J-09-389
PROCEDURE SIMPLIFIEE DE RECOUVREMENT DES CREANCES – INJONCTION DE PAYER – PRET BANCAIRE – CONVENTION DE COMPTE COURANT – CAUTIONNEMENT – SOLDE DEBITEUR – ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER – OPPOSITION – RECEVABILITE (OUI).
DEBITRICE PRINCIPALE – QUANTUM DE LA CREANCE – RELEVE DE COMPTE – COMMUNICATION – NON CONTESTATION DANS UN DELAI RAISONNABLE – SOLDE APPROUVE (OUI) – OPPOSITION MAL FONDEE.
CAUTION GERANT – DEUX ACTES DE CAUTIONNEMENT – CONTESTATION DU MONTANT – PREMIER CAUTIONNEMENT – DEFAUT DE DENONCIATION – CADUCITE (NON) – CAUTIONNEMENTS CUMULABLES (OUI) – OBLIGATION D’INFORMER – MANQUEMENT (NON) – OPPOSITION MAL FONDEE.
OBLIGATIONS CONTRACTUELLES – INEXECUTION – ARTICLE 1147 CODE CIVIL – DOMMAGES INTERETS (OUI) – EXECUTION PROVISOIRE (NON) – DEMANDE RECONVENTIONNELLE – REJET.
En matière de compte courant, la pratique jurisprudentielle a admis que le solde résultant de la communication d’un relevé de compte doit être regardé comme accepté toutes les fois qu’il ne fait pas l’objet de contestation dans un délai raisonnable. En l’espèce, la débitrice principale a reçu un relevé de compte faisant état d’un solde débiteur, et jusqu’à la date où elle a formé opposition après avoir reçu l’ordonnance, elle n’a pas élevé d’objection. Dans ces circonstances, le solde devant être regardé comme approuvé, c’est à bon droit que le créancier en demande paiement.
Selon l’article 1134 du code civil, les convention légalement formées tiennent lieu de loi à ce qui les ont faites. En l’espèce, la caution soutient que ses deux cautionnements ne sont pas à cumuler parce que le second serait intervenu suite à l’évidente caducité du premier. Cependant, aucune disposition légale ou contractuelle ne prévoit une telle caducité. La caution n’apportant pas la preuve que le premier cautionnement a été dénoncé, celui-ci reste toujours en vigueur d’autant plus que le second contrat stipule que ce cautionnement s’ajoute ou s’ajoutera à tout autre déjà contracté ou qui viendrait à l’être…Enfin ayant reçu les différents relevés du compte en sa qualité de gérant de la débitrice principale, la caution a par la même occasion eu connaissance de l’évolution du compte et n’est pas fondée à soutenir que l’ordonnance doit être annulée parce que le créancier a manqué à son obligation d’informer.
Article 1134 CODE CIVIL BURKINABÈ ET SUIVANT
Article 1147 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 401 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ ET SUIVANT
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n 085/2007 du 27 juin 2007, EBTPE & PAOLI Daniel Vincent c/ Société Générale des Banques du Burkina (SGBB)).
LE TRIBUNAL
Vu la requête en date du 24 janvier 2007 de la SGBB.
Vu l’acte d’opposition en date du 16 février 2007 de EBTPE et de Paoli Daniel Vincent.
Vu les écritures des parties.
Ouï les parties à l’audience du 25 avril 2007.
Vu les articles 8, 10 et 335 de l’Acte uniforme OHADA portant procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution, 14 alinéa 2 de l’Acte uniforme OHADA portant sur les sûretés, 1134 et 1135 du code civil.
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS, MOYENS
Par requête adressée le 24 janvier 2007 au président du Tribunal de grande instance de Ouagadougou, la SGBB a demandé contre EBTPE SARL et PAOLI Daniel Vincent une injonction de payer portant sur 706.066.845 FCFA, contre la première en tant que débitrice principale, et contre le deuxième en tant que caution. Au soutien de sa demande, elle fait valoir que le montant visé représente le solde débiteur d’un compte ouvert dans ses livres au nom de EBTPE SARL; Que toutes les démarches entreprises pour son recouvrement après que le compte ait été dénoncé sont restées vaines.
Par ordonnance n 027 du 25 janvier 2007, il a été fait droit à la requête.
