J-09-392
DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL – BAIL A DUREE DETERMINEE – RENOUVELLEMENT – ARRIERES DE LOYER – ASSIGNATION EN PAIEMENT – RECEVABILITE (OUI) – OBLIGATIONS DU PRENEUR – LOYERS – RECONNAISSANCE DE DETTE – EXTINCTION PAR COMPENSATION (NON) – VIOLATION DE L’ARTICLE 80 AUDCG – PAIEMENT DES LOYERS IMPAYES (OUI) – CHARGES LOCATIVES – DEFAUT DE PREUVE DES FACTURES.
DEMANDES RECONVENTIONNELLES – EXCEPTION D’IRRECEVABILITE – REJET – CONTRAT DE BAIL – OBLIGATIONS DU BAILLEUR – TROUBLES DE JOUISSANCE – RUPTURE ABUSIVE – VIOLATION DE L’ARTICLE 76 AUDCG (OUI) – DOMMAGES ET INTERETS (OUI).
Selon l’article 80 AUDCG, le preneur doit payer le loyer aux termes convenus entre les mains du bailleur ou de son représentant désigné au bail. En l’espèce, en n’apportant aucune preuve, le preneur est mal fondé à soutenir que sa dette de loyers résultant du premier contrat s’est éteinte par le jeu de la compensation. En outre, il reste tenu des loyers jusqu’à la rupture du second contrat…
Par ailleurs, l’article 76 AUDCG dispose que le bailleur ne peut, de son seul gré, ni apporter des changements à l’état des locaux donnés à bail, ni en restreindre l’usage. En l’espèce, il a été établi que le bail a été rompu du fait du bailleur malgré une ordonnance de référé lui enjoignant de mettre fin aux troubles. Il y a donc lieu de le condamner à payer au preneur des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de bail.
Article 76 AUDCG
Article 80 AUDCG
Article 108 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n 145/2008 du 09 juillet 2008, Société de Transport import-export Kilimanjaro c/ SOMDA G. Solange).
LE TRIBUNAL
Par assignation en date du 13 décembre 2007, la Société de Transport import-export Kilimanjaro, SARL ayant son siège social à 10 BP 588 Ouagadougou et représentée par son gérant monsieur Ali ABDALLAH Ben Amer, saisissait le Tribunal de grande instance de Ouagadougou aux fins de :
– voir la Société de Transport import-export Kilimanjaro déclarer recevable en son action et l’y dire bien fondée;
– condamner SOMDA G. Solange à lui payer la somme de 1 040 000 francs au titre du prix du bail et des autres charges locatives et celle de 477.000 francs CFA au titre des frais exposés non compris dans les dépens;
– s’entendre ordonner l’exécution provisoire de la décision en dépit de toutes voies de recours;
– enfin condamner SOMDA G. Solange aux dépens.
La requérante expose à l’appui de sa demande qu’elle avait signé un contrat de bail à usage commercial avec SOMDA G. Solange courant année 2005.
Que par la suite, le bail fut renouvelé pour une durée de deux (02) ans pour un loyer mensuel de 60 000 francs CFA en dépit du fait qu’elle accumulait des arriérés de loyer du contrat finissant d’un montant de 280 000 francs CFA et qu’une reconnaissance de dette a été signée à cet effet.
Que malgré tout, celle-ci restera de marbre et en dépit des multiples relances et pire, elle refusera de payer le nouveau loyer et ce, à compter du mois de janvier 2007.
Qu’elle est partie sans payer le prix du loyer et des charges locatives s’élevant à 1 040 000 francs CFA Que c’est pourquoi, elle sollicite la condamnation de SOMDA G. Solange à lui payer les sommes sus-visées.
En réplique, SOMDA G. Solange soutient qu’elle a pris à bail à usage commercial; un immeuble appartenant à la Société de Transport Import-Export Kilimanjaro et qu’ayant parfaitement exécuté ses obligations, elle a obtenu le renouvellement de son contrat et que c’est le bailleur qui s’est employé à troubler la jouissance du local.
Que le bailleur a contre sa volonté fait dormir ses clients dans le local loué et s’est opposé à la vente de boisons alcoolisées dans le restaurant.
Que le point culminant des troubles fut atteint lorsque, le bailleur a décidé d’effectuer des travaux de séparation des locaux loués par l’installation de cloisons contreplaqués et cela malgré son opposition; que pour faire cesser les troubles à son exploitation, elle obtenu une ordonnance de référé enjoignant au bailleur de remettre en l’état les lieux loués et de cesser tout trouble sous astreinte de 150 000 francs par jour de retard; que rien n’y fit, celui-ci continuant de troubler allégrement la jouissance du local loué et que la conséquence inévitable fut la fermeture de son commerce.
Que s’agissant des différents chefs de demandes présentés par le bailleur, il ne sont pas fondés; que s’il est vrai qu’elle a signé une reconnaissance de dette, la créance s’est éteinte par le jeu de compensation; qu’en vue de la formalisation de leurs relations par un contrat de bail, les parties ont procédé à une compensation.
Quant aux loyers impayés de janvier à novembre 2007, elle n’a pas pu jouir du local du fait du bailleur et qu’elle ne saurait être tenue au paiement; qu’aussi sur la consommation d’eau et d’électricité, le bailleur n’apporte aucune preuve; qu’il s’en suit que toutes les demandes de la demanderesse sont mal fondées.
