J-09-387
DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL – MAQUIS RESTAURANT – BAILLEUR – RESILIATION DU BAIL – FERMETURE DES LOCAUX – RETENTION DU MATERIEL – VIOLATION DES CONDITIONS DES ARTICLES 101 ET 102 AUDCG – RUPTURE ABUSIVE DU BAIL – PREJUDICE SUBI – DOMMAGES INTERETS (OUI) – RESTITUTION DU MATERIEL – ASTREINTE (NON) – EXECUTION PROVISOIRE (OUI) – DEMANDE RECONVENTIONNELLE – DEFAUT DE BASE EN FAIT ET EN DROIT.
Conformément aux dispositions de l’article 101 AUDCG qui sont d’ordre public, la résiliation du bail commercial pour défaut de paiement du loyer ou pour inexécution d’une clause du bail doit l’être par voie judiciaire et après une mise en demeure d’un mois d’avoir à respecter les engagements en souffrance.
En l’espèce, le bailleur a procédé à la résiliation du bail en méconnaissance des règles procédurales y applicables et pour des motifs inexacts. Cela est caractéristique d’une rupture abusive et ouvre droit à indemnisation du preneur pour le préjudice que cela a pu lui occasionner.
Article 402 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n 069/2007 du 23 mai 2007, ROUAMBA Arnaud c/ ZIDA Jean).
LE TRIBUNAL
Vu l’acte d’assignation en date du 18 décembre 2007 de Rouamba Arnaud.
Vu les écritures respectives des parties.
Vu les articles 101 et 102 de l’Acte uniforme OHADA portant droit commercial général, 402 du code de procédure civile.
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS, MOYENS
Par acte d’huissier en date du 18 décembre 2006, Rouamba Arnaud a assigné Zida Jean devant le Tribunal de grande instance de Ouagadougou pour :
– voir constater l’illégalité de la rétention par Zida Jean de matériel lui appartenant et sa restitution sous astreinte de 50 000 FCFA/jour;
– voir condamner Zida Jean à lui payer la somme de 16.500 000 FCFA à titre de dommages intérêts;
– voir condamner Zida Jean aux dépens.
Au soutien de sa demande, il fait valoir que courant année 2004, Zida Jean lui a consenti un bail portant sur un immeuble sis au secteur 08 de Ouagadougou pour l’exploitation d’un maquis restaurant en raison de 100 000 FCFA/mois au titre du loyer, Qu’il a payé une avance de 02 mois correspondant au loyer des mois de février et mars 2004; Que le 24 avril 2004, contre toute attente, le bailleur, pour avoir eu des gens prêts à payer un loyer beaucoup plus élevé a, au mépris de l’article 101 de l’AUDCG, procédé de son chef à la résiliation du bail par la fermeture des locaux et le changement de serrures empêchant tout accès; Qu’il a du même coup enfermé son matériel sans droit ni titre; Que cette situation lui a causé un préjudice énorme; Qu’en effet, le matériel, s’il n’avait pas fait l’objet d’une saisie de fait, aurait pu être loué et lui procurer un revenu journalier de 50 000 FCFA; Que de même, pour faire fructifier son activité, il avait contracté un premier prêt avec PRODIA-AC dont le remboursement devait s’étaler sur une période de 12 mois et qu’il avait pu éponger en 06 mois en raison de ce que l’activité générait des revenus consistants; Que fort de cela, il avait contracté un autre prêt de 460 000 FCFA remboursable en 15 mensualités; Que la rupture abusive du bail l’a privé de tout revenu entraînant une défaillance de sa part dans le respect de ses engagements; Que c’est son aval qui a dû désintéresser l’institution créancière; Qu’il reste donc tenu de rembourser audit aval le montant exposé; Que par ailleurs, il avait passé une commande de boisson à crédit d’un montant de 268.300 FCFA, Qu’avec la fermeture de son fonds de commerce, il n’a pu payer le montant si bien qu’à la suite d’une procédure d’injonction de payer, ses biens ont été saisis; Que la rupture du bail, la rétention de son matériel ainsi que d’un stock périssable depuis avril 2004 jusqu’à nos jours, l’ont exposé à la faillite, devenu qu’il est sans source de revenu pour nourrir sa famille; Que si l’activité s’était poursuivie, il aurait pu gagner un bénéfice net de 500 000 FCFA/mois; Que le fait que la situation se soit étalée sur une période de 33 mois le fonde à demander 16.500 000 FCFA à titre de dommages intérêts, soit 500 000 FCFA x 33.
