J-09-394
PROCEDURE SIMPLIFIEE DE RECOUVREMENT DES CREANCES – CONTRAT DE LOCATION GERANCE – SOLDE DEFINITIF DU COMPTE – SOLDE CREDITEUR – INJONCTION DE PAYER – ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER – OPPOSITION – VIOLATION DES CONDITIONS DE L’ARTICLE 10 AUPSRVE – FORCLUSION – APPEL – RECEVABILITE (OUI).
DECISION PORTANT INJONCTION DE PAYER – NOTIFICATION FAITE AU SECRETARIAT – SIGNIFICATION A PERSONNE MORALE – ARTICLE 86 CPC – VALIDITE DE LA SIGNIFICATION (OUI) – CONFIRMATION DU JUGEMENT.
En ce qui concerne les personnes morales de droit privé la notification est valable dès l’instant où elle est délivrée au lieu d’établissement de ces personnes et à défaut d’un tel lieu, lorsqu’elle est faite à la personne de l’un des membres de la personne morale. En l’espèce, la signification faite au secrétariat de la direction régionale demeure régulière. Plus de deux mois s’étant écoulés entre la date de signification de l’ordonnance afin d’injonction de payer et celle à laquelle l’opposition a été formée, l’opposition formulée par l’appelante est par conséquence irrecevable (solution de principe discutable).
Article 86 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 536 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
(COUR D’APPEL DE BOBO-DIOULASSO, Chambre civile (BURKINA FASO), Arrêt n 50 du 21 juillet 2008, Société Total Burkina c/ PODA Zième Jean Claude).
LA COUR
FAITS ET PROCEDURE
Le 26 février 2004, PODA Zième Jean Claude, assisté de son conseil maître SOME Marcellin, introduisait une requête afin d’injonction de payer auprès du président du Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso.
Le 03 mars 2004, le président dudit Tribunal signait l’ordonnance afin d’injonction de payer, laquelle est signifiée à la Société TOTAL Burkina dès le 04 mars 2004. Le 11 mai 2004 la Société TOTAL Burkina ayant pour conseil maître TRAORE Mamadou, a formé opposition à ladite ordonnance.
Par jugement n 231 du 27 novembre 2004, le Tribunal a ainsi vidé sa saisine :
– « Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort.
Déclare l’opposition irrecevable, par conséquent :
Condamne la Société Total Burkina à payer à PODA Zième Jean Claude la somme de un million huit cent cinquante cinq mille soixante deux (1.855 062) francs CFA.
Déboute la Société Total Burkina de ses prétentions.
Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement.
Mets les dépens à la charge de la Société Total Burkina »
Par acte d’huissier de justice du 24 novembre 2004, la Société Total Burkina SA a interjeté appel dudit jugement.
La cause a été alors inscrite au rôle général de la Cour d’appel sous le n 120 du 17 décembre 2004 et appelée pour la première fois à l’audience du 20 décembre 2004.
Advenue cette date, l’affaire a été renvoyée à quatre (04) reprises pour divers motifs avant d’être retenue, débattue à l’audience du 04 juin 2007 et mise en délibéré à vider le 16 juillet 2007, lequel délibéré a été ensuite prorogé au 20 août 2007.
A cette dernière audience, il a été rabattu et la cause renvoyée au 15 novembre 2007 pour nouvelle composition de la Cour. Après trois autres renvois, elle a été débattue le 03 décembre 2007 et mise en délibéré pour arrêt être rendu le 02 janvier 2008. Advenue cette date, le délibéré a été successivement prorogé au 18 février 2008, au 03 mars 2008, au 17 mars 2008, au 21 avril 2008, au 02 juin 2008, au 14 juillet 2007 et au 21 juillet 2008.
Au jour dit, la Cour a vidé sa saisine eu égard aux prétentions et moyens des parties que voici :
L’appelante Total Burkina SA a fait plaider que suivant contrat enregistré le 20 septembre 200, l’intimé PODA Zième Jean Claude a pris en location gérance un fonds de commerce formé par une station service Total appartenant à Total Burkina SA et dénommé Station Total marché central Bobo-Dioulasso. Ce contrat est une catégorie de location gérance pratiquée par l’appelante et conventionnellement intitulé « contrat jeune gérant », dérogeant à la pratique en matière de location gérance en ce qui concerne le dépôt de garantie et le paiement au comptant à la commande et avant toute livraison. Un compte est donc ouvert dans les livres de l’appelante au nom du jeune gérant et composé du sous-compte d’avance de produit ou compte prêt, du sous compte client et du sous-compte caution.
