J-09-396
PROCEDURE SIMPLIFIEE DE RECOUVREMENT DES CREANCES – CONTRAT DE VENTE – COMMANDE DE SUCRE – PAIEMENT – DEFAUT DE LIVRAISON – INJONCTION DE PAYER – ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER – OPPOSITION – EXCEPTION D’INCOMPETENCE – RETRACTION DE L’ORDONNANCE – ARTICLE 473 CPC – INCOMPETENCE DU TRIBUNAL (OUI) – OPPOSITION MAL FONDEE – APPEL – RECEVABILITE (OUI).
DEMANDE EN RETRACTION DE L’ORDONNANCE – JURIDICTION SAISIE SUR OPPOSITION – COMPETENCE POUR ORDONNER LA RETRACTION (NON) – ACCUSE DE COMMANDE – DEFAUT DE CERTAINES MENTIONS – LIVRAISON – DEFAUT DE PREUVE – ESCOMPTE DE LETTRES DE CHANGE – EXISTENCE DE LA CREANCE (OUI) – VIOLATION DES CONDITIONS DES ARTICLES 1 ET 2 AUPSRVE (NON) – CONFIRMATION DU JUGEMENT.
La juridiction saisie sur opposition d’une ordonnance d’injonction de payer n’a pas à ordonner la rétraction de l’ordonnance attaquée. Elle doit plutôt juger sur le bien fondé des arguments de la partie qui a formé opposition et, par suite, rendre une décision qui se substitue à l’ordonnance querellée.
Conformément à l’article 2 AUPSRVE, le requérant à la procédure d’injonction de payer doit, pour faire prospérer sa requête, soit faire la preuve de l’existence d’une créance en démontrant que la créance en cause résulte d’un contrat, soit démontrer que l’engagement de la partie contre laquelle la procédure est initiée résulte de l’émission ou de l’acceptation de tout effet de commerce ou d’un chèque dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante. En l’espèce et à l’appui de sa requête, la requérante a apporté les preuves de l’existence de sa créance. L’opposant est mal fondé dès lors qu’il ne rapporte pas la preuve qu’il s’est acquitté de son obligation de livrer et que la créance s’est trouvée ainsi éteinte du fait de cette livraison.
Article 1 AUPSRVE ET SUIVANT
Article 15 AUPSRVE ET SUIVANT
Article 394 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 473 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
(COUR D’APPEL DE BOBO-DIOULASSO, Chambre civile et commerciale (BURKINA FASO), Arrêt n 14 du 06 mars 2006, SN – SOSUCO c/ Mme KONE/OUEDRAOGO Azéta).
LA COUR
FAITS, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Le 07 octobre 2004, la Nouvelle Société Sucrière de la Comoé en abrégée SN-SOSUCO a, par acte d’huissier de justice, formé opposition contre une ordonnance d’injonction de payer rendue par le président du Tribunal de grande instance de Banfora et assigné madame KONE née OUEDRAOGO Azéta par devant ledit Tribunal pour voir déclarer son opposition recevable et bien fondée et s’entendre rétracter l’ordonnance d’injonction de payer rendue contre elle ou débouter madame KONE de ses prétentions et la condamner à lui payer la somme de vingt millions de francs (20 000 000 FCFA) pour procédure vexatoire. Au soutien de ses prétentions, la SN-SOSUCO explique que par suite d’une commande de deux cent quatre vingt (280) tonnes de sucre à elle faite par madame KONE, celle-ci a émis à son profit une série de quatre lettres de change le 08 avril 2002 en paiement de ladite commande; qu’après avoir escompté les dites lettres de change, elle a procédé à la livraison des 280 tonnes de sucre à madame KONE les 24, 25, 26 juillet 2001 puis les 07, 08, 09, 16, et 25 août 2001; que de ce fait elle ne doit plus rien à madame KONE; que madame KONE ayant initié une procédure contre elle, alors qu’il n’existe aucune créance, elle demande reconventionnellement que celle-ci soit condamnée à lui payer la somme de vingt millions de francs (20 000 000 FCFA) pour procédure vexatoire.