En réplique, Zida Georges conclut au rejet des prétentions de Rouamba Arnaud. Il expose pour ce faire qu’après le paiement de l’avance, Rouamba Arnaud s’est abstenu de tout autre paiement jusqu’en octobre 2004, totalisant ainsi 07 mois d’arriérés de loyers; Qu’il s’est montré également défaillant dans le paiement des factures d’électricité de sorte que la SONABEL a procédé à la résiliation du contrat de fourniture de courant; Que las d’une telle situation, il a invité en fin octobre 2004 Rouamba Arnaud à venir prendre le matériel afin qu’il puisse relouer le local; Que celui-ci s’est abstenu de le faire; Qu’il a alors ouvert les portes et a pris le matériel pour le lui apporter; Que face au refus de Rouamba Arnaud de le recevoir, il a dû louer un local à Gounghin pour l’y stocker de 2004 jusqu’en 2007; Qu’au regard des faits ainsi rétablis dans leur vérité, il demande reconventionnellement la somme de 700 000 FCFA au titre des arriérés de loyers et celle de 150 000 FCFA au titre des frais exposés pour le stockage du matériel à Gounghin.
Rouamba Arnaud conclut à l’inexactitude de la version de Zida Jean. Il soutient que le local a été fermé par Zida Jean avant même la fin du mois d’avril 2004; Que la baisse sensible de sa consommation d’électricité pendant cette période en est la preuve; Qu’au surplus, la consommation pour les mois suivants est nulle alors que le maquis restaurant qu’il exploitait ne peut fonctionner sans électricité; Que de même, dans le PV en date du 02 novembre 2006 ayant fait suite à une sommation de restituer qui lui a été faite, Zida Jean a prétendu avoir fermé le local en raison de ce qu’il devait 03 mois d’arriérés de loyers et que les voisins se plaignaient de l’excès de bruit; Que cela prouve qu’il ne dit pas la vérité; Que n’ayant pas occupé sa maison jusqu’en octobre comme il le prétend, il ne peut être tenu d’arriérés de loyers; Que de même, pour ce qui est du matériel, il l’a toujours réclamé à Zida Jean; Que ce dernier lui a toujours donné de faux rendez-vous pour sa restitution de sorte qu’il n’est pas comptable des frais exposés et ne peut en être tenu; Qu’il demande donc le rejet de la demande reconventionnelle de Zida Jean et réitère ses prétentions.
DISCUSSION
Sur la demande principale
Attendu qu’il résulte des articles 101 et 102 de l’Acte uniforme OHADA portant droit commercial général que la résiliation du bail commercial pour inexécution doit l’être par voie judiciaire et après une mise en demeure d’un mois d’avoir à respecter les engagements en souffrance.
Attendu qu’en l’espèce, Zida Jean qui reproche dans ses écritures à Rouamba Arnaud un défaut de paiement des loyers et de factures d’électricité a procédé à la résiliation de leur bail sans égard aux conditions sus visées; Qu’il suit qu’en agissant ainsi, il a commis une faute.
Attendu du reste que s’agissant de la réalité des motifs, il résulte des pièces produites que les déclarations de Zida Jean lors de la sommation interpellative et celles résultant de ses écritures manquent de concordance; Qu’en effet, lors de la sommation interpellative, il a prétendu avoir résilié le contrat parce que le preneur lui devait au moins trois mois d’arriérés et parce que les voisins se plaignaient d’un excès de bruit résultant de la gestion du fonds de Rouamba Arnaud; Que cependant, dans ses écritures, il excipe l’existence de 09 mois d’arriérés de loyers alors qu’au moment où la sommation interpellative lui a été adressée, il disposait de tous les éléments pour parler avec la même précision si tant est que cela est vrai.
Attendu par ailleurs que les pièces du dossier laissent voir que la consommation d’électricité est faible pour le mois d’avril 2004 et nulle pour la période de mai à octobre 2007 alors qu’un maquis restaurant ne peut fonctionner sans électricité; Que cela donne du crédit aux déclarations de Zida Jean et oblige le Tribunal à admettre que le contrat a été résilié en avril à un moment où aucun loyer échu n’était dû.