A la rupture du contrat, l’apurement des comptes consiste à arrêter les écritures et établir le solde global des comptes du gérant dans les livres de l’appelante. Si ce solde global est débiteur, c’est le gérant qui doit à l’appelante, s’il est créditeur, c’est l’appelante qui doit au gérant. En l’espèce le solde global de l’intimé était débiteur de 16.705.428 francs.
L’appelante estime que l’acte de notification a été remis le 04 mars 2004 à BAMBARA Nina Sylvie secrétaire à son agence de Bobo-Dioulasso qui n’est ni son représentant légal, ni son fondé de pouvoir, ni une personne par elle habilitée pour recevoir les significations en son nom et pour son compte. La notification du 04 mars 2004 n’a donc pas été faite à personne et l’opposition formée le 11 mai 2005 est recevable en vertu de l’article 10, alinéa 2 de l’Acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Aussi, le solde des comptes de l’intimé dans ses livres fait apparaître un débit de 16.705.428 francs qui lui est dû. La créance dont s’agit est inexistante et le jugement querellé mérite infirmation.
L’appelante demande par reconvention la condamnation de l’intimé à lui payer la somme de 16.705.428 francs outre les intérêts légaux à compter de la demande.
En effet, il ressort des écritures comptables que l’intimé est débiteur de ladite somme à son égard et doit donc être condamné dans ce sens.
L’appelante a conclu à la recevabilité de son appel et à l’infirmation du jugement attaqué et statuant à nouveau à l’annulation de l’ordonnance d’injonction de payer, à la recevabilité de sa demande reconventionnelle et la condamnation de l’intimé à lui payer la somme de 16.705.428 francs outre les intérêts légaux à compter de la demande, celle de 1.800 000 francs CFA au titre des frais et honoraires d’avocats en vertu de l’article 6 nouveau de la loi 10/93 du 17 mai 1993 et aux dépens.
En réplique, l’intimé PODA Zième Jean Claude expliquait au soutien de son action que le 26 octobre 1999 il a signé un contrat de location gérance avec la Station Total Burkina pour la Station Total sise au marché central de Bobo-Dioulasso, dénommée « Total marché central ».
Au terme de l’article 4 alinéa 2 dudit contrat, il est prévu le paiement immédiat du solde du compte ouvert par Total dans ses livres à son nom pour gérer les commandes et versements qu’il opère en cas de résiliation du contrat. Pourtant, depuis le 20 février 2003, la Société Total a résilié sans motifs et de façon unilatérale le contrat de location gérance. PODA Zième Jean Claude a fini par obtenir communication du relevé ainsi que du solde définitif de son compte qui s’est révélé créditeur d’un montant de (1.864.047) francs et dont la Total refuse de lui reverser. La créance ayant une origine contractuelle et étant exigible en vertu de l’article 4 alinéa 2 du contrat de location, il sollicite de la juridiction présidentielle l’autorisation de signifier à la société Total une injonction d’avoir à lui payer la somme de (1.864.047) francs CFA. L’intimé soulève l’irrecevabilité de l’opposition formée par l’appelante pour cause de forclusion. De même les jurisprudences françaises invoquées par elle ne s’appliquent pas au cas d’espèce. L’article 10 de l’Acte uniforme sus cité est sans équivoque sur la validité d’une signification et la cause n’est guère discutable au regard des articles 85 à 98 du code de procédure civile, lesquels distinguent la signification à personne de la signification à domicile, à mairie ou à parquet.
