J-10-215
PROCEDURE SIMPLIFIEE DE RECOUVREMENT DES CREANCES – INJONCTION DE PAYER – ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER – DECISION ULTRA PETITA – DECISION D’ANNULATION DE L’ORDONNANCE RENDUE SUR OPPOSITION – APPEL – RECEVABILITE (OUI).
PRESIDENT DU TRIBUNAL – ARTICLE 5 AUPSRVE – DECISION D’INJONCTION DE PAYER – MONTANT RETENU – CHEQUE IMPAYE – CONTESTATION DU MONTANT – ORDONNANCE DU JUGE – DECISION CONTRADICTOIRE (NON) – AUTORITE DE LA CHOSE JUGEE (NON) – RECOURS A L’OPPOSITION – JUGE DE L’OPPOSITION – DEFAUT DE CALCUL DU MONTANT REELLEMENT DU – INFIRMATION DU JUGEMENT D’ANNULATION.
CONTESTATION DE LA CREANCE – DEBITEUR – EMISSION D’UN CHEQUE A SON NOM – CHEQUE IMPAYE POUR INSUFFISANCE DE PROVISION – VERSEMENT D’UN ACOMPTE – RELIQUAT – ABSENCE DE PREUVE DE PAIEMENT – CREANCE OPPOSABLE (OUI) – CREANCE CERTAINE, LIQUIDE ET EXIGIBLE – INEXECUTION DE L’OBLIGATION DE PAYER – ARTICLE 1153 CODE CIVIL – PAIEMENT DES INTERETS DUS (OUI) – DOMMAGES-INTERETS COMPENSATOIRES (NON).
L’article 5 alinéa 1 AUPSRVE prescrit au président de la juridiction compétente de rendre une décision portant injonction de payer pour la somme qu’il fixe si, au vu des documents produits, la demande lui parait fondée en tout ou partie. En l’espèce, le président du Tribunal a donc fixé le montant en se référant comme le lui impose l’article 5 précité au document produit par le créancier, en l’occurrence un chèque impayé. La décision du juge n’est pas un jugement sur le fond et est donc dépourvue de l’autorité de la chose jugée. Aussi, dans le but de permettre aux parties de contredire l’ordonnance d’injonction de payer le législateur à prévu le recours à l’opposition. C’est donc au juge de l’opposition de trancher le litige en calculant le montant réellement dû et ce sur présentation de pièces justificatives. Dans le cas d’espèce, le juge de l’opposition s’est contenté d’annuler l’ordonnance d’injonction de payer. Sa décision doit donc être infirmée.
Le fait pour l’intimé d’avoir, d’une part, émis à son nom un chèque revenu impayé pour insuffisance de provision et, d’autre part, versé un acompte entre les mains du conseil de l’appelant afin de réduire le montant de la créance, suffisent à démonter qu’il est débiteur, et que la créance lui est donc opposable. La créance remplit les conditions de certitude puisque résultant de l’émission d’un chèque dont la provision s’est révélée insuffisante. Son montant est connu, donc liquide et exigible puisqu’arrivée à terme. A défaut de preuve que le débiteur a exécuté son obligation de payer, il convient de le condamner au paiement de ladite somme. Et conformément à l’article 1153 du code civil qui dispose que « dans les obligations qui se bornent au paiement d’une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l’exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal... », il y a lieu de condamner également le débiteur à payer les intérêts de droit sur la somme due, et ce à compter du jour du jugement.
Article 1147 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 1149 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 1153 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 21 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 550 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
(COUR D’APPEL DE OUAGADOUGOU, Chambre commerciale (BURKINA FASO), Arrêt n 032 du 05 juin 2009, BAAKLINI Antoine c/ KORGO Issaka).
LA COUR,
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par acte d’huissier en en date du 10 décembre 2007 signifié à KORGO Issaka et déposé au greffe de la Cour d’appel de Ouagadougou, BAAKLINI Antoine a interjeté appel du jugement n 107/2007 en date du 21 novembre 2007 rendu contradictoirement en matière commerciale par le Tribunal de grande instance de Ouagadougou en ces termes :
– « Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en premier ressort :
En la forme : déclare l’opposition recevable parce que intervenue dans les formes et délais prescrits par la loi.
Au fond : annule l’ordonnance d’injonction de payer n 097 du 21 mars 2007.
Condamne BAAKLINI Antoine aux dépens ».
