J-09-390
DROIT COMMERCIAL GENERAL – VENTE COMMERCIALE – CONTRAT DE VENTE – DEFAUT DE PAIEMENT DU PRIX – ACTION EN RESOLUTION.
INTERVENTION VOLONTAIRE – ARTICLE 110 CPC – RECEVABILITE (OUI).
EXCEPTION D’IRRECEVABILITE – TRANSACTION AYANT MIS FIN AU LITIGE – DEFAUT DE PREUVE – FIN DE NON RECEVOIR (NON).
VENTE DE POTEAUX – NATURE DE LA VENTE – INTERPRETATION DES CONVENTIONS – ARTICLE 1156 CODE CIVIL – PRIX FIXE PAR PIECE – TAUX D’EXECUTION DU CONTRAT – MONTANT DU – ARTICLE 254 AUDCG – MANQUEMENT ESSENTIEL AU CONTRAT (NON) – RESOLUTION DU CONTRAT (NON).
DEFENDEURS – SOCIETE DE FAIT – EXISTENCE – DEFAUT DE PREUVE – CONDAMNATION SOLIDAIRE (NON) – DEMANDES RECONVENTIONNELLES – FRAIS NON COMPRIS DANS LES DEPENS – DEMANDE FONDEE.
DROITS DU SOUS-ACQUEREUR – SAISIE DES POTEAUX – DEFAUT DE BASE LEGALE – MAINLEVEE (OUI) – PREJUDICE SUBI – DOMMAGES INTERETS (OUI).
Au sens de l’article 1156 du code civil, on doit, en cas de contestation entre les parties à un contrat, rechercher ce qui a pu être leur commune intention, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes.
En l’espèce, le contrat est suffisamment suspicieux et oblige le tribunal à se limiter à ce qui prévalait au début de l’exécution du contrat comme correspondant à ce sur quoi on peut être sûr que les parties se sont accordées. Le contrat a commencé a recevoir exécution sur la base d’un prix fixé par pièce au lieu d’une vente en bloc. Par conséquent, ce dont le juge doit tenir compte pour une éventuelle résolution du contrat, c’est l’écart entre le prix du nombre de poteaux effectivement enlevé et le prix payé. Ce prix représentant un taux d’exécution de 72 % par rapport au montant dû, on ne peut pas considérer dans ces circonstances qu’il y a un manquement assez significatif, comme l’exige l’article 254 AUDCG, de nature à justifier la résolution du contrat.
Article 1156 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 2279 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 110 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n 083/2007 du 13 juin 2007, Société de Gestion du Patrimoine Ferroviaire du Burkina (SOPAFER) c/ GUIGMA Idrissa & OUEDRAOGO R. Sabane).
LE TRIBUNAL
Vu l’acte d’assignation en date du 07 septembre 2006 de la SOPAFER.
Vu les écritures respectives des parties.
Vu les articles 1156 du code civil, 254 de l’Acte uniforme portant droit commercial général (AUDCG), 6 nouveau de la loi 10-93 ADP du 17 mai 1993 portant organisation judiciaire au Burkina Faso.
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS, MOYENS
Par acte d’huissier en date du 07 septembre 2006, la SOPAFER a demandé la résolution avec toutes les conséquences de fait et de droit d’un contrat de vente passé avec Guigma Idrissa courant septembre 2005 et portant sur la vente de 5787 poteaux. Au soutien de sa demande, elle expose que Guigma Idrissa après la vente ne s’est pas exécuté pour le paiement du prix; Que par correspondance en date du 05/09/2006, elle a dû faire application de l’article 6 de leur convention relative à la faculté de résolution prévue à son profit et a interdit par la même occasion à Guigma Idrissa d’enlever ceux des poteaux qui étaient encore entreposés dans le domaine ferroviaire le long des chemins de fer Ouaga-Bobo; Qu’un inventaire en date des 04 et 05 septembre 2006 a permis de constater que Guigma Idrissa détenait à son domicile 439 poteaux; Que Guigma Idrissa a non seulement refusé de restituer les 439 poteaux mais a encore frauduleusement enlevé les autres poteaux se trouvant le long de la voie ferrée Ouaga-Bobo qu’il a essayé de dissimuler à l’aide de comparse; Que ses investigations à elle lui ont permis de retrouver 5.600 poteaux placés sous main de justice. Dans des écritures d’instance en date du 17 janvier 2007, la SOPAFER soutient l’existence d’une société de fait entre Guigma Idrissa et Ouédraogo R. Sabane. Elle avance pour cela que pour la soumission, ils se sont présentés ensemble dans le but de participer en association à l’appel d’offre et se partager le bénéfice; Que les paiements effectués par Ouédraogo R. Sabane qui s’élèvent à 25 000 000 FCFA prouvent qu’il avait un intérêt à l’opération; Qu’il y a donc lieu de leur appliquer les règles de la société de fait; Que relativement au préjudice par elle subi, déduction faite du montant de 28.000 000 FCFA, il reste au titre du prix initial 61.697.000 FCFA dont elle demande le paiement; Qu’elle demande également le paiement de la somme de 20 000 000 FCFA pour couvrir le préjudice financier par elle subi.
