J-09-385
DROIT COMMERCIAL GENERAL – VENTE COMMERCIALE – CONTRAT DE FOURNITURE DE MATERIEL INFORMATIQUE – ACTION EN RESOLUTION – ARTICLE 254 AUDCG – OBLIGATIONS DU VENDEUR – INEXECUTION – DEFAUT DE LIVRAISON – RESOLUTION DU CONTRAT (OUI) – EFFETS DE LA RESOLUTION – ARTICLE 270 AUDCG – RESTITUTION DE L’AVANCE (OUI) – DOMMAGES INTERETS.
VOIES D’EXECUTION – SAISIE CONSERVATOIRE DE CREANCES – DEMANDE DE VALIDATION ET CONVERSION EN SAISIE VENTE – IRRECEVABILITE (OUI) – TIERS SAISI – CONDITIONS DE L’ARTICLE 81 AUPSRVE – PAIEMENT DES CAUSES DE LA SAISIE (NON).
DEMANDE RECONVENTIONNELLE – FRAIS NON COMPRIS DANS LES DEPENS – DEMANDE FONDEE.
Selon l’article 254 AUDCG, l’acheteur peut demander la résolution du contrat si l’inexécution par le vendeur de l’une quelconque de ses obligations constitue un manquement essentiel au contrat. En l’espèce, pour n’avoir rien livré de ce qui était prévu après la réception de l’avance, le vendeur a manqué gravement à son obligation de délivrance et fonde de ce fait l’acheteur à demander la résolution du contrat. En outre, conformément à l’article 270 AUDCG, la partie qui a exécuté le contrat totalement ou partiellement peut demander restitution à l’autre partie de ce qu’elle a payé ou fourni en exécution du contrat. Il y a donc lieu de faire droit au remboursement de l’avance.
S’agissant de saisie conservatoire de créances, il y a lieu de noter que la conversion se fait dans le sens d’une saisie attribution et non d’une saisie vente. Dans tous les cas, l’article 82 AUPSRVE a prévu une procédure spéciale pour la conversion de la saisie conservatoire des créances en saisie attribution. La méconnaissance de ladite procédure par le créancier rend sa demande irrecevable.
Article 254 AUDCG
Article 270 AUDCG
Article 81 AUPSRVE ET SUIVANT
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n 067/2007 du 23 mai 2007, Banque agricole et commerciale du Burkina (BACB) c/ GOUO Seydou & autres).
LE TRIBUNAL
Vu l’acte d’assignation en date du 11 avril 2006 de la BACB.
Vu les écritures produites par Me Savadogo et Me Bambara.
Vu les articles 254 et 270 de l’Acte uniforme OHADA portant droit commercial général (AUDCG), 81 et 82 de l’Acte uniforme OHADA portant procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution (AUPSRVE), 6 nouveau de la loi 10-93 ADP du 17 mai 1993 portant organisation judiciaire au Burkina Faso.
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS, MOYENS
Par acte d’huissier en date du 11 avril 2006, la BACB a saisi le Tribunal de grande instance de Ouagadougou d’une action tendant à :
– voir prononcer la résolution d’un contrat de fourniture de matériel informatique par elle conclu avec Gouo Seydou;
– voir condamner Gouo Seydou à lui payer le montant de l’avance, soit la somme de 34.346.953 FCFA;
– le voir en outre condamner à lui payer les intérêts de l’avance par lui perçue pour compter du 23 mai 2005, outre les somme de 5 000 000 FCFA à titre de dommages intérêts;
– voir juger bonne et valable la saisie conservatoire de créances par elle pratiquée les 13 et 14 mars 2006 et ordonner sa conversion en saisie vente;
– voir condamner la SGBB et la Société nationale des postes solidairement avec Gouo Seydou au paiement des causes de la saisie;
– voir Gouo Seydou condamner à lui payer la somme de 1 000 000 FCFA au titre des frais non compris dans les dépens;
– le voir enfin condamner aux dépens.
Au soutien de sa demande, elle fait valoir que courant 2005, elle a commandé avec Gouo Seydou des ordinateurs et des imprimantes.