Au soutien de son appel BAAKLINI Antoine expose qu’il est créancier de KORGO Issaka de la somme de vingt millions cinq cent quarante mille quatre cent vingt cinq (20.540.425) francs CFA; que la créance résulte d’un chèque impayé Banque Sahélo-Sahélienne pour l’Investissement et le Commerce (BSIC) du Burkina Faso émis à son ordre le 20 avril 2006 par KORGO Issaka qui est revenue impayé pour motif d’insuffisance de provision; que de multiples démarches auprès de KORGO Issaka en vue du recouvrement amiable de ladite somme sont restées infructueuses; que c’est seulement le 15 décembre 2006 que la somme de cinq cent mille (500 000) francs CFA a été versée entre les mains de son conseil réduisant le montant de la créance à vingt millions quarante mille quatre cent vingt cinq francs (20 040.425) francs; que c’est ainsi qu’il a été obligé de saisir le président du Tribunal de grande instance de Ouagadougou en vue de l’autoriser à faire signifier à KORGO Issaka l’injonction de lui payer le reliquat; que le 28 mars 2007 l’ordonnance d’injonction de payer n 097/2007 du président du Tribunal de grande instance de Ouagadougou en date du 21 mars 2007 était signifiée à KORGO Issaka; que contre cette ordonnance KORGO Issaka formait opposition le 12 avril 2007; que statuant sur l’opposition le 21 novembre 2007, le Tribunal de grande instance de Ouagadougou par jugement n 107/2007 annulait l’ordonnance d’injonction de payer; que contre ce jugement il interjetait appel le 10 décembre 2007.
BAAKLINI Antoine reproche à la décision attaquée d’avoir annulé l’ordonnance d’injonction de payer au motif que le président du Tribunal de grande instance de Ouagadougou en l’autorisant à faire signifier à KORGO Issaka une injonction de payer la somme de vingt millions cinq cent quarante mille quatre cent vingt cinq (20.540.425) francs au lieu de vingt millions quarante mille quatre cent vingt cinq (20 040.425) francs CFA a statué ultra petita.
Il fait valoir que l’article 5 de l’acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution prescrit en son aliéna 1 que : « si au vu des documents produits, la demande lui parait fondée en tout ou partie, le président de la juridiction compétente rend une décision portant injonction de payer pour la somme qu’il fixe »; que ledit article ne prévoit aucune sanction; que selon l’adage « pas de nullité sans texte » le premier juge ne pouvait donc prononcer la nullité de l’ordonnance d’injonction de payer; que la procédure d’injonction de payer est d’ailleurs une voie de recouvrement des créances et non une procédure de fixation ou de liquidation de créance; que c’est ainsi que le jugement sur opposition se substitue à l’ordonnance d’injonction de payer qui n’a pas autorité de la chose jugée.
Il conclut au débouté de KORGO Issaka de sa demande de nullité de l’ordonnance d’injonction de payer et sollicite de la Cour qu’elle condamne KORGO Issaka à lui payer la somme reliquataire de vingt millions quarante mille quatre cent vingt cinq (20 040.425) francs CFA en principal, ainsi que les intérêts dus au taux légal de 9,8% l’an soit deux millions deux cent soixante seize mille cinq cent soixante trois (2.276.563) francs CFA ou les dommages-intérêts compensatoires de dix millions (10 000 000) de francs CFA conforment aux articles 1147 et 1149 du code civil, et les intérêts de droit à compter du jour de la demande; le condamner aux dépens et à quatre cent mille (400 000) francs CFA conformément à l’article 6 alinéa 3 de la loi n 028-2005/AN du 08 septembre 2004.
En réplique KORGO Issaka conteste non seulement être débiteur de BAAKLINI Antoine mais aussi le montant de la somme réclamée.