Ayant reçu notification de ladite ordonnance le 02 février 2007, EBTPE SARL et PAOLI Daniel Vincent ont, par acte d’huissier en date du 16 février 2007, formé opposition devant le Tribunal de grande instance de Ouagadougou pour voir annuler l’ordonnance, voir condamner la SGBB à leur payer la somme de 10 000 000 FCFA pour procédure abusive et celle de 2.000 000 FCFA au titre des frais non compris dans les dépens.
Au succès de cette opposition, ils font valoir par l’intermédiaire de leur conseil que Paoli Daniel Vincent, par acte en date du 03 mars 2006, s’est porté caution à hauteur de 15 000 000 FCFA; Qu’il est donc incompréhensible que sur la base d’un cautionnement limité à un tel montant, il lui soit enjoint de payer 706.066.845 FCFA; Que du reste, la SGBB n’a pas satisfait à son obligation légale de tenir trimestriellement la caution informée de la situation du compte.
Que s’agissant de EBTPE, celle-ci ne conteste pas le principe d’une éventuelle créance de la SGBB; Que cependant, le montant demandé est sans commune mesure avec celui qui peut être légitimement dû.
En réplique, la SGBB conclut au rejet de l’opposition. Elle expose que le montant réclamé résulte de divers concours bancaires et forçages de paiement assortis de frais élevés dont EBTPE SARL a été bénéficiaire; Qu’en vue d’informer cette dernière de la situation du compte, elle a pris l’habitude de lui adresser les relevés des écritures constatant les mouvements de son compte et les imputations financières y relatives; Que EBTPE SARL les a toujours reçus; Que EBTPE SARL et Paoli Daniel Vincent qui ne sont pas novices dans les opérations bancaires savent très bien qu’après réception d’un relevé de compte, ils disposaient d’un délai raisonnable de 15 jours à un mois pour contester le solde; Que faute de l’avoir fait, le solde est acquis; Que le 13 novembre 2006, Paoli Daniel Vincent, associé majoritaire, gérant et caution de EBTPE SARL a reçu une correspondance accompagnée du relevé de son compte avec un solde débiteur de 706.066.485 FCFA; Qu’il a été informé à temps mais n’a pas réagi; Qu’il est donc curieux qu’ils attendent la procédure avant de commencer à contester le solde.
Que pour ce qui est du cautionnement, Paoli Daniel Vincent s’est, par un premier acte en date du 29 juillet 1998, porté caution à hauteur de 15 000 000 FCFA; Qu’il est stipulé que ledit engagement produira ses effets jusqu’à révocation notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception à la SGBB; Qu’aucune lettre dans ce sens ne lui a jusqu’aujourd’hui été notifiée; Qu’à ce premier cautionnement qui reste donc toujours valable selon elle, Paoli Daniel Vincent a pris un autre engagement le 03 mars 2006 en se constituant garantie personnelle de EBTPE à hauteur de 35 000 000 FCFA; Que l’article 5 de ce second acte stipule que « Le présent cautionnement s’ajoute ou s’ajoutera à toutes garanties réelles ou personnelles qui ont pu ou qui pourront être fournies au profit de la banque par la caution ».
Que la prise en compte des deux actes laisse donc voir un cautionnement stipulé pour un montant de 50 000 000 FCFA au contraire de ce que soutient Paoli Daniel Vincent; Que l’opposition de EBTPE et de Paoli Daniel Vincent n’étant donc pas fondée, elle demande leur condamnation à lui payer le montant principal, outre 500 000 000 FCFA à titre de dommages intérêts en raison du préjudice que lui cause le non paiement de sa créance; que pour faire face à la mauvaise foi des débiteurs, elle sollicitent de la décision à intervenir soit assortie de l’exécution provisoire; qu’elle demande enfin la condamnation des deux défenseurs à lui payer au titre des frais non compris dans les dépens la somme de 500 000 FCFA outre 15 % du montant de la condamnation principale.
Contre les arguments ainsi exposés, Paoli Daniel Vincent soutient que les deux actes de caution ne sont pas cumulativement applicables; qu’en réalité, le second a été signé en raison de l’évidente caducité du premier; que s’agissant du défaut de contestation du solde dans le délai d’un mois et qui aurait pour effet de leur rendre le solde opposable, cette allégation manque de base légale, un simple relevé de compte, unilatéralement dressé ne pouvant constituer en aucune manière un titre de créance.
