J-10-124
PROCEDURE SIMPLIFIEE DE RECOUVREMENT DES CREANCES – INJONCTION DE PAYER – DECISION D’INJONCTION DE PAYER RENDUE SUR OPPOSITION – APPEL – RECEVABILITE (OUI).
ACTE D’OPPOSITION – SIGNIFICATION AU GREFFE – PREUVE DE LA SIGNIFICATION (OUI) – ACTE SIGNIFIE D’ABORD AU GREFFE – VIOLATION DE L’ARTICLE 11 AUPSRVE (NON) – INFIRMATION DU JUGEMENT.
CONTRAT DE VENTE DE DEUX MACHINES – PRIX UNIQUE – VENTE GROUPEE (OUI) – MISE A DISPOSITION DES MACHINES PAR LE VENDEUR – INEXECUTION DE L’OBLIGATION DE DELIVRER (NON) – ACHETEUR – ENLEVEMENT D’UNE MACHINE – EXECUTION PARTIELLE DE L’OBLIGATION DE PRENDRE LIVRAISON – INEXECUTION DE L’OBLIGATION DE PAYER LE PRIX – RESOLUTION DE LA VENTE (NON) – PAIEMENT DU PRIX (OUI) – APPEL INCIDENT – DEMANDE DE DOMMAGES-INTERETS – ARTICLE 1153 CODE CIVIL – ARTICLE 263 AUDCG – INTERETS DE DROIT (OUI).
Aux termes de l’article 11 AUPSRVE, « l’opposant est tenu à peine de déchéance et dans le même acte que celui de l’opposition : - de signifier son recours à toutes les parties et au greffe de la juridiction ayant rendu la décision d’injonction de payer… ». En l’espèce, l’appelant reproche au premier juge d’avoir déclaré que l’acte d’opposition n’a pas été présenté au greffe comme l’exige l’article 11 précité. Cependant, l’acte d’opposition porte la signature du greffe qui atteste l’avoir reçu dans les délais. En outre, le dossier d’opposition a été enrôlé à la date fixée et la demanderesse à l’injonction de payer en plus de s’être présentée à l’instance, a produit ses conclusions. Il n’y a donc pas eu violation de l’article 11 sus-cité. Par ailleurs, la demanderesse à l’injonction ne peut également invoquer le fait que l’acte ait été signifié au greffe avant elle pour soulever un quelconque manquement dans la mesure où l’article 11 n’a pas prévu d’ordre dans lequel la signification doit être faite.
Le contrat de vente conclu entre les parties portait sur deux machines, et un prix unique avait été fixé. Il s’agit donc d’une vente groupée. Elle ne peut donc être résolue en partie parce que la vendeuse n’aurait pas satisfait à son obligation qui est celle de délivrer la chose. En effet, l’acheteur est entré en possession d’une des machines, ce qui signifie que les machines avaient été mises à sa disposition. Et, bien qu’ayant enlevé une des machines, il n’a pas daigné payer son prix et ce depuis des années. Il a donc manqué à son obligation contractuelle et ne peut par conséquent bénéficier des dispositions de l’article 1184 du code civil relatives à la condition résolutoire des contrats. Ayant accepté le prix, il est donc tenu de le payer, avec les intérêts de droit conformément à l’article 263 AUDCG qui stipule que : « si une partie ne paie pas le prix ou toute autre somme due, l’autre partie a droit à des intérêts sur cette somme, calculés aux taux d’intérêt légal, applicable en matière commerciale.. ».
Article 11 AUPSRVE
Article 15 AUPSRVE
Article 263 AUDCG
Article 1134 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 1135 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 1147 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 1153 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 1184 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 1603 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 550 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
(COUR D’APPEL DE OUAGADOUGOU, Chambre commerciale (BURKINA FASO), Arrêt n 064 du 19 décembre 2008, DEME Karim c/ HIEN Aminata).
LA COUR,
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par acte d’huissier en date du 22 février 2006 signifié à madame HIEN Aminata et déposé au greffe de la Cour d’appel de Ouagadougou, monsieur DEME Karim a interjeté appel du jugement en date du 08 février 2006 rendu par le Tribunal de grande instance de Ouagadougou en ces termes : « Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en premier ressort.
Déclare DEME Karim déchu de son droit à opposition pour violation de l’article 11 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Condamne DEME Karim aux dépens ».
Attendu que des faits il ressort que le 25 avril 2003 un contrat de vente d’une pelle poclain et d’une bétonnière a été conclu entre madame HIEN Aminata et DEME Karim; que DEME Karim s’engageait à payer lesdites marchandises à douze millions quatre cent mille (12.400 000) francs CFA; que dans l’exécution de ses obligations contractuelles HIEN Aminata livrait la pelle poclain à DEME Karim qui après deux ans d’utilisation ne paya pas le prix; que c’est ainsi que HIEN Aminata saisissait le président du Tribunal de grande instance de Ouagadougou en vue d’une ordonnance d’injonction de payer ladite somme; que le 30 mars 2005 elle obtenait du président l’ordonnance n 125/05 qu’elle notifiait le 17 mai 2005 par exploit d’huissier à DEME Karim; que contre cette ordonnance DEME Karim formait opposition le 1er juin 2005; que statuant sur l’opposition le 08 février 2006, le Tribunal de grande instance de Ouagadougou déclarait DEME Karim déchu de son droit à opposition pour violation de l’article 11 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution; que DEME Karim relevait appel et madame HIEN Aminata appel incident.