Il réplique que la créance de BAAKLINI Antoine résulte d’une commande de matériel par la SOKOCOM d’un montant de soixante dix huit millions quarante deux mille huit cent trente (78.042.830) francs CFA à monsieur BAAKLINI Antoine le 21 octobre 2005; que SOKOCOM a payé cinquante sept millions cinq cent deux mille quatre cent cinq (57.502.405) francs laissant un reliquat de vingt millions cinq cent quarante mille quatre cent vingt cinq (20.540.425) francs CFA; que suite à d’autres paiements, le reliquat au 19 avril 2006 était de treize millions (13.000 000) de francs CFA; que réagissant à l’ordonnance d’injonction de payer une somme de cinq cent mille (500 000) francs CFA fut versée à BAAKLINI Antoine; qu’à ce jour la créance reliquataire est de douze millions cinq cent mille (12.500 000) francs CFA; que du fait de l’admission de la SOCOKOM à la procédure de règlement préventif, ladite somme est inscrite sur la liste des créances frappées de suspension; que la créance lui est donc inopposable; que le jugement attaqué doit être confirme parce qu’ayant annulé l’ordonnance d’injonction de payer n 097/2007 du 21 novembre 2007; que BAAKLINI Antoine a d’ailleurs évalué sa créance à vingt millions quarante mille quatre cent vingt cinq (20 040.425) francs CFA et le premier juge lui a octroyé vingt millions cinq cent quarante mille quatre cent vingt cinq (20.540.426) francs CFA; qu’ainsi il a statué ultra petita violant l’article 21 du code de procédure civile et l’article 5 de l’acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution; que pour ce qui est des intérêts au taux légal et des dommages-intérêts, ces prétentions ne reposent sur aucun fondement et n’étant pas débiteur de BAAKLINI Antoine, la Cour déboutera BAAKLINI de ses prétentions.
Il conclut en la confirmation du jugement et sollicite de la Cour qu’elle déboute BAAKLINI Antoine de toutes ses prétentions comme étant mal fondées et qu’elle le condamne à lui payer la somme de quatre cent mille (400 000) francs CFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens conformément à l’article 6 nouveau de la loi portant organisation judiciaire Burkina Faso.
DISCUSSION
EN LA FORME
Attendu que l’appel de BAAKLINI Antoine a été interjeté le 10 décembre 2007 contre un jugement rendu le 21 novembre 2007; qu’ayant respecté les formes et délais requis par les articles 15 de l’acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution et 550 du code de procédure civile, il y a lieu de le déclarer recevable.
AU FOND
SUR LA CREANCE DE BAAKUNI ANTOINE
Attendu que BAAKLINI Antoine reproche au premier juge d’avoir annulé l’ordonnance d’injonction de payer n 097 du 21 mars 2007 au motif que le président du Tribunal de grande instance de Ouagadougou a dans ladite ordonnance statué ultra petita en portant la créance à vingt millions cinq cent quarante mille quatre cent vingt cinq (20.540.425) francs CFA au lieu de vingt millions quarante mille quatre cent vingt cinq (20 040.425) francs CFA.
Attendu cependant que le montant retenu par le juge résulte du chèque BSIC (Banque Sahélo Sahélienne pour l’Investissement et le Commerce) du Burkina Faso n 0110920 en date du 20 avril 2006 émis par KORGO Issaka à l’ordre de BAAKLINI Antoine, en paiement de sa créance, lequel chèque est revenu impayé le 14 septembre 2006 pour insuffisance de provision; que l’article 5 de l’acte uniforme OHADA portant procédure simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution en son alinéa 1 prescrit au président de la juridiction compétente de rendre une décision portant injonction de payer pour la somme qu’il fixe, si au vu des documents produits, la demande lui parait fondée en tout ou partie.
Attendu que le montant contesté soit cinq cent mille (500 000) francs CFA a été versé à BAAKLINI Antoine le 14 septembre 2006.
Attendu non seulement que la procédure d’injonction de payer n’est pas une procédure contradictoire; qu’en plus l’ordonnance d’injonction de payer comme son nom l’indique n’est qu’une simple ordonnance sur requête ayant pour objet d’autoriser le créancier à délivrer une injonction de payer à son débiteur; que la décision du juge n’est donc pas un jugement sur le fond et est donc dépourvue de l’autorité de la chose jugée; que le président du Tribunal a donc fixé le montant en se référant comme le lui impose l’article 5 précité au document produit par BAAKLINI Antoine, en l’occurrence le chèque impayé d’un montant de vingt millions cinq cent quarante mille quatre cent vingt cinq (20.540.425) francs CFA.
Attendu que dans le but de permettre aux parties de contredire l’ordonnance d’injonction de payer le législateur à prévu le recours à l’opposition; que l’opposition fait perdre à la procédure d’injonction de payer son caractère unilatéral et devient non seulement une procédure contradictoire mais aboutit aussi à un jugement sur le fond qui se substitue à l’ordonnance d’injonction de payer et qui peut être attaqué par toute voie de recours; que c’est donc au juge de l’opposition de trancher le litige en calculant le montant réellement dû et ce sur présentation de pièces justificatives.
