J-10-297
VOIES D’EXECUTION – ACTE DE SAISIE – MULTITUDES DE TITRES MENTIONNEE DANS L’ACTE DE SAISIE – INCERTITUDE DU TITRE EXECUTOIRE – NULLITE DE L’ACTE (NON)
N’est pas fondée l’appelante qui sollicite la nullité de l’acte de saisie au motif que celui-ci ne précise pas le titre exécutoire, du fait de la multitude des titres mentionnés dans ledit acte. « Le titre exécutoire est l’acte ou le titre qui permet de recourir à l’exécution forcée. Il est constitué soit du seul acte ou titre, soit de l’ensemble des actes ou titres servant de fondement à la créance et permettant de recourir à son exécution forcée (...). Dès lors, contrairement à la prétention de l’appelante, il n’y a pas défaut ou incertitude sur le titre exécutoire, mais un ensemble de titres justifiant la créance poursuivie et constituant donc le titre exécutoire sur la base duquel la saisie est pratiquée, de sorte qu’il convient de dire qu’il n’y a pas eu violation de l’article 157 AUPSRVE. »
Article 33 AUPSRVE
Article 157 AUPSRVE
Article 171 AUPSRVE
Article 164 A 169 CPC
Article 324 CPC.
Cour d’Appel d’Abidjan, Chambre civile et commerciale, Arrêt N°238 du 18 juin 2010, La Société SUCRIVOIRE (la SCPA « LEX WAYS », Avocat à LA COUR, son conseil) c/ M.GBEHE DENIS, (SCPA AHOUSSOU KONAN et associés, Avocat à LA COUR, son conseil).
LA COUR
Vu les pièces de la procédure.
Après en avoir délibéré conforment à la loi.
EXPOSE DES FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Considérant que par exploit en date du 28 Avril 2010, la Société SUCRIVOIRE a relevé appel de l’ordonnance de référé n°504 rendu le 17 Mars 2010 par la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan qui en la cause a ainsi statué :
– « Déclarons l’action de la Société SUCRIVOIRE contre le sieur GBEHE Dénis recevable mais mal fondée.
Déclarons la demande reconventionnelle du sieur GBEHE Denis recevable mais sans intérêt.
Déboutons la Société SUCRIVOIRE de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution de créance du 22/01/2010.
Disons la demande d’exécution provisoire du sieur GBEHE Denis sans intérêts ».
Considérant que des énonciations de l’ordonnance querellée et des pièces du dossier, il ressort que suite à son licenciement survenu en 2006, le Tribunal du travail, par jugement n°991 en date du 12 juin 2007, a condamné la Société SUCRIVOIRE son ex-employeur à lui payer la somme totale de 739.755 F au titre de divers droits et l’a débouté du surplus de ses demandes.
Que sur appel de M. GBEHE Denis, la Cour d’Appel d’Abidjan, par arrêt n°504 en date du 28 Mai 2009, a reformé ledit jugement en condamnant la Société SUCRIVOIRE à payer à M. GBEHE Denis la somme de 10.226.706 F à titre de dommages et intérêt pour licenciement abusif et 1.136.634 F à titre d’indemnité d’aggravation de préavis et a confirmé pour le surplus ledit jugement.
Qu’après signification d’un exploit de signification-commandement en date du 4 Décembre 2009, M. GBEHE Denis a, par exploit en date du 22 Janvier 2010, fait pratiquer saisie-attribution de créances sur un compte de la Société SUCRIVOIRE ouvert dans les livres de la SIB et dénoncé par exploit du 27 Janvier 2010, et ce en vertu du jugement social et de l’arrêt réformatif.
Que contestant la saisie aux motifs que le procès-verbal de saisie-attribution de créances ne mentionne par le titre exécutoire en vertu duquel la saisie était pratiquée, la Société SUCRIVOIRE, agissant avec la SIB a, par exploit en date du 25 Février 2010, assigné M. GBEHE Denis devant le juge des référés en mainlevée de saisie.
Qu’estimant que la date d’ajournement était éloignée, M. GBEHE Denis, après avoir obtenu une ordonnance d’abréviation de délai en date du 03 Mars 2010 a, par exploit en date du 05 Mars 2010, assigné la Société SUCRIVOIRE et la SIB devant le même Juge des référés pou voir statuer sur les mérites de la contestation et a reconventionnellement sollicité l’exécution provisoire en se fondant sur l’article 171 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution.
Que c’est ainsi que l’ordonnance querellée a été rendue.
Considérant qu’au soutient de son appel, la Société SUCRIVOIRE, par le canal de son conseil la SCPA LEX WAYS, reproche au premier juge d’avoir considéré que la mention du jugement social et de l’arrêt réformatif dans l’acte de saisie constituait le titre exécutoire prévu par l’article 157 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution.
Qu’elle rappelle que cet article 157 prévoit en son alinéa 2 que l’acte de saisie contient à peine de nullité l’énonciation du titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée.
Qu’elle affirme qu’il ressort de cet article que l’exigence faite est non celle d’une multitude de titres exécutoires mais celle du titre exécutoire qui fonde la saisie en cause.
