J-09-386
SURETES – HYPOTHEQUE CONVENTIONNELLE – PRET BANCAIRE – CONVENTION DE COMPTE COURANT – CAUTIONNEMENT HYPOTHECAIRE – ASSIGNATION EN ANNULATION D’HYPOTHEQUE ET EN RESTITUTION D’UN PUH – EXCEPTION DE NULLITE – ACTE D’ASSIGNATION – ELECTION DE DOMICILE CHEZ UN HUISSIER – VIOLATION DE L’ARTICLE 141 CPC (NON) – REJET DE L’EXCEPTION.
CONSTITUTION D’HYPOTHEQUE PAR PROCURATION – CONDITIONS DE L’ARTICLE 127 ET SUIVANTS AUS – NULLITE DE L’HYPOTHEQUE (NON) – MANDANT – NON BENEFICE DU PRET – OPPOSABILITE – EFFETS DES OBLIGATIONS – ARTICLE 1134 CODE CIVIL – RESPECT DES ENGAGEMENTS – ACTION MAL FONDEE (OUI).
La procuration est un pouvoir qu’une personne donne à une autre d’agir en son nom. Il ressort de l’article 128 AUS que l’hypothèque conventionnelle comme c’est le cas en l’espèce peut être donnée par procuration. L’hypothèque ainsi consentie respecte les conditions des articles 127 et suivants dudit acte uniforme. Dès lors, le fait pour le mandant de n’avoir pas été associé au prêt ou de n’avoir pas bénéficié du prêt n’est pas opposable à la banque et ne saurait en aucune manière constituer une cause de nullité de l’hypothèque.
Article 127 AUS ET SUIVANTS
Article 141 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 394 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 1134 CODE CIVIL BURKINABÈ
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n 122/2007 du 5 décembre 2007, KORBEOGO Noufou c/ Mme KABORE Aminata & la Banque commerciale du Burkina (BCB)).
LE TRIBUNAL
Par acte de maître Alexis ILBOUDO, huissier de justice en date du 13 et 15 février 2007, KORBEOGO Noufou, commerçant demeurant à Bobo-Dioulasso a assigné madame KABORE Aminata, commerçante demeurant à Ouagadougou et la Banque commerciale du Burkina (BCB) S.A. à comparaître devant le Tribunal de grande instance de Ouagadougou pour :
s’entendre même par défaut de madame KABORE Aminata et la BCB, prononcer la nullité de l’hypothèque et ordonner à madame KABORE Aminata et à la BCB, la restitution du Permis urbain d’habiter n 18863 en date du 30 mai 1986 délivré par le préfet de la ville de Bobo-Dioulasso, lui appartenant.
s’entendre ordonner l’exécution provisoire du jugement intervenir nonobstant toutes voies de recours et sans caution.
Au soutien de ses demandes, il déclare que le 17 avril 2003, il sollicitait le service de monsieur OUEDRAOGO Zoundou Ibrahim, commerçant à Bobo-Dioulasso afin que celui-ci l’aide à trouver par le biais d’un prêt la somme de 3.000 000 FCFA avec pour garantie son P.U.H. n 18863 en date du 30 mai 1986.
Qu’une procuration a été faite à cet effet par lui-même au profit de monsieur OUEDRAOGO Zoundou Ibrahim.
Que celui-ci n’a pu obtenir gain de cause à Bobo-Dioulasso.
Que c’est ainsi qu’il est venu à Ouagadougou où il a trouvé madame KABORE Aminata qui s’est offerte de l’aider à la condition que la procuration soit reprise à son nom accompagnée d’un procès-verbal d’évaluation des biens.
Que sur la demande de celle-ci, ledit procès-verbal a été effectué par un expert agrée près les Cours et tribunaux du Burkina Faso à Bobo-Dioulasso.
Que sa présence à Ouagadougou s’étant avérée nécessaire, celui-ci a effectivement fait le déplacement, d’où une nouvelle procuration en date du 04 mai 2004 fut directement établie au profit de madame KABORE Aminata.