Attendu que DEME Karim par la plume de son conseil maître Emma Félicité DALA avocat à la Cour soutient que l’acte d’opposition a été signifié à madame HIEN Aminata ainsi qu’au greffe de la juridiction dont le président à rendu l’ordonnance; qu’il a donc satisfait aux conditions de l’article 11 de l’Acte uniforme suscité et ne peut donc être déchu de son action; que le Tribunal a ainsi manqué de vigilance dans l’analyse du dossier rendant alors sa décision sans fondement légal; que la décision encourt annulation.
Sur le fond du litige, DEME Karim fait valoir qu’il ne peut être débiteur de la somme de douze millions quatre cent mille (12.400 000) francs dans la mesure où seule la pelle poclain lui a été livrée; que l’article 1603 du code civil prévoit deux obligations à la charge du vendeur à savoir celle de délivrer et celle de garantir la chose qu’il vend; que madame HIEN Aminata n’ayant pas satisfait à son obligation de délivrer la chose vendue, elle ne peut réclamer que le prix de la pelle poclain qu’elle a livré et non celui de la bétonnière qu’elle détient; que madame HIEN Aminata n’ayant pas exécuter son obligation contractuelle il sollicite sur la base de l’article 1184 alinéa 2 du code civil que la Cour prononce la résolution de la vente portant sur la bétonnière; il poursuit en sollicitant de la Cour sur le fondement de l’article 1147 du code civil qu’elle condamne madame HIEN Aminata à lui payer la somme de sept millions quatre cent mille (7.400 000) francs au titre du préjudice subi du fait de la non délivrance de la bétonnière qu’il a dû louer pour ses travaux à vingt cinq mille (25 000) francs jour et ce pendant quatre ans.
Il conclut d’une part à l’infirmation du jugement attaqué et à la résolution de la vente portant sur la bétonnière d’autre part à la condamnation de madame HIEN Aminata au paiement de la somme de sept millions quatre cent mille (7.400 000) francs pour perte subie du fait de la non délivrance de la bétonnière et à la somme de cinq cent mille (500 000) francs au titre des frais non compris dans les dépens.
En réplique madame HIEN Aminata par les conclusions de son conseil maître FARAMA Prosper avocat à la Cour soutient la nullité de l’acte d’opposition.
Il affirme que la signification de l’acte d’opposition au greffe constitue l’acte d’enrôlement de l’acte d’assignation et si l’acte a été enrôlé comment peut-il encore être signifié au demandeur à l’injonction de payer.
Sur le fondement de la créance il se réfère à l’article 1134 alinéa 1 du code civil et conclu que le contrat liant HIEN Aminata et DEME Karim est une vente groupée; que s’agissant d’une vente groupée madame HIEN Aminata est donc créancière de monsieur DEME Karim de la somme de douze million quatre cent mille (12.400 000) francs représentant le prix d’une pelle poclain et d’une bétonnière.
Il sollicite alors de la Cour qu’elle rejette les moyens de l’appelant comme étant mal fondés.
Poursuivant ses moyens de défense, il fait constater que c’est DEME Karim qui a lui-même transporté le poclain, ce qui signifie que la bétonnière et la pelle poclain ont été mises à sa disposition; qu’il ne peut donc reprocher à madame HIEN Aminata une rétention quelconque de la bétonnière qui d’ailleurs demeure toujours à sa disposition
De son appel incident, il attire l’attention de la Cour sur le fait que le non paiement du prix des marchandises lui cause un grave préjudice et sollicite de la Cour qu’elle condamne DEME Karim à lui payer la somme de quatre millions (4.000 000) de francs CFA au titre du manque à gagner et ce en vertu de l’article 1147 du code civil.
Il conclut à la confirmation du jugement querellé en ce qu’il a déclaré DEME Karim déchu de son opposition et sollicite qu’il plaise à la Cour débouter DEME Karim de toutes ses prétentions comme étant mal fondées, le condamner à payer à madame HIEN Aminata la somme de douze millions quatre cent mille (12.400 000) francs CFA représentant le prix de vente de la pelle poclain et de la bétonnière; condamner DEME Karim à payer à madame HIEN Aminata la somme de quatre millions (4.000 000) de francs CFA au titre des dommages-intérêts; le condamner aux dépens; le condamner à payer à madame HIEN Aminata la somme de cinq cent mille (500 000) francs au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DISCUSSION
EN LA FORME
Attendu que l’appel interjeté par DEME Karim est recevable pour avoir été fait dans les formes et délais requis par les articles 15 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution et 550 du code de procédure civile.
AU FOND
De la violation de l’article 11 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
Attendu que l’appelant reproche au premier juge de l’avoir déclaré déchu de son droit à opposition pour violation de l’article 11 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement de créances et voies d’exécution.