En réplique, madame KONE soulève d’emblée une exception tirée du non paiement par la SN-SOSUCO de la consignation due au titre des articles 449 et 450 du code de procédure civile et 274 du code de l’enregistrement et du timbre; elle soutient par ailleurs que le Tribunal de grande instance de Banfora est incompétent pour ordonner la rétraction de l’ordonnance d’injonction de payer au motif que « seul le président du Tribunal a la faculté de modifier ou rétracter son ordonnance même si le juge du fond est saisi de l’affaire » et ce conformément à l’article 473 du code de procédure civile; elle relève que la demande de SN-SOSUCO tendant à la voir débouter de ses prétentions, constitue une nouvelle demande en ce qu’elle ne figurait pas dans l’acte introductif d’instance; elle souligne enfin que les pièces produites par la SN-SOSUCO pour justifier la livraison du sucre à son profit sont douteuses; qu’en effet, les mentions « vente assistée » ou encore « mode de paiement : espèces » ainsi que le défaut d’indication du bénéficiaire de la commande et l’absence de sa signature à la livraison témoignent de ce doute; elle conclut en sollicitant que ses prétentions soient déclarées recevables et bien fondées; que la SN-SOSUCO soit déboutée des siennes et soit condamnée à lui payer la somme de cent vingt millions six cent mille sept cent vingt francs (120.600.720 FCFA) et que la décision à intervenir soit assortie de l’exécution provisoire.
Après avoir échoué dans sa tentative de réconcilier les parties, le Tribunal de grande instance de Banfora a rendu le jugement n 34/04 en son audience du 31 décembre 2004 dont le teneur suit :
– « En la forme, reçoit l’acte d’opposition formé le 07 octobre 2004 contre l’ordonnance d’injonction de payer n 17/2004 rendue le 24 septembre 2004.
Au fond :
se déclare incompétent pour ordonner la rétraction de ladite ordonnance d’injonction de payer.
condamne la SN-SOSUCO à payer à KONE/OUEDRAOGO Azéta, la somme de cent vingt millions six cent mille sept cent vingt francs (120.600.720 FCFA).
déboute la SN-SOSUCO de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de vingt millions (20 000 000 FCFA) pour procédure intempestive et vexatoire.
déboute KONE/OUEDRAOGO Azéta de sa demande, et dit n’y avoir pas lieu à ordonner l’exécution provisoire.
condamne la SN-SOSUCO aux dépens »
Par acte d’huissier de justice daté du 14 janvier 2005, la SN-SOSUCO a interjeté appel du jugement ci-dessus.
Dans ses conclusions, SN-SOSUCO demande à la Cour de recevoir son appel, d’infirmer ou annuler le jugement n 34/04 du 31 décembre 2004 en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, principalement déclarer KONE/OUEDRAOGO Azéta irrecevable en son action, subsidiairement, la débouter de toutes ses demandes; la condamner à lui payer la somme de vingt millions de francs (20 000 000 FCFA) à titre de dommages intérêts et de frais non compris dans les dépens; et la condamner aux dépens.
Dans ses conclusions en réplique, madame KONE/OUEDRAOGO demande à titre principale, la confirmation du jugement querellé, en ce qu’il a déclarée le Tribunal incompétent pour la rétraction de l’ordonnance d’injonction de payer, subsidiairement, la confirmation pure et simple du jugement n 34/04 du 31 décembre 2004 en ce qu’il a condamné la SN-SOSUCO à lui payer la somme de 120.600.720 FCFA. Elle demande enfin que SN-SOSUCO soit condamnée à lui payer en outre la somme de 30 000 000 FCFA au titre des frais et honoraires d’avocats supportés par elle et non compris dans les dépens et également aux dépens.
DISCUSSION
1) De la recevabilité de l’appel
Attendu que selon l’article 15 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution du 10 avril 1998, la décision rendue sur opposition est susceptible d’appel dans les conditions du droit national de chaque Etat et dans le délai de trente jours à compter de la date de cette décision.
Attendu en l’espèce que le jugement objet du présent appel a été rendu par suite d’une opposition formée contre une ordonnance d’injonction de payer suivant la procédure organisée par l’Acte uniforme sus cité; que ledit jugement a été rendue le 31 décembre 2004; que l’appel ayant été interjeté le 14 janvier dans la forme prescrite à l’article 550 du code de procédure civile, il doit être déclaré recevable comme ayant respecté les forme et délai.
2) De la demande en rétraction de l’ordonnance d’injonction de payer
Attendu que la SN-SOSUCO reproche au jugement querellé de n’avoir pas ordonné la rétraction de l’ordonnance d’injonction de payer rendue par le président du Tribunal de grande instance de Banfora.
Attendu que pour soutenir sa demande SN-SOSUCO invoque la violation des articles 1 et 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement des créances et des voies d’exécutions en expliquant que non seulement la créance qui a pu exister contre elle s’est éteinte et donc inexistante mais également que les effets de commerce produits par madame KONE pour justifier sa créance ne remplissent pas les conditions exigées par l’Acte uniforme précité.
Mais attendu cependant que la juridiction saisie sur opposition d’une ordonnance d’injonction de payer n’a pas à ordonner la rétraction de l’ordonnance attaquée mais plutôt de juger sur le bien fondé des arguments de la partie qui a formé opposition et par suite rendre une décision qui se substitue à l’ordonnance querellée; qu’en déboutant la SN-SOSUCO de sa demande, les premiers juges ont fait une bonne application de la loi; qu’il s’en suit que sur ce point le jugement mérite d’être confirmé.
3) De l’existence ou de l’inexistence de la créance de Madame KONE
Attendu que la SN-SOSUCO fait grief au jugement attaqué en ce qu’il l’a condamnée à payer la somme de cent vingt millions six cent mille sept cent vingt (120.600.720 FCFA) à madame KONE alors même que la dite créance serait éteinte; qu’au soutien de sa prétention elle explique avoir reçu commande de la part de madame KONE, de deux cent quatre vingt (280) tonnes de sucre qu’elle a entièrement livrée; qu’en paiement de ladite commande, madame KONE lui a remis une série de quatre lettres de change qu’elle a escompté à son profit.
Que pour appuyer ses allégations, SN-SOSUCO a produit des pièces comptables dont un accusé de commande daté du 26 décembre 2001, une facture n 01000.927 datée du 22 décembre 2001 et une série de huit bordereaux de livraison datés de juillet 2001 pour certains et d’août 2001pour d’autres; qu’elle s’est ainsi acquittée de son obligation de livrer et que la créance de madame KONE s’est trouvée éteinte du fait de cette livraison.
Attendu que pour parvenir à la condamnation de la SN-SOSUCO, les premiers juges ont relevé : que l’accusé de commande du 26 décembre 2001 ne mentionne ni le bon de commande et son numéro et ne porte pas le nom du bénéficiaire; que la facture n 01000972 du 22 décembre 2001 indique en face du mode de paiement la mention « espèce » alors que dans le cas en cause, il s’agit de quatre lettres de change qui ont été émis pour le règlement de la commande; que par ailleurs il est fait mention sur la même facture de « vente assistées, divers localités » par une commande n 0000/1972 en date du 22 décembre 2001 alors que madame KONE née OUEDRAOGO Azéta devrait en être le bénéficiaire; que les bordereaux de livraison produits par SN-SOSUCO indiquent comme bénéficiaire la Société MADOUA SARL qui est une personne morale distincte de KONE née OUEDRAOGO Azéta qui elle, est une personne physique; qu’ils en ont tiré la conclusion que SN-SOSUCO n’a pas pu rapporter la preuve de la livraison des 280 tonnes de sucre alors qu’elle reconnaît avoir escompté les quatre lettres de change à son profit; que par conséquent la créance de KONE née OUEDRAOGO contre SN-SOSUCO existe bien et revêt tous les caractères exigés aux articles 1 et 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement des créances et des voies d’exécution.
Attendu qu’en cause d’appel, SN-SOSUCO n’a pu rapporter la preuve de la livraison des 280 tonnes de sucre en exécution du contrat de vente conclut entre elle et KONE née OUEDRAOGO Azéta; qu’en réponse à la confusion faite entre madame KONE née OUEDRAOGO et la Société MADOUA-SARL dont celle-ci serait la gérante, SN-SOSUCO se borne à dire que c’est madame KONE elle-même qui crée expressément cette confusion en utilisant un cachet qui comporte à la fois les mentions MADOUA-SARL et KONE Azéta; qu’une telle explication ne saurait justifier la livraison par SN-SOSUCO des 280 tonnes de sucre à madame KONE Alizéta surtout quand elle n’ignore pas l’éventualité de cette confusion; qu’au contraire, SN-SOSUCO devrait être plus attentive et plus prudente dans le cadre de l’exécution de ses contrats avec les deux personnes en mentionnant l’identité exacte de la personne avec qui elle traite; que de même, concernant l’antériorité de la facture produite par rapport à l’accusé de commande qui fait penser que la SN-SOSUCO a facturé avant de recevoir livraison ou encore l’antériorité des bordereaux de livraison par rapport à l’accusé de commande qui fait penser que la SN-SOSUCO a livré la marchandise avant de recevoir la commande, SN-SOSUCO n’apporte aucune explication prouvant que les documents par elle produites correspondent bien au contrat en cause; qu’il en est également de même sur le mode de paiement qui figure sur la facture et qui indique que le paiement a été fait en espèce alors qu’en l’espèce il s’agit bien de traite; que la SN-SOSUCO n’apporte aucune explication pour justifier ce fait; que bien mieux, madame KONE a produit à la Cour une facture de SN-SOSUCO sur laquelle il est fait mention, au titre du mode de paiement : « traite », ce qui lève toute équivoque sur ce point; qu’ainsi il est à relever que la facture produite par SN-SOSUCO ne peut concerner le contrat en cause; que ce moyen est donc inopérant.
Attendu que SN-SOSUCO soutient par ailleurs que les traites produites par madame KONE née OUEDRAOGO Azéta ne répondent pas au critère défini à l’article 2 de l’Acte uniforme précité et par conséquent ne peuvent ouvrir droit au recours à la procédure d’injonction de payer; que le Tribunal a ainsi manqué de donner une base légale à sa décision.
Attendu que l’article 2 de l’Acte uniforme précité stipule que « la procédure d’injonction de payer peut être introduite lorsque :
1) la créance a une cause contractuelle;
2) l’engagement résulte de l’émission ou de l’acceptation de tout effet de commerce, ou d’un chèque dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante ».
Qu’ainsi libellé, le requérant à la procédure d’injonction de payer doit, pour faire prospérer sa requête, soit faire la preuve de l’existence d’une créance en démontrant que la créance en cause résulte d’un contrat, soit démontrer que l’engagement de la partie contre laquelle la procédure est initiée résulte de l’émission ou de l’acceptation de tout effet de commerce, ou d’un chèque dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante.
Attendu en l’espèce que madame KONE a introduit sa requête pour demander que SN-SOSUCO soit condamner à lui payer la somme de 120.600.720 FCFA pour ne lui avoir pas livré les 280 tonnes de sucre pour lesquelles elles s’était pourtant engagée au terme de leur contrat de vente; que c’est à l’appui de sa requête et dans le but de prouver l’existence de la créance que les copies des quatre lettres de change ont été produites; que dès lors que SN-SOSUCO ne rapporte pas la preuve que les 280 tonnes ont été livrées dans le cadre de l’exécution de ce contrat précis, la preuve de l’existence de la créance de madame KONE se trouve faite et il n’est point besoin d’examiner les effets de commerce produits ici comme éléments de preuve de l’existence du contrat, qu’ainsi cet autre moyen de SN-SOSUCO ne sauraient prospérer.
Attendu que de tout ce qui précède, les premiers juges ont fait une bonne appréciation des faits et par suite une bonne application de la loi; que par conséquent la décision sur ce point mérite d’être confirmée.
4) De la demande en paiement de frais et honoraires de madame KONE née OUEDRAOGO Azéta
Attendu que madame KONE née OUEDRAOGO Azéta sollicite la condamnation de SN-SOSUCO à lui payer la somme de trente millions de francs au titre des frais et honoraires d’avocats par elle supportés et ce conformément à l’article 6 nouveau de la loi portant organisation judiciaire.
Mais attendu que toute demande d’indemnité doit être justifiée; qu’en l’espèce, madame KONE n’a produit aucune pièce justificative de l’indemnité sollicitée; qu’il y a lieu de la débouter de sa réclamation.
5) Des dépens
Attendu que SN-SOSUCO a succombée à la présente cause; qu’il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément à l’article 394 du code de procédure civile qui stipule que « toute partie qui succombe est condamnée aux dépens (…) ».
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale, en cause d’appel et en dernier ressort.
En la forme
déclare l’appel interjeté par SN-SOSUCO recevable en application des articles 15 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution et 550 du code de procédure civile.
Au fond
confirme le jugement n 34/04 du 31 décembre 2004 rendu par le Tribunal de grande instance de Banfora.
déboute madame KONE née OUEDRAOGO Azéta de sa demande de paiement des frais et honoraires d’avocats non compris dans les dépens.
condamne SN-SOSUCO aux dépens.