Qu’il était stipulé au titre des conditions qu’elle devait payer 50% du prix à la commande et les 50% après la livraison; Qu’elle a effectivement payé le 23 mai 2005 la somme de 34.346.953 FCFA correspondant à la moitié du prix total de la commande; Que quoiqu’ayant encaissé ledit montant, Gouo Seydou n’a procédé à aucune livraison; Que les différentes correspondances par elle adressés à l’intéressé ne l’ont pas amener à s’exécuter; Que c’est ce défaut d’exécution qui l’amène donc à demander la résolution du contrat et la restitution de l’avance payée sur la base des articles 254 et 270 de l’AUDCG.
Que s’agissant de sa demande d’intérêts sur l’avance et celle de dommages intérêts, elles se fondent respectivement sur les articles 273 et 249 de l’AUDCG; Que pour obtenir sûreté et garantie de paiement de l’avance, des intérêts de droit ainsi que des dommages intérêts auxquels Gouo Seydou pourrait être condamné, elle a pratiqué une saisie conservatoire de créances entre les mains de banques et établissements financiers assimilés par exploit d’huissier en date des 13 et 14 mars 2006; Que cette saisie a été dénoncée à Gouo Seydou par exploit d’huissier en date du 21 mars 2006; Qu’elle demande que la saisie soit déclarée bonne et valable et que sa conversion en saisie vente soit ordonnée; Que dans le cadre de la saisie sus visée, la SGBB et la SONAPOST qui sont des tiers saisis ont manqué à l’obligation de réponse qui leur est imposée par l’article 156 de l’AUPSRVE et doivent être condamnées aux causes de la saisie conformément audit article.
Que pour la procédure, elle a été obligée de s’attacher les services d’un avocat; Que c’est cela qui la fonde sur la base de l’article 6 nouveau de la loi 10-93 ADP du 17 mai 1993 portant organisation judiciaire au Burkina Faso à demander la somme de 1 000 000 FCFA au titre des frais non compris dans les dépens.
En réplique, la SGBB demande le rejet de la demande faite à son égard. Elle soutient que la saisie a été faite le 14 mars 2006; Que dès le lendemain, soit le 15 mars, elle a fait suivre la réponse par voie d’huissier de justice avec ampliation au greffier en chef du Tribunal de grande instance de Ouagadougou; Qu’ayant ainsi satisfait à son obligation d’information dans le délai de cinq jours maximum imparti par l’article 156 de l’AUPSRVE, l’action de la BACB à son égard manque de fondement; Que cette action qu’elle estime abusive et vexatoire l’a amenée à s’attacher les services d’un avocat; Que sur la base de l’article 6 nouveau du code de procédure civile, elle demande que la BACB soit condamnée à lui verser la somme de 350 000 FCFA au titre des frais exposés dans ce sens.
Relativement à cette réplique, la BACB soutient que l’article 156 ci-dessus visé dispose que la déclaration doit être faite au créancier et qu’elle ne peut être faite à l’huissier que si elle intervient sur le champ; Que dans la mesure où cela n’a pas été le cas, c’est à elle en tant que créancière que la déclaration aurait dû être adressée; Que la SGBB qui ne l’a pas fait alors que son adresse personnelle ainsi que son domicile élu étaient indiqués sur l’acte de saisie, ne peut se prévaloir de sa propre turpitude; Que ces précisons font que sa procédure n’a rien de vexatoire ou d’abusif; Que la SGBB fait une réclamation en s’appuyant sur l’article 6 du code de procédure civile lequel dispose que : « les parties doivent se faire connaître, mutuellement en temps utile, les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les moyens de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent afin que chacune puisse organiser sa défense »; Que cet article qui n’a aucun rapport avec la prétention pécuniaire de la SGBB fait que celle-ci manque de fondement en droit. Procédant à la rectification du fondement légal de sa prétention, la SGBB soutient qu’il s’agit en réalité de l’article 6 nouveau de la loi 10-93 ADP du 17 mai 1993 portant organisation judiciaire au Burkina Faso au lieu de l’article 6 nouveau du code de procédure civile.
Me Moumouni Kopiho, occupant pour Gouo Seydou a déclaré expressément qu’il n’entendait pas conclure.