Qu’elle déclare que dans le cas d’espèce, la multitude des titres mentionnés dans l’acte de saisie, à savoir la grosse du jugement social, la grosse de l’arrêt réformatif et la signification commandement des deux décisions, ne permet pas de savoir avec précision le titre exécutoire en vertu duquel la saisie a été pratiquée, ce qui constitue une violation de l’article 157 précité.
Qu’elle en déduit que la saisie pratiquée encourt la nullité et prie la Cour d’infirmer l’ordonnance querellée qui l’a pourtant validée, et d’en ordonner la mainlevée.
Considérant qu’en réplique, M. GBEHE Denis, par le canal de son conseil la SCPA AHOUSSOU Konan et Associés, fait valoir que contrairement à la prétention de la société SUCRIVOIRE, l’exploit de saisie-attribution du 22 janvier 2010 contient bien la mention du titre exécutoire et tel que prévu par l’article 33 alinéa 1 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution puisqu’il mentionne que la saisie est effectuée en vertu de la grosse du jugement n°991 du 12 juin 2007.
Qu’il estime que la saisie pratiquée en vertu de ces deux décisions, l’une accordant des droits divers et l’autre lui accordant des dommages et intérêts pour licenciement abusif et une indemnité d’aggravation de préavis, n’est entachée d’aucune nullité et que l’action de la Société SUCRIVOIRE dénote de sa volonté manifeste de faire du dilatoire.
Qu’il sollicite la confirmation de l’ordonnance querellée.
DES MOTIFS
EN LA FORME
Considérant que toutes les partie ont eu connaissance de la procédure et ont fait valoir leurs moyens.
Qu’il y a lieu de statuer contradictoirement.
Considérant par ailleurs que l’appel de la Société SUCRIVOIRE a été relevé selon les formes et délais prévus par les articles 172 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution et 164 à 169 du code de procédure civile.
Qu’il y a lieu de le déclarer recevable.
AU FOND
Considérant que le titre exécutoire est l’acte ou le titre qui permet de recourir à l’exécution forcée.
Que suivant que la créance dont l’exécution est poursuivie a été obtenue ou existe sur la base d’un seul acte ou titre ou de plusieurs actes ou titres ayant force exécutoire, le titre exécutoire permettant de recourir à l’exécution forcée est constitué, soit du seul acte ou titre, soit de l’ensemble des actes ou titres servant de fondement à la créance et permettant de recourir à son exécution forcée.
Qu’il en résulte que lorsque l’article 157 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution prévoit que l’acte de saisie-attribution doit contenir à peine de nullité « l’énonciation du titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée », il n’entend pas limiter le titre exécutoire à un seul acte ou titre, mais à l’ensemble des actes ou titres ayant force exécutoire en vertu duquel la créance dont l’exécution est poursuivie existe et qui justifient la pratique de la saisie.
Considérant en l’espèce qu’il ressort de l’exploit de saisie-attribution litigieux que le principal de la créance poursuivie est de 12.103.095 F.
Qu’il résulte également des pièces du dossier que cette créance est due d’une part, au jugement social n°991 en date du 12 juin 2007 ayant condamné la Société SUCRIVOIRE à payer à M. GBEHE Denis la somme de 739.755 F au titre de divers droit de rupture, d’autre part, à l’arrêt réformatif n°504 du 28 Mai 2009 ayant condamné la Société SUCRIVOIRE à payer à M. GBEHE Denis la somme de 10.226.706 F à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et la somme de 1.136.634 F déjà octroyée par le jugement social.
Qu’il résulte de ces circonstances que la créance poursuivie existant par le fait du jugement social et de l’arrêt réformatif social, c’est à bon droit que l’huissier instrumentaire a mentionné dans l’exploit de saisie-attribution ces deux décisions juridictionnelles au titre du titre exécutoire exigé par la loi.
Quant à la mention dans l’acte de saisie, de l’exploit de signification commandement du jugement social et de l’arrêt social, elle répond à l’exigence de l’article 324 du code de procédure civile qui prescrit qu’aucune décision ne peut être exécutée sans signification préalable.
Que de ce qui précède, il ressort que contrairement à la prétention de l’appelante, il n’y a pas défaut ou incertitude sur le titre exécutoire, mais un ensemble de titres justifiant la créance poursuivie et constituant donc le titre exécutoire sur la base duquel la saisie est pratiquée, de sorte qu’il convient de dire qu’il n’y a pas eu violation de l’article 157 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution.
Que c’est donc à bon droit que le premier juge a débouté la Société SUCRIVOIRE de sa demande en mainlevée de la saisie-attribution du 22 Janvier 2010.
Qu’il échet de confirmer l’ordonnance rendue.
SUR LES DEPENS
Considérant que l’appelante succombe.
Qu’il y a lieu de mettre les dépens à sa charge en application des dispositions de l’article 149 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort.
EN LA FORME
Déclare la Société SUCRIVOIRE recevable en son appel.
AