieux a été fait en présence de Monsieur TAO désigné par le BIP qui en a récupéré une copie pour signature par ses supérieurs.
Que depuis lors, le BIP conserve ce document et refuse de délivrer copie dûment signée.
SUR CE
EN LA FORME
Attendu que le bailleur a fait délivrer au preneur en date du 26 mai 2006, une mise en demeure d’avoir à respecter les clauses et conditions du bail
Que cette mise en demeure respecte les prescriptions de l’alinéa 2 de l’article 101 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général.
Qu’il échet donc recevoir en la demande la forme.
AU FOND
Attendu que BAYALA Clarisse sollicite premièrement du tribunal la condamnation du BIP au paiement de la somme de quatre cent trente six mille deux cent soixante un (436.261) FCFA en remboursement des frais exposés pour la remise en l’état des lieux et celle de deux millions deux cent vingt mille (2.220 000) FCFA au titre du préavis de 2 mois.
Mais attendu que pour résister à cette demande BIP soutient que la charge définitive des réparations effectuées doit revenir au bailleur.
Que ce faisant, il s’appuie sur les dispositions de l’article 74 de l’acte Uniforme relatif au droit commercial général.
Mais attendu que ce moyen ne peut prospérer en ce sens que les parties ayant stipulé leur contrat par écrit c’est ce droit qui trouve application.
Que l’article 9 de ce contrat du 27 février 2006 dispose que « le preneur ne pourra faire aucune modification ou transformation dans l’état ou la disposition des lieux loués, sans autorisation préalable expresse écrite du bailleur. Les travaux autorisés par ce dernier seront à la charge exclusive du preneur. ».
Que dans la présente cause, le BIP a transformé un débarra en bureau, installé un réseau de téléphone parallèlement à celui qui existait déjà, a modifié la porte de la chambre principale, et enfin remplacé certains climatiseurs par d’autres de qualité moindre et douteuse et cela sans en aviser le bailleur.
Attendu que l’article 10 du contrat de bail dispose que « .. le bailleur s’acquittera des grosses réparations qui n’ont pas été causées par le fait du preneur »; Qu’alors que dans la présente cause, les réparations dont s’agit résultent du fait du preneur.
Que c’est en effet le BIP qui sans autorisation préalable, a effectué toutes ces modifications et transformations.
Attendu que l’article 7 du même contrat dispose que « le preneur est tenu des obligations suivantes : jouir des lieux en bon père de famille sans en changer la nature ni la destination et les rendre à la fin du bail dans le même état qu’au début du bail… ».
Que dans le cas d’espèce le BIP n’a pas jouit des locaux en bon père de famille; qu’il a en effet effectué incognito des transformations et des modifications.
Qu’en fin de bail, il n’a pas remis les lieux en l’état.
Attendu d’autre part que l’esprit et la lettre de l’article 74 de l’acte Uniforme relatif au droit commercial général sont clairs.
Qu’en effet, cet article pose le principe selon lequel les grosses réparations doivent être faites à l’initiative du bailleur « Le bailleur fait procéder à ses frais les grosses réparations devenues nécessaires et urgentes ».
Qu’ainsi donc, il appartenait au BIP d’informer le bailleur de la nécessité de ces grosses réparations; qu’il appartenait dès lors au bailleur, et non au BIP de faire procéder audites réparations.
Qu’alors que dans la présente cause, les modifications et transformations ont été faites sur ordre du BIP et sans autorisation préalable du bailleur.
Attendu au surplus que vu leur nature, ces modifications n’avaient aucun caractère urgent, alors que l’urgence est l’un des critères exigés par l’article 74 suscité.
Attendu enfin qu’il importe de préciser et c’est de loin le plus important, l’article 74 de l’Acte uniforme suscité concerne « les grosses réparations » alors que les travaux effectués par le BIP sont des « modifications » et « transformations ».
Qu’il est constant que la réparation est une notion juridique nettement distincte de la modification et de la transformation.
Qu’au regard de tout ce qui précède, il sied imputer la charge définitive de ces frais au BIP.
Attendue que le bailleur sollicite également la condamnation du locataire à lui payer la somme de quatre millions (4.000 000) de francs au titre du gain manqué.
Mais attendu que la BIP s’oppose à une telle réclamation en invoquant les dispositions de l’article 1150 du code civil.
Attendu cependant que cet article précise clairement l’hypothèse dans lequel son dispositif s’applique à savoir « .. lorsque ce n’est point par son acte que l’obligation n’est point exécuté ».
Attendu que dans le cas d’espèce, le BIP a volontairement et en toute liberté et lucidité décidé de ne pas exécuter son obligation contractuelle.
Que l’article 1147 du code civil est très clair à ce propos.
Attendu qu’il y a rupture irrégulière et abusive du contrat de bail par le BIP.
Que cette faute a privé BAYALA Clarisse de gains attendus.
Mais attendu que « le bailleur sollicite la condamnation de BIP au paiement de la somme de quatre millions (4.000 000) de francs au titre des gains manqués outre celle de quatre cent trente six mille deux cent soixante un (436.261) F; qu’il y a lieu de revoir à la baisse ladite somme.
Attendu que pour toutes ces réclamations il y a lieu de condamner le locataire au paiement de la somme totale de 2.982.000 FCFA, tout en le déboutant du surplus de sa demande.
Attendu que le bailleur sollicite la condamnation du locataire à lui payer la somme de 354.000 FCFA au titre des frais non compris dans les dépens sur le fondement de l’article 6 de la nouvelle loi portant organisation judiciaire au Burkina Faso.
Attendu que ladite loi énonce que la partie qui est condamnée aux dépens peut être condamnée à supporter les frais non compris dans les dépens exposés par l’autre.
Que dans la présente cause le BIP ayant perdu ce procès est logiquement la partie qui sera condamnée aux dépens.
Que c’est à bon droit que le BIP sera condamnée au paiement des frais d’avocat exposés par BAYALA Clarisse.
Mais attendu que le montant sollicité parait excessif au vu du barème indicatif des honoraires des avocat; qu’il y a lieu de le ramener à de justes proportions en condamnant la défenderesse au paiement de la somme de trois cent mille (300 000) F; Attendu que BAYALA Clarisse sollicite également du tribunal la condamnation de BIP à lui payer la somme de deux millions deux cent vingt mille (2.200 000) FCFA au titre du préavis.
Attendu que l’article 12 du contrat des parties énonce que la résiliation du présent contrat par le bailleur ne peut intervenir qu’après un préavis de trois mois.
Que dans la présente cause le contrat ayant été rompu par le locataire, le bailleur est mal venu a demandé un préavis sur le fondement de l’article précité.
Qu’il y a lieu de le débouter de cette demande car étant mal fondée.
Attendu en outre que le bailleur sollicite la condamnation du locataire à la résiliation des compteurs d’eau et d’électricité assortie d’une astreinte de cinquante mille (50 000) francs par jour de retard.
Mais attendu cette demande n’est pas justifiée qu’il a lieu de l’en débouter comme étant mal fondée.
Attendu enfin que l’article 394 du code de procédure civile dispose que la partie perdante doit supporter les dépens.
Attendu que le preneur a perdu dans la présente affaire.
Qu’il y a lieu de le condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant, publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en premier ressort.
Déclare l’action de BAYALA Clarisse recevable en la forme.
Au fond la déclare bien fondée, en conséquence condamne le BIP à lui payer la somme totale de deux millions neuf cent quatre vingt deux mille huit cent (2.982.800) francs au principal outre celle de trois cent mille (300 000) francs au titre des honoraires d’avocat.
Déboute BAYALA Clarisse de sa demande de résiliation des compteurs d’eau et d’électricité sous astreinte de cinquante mille (50 000) francs par jour de retard.
Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Condamne le BIP aux dépens.