Que n’ayant plus reçu de nouvelle de cette dernière, il lui téléphonait et que c’est alors qu’elle l’informait de ce qu’elle aurait obtenu de sa banque un prêt de 8.000 000 FCFA et qu’elle remis une partie à Monsieur OUEDRAOGO Zoundou Ibrahim.
Que cependant, aucun contrat ne la lie à Monsieur OUEDRAOGO Zoundou Ibrahim, ni une procuration, ni un mandat l’autorisant à cet effet.
Que néanmoins, le délais de quatre (04) mois donné à Ouagadougou le 27 juillet 2005 de régler la créance et de retourner le P.U.H. n’a pas été respecté.
Qu’il précise qu’il n’a bénéficié d’aucun centime du prêt, mieux, qu’il n’en connaît pas le montant.
Que de plus, il n’a pas été associé au prêt, car n’ayant connaissance ni du montant, ni de la durée du paiement et n’a pu l’approuver.
Que cette clause n’a pas été respectée par la banque donatrice.
En réponse la banque soulève in limine litis la nullité de l’assignation.
Que pour soutenir cette demande, elle déclare par le canal de son conseil, qu’il ressort de l’exploit d’assignation en date des 13 et 15 février 2007 à lui servie, que KORBEOGO Noufou élit domicile en l’étude de maître Alexis ILBOUDO, huissier de justice près les cours et tribunaux de Ouagadougou.
Que cette élection de domicile est irrégulière sinon illégale.
Qu’en effet, l’élection de domicile en matière judiciaire est définie comme étant une déclaration par laquelle un plaideur se domicilie en un lieu autre que son domicile réel, et grâce à laquelle les actes de procédures sont valablement notifiés du domicile élu.
Qu’elle emporte la représentation de toute personne physique ou morale en justice.
Qu’au terme de l’article 53 du code de procédure civile, le pouvoir ou mandat de représentation en justice emporte pouvoir d’engager le mandant et obligation d’accomplir en son nom, tous les actes de procédures nécessaires ou utile à l’instance, qu’elle emporte également mission d’assistance c’est-à-dire le pouvoir et le devoir de conseiller la partie et de présenter sa défense sans l’obliger.
Que selon l’article 54 du code de procédure civile, le pouvoir de représentation, de conseil et de défense est dévolu aux avocats.
Qu’il est en effet dit que « sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires y dérogeant, nul ne peut s’il n’est avocat, postuler ou plaider devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires de quelque nature que ce soit ».
Qu’il résulte de ces dispositions légales un principe fondamental selon lequel l’avocat seul a un pouvoir de représentation en justice.
Que lorsque cette représentation est effective, il y a l’élection de domicile chez l’avocat.
Que par contre l’huissier de justice est un officier ministériel qui n’a pas de pouvoir de représentation.
Qu’il est en effet soumis aux dispositions de l’ordonnance 92-53 du 21 octobre 1992, portant statut des huissiers de justice qui définit ses attributions.
Qu’il ressort des articles 2, 3 et 4 de ladite ordonnance, que l’huissier de justice a pour rôle de signifier les actes et les exploits, de procéder à l’exécution des décisions de justice, au recouvrement de créance, aux constations matérielles, et d’assurer les service près les cours et tribunaux.
Qu’au regard de ses attributions, il est indiscutable que l’huissier de justice n’a ni qualité, ni pouvoir pour défendre les intérêts d’une partie au procès.
Qu’il ne peut être fait élection de domicile en son étude.
Qu’en l’espèce, l’élection de domicile qui est faite chez maître Alexis ILBOUDO outre qu’elle constitue une usurpation de titre, est irrégulière et rend l’assignation nulle et de nul effet en application de l’article 141 du code de procédure civile qui prévoit la nullité des actes d’huissier de justice pour irrégularité de fond; qu’il est stipulé que le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice, constitue une irrégularité qui affecte la validité de l’acte.