SUR CE,
EN LA FORME
Attendu que l’opposition a été faite dans le respect des forme et délai imposés par la loi; qu’il y a lieu de la déclarer recevable.
AU FOND
Sur l’opposition de EBTPE
Attendu qu’il résulte de l’article 1135 du code civil que les conventions obligent non seulement à ce qui est exprimé, mais aussi à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donne à l’obligation d’après sa nature.
Attendu qu’en matière de compte courant, la pratique jurisprudentielle a admis que le solde résultant de la communication d’un relevé de compte doit être regardé comme accepté toutes les fois qu’il ne fait pas l’objet de contestation dans un délai raisonnable.
Attendu qu’en l’espèce, il n’est pas contesté que EBTPE SARL a reçu le 13 novembre 2006 un relevé de compte faisant état d’un solde de 706.066.845 FCFA; Que jusqu’au 16 février 2007, date à laquelle il a formé opposition après avoir reçu l’ordonnance, il n’a pas élevé d’objection; que le solde devant être regardé comme approuvé dans ces circonstances, c’est à bon droit que la SGBB lui en demande paiement.
Attendu du reste que par une lettre en date du 30 juin 2006, la SGBB a attiré l’attention de EBTPE SARL dont PAOLI Daniel Vincent est le gérant en ces termes : « A ce jour, vos engagements dans nos livres s’élèvent à 640.861.317 FCFA pour le solde débiteur et 111 millions pour les cautions. A ce propos, nous vous prions de faire parvenir vos propositions pour une bonne fin desdits engagements »
Que répondant à cette lettre le 07 juillet 2006, EBTPE a déclaré ce qui suit » Pour les engagements, nous attendions de finir le PDEB et nous vous donnerions un échéancier de paiement. Pour ce faire, nous devons répondre aux marchés de la santé et continuer la présidence »; Qu’il en résulte que le montant n’a pas été abusivement fixé par la SGBB en ce qu’on ne peut pas vouloir proposer un échéancier de règlement pour un montant qu’on ne reconnaît pas; qu’il suit que l’opposition pour ce qui est de EBTPE étant mal fondée, il y a lieu de la rejeter.
Sur l’opposition de Paoli Daniel Vincent
Attendu qu’il résulte de l’article 1134 que les convention légalement formées tiennent lieu de loi à ce qui les ont faites.
Attendu qu’en l’espèce, Paoli Daniel Vincent soutient que les deux cautionnements ne sont pas à cumuler en raison de ce que le second serait intervenu suite à l’évidente caducité du premier.
Attendu cependant qu’aucune disposition légale ou contractuelle ne prévoit une telle caducité; que dans le premier acte de cautionnement, il est prévu la possibilité pour Paoli Daniel Vincent de dénoncer le cautionnement par lettre recommandée avec accusé de réception; que faute de preuve d’une telle dénonciation, la convention est toujours en vigueur.
Attendu que la lecture du second contrat ne permet pas non plus de le suivre dans son argumentation; qu’en effet, l’article 5 dudit stipule que ce cautionnement s’ajoute ou s’ajoutera à tout autre déjà contracté ou qui viendrait à l’être; qu’il est donc expressément dit dans ce contrat qu’il n’a pas pour effet de priver à l’avenir le cautionnement existant de son effet; qu’il suit que la caducité du premier cautionnement ne pouvant prospérer, c’est le montant cumulé des deux qu’il faut retenir, soit 15 000 000 FCFA (pour le premier) + 35 000 000 FCFA (pour le second) = 50 000 000 FCFA.
Attendu que PAOLI Daniel Vincent demande d’annuler l’ordonnance pour avoir visé un montant beaucoup plus élevé que celui auquel il est tenu.
Attendu qu’il résulte de l’article 8 de l’Acte uniforme OHADA portant procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution que l’opposition saisit le Tribunal de la demande initiale du créancier et de l’ensemble du litige; qu’il revient donc au Tribunal s’il estime que les conditions de l’injonction de payer sont réunies et que c’est tout simplement le montant qui est inexact, de ramener celui-ci à de justes proportions; Que dans la mesure où c’est le cas en l’espèce, il y a lieu de ramener le montant concernant Paoli Daniel Vincent à 50 000 000 FCFA.