En réplique, Ouédraogo R. Sabane, intervenant volontaire, soutient qu’il y a entre la SOPAFER et Guigma Idrissa une transaction en date du 18 août 2006 et portant sur la vente du reste des poteaux à une tierce personne; Que cette transaction signifie que la SOPAFER a renoncé à se prévaloir de la clause résolutoire; Que ladite transaction rend donc son action irrecevable; Que le contrat passé entre la SOPAFER et Guigma Idrissa est un contrat à exécution successives; Que pour ce genre de contrat, seule la résiliation en lieu et place de la résolution peut être envisagée; Que de plus, la jurisprudence admet qu’en cas d’exécution partielle, la résolution ne peut plus être obtenue; Que dans le cas d’espèce, Guigma Idrissa, pour avoir effectué des paiements partiels ne peut plus se voir valablement opposer une quelconque résolution; Que cependant, au cas où le Tribunal viendrait à avoir une autre analyse, il demande qu’il soit fait application de l’article 2279 du code civil en ce qu’il ignorait l’existence de la clause résolutoire au moment de l’achat par lui fait; Qu’étant donc de bonne foi, le sous-acquéreur qu’il est ne peut se voir opposer la résolution tirée du premier contrat; Que reconventionnellement, il demande la condamnation de la SOPAFER et de Guigma Idrissa à 5 000 000 FCFA à titre de dommages intérêts pour le trouble de jouissance à lui causé et 500 000 FCFA au titre de ses frais d’avocat.
Guigma Idrissa de son côté conclut au rejet de la demande de la SOPAFER. Il expose que l’acte de vente en date du 09 juin 2006 manque de régularité comme n’ayant pas été fait en double exemplaire comme l’exige l’article 1325 du code civil; Que la signature apposée sur ledit contrat et qui lui est attribuée n’est pas la sienne; Que comment aurait-il pu en être ainsi de sa part après qu’il ait émis des réserves sur les ambiguïtés relatives au nombre exact de poteaux; Qu’enfin la signature qui lui est attribuée n’est pas précédée de la mention « lu et approuvé »; Que le défaut de régularité découlant de ces trois éléments le fonde à demander l’annulation dudit contrat; Qu’il résulte de l’article 1595 du code civil que la chose vendue est au risque du vendeur jusqu’à ce qu’elle soit comptée; Qu’ici le seul nombre constant est celui résultant des états d’enlèvement contradictoirement signés par les parties; Que ces états font ressortir un nombre total de 2687 poteaux équivalant à un prix de 41.648.500 FCFA; Que la SOPAFER a traité avec négligence une demande de transport de poteaux par lui faite et a autorisé d’autres personnes, notamment un certain KIENTEGA, à enlever des poteaux en méconnaissance de leur contrat; Qu’il demande que Ouédraogo R. Sabane soit mis hors de cause pour avoir régulièrement acquis les poteaux et que la demande de condamnation solidaire faite par ce dernier soit rejetée; Qu’il demande reconventionnellement la condamnation de la SOPAFER à lui payer la somme de 25 000 000 FCFA à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et 400 000 FCFA au titre des frais non compris dans les dépens.
DISCUSSION
SUR LA REGULARITE DE L’INTERVENTION VOLONTAIRE DE OUEDRAOGO R. SABANE
Attendu que la régularité de l’intervention de Ouédraogo R. Sabane doit être analysée la première parce qu’elle conditionne sa qualité de partie au procès, et partant, l’analyse des arguments qu’elle a entendus opposer à la demande de la SOPAFER.
Attendu qu’il résulte de l’article 110 du code de procédure civile que l’intervention volontaire n’est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.
Attendu qu’en l’espèce, l’intervention de Ouédraogo R. Sabane se rattache aux prétentions des parties en ce qu’elle vise à préserver ce qu’il estime être ses droits relativement aux poteaux concernés par les débats et à obtenir indemnisation pour leur violation; Qu’il y a donc lieu de la déclarer recevable.
DE LA DEMANDE DE LA SOPAFER SUR LA FIN DE NON RECEVOIR SOULEVEE PAR OUEDRAOGO R. SABANE
Attendu que Ouédraogo R. Sabane conclut à l’irrecevabilité de la demande de la SOPAFER au motif qu’il y aurait eu une transaction ayant mis fin au litige.
Attendu cependant que la preuve d’une telle transaction dont l’existence est contestée, n’ayant pas été administrée, il suit que l’irrecevabilité qu’on entend lui attacher ne peut pas être accueillie.
SUR LE BIEN FONDE DE LA DEMANDE
Attendu qu’au sens de l’article 1156 du code civil, on doit en cas de contestation entre les parties à un contrat, rechercher ce qui a pu être leur commune intention.
Attendu qu’en l’espèce, la question qui est posée est celle de savoir si c’est une vente en bloc ou une vente dont le prix est fixé par pièce.