Que reconventionnellement, elle sollicite la condamnation du bailleur à lui payer la somme de 5 000 000 francs à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat et celle de 354.000 francs CFA au titre des frais exposés conformément à l’article 6 nouveau de la loi portant organisation judiciaire au Burkina Faso.
En réplique la Société de Transport Import-Export Kilimanjaro conclut in limine litis à l’irrecevabilité des demandes reconventionnelles de SOMDA G. Solange au motif que la demande reconventionnelle n’est reconnue qu’au défendeur au sens de l’article 108 alinéa 2 du code de procédure civile; que pourtant, celle-ci se prévaut de deux qualités.
MOTIFS DE LA DECISION
I. SUR L’ACTION PRINCIPALE
A) EN LA FORME
Aattendu que l’action de la Société de Transport Import-Export Kilimanjaro remplit les conditions de forme requise; qu’il y a lieu de la déclarer recevable.
B) AU FOND
1) Sur les créances résultant du contrat de bail de 2005 et de janvier à novembre 2007
Attendu que la Société de Transport Import-Export Kilimanjaro sollicite la condamnation de SOMDA G. Solange à lui payer la somme de 940 000 francs CFA au titre des loyers impayés de 2005 et de janvier à novembre 2007.
Attendu que selon l’article 80 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général, le preneur doit payer le loyer aux termes convenus entre les mains du bailleur ou de son représentant désigné au bail.
Attendu qu’en l’espèce, il résulte des pièces versées au dossier que SOMDA G. Solange accumule des loyers impayés de 2005 s’élevant à la somme de 280 000 francs CFA; qu’elle soutient que cette dette s’est éteinte par le jeu de la compensation sans supporter aucune preuve; que ce moyen est non fondé.
Attendu par ailleurs que le contrat a été rompu en juillet 2007; que cependant, le preneur reste tenu des loyers jusqu’à la rupture du contrat; qu’elle a ainsi accumulé 07 mois de loyers s’élevant ainsi à la somme de 420 000 francs CFA en plus des loyers impayés de 2005 qui sont de 280 000 francs CFA.
Attendu qu’il est constant que le preneur a versé la somme de 180 000 francs CFA au bailleur à titre de caution et un mois de loyers impayés dont le montant total est de 700 000 francs CFA.
Que SOMDA G. Solange reste devoir la somme de 520 000 francs CFA au titre des loyers impayés; qu’il y a lieu de la condamner au paiement de cette somme.
2) Sur les frais d’eau et d’électricité
Attendu que le bailleur n’apporte aucunement la preuve de ces factures; qu’il y a lieu de rejeter cette demande comme non fondée.
3) Sur les frais non compris dans les dépens
Attendu que la bailleur sollicite la condamnation du preneur à lui payer la somme de 477.000 francs CFA au titre des frais exposés non compris dans les dépens; que cette somme n’est pas justifiée; qu’il y a lieu de la rejeter.
4) Sur l’exécution provisoire
Attendu que la Société de Transport Import-Export Kilimanjaro sollicite que la décision soit assortie du bénéfice de l’exécution provisoire.
Attendu qu’aucune urgence ne justifie l’exécution provisoire qu’il y a lieu de rejeter cette demande.
II. SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE
A. EN LA FORME
Attendu qu’au sens de l’article 108 alinéa 2 du code de procédure civile, la demande reconventionnelle est formée par le défendeur en réplique à la demande principale pour obtenir un avantage distinct du seul rejet de la prétention de son adversaire;
Qu’en l’espèce, SOMDA G. Solange est défenderesse dans la présente procédure; qu’il y a lieu de la déclare recevable en son action;
B. AU FOND
1) Sur la demande de dommages et intérêts pour rupture abusive
Attendu que SOMDA G. Solange sollicite la condamnation du bailleur à lui payer la somme de 5 000 000 de francs CFA à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de bail.
Attendu que selon l’article 76 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général, le bailleur, ne peut, de son seul gré, ni apporter des changements à l’état des locaux donnés à bail, ni en restreindre l’usage; qu’en l’espèce, il a été établi que le bail a été rompu du fait du bailleur malgré l’ordonnance de référé » lui enjoignant de mettre fin aux troubles.
Que la rupture telle qu’intervenue est imputable au bailleur; qu’il y a lieu de le condamner à payer à SOMDA G. Solange, la somme de 750 000 francs CFA à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de bail.
2) Sur les frais non compris dans les dépens
Attendu que SOMDA G. Solange la condamnation de la Société de Transport Import-Export Kilimanjaro au paiement de la somme de 354.000 francs CFA au titre des frais exposés non compris dans es dépens.
Attendu que cette demande n’est pas justifiée; qu’il y a lieu de la rejeter.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort.
En la forme : déclare la Société de Transport Import-Export Kilimanjaro recevable en son action.
Au fond : la déclare partiellement fondée.
Reçoit partiellement madame SOMDA G. Solange en sa demande reconventionnelle.
Condamne madame SOMDA G. Solange à payer à la Société de Transport Import-Export Kilimanjaro, la somme de 520 000 francs CFA.
La déboute du surplus de ses demandes.
Condamne la Société de Transport Import-Export Kilimanjaro à payer à madame SOMDA G. Solange, la somme de 750 000 francs CFA à titre de dommages et intérêts.
La déboute du surplus de ses demandes.
Met les dépens à la charge des parties chacune pour moitié.