Attendu que dans le cas d’espèce le juge de l’opposition s’est contenté d’annuler l’ordonnance d’injonction de payer; que sa décision doit donc être infirmée.
Attendu que KORGO Issaka conteste être le débiteur de BAAKLINI Antoine.
Attendu que la créance dont se prévaut BAAKLINI Antoine résulte du chèque BSIC n 0110920 en date du 20 avril 2006 d’un montant de vingt millions cinq cent quarante mille quatre cent vingt cinq (20.540.425) francs CFA émis par KORGO Issaka à son nom, lequel chèque est revenu impayé pour insuffisance de provision.
Attendu en plus que c’est KORGO Issaka qui après plusieurs démarches amiables demeurées infructueuses a versé l’acompte de cinq cent mille (500 000) francs CFA entre les mains du conseil de BAAKLINI Antoine réduisant le montant de la créance à vingt millions quarante mille quatre cent vingt cinq (20 040.425) francs CFA; que nulle part il n’a été fait cas de la SOKOCOM comme veut le faire croire KORGO Issaka, ni de la preuve du paiement des autres sommes.
Attendu que ces faits suffisent à démonter que KORGO Issaka est le débiteur de BAAKLINI Antoine, que la créance lui est donc opposable.
Attendu que la créance remplit les conditions de certitude puisque résultant de l’émission d’un chèque dont la provision s’est révélée insuffisante; que son montant est connu (vingt millions quarante mille quatre cent vingt cinq (20 040.425) francs CFA) donc liquide et exigible puisqu’arrivée à terme; qu’il convient donc de condamner KORGO Issaka à payer à BAAKLINI Antoine ladite somme soit vingt millions quarante mille quatre cent vingt cinq (20 040.425) francs CFA.
SUR LES DOMMAGES-INTERETS
Attendu que BAAKLINI Antoine sollicite de la Cour qu’elle condamne KORGO Issaka à lui payer les intérêts dus au taux légal de 9,5% soit cinq millions soixante seize mille neuf cent sept (5 076.907) francs CFA et des dommages-intérêts compensatoires de dix millions (10 000 000) de francs CFA.
Attendu qu’aux termes de l’article 1153 du code civil : « dans les obligations qui se bornent au paiement d’une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l’exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal... qu’il y a donc lieu de condamner KORGO Issaka à payer à BAAKLINI Antoine les intérêts de droit sur la somme de vingt millions quarante mille quatre cent vingt cinq (20 040.425) francs CFA et ce à compter du jour du jugement et le débouter du surplus de sa demande.
SUR LES FRAIS NON COMPRIS DANS LES DEPENS
Attendu que BAAKLINI Antoine sur le fondement de l’article 6 alinéa 3 de la loi n 028-2004/AN du 08 septembre 204 portant modification de la loi n 10/93/ADP du 17 mai 1993 portant organisation judiciaire au Burkina Faso sollicite que KORGO Issaka soit condamné à lui payer la somme de quatre cent mille (400 000) francs CFA.
Attendu qu’il résulte dudit article que le juge peut sur demande expresse et motivée, condamner la partie perdante au paiement de frais non compris dans les dépens.
Attendu qu’en l’espèce KORGO Issaka ayant succombé, c’est à bon droit que BAAKLINI Antoine qui s’est attaché les services d’un avocat sollicite lesdits frais.
Attendu que les quatre cent mille (400 000) francs CFA sont conformes au barème indicatif des frais et honoraires des avocats adopté le 20 décembre 2003; qu’il convient donc de lui allouer cette somme.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en dernier ressort.
Déclare l’appel recevable.
Infirme le jugement attaqué.
Statuant à nouveau condamne KORGO Issaka à payer à BAAKLINI Antoine la somme de vingt millions quarante mille quatre cent vingt cinq (20 040.425) francs CFA en principal outre les intérêts de droit à compter du jugement.
Déboute BAAKLINI Antoine de sa demande de dommages-intérêts.
Condamne KORGO Issaka aux dépens.
Le condamne à payer à BAAKLINI Antoine la somme de quatre cent mille (400 000) francs CFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.