Attendu qu’aux termes dudit ARTICLE : « l’opposant est tenu à peine de déchéance et dans le même acte que celui de l’opposition :
de signifier son recours à toutes les parties et au greffe de la juridiction ayant rendu la décision d’injonction de payer.
de servir assignation à comparaître devant la juridiction compétente à une date fixe qui ne saurait excéder le délai de trente jours compter de l’opposition ».
Attendu que pour déclarer DEME Karim déchu de son opposition le premier juge a déclaré que l’acte d’opposition à l’ordonnance d’injonction de payer n 125/05 n’a pas été présenté au greffe comme l’exige l’article 11 précité.
Attendu cependant que l’acte d’opposition porte la signature du greffe qui atteste avoir reçu l’acte le 1er juin 2005 à 16h50mn; qu’en plus le dossier d’opposition a été enrôlé à la date fixée; que le demandeur à l’injonction de payer en plus de s’être présenté à l’instance a produit ses conclusions; qu’il n’y a donc pas eu violation de l’article 11 suscité et madame HIEN Aminata ne peut donc invoquer le fait que l’acte ait été signifié au greffe avant elle pour soulever un quelconque manquement dans la mesure où l’article 11 n’a pas prévu d’ordre dans lequel la signification doit être faite; que le jugement attaqué mérite donc infirmation.
De la résolution de la vente
Attendu que l’appelant sollicite de la Cour qu’elle prononce la résolution de la vente portant sur la bétonnière; qu’il reproche à madame HIEN Aminata de n’avoir pas satisfait à une de ses obligations qui est celle de délivrer la chose convenue.
Attendu cependant que le contrat de vente conclu entre les parties portait sur deux machines, une pelle poclain et une bétonnière; qu’un prix unique de douze million quatre cent mille (12.400 000) francs avait été fixé pour les deux machines; qu’il s’agit donc d’une vente groupée.
Attendu que l’appelant est entré en possession d’une des machines à savoir la pelle poclain; que la machine a été enlevée par l’appelant lui-même, ce qui signifie que les machines avaient été mises à sa disposition.
Attendu que l’appelant ne prouve pas qu’il a rencontré le refus de madame HIEN quant à l’enlèvement de la bétonnière; qu’au contraire bien qu’ayant enlevé la pelle poclain, il n’a pas daigné payer son prix et ce depuis des années; que c’est donc lui qui a manqué à son obligation contractuelle; qu’il ne peut donc bénéficier des dispositions de l’article 1184 du code civil.
Du paiement du prix et des dommages-intérêts
Attendu que l’article 1134 stipule que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi »; que l’article 1135 qui poursuit : « les conventions obligent non seulement à ce qui est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature ».
Attendu que le prix des machines avait été fixé à douze millions quatre cent mille (12.400 000) francs; que l’acheteur ayant accepté le prix, il est donc tenu de le payer.
Attendu que madame HIEN Aminata a formé appel incident, que de son appel incident elle sollicite en plus du paiement du prix des deux machines voir condamner DEME Karim à lui payer en vertu de l’article 1147 du code civil, des dommages-intérêts qu’elle chiffre à quatre millions (4.000 000) de francs CFA.
Attendu cependant qu’aux termes de l’article 1153 du code civil : « dans les obligations qui se bornent au paiement d’une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l’exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal... »; que l’article 263 de l’Acte uniforme sur le droit commercial général stipule que : « si une partie ne paie pas le prix ou toute autre somme due, l’autre partie a droit à des intérêts sur cette somme, calculés aux taux d’intérêt légal, applicable en matière commerciale... »; qu’il y a donc lieu de condamner DEME Karim à payer à madame HIEN Aminata les intérêts de droit sur la somme de douze millions quatre cent mille (12.400 000) francs CFA et ce à compter de la date du jugement.
Des frais de procès
Attendu que l’article 6 de la loi 28/2004/AN portant modification de la loi n 10/93/ADP du 17 mai 1993 autorise le juge sur demande expresse motivée d’une des parties, à condamner la partie perdante au paiement des frais non compris dans les dépens.
Attendu que madame HIEN Aminata sollicite de la Cour qu’elle condamne DEME Karim à lui payer la somme de cinq cent mille (500 000) francs CFA au tire des frais non compris dans les dépens.
Attendu qu’en se référant au barème indicatif des frais et honoraires des avocats adopté le 20 décembre 2003, en son article 33 : « les avocats du demandeur et du défendeur ont droit à des honoraires fixes de quatre cent mille (400 000) francs; qu’il convient donc de lui allouer cette somme.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en dernier ressort.
Déclare l’appel DEME Karim recevable.
Infirme le jugement attaqué.
Statuant à nouveau déboute DEME Karim de sa demande en résolution de la vente.
Condamne DEME Karim à payer à HIEN Aminata la somme de douze millions quatre cent mille (12.400 000) francs CFA outre les intérêts de droit à compter de la date du jugement.
Déboute HIEN Aminata de sa demande en paiement de dommages-intérêts.
Condamne DEME Karim aux dépens.
Le condamne à payer à HIEN Aminata la somme de quatre cent mille (400 000) francs CFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.