Enfin, la BCB sollicite du tribunal la condamnation sur la base de l’article 6 de KORBEOGO Noufou à lui payer la somme de 375 000 FCFA au titre des frais non compris dans les dépens.
DISCUSSION
A) En la forme
Attendu que in limine litis, la BCB sollicite l’annulation de l’acte d’huissier de justice, motif pris de ce qu’elle violerait l’article 141 du code de procédure civile parce que KORBEOGO Noufou aurait fait élection de domicile en l’étude de l’huissier de justice.
Qu’une telle élection de domicile est illégale et violerait des dispositions de l’article 141 du code de procédure civile.
Attendu que l’article 141 énonce que « constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte.
Le défaut de qualité et de capacité du requérant ou du destinataire.
La violation des règles fondamentales qui tiennent à l’organisation judiciaire notamment celle fixant la compétence territoriale des huissiers de justice… ».
Attendu qu’à la lecture de cet article, il n’est dit en aucun moment que l’élection de domicile chez un huissier est irrégulière et rend l’assignation nulle.
Attendu qu’au regard de la doctrine, il peut y avoir élection de domicile chez un huissier.
Que l’élection de domicile chez un huissier ne donne pas automatiquement droit à l’huissier de défendre la personne car dans tous les cas, le droit de défendre ne ressort pas dans les attributions de l’huissier, mais permet tout simplement de retrouver la personne afin de lui servir des actes.
Qu’il y a lieu de rejeter la dite exception car dépourvue de base légale.
Attendu que la requête de KORBEOGO Noufou est régulière en la forme, qu’il y a lieu de la déclarer recevable :
B) Au fond
1) Sur la demande principale
Attendu que KORBEOGO Noufou sollicite du tribunal de prononcer la nullité de l’hypothèque et ordonner la restitution de son P.U.H.
Attendu que pour soutenir sa demande, il déclare qu’il n’a bénéficié d’aucun centime du prêt, mieux qu’il n’en connaît pas le montant; qu’il n’en connaît pas la durée et n’a pu l’approuver.
Attendu qu’il est constant que KORBEOGO Noufou a donné par acte authentique une procuration spéciale à madame KABORE Aminata l’autorisant à utiliser sa parcelle pour garantir un prêt auprès de la BCB.
Attendu que la procuration est un pouvoir qu’une personne donne à une autre d’agir en son nom; qu’il ressort de l’article 128 de l’acte uniforme OHADA du 17 avril 1997, portant sur l’organisation des sûretés que l’hypothèque conventionnelle comme c’est le cas en l’espèce peut être donnée par procuration.
Attendu que madame KABORE Aminata ayant reçu de KORBEOGO Noufou le pouvoir d’hypothéquer l’immeuble dont il est propriétaire.
Que c’est donc à juste titre quelle a signé avec la BCB la convention de compte courant avec cautionnement hypothécaire.
Que KORBEOGO Noufou a été régulièrement représenté à cette convention par madame KABORE Aminata qui en avait le pouvoir.
Que l’hypothèque ainsi consentie à la BCB a été constituée conformément aux exigences de l’acte uniforme OHADA suscité.
Qu’elle respecte les conditions de l’article 127 et suivants dudit acte uniforme.
Que l’immeuble a été donné en garantie par KORBEOGO Noufou qui est titulaire d’un droit réel immobilier.
Que l’inscription hypothécaire qui est prise sur ledit immeuble est évaluée à 15 000 000 FCFA.
Que l’hypothèque est constituée par acte authentique établi par un notaire en la personne de Maître Ezombié Noël BAYALA.
Qu’il est donc constant que l’hypothèque est irrégulière et n’est entachée d’aucune cause de nullité.
Qu’elle a été librement consentie par KORBEOGO Noufou en toute connaissance de cause.