S’agissant de la demande reconventionnelle de l’appelante et selon l’intimé, elle ne peut que susciter le plus grand étonnement. En effet, se disant créancière d’une somme aussi importante constatée à la rupture du contrat de location gérance en février 2002, ce n’est qu’en 2004 qu’elle en a fait la réclamation. Du reste, il a fallu que l’intimé l’enjoigne au paiement de la somme de million huit cent cinquante cinq mille soixante sept (1.855 067) francs CFA pour qu’elle se souvienne de sa propre prétendue créance et en demande le paiement par voie reconventionnelle.
Cette demande est irrecevable au regard de la spécificité de la procédure d’injonction de payer. La mission dévolue à la juridiction saisie d’une opposition à une injonction de payer consiste exclusivement à examiner la demande en recouvrement. Elle ne peut examiner aucune autre demande, l’instance dont elle est saisie étant l’aboutissement d’un parcours procédural particulier sur la base des articles 1 à 15 de l’Acte uniforme sus cité.
L’intimé a conclu à la confirmation du jugement attaqué en toutes ses dispositions et à la condamnation de l’appelante à lui payer la somme de (1.800 000) francs CFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens et aux dépens de l’instance.
SUR CE, LA COUR
EN LA FORME
Au sens de l’article 536 du code de procédure civile, le délai d’appel est de deux mois et court pour les jugements contradictoires, à compter du prononcé de la décision.
En l’espèce, l’appel est intervenu le 24 novembre 2004 contre une décision rendue contradictoirement le 27 octobre 2004, soit au vingt huitième jour de son prononcé. Il est conforme aux conditions prescrites par l’article 536 du code sus cité; il est régulier et recevable.
AU FOND
Sur la recevabilité de l’opposition
L’ordonnance afin d’injonction de payer a été signifiée à l’appelante le 04 mars 2004. Ce n’est que le 11 mai 2004 que celle-ci a formé opposition.
Au sens de l’article 10 alinéa 1 de l’AUPSRVE, l’opposition doit être formée dans les quinze jours qui suivent la signification de la décision portant injonction de payer.
En l’espèce, plus de deux mois se sont écoulés entre la date de signification de l’ordonnance afin d’injonction de payer et celle à laquelle l’opposition a été formée. L’appelante fait valoir que la signification n’a pas été faite à personne mais au secrétariat de la direction régionale de Bobo-Dioulasso précisément à BAMBARA Nina Sylvie, secrétaire de direction de la société, responsable dudit service. Il ressort cependant de l’article 86 du code de procédure civile que la signification faite à une personne morale est à personne lorsque l’acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier ou à toute autre personne habilitée à cet effet. La présente signification a été faite à la secrétaire de direction de l’appelante contre accusé de réception, personne habilitée à recevoir pareils actes destinés à l’appelante. Dans ce sens, il est de pratique courante que les correspondances et autres courriers destinés à une personne morale de droit privé ou à tout autre service ou établissement public sont reçus au secrétariat de ladite personne morale par le secrétaire. L’appelante se contente simplement de contester la validité de la signification sans préciser les personnes habilitées à recevoir son courrier à défaut du représentant légal ou du fondé de pouvoir. Du reste, il y a lieu de convenir avec Jean Vincent et Serge Guinchard in Précis de procédure civile qu’en ce qui concerne les personnes morales de droit privé ou les établissements publics à caractère industriel ou commercial la notification est valable dès l’instant où elle est délivrée au lieu d’établissement de ces personnes et à défaut d’un tel lieu la notification est faite à la personne de l’un des membres de la personne morale. Il s’en suit que la signification faite le 04 mars 2004 demeure régulière. En conséquence, l’opposition formulée par l’appelante est irrecevable. La décision du premier juge mérite donc confirmation.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort.
Déclare l’appel recevable.
Confirme le jugement n 231 du 27 octobre 2004 en ce qu’il a déclaré l’opposition irrecevable, condamné la Société Total Burkina à payer à PODA Zième Jean Claude la somme de un million huit cent cinquante cinq mille soixante deux (1.855 062) francs CFA.
Condamne la société Total Burkina à payer à PODA Zième Jean Claude la somme de trois cent mille francs (300 000) francs CFA au titre des frais non compris dans les dépens.
Déboute PODA Zième Jean Claude du surplus de sa demande.
Déboute la Société Total Burkina de ses demandes et la condamne aux dépens.