DISCUSSION
SUR LES DIFFERENTS CHEFS DE DEMANDE DE LA BACB
Attendu qu’il résulte de l’article 254 de l’AUDCG que l’acheteur peut demander la résolution du contrat si l’inexécution par le vendeur de l’une quelconque de ses obligations constitue un manquement essentiel au contrat.
Attendu qu’en l’espèce, pour n’avoir rien livré de ce qui était prévu après la réception de l’avance, Gouo Seydou a manqué gravement à l’exécution de son obligation de délivrance et fonde de ce fait la BACB à demander la résolution du contrat; Qu’il y a donc lieu de la prononcer.
Attendu qu’il résulte de l’article 270 de l’AUDCG que la partie qui a exécuté le contrat totalement ou partiellement peut demander restitution à l’autre partie de ce qu’elle a payé ou fourni en exécution du contrat.
Attendu que référence faite à cet article, c’est à bon droit que la BACB qui avait déjà payé une avance de 34.346.953 FCFA en donne remboursement; Qu’il y a donc lieu d’y faire droit.
Attendu que pour ce qui concerne la demande d’intérêts légaux et celle des dommages intérêts, les deux se confondent en ce qu’au regard de la loi, l’indemnisation est constituée dans ce genre de circonstances par l’octroi d’intérêts aux taux légal sur le montant perçu sauf la preuve d’un préjudice distinct; Qu’en l’absence de préjudice distinct prouvé ici, c’est le principe de la confusion des deux demandes qui doit s’appliquer; Que référence faite aux taux d’intérêt légal, il échet d’arrêter à 3.000 000 FCFA le montant des dommages intérêts auxquels la peut prétendre et de condamner Gouo Seydou à son paiement.
,,,Attendu que la BACB demande la validation de la saisie conservatoire ainsi que sa conversion en saisie vente; Que cependant s’agissant de saisie conservatoire de créances, il y a lieu de noter que la conversion se fait dans le sens d’une saisie attribution et non d’une saisie vente; Que cependant, même en considérant qu’il s’agit d’une simple erreur terminologique et que c’est de la conversion en saisie attribution qu’elle a entendue parler, il y a lieu de noter que le droit positif tel qu’il ressort de l’article 82 de l’AUPSRVE a prévu une procédure spéciale pour la conversion de la saisie conservatoire des créances en saisie attribution; Qu’au regard de la méconnaissance de ladite procédure, il y a lieu de déclarer la demande de la BACB y relative irrecevable.
Attendu que s’agissant de la condamnation des tiers saisis au paiement des causes de la saisie, il résulte de l’article 81 de l’AUPSRVE que celle-ci n’est possible que si la saisie conservatoire de créances est convertie en saisie-attribution; Que la procédure n’ayant pas été suivie à cet effet, il suit qu’aucune condamnation n’est envisageable, du moins pour l’instant, à l’égard des tiers saisis.
SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE DE LA SGBB
Attendu qu’il résulte de l’article 6 nouveau de la loi 10-93 ADP du 17 mai 1993 portant organisation judiciaire au Burkina Faso que le juge peut, sur demande expresse et motivée, condamnée la partie perdante au paiement de frais non compris dans les dépens et dont il arbitre le montant en tenant compte des éléments de la cause.
Attendu qu’en l’espèce, la BACB ayant succombé pour ce qui concerne la partie de sa demande intéressant la SGBB, c’est à bon droit que cette dernière qui s’est attaché les services d’un avocat demande des frais dans ce sens Que le montant étant juste au regard des faits de la cause, il y a lieu d’y faire droit.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en premier ressort.
Déclare la BACB irrecevable en sa demande de validité de saisie conservatoire.
La déclare recevable en sa demande de résolution de la vente.
En conséquence, prononce la résolution de la vente.
Condamne Gouo Seydou à payer à la BACB à titre principal la somme de 34.346.953 FCFA, outre celle de 3.000 000 FCFA à titre de dommages et intérêts; Déboute la BACB du surplus de sa demande.
Reçoit la SGBB en sa demande reconventionnellement et la déclare fondée.
Condamne la BACB à lui payer la somme de 350 000 FCFA au titre des honoraires d’avocat.
Condamne Gouo Seydou aux dépens.