Attendu qu’il résulte de tout ce que susdit que le contrat a été rompu en méconnaissance des règles procédurales y applicables et pour des motifs inexacts; Que cela caractérise une rupture abusive et ouvre droit à indemnisation à Zida Jean pour le préjudice que cela a pu lui occasionner.
Attendu que relativement à l’existence du préjudice, la résiliation irrégulière du bail a privé Zida Jean du bénéfice qu’il aurait pu obtenir si l’exploitation s’était poursuivie; Qu’ayant donc subi un préjudice, c’est à bon droit qu’il en demande réparation.
Attendu que s’agissant du montant, Zida Jean réclame la somme de 16.500 000 FCFA calculée sur la base d’un bénéfice mensuel estimé à 500 000 FCFA.
Attendu que faute pour lui d’avoir pu produire des documents comptables dûment tenus pour cette preuve, il y a lieu de se référer aux éléments de fait.
Attendu que la rentabilité d’un fonds ou d’une entreprise peut être considérée comme étant dans une certaine mesure fonction des investissements qui y sont faits; Que des investissements conséquents révèlent une entreprise qui est en droit d’attendre un bénéfice conséquent comme des investissements modestes une entreprise qui ne peut qu’attendre des revenus d’égale proportion.
Attendu qu’en l’espèce, il résulte des pièces produites que pour les besoins de la gestion de son fonds de commerce, Zida Jean a d’abord contracté un prêt de 306.000 FCFA; Que lorsqu’il a fini de l’éponger, il a contracté un autre d’un montant de 460 000 FCFA.
Attendu que ces montants ne révèlent pas un fonds de nature à générer un bénéfice net de 500 000 FCFA/mois; Que la somme de 16,500 000 FCFA indexée sur un tel bénéfice étant donc excessive, il y a lieu de la ramener à 5 000 000 FCFA que les éléments sus évoqués désignent comme étant une juste réparation.
Attendu par ailleurs que Rouamba Arnaud demande la restitution de son matériel détenu par Zida Jean.
Attendu que ce qui vient d’être exposé, ne permettait pas à Zida Jean de retenir régulièrement ledit; Que la rétention manquant donc de fondement, il y a lieu d’ordonner la restitution du matériel
Attendu que Zida Jean sollicite en outre que la restitution soit assortie d’une astreinte de 50 000 FCFA/jour de retard
Attendu cependant que cette astreinte n’est nullement nécessaire étant entendu qu’il aura toute latitude pour recourir aux services d’un huissier en cas de défaut d’exécution volontaire de la décision.
Attendu enfin que Rouamba Arnaud sollicite l’exécution provisoire; Attendu qu’il résulte de l’article 402 du code de procédure civile que le Tribunal peut ordonner l’exécution provisoire toutes les fois qu’il découvre des circonstances de nature à la fonder.
Attendu qu’en l’espèce, la violation caractérisée de la procédure, la durée et l’étendue du préjudice subi par Rouamba Arnaud, rendent légitime l’exécution provisoire demandée; Qu’il y a donc lieu de l’ordonner.
De la demande reconventionnelle de ZIDA jean
Attendu que Zida Jean a reconventionnellement demandé 07 mois d’arriérés de loyers.
Attendu cependant que la consommation d’électricité qui est nulle pour la période concernée prouve que Rouamba Arnaud n’a pas occupé les locaux durant ladite, et ce, par l’effet de la résiliation faite par Zida Jean; Que n’ayant donc pas joui du bien pour des causes imputables au bailleur, il ne peut être tenu de payer des loyers.
Attendu que Zida Jean a aussi demandé des frais de gardiennage du matériel de Rouamba Arnaud.
Attendu cependant que Rouamba Arnaud ne peut être tenu de payer des frais de gardiennage pour une rétention jugée irrégulière et dont il est la victime directe; Qu’il suit que la demande reconventionnelle manque de base en fait et en droit et ne peut être accueillie.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en premier ressort.
Déclare Rouamba Arnaud recevable en la forme en son action; Au fond, la déclare bien fondée.
Ordonne en conséquence à Zida Jean la restitution du matériel appartenant à Rouamba Arnaud.
Condamne Zida Jean à payer à Rouamba Arnaud la somme de 5 000 000 FCFA à titre de dommages intérêts.
Déboute Rouamba Arnaud du surplus de sa demande.
Ordonne l’exécution provisoire du jugement.
Condamne Zida Jean aux dépens.