Attendu qu’il résulte du procès-verbal de délibération que le prix était fixé par pièce; Que c’est sur cette base que le contrat a commencé a recevoir exécution; Que par suite, en voulant matérialiser le contrat par écrit, Guigma Idrissa a émis des inquiétudes sur l’incertitude quant au nombre; Que la SOPAFER qui brandit un autre contrat signé à la suite de ces réserves et dans lequel il est fait uniquement référence au prix sans mention quelconque sur le nombre de poteaux rend par là même le contrat suffisamment suspicieux et oblige le Tribunal à se limiter à ce qui prévalait au début de l’exécution du contrat des parties comme correspondant à ce sur quoi on peut être sûr que les parties se sont accordées.
Attendu qu’en raison de cela, ce dont le juge doit tenir compte pour une éventuelle résolution du contrat, c’est l’écart entre le prix du nombre de poteaux effectivement enlevé et le prix payé.
Attendu qu’il résulte des PV d’enlèvement contradictoirement signés par toutes les parties que le nombre de poteaux enlevés est de 2687 donnant un prix à payer de 41.648.500 FCFA, en raison de 15.500 FCFA par poteau.
Attendu que sur ce montant, la somme de 30 000 000 FCFA a été payée, soit un taux d’exécution de 72% par rapport au montant dû de 41.648.500 FCFA; Qu’on ne peut pas considérer dans ces circonstances qu’il y a un manquement assez significatif, comme l’exige l’article 254 de l’AUDCG, de nature à justifier la résolution du contrat; Que l’action de la SOPAFER initiée dans ce sens, n’étant donc pas fondée, il y a lieu de la rejeter.
Attendu que relativement à la condamnation solidaire de Guigma Idrissa et de Ouédraogo R. Sabane pour raison de société de fait, il y a lieu de noter qu’il ne résulte d’aucune pièce que les deux ont soumissionné ensemble comme le prétend la SOPAFER; Que du reste, si tant est que la SOPAFER est convaincue de l’existence d’une société de fait entre les deux, on ne s’explique pas qu’au départ elle ait limité son action à Guigma Idrissa; Que les seuls paiements qui auraient été faits par Ouédraogo R. Sabane ne peuvent suffire à caractériser la société de fait; Qu’en l’absence de société de fait entre les deux, la SOPAFER n’est pas fondée à demander leur condamnation solidaire.
SUR LES DEMANDES RECONVENTIONNELLES
Sur celle de Guigma Idrissa
Attendu qu’en dehors des frais d’avocat par lui exposés, Guigma Idrissa ne prouve pas avoir subi un autre préjudice; Que ce faisant, ce sont ces frais qu’il est fondé à réclamer.
Attendu que relativement au montant, l’article 6 nouveau de la loi 10-93 ADP du 17 mai 1993 portant organisation judiciaire au Burkina Faso, le juge fixe le montant dû en tenant compte de l’ensemble des circonstances de la cause.
Attendu qu’en l’espèce, le montant de 300 000 FCFA apparaît raisonnable; Qu’il y a donc lieu de le retenir et de condamner la SOPAFER à son paiement.
Sur celle de Ouédraogo R. Sabane
Attendu que la saisie a été faite par la SOPAFER sur le fondement de la clause résolutoire prévue au contrat de vente avec Guigma Idrissa.
Attendu cependant qu’ayant été jugé plus haut qu’une telle résolution ne pouvait pas être prononcée, il suit que la saisie faite sur cette base manque de fondement en droit et qu’il y a lieu d’en ordonner la mainlevée; Que du reste, même si ladite résolution avait été prononcée, fondement pris de l’article 2279 du code civil, elle n’aurait pas eu d’incidence sur les droits du sous-acquéreur qu’est Ouédraogo R. Sabane, aucune mauvaise foi n’ayant pu être prouvée à son sujet.
Attendu que relativement aux prétentions pécuniaires de Ouédraogo R. Sabane, en plus du montant de 300 000 FCFA qui doit lui être alloué pour les motifs ci-dessus exposés pour GUIGMA Idrissa, il importe de noter qu’il a subi un préjudice résultant de la saisie des poteaux dont il n’a pu jouir; Qu’il y a lieu pour la réparation de ce préjudice de lui allouer la somme un million et de condamner uniquement la SOPAFER qui est seule à la base de tels préjudices à payer les montants retenus.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en premier ressort.
Déclare recevable l’intervention de Ouédraogo R. Sabane.
Rejette la fin de non recevoir par lui soulevée.
Déclare l’action de la SOPAFER recevable.
Au fond, la déclare mal fondée et la rejette.
Déclare recevable et partiellement bien fondées les demandes reconventionnelles de Guigma Idrissa et Ouédraogo R. Sabane.
Condamne la SOPAFER à payer à Ouédraogo R. Sabane la somme de 1 000 000 FCFA à titre de dommages intérêts outre celle de 300 000 FCFA au titre des frais d’avocat.
La condamne à payer également la somme de 300 000 FCFA au titre des frais d’avocat à Guigma Idrissa.
Ordonne la mainlevée de la saisie conservatoire en date des 02, 09 et 13 novembre 2006 pratiquée sur les poteaux vendus à Ouédraogo R. Sabane et leur restitution à son profit.
Condamne la SOPAFER aux dépens.