Attendu enfin que Paoli Daniel Vincent soutient que la SGBB a manqué à son obligation d’informer trimestriellement la caution qu’il est.
Attendu cependant qu’ayant reçu les différents relevés du compte en sa qualité de gérant de EBTPE SARL, il a par la même occasion eu connaissance de l’évolution du compte et n’est pas fondé aujourd’hui à soutenir que l’ordonnance doit être annulée parce qu’il n’aurait pas été informé comme l’exige la loi.
Attendu que de tout ce suit, il sied de déclarer l’opposition de PAOLI Daniel Vincent mal fondée et de la condamner solidairement au paiement du montant principal à concurrence de 50 000 000 FCFA.
Sur les dommages intérêts et l’exécution provisoire demandés par la SGBB
Attendu que la SGBB demande la somme de 500 000 000 FCFA à titre de dommages intérêts.
Attendu qu’il résulte de l’article 1147 du code civil que le débiteur est condamné au payement de dommages et intérêts soit en raison de l’inexécution, soit en raison du retard dans l’exécution toutes les fois qu’il ne prouve pas que le retard ou l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne lui est pas imputable, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Attendu qu’en l’espèce, EBTPE et Paoli Daniel Vincent qui n’ont pas exécuté leurs obligations n’ont pas prouvé un cas de force majeur; qu’ils doivent donc être tenus au paiement de dommages intérêts.
Attendu que le montant demandé par la SGBB est excessif; qu’il y a lieu de le ramener à la somme de 1 000 000 FCFA correspondant à une juste indemnisation.
Attendu que la SGBB demande l’exécution provisoire.
Attendu qu’il résulte des articles 401 et 402 du code de procédure civile que le Tribunal peut ordonner l’exécution provisoire s’il découvre des motifs de nature à la fonder.
Attendu qu’en l’espèce, aucune raison réelle et suffisante n’ayant été donnée par la SGBB, la demande relative à l’exécution provisoire ne saurait prospérer.
Sur les frais non compris dans les dépens demandés par la SGBB
Attendu que la SGBB demande la somme de 500 000 FCFA outre celle de 15 % au titre des frais non compris dans les dépens.
Attendu qu’il résulte de l’article 6 nouveau de la loi 10-93 ADP du 17 mai 1993 portant organisation judiciaire au Burkina Faso que le juge peut, sur demande expresse et motivée, condamner la partie perdante au paiement de frais non compris dans les dépens.
Attendu qu’en l’espèce, EBTPE et Paoli Daniel Vincent ayant succombé, c’est à bon droit que la SGBB qui s’est attaché les services d’un avocat demande des frais non compris dans les dépens; que le montant étant cependant excessif, il y a lieu de le ramener à 300 000 FCFA désigné par les faits de la cause comme étant un juste montant.
Sur la demande reconventionnelle de Paoli Daniel Vincent et de EBTPE
Attendu cependant qu’ayant été jugé plus haut que EBTPE et Paoli Daniel Vincent doivent à la SGBB, il ne peut plus être retenu que l’action en vue du recouvrement du montant dû est abusive.
Attendu qu’ils ont aussi demandé des frais non compris dans les dépens.
Attendu cependant qu’une telle possibilité est offerte par la loi uniquement à la partie qui a gagné le procès; Que dans la mesure où ce n’est pas le cas en l’espèce pour ce qui est de EBTPE SARL et de PAOLI Daniel Vincent, il y a lieu de rejeter leur demande reconventionnelle
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en premier ressort.
Déclare recevable l’opposition formée par EBTPE et Paoli Daniel Vincent.
Au fond, la déclare mal fondée.
Condamne en conséquence EBTPE à payer à la SGBB la somme principale de 706.066.045 FCFA, outre celle de 1 000 000 FCFA à titre de dommages et intérêts, et celle de 300 000 FCFA au titre des honoraires d’avocat.
Condamne solidairement Paoli Daniel Vincent au paiement du montait principal à concurrence de 50 000 000 FCFA.
Reçoit en la forme la demande reconventionnelle de EBTPE et de Paoli Daniel Vincent.
Au fond, la rejette comme étant mal fondée.
Condamne EBTPE et Paoli Daniel Vincent aux dépens.