Attendu que KORBEOGO Noufou déclare que dans la procuration, un délai de 4 mois avait été imparti à madame KABORE Aminata pour rembourser le prêt et pour lui restituer le P.U.H.
Mais attendu que cela est inexact.
Qu’au contraire, il est expressément mentionné dans cette procuration que KORBEOGO Noufou reconnaît avoir été informé qu’en cas d’inexécution par madame KABORE Aminata de ces obligations, ils devront purger l’hypothèque ou se laisser exproprier.
Attendu que par ailleurs le fait pour KORBEOGO Noufou de n’avoir pas été associé au prêt ne saurait en aucune manière constituer une cause de nullité de l’hypothèque.
Que monsieur KORBEOGO Noufou fait une confusion entre ses engagements et ceux de madame KABORE Aminata envers la banque.
Attendu qu’en l’espèce, nous sommes en présence de deux contrats distincts, à savoir une convention d’hypothèque et un contrat de prêt ou convention de crédit.
Que le fait pour KORBEOGO Noufou de n’avoir pas bénéficié dudit prêt n’est pas opposable à la BCB et ne saurait justifier sa demande de restitution de P.U.H. et le non respect de ses engagements.
Que KORBEOGO Noufou est tenu de remplir ses obligations contractuelles en application de l’article 1134 du code civil qui dit que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles doivent s’exécutés de bonne foi.
Que l’inscription hypothécaire ayant été requise pour une durée de cinq (05) ans, le P.U.H n 18863 du 30 mai 1986 ne saurait être restitué avant l’expiration dudit délai, alors et surtout que le compte courant de madame KABORE Aminata accuse un solde débiteur qui est justement garantie par l’hypothèque.
Qu’il convient de débouter KORBEOGO Noufou de sa demande comme étant mal fondée.
2) Du paiement des frais irrépétibles de procès
Attendu que reconventionnellement, la BCB sollicite la condamnation de KORBEOGO Noufou à lui payer la somme de 375 000 au titre des frais qu’elle a dû exposées pour assurer la défense de ses intérêts et cela sur le fondement de l’article 6 de la loi n 028-2004/AN du 08/09/2004 portant modification de la loi 010/93/ADP du 17 mai 1993, portant organisation judiciaire au Burkina Faso.
Que cet article énonce que « dans les instances, le juge sur demande expresse et motivée, condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ».
Attendu qu’en l’espèce, la partie perdante est KORBEOGO Noufou.
Que c’est de bon droit que la BCB demande la condamnation de KORBEOGO Noufou à lui payer les frais irrépétibles de procès.
Que la somme de 375 000 sollicitée paraît sur la base du barème indicatif du barreau raisonnable.
Qu’il y a lieu de condamner KORBEOGO Noufou au paiement de la dite somme.
3) De l’exécution provisoire
Attendu que KORBEOGO Noufou sollicite d’assortir la décision à intervenir de l’exécution provisoire.
Mais attendu que cela suppose qu’il ait gagné le procès.
Que cela n’étant pas le cas, que cette demande est sans objet.
4) De la condamnation aux dépens
Attendu que selon les énonciations de l’article 394 du code de procédure civile, la partie qui succombe est condamnée aux dépens sauf au juge à laisser la totalité ou en fraction des dépens à la charge d’une autre par décision spéciale et motivée.
Qu’ainsi, il y a lieu de condamner KORBEOGO Noufou aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort.
En la forme
Rejette les exceptions soulevées par la BCB.
Au fond
Déboute Monsieur KORBEOGO de toutes ses demandes parce que mal fondées.
Condamne KORBEOGO Noufou à payer à la BCB la somme de 375 000 FCFA au titre des frais non compris dans les dépens en vertu de l’article 6 nouveau de la loi n 28-2004/AN portant modification de la loi n 010/93/ADP du17 mai 1993 portant organisation judiciaire au Burkina Faso.
Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Condamne KORBEOGO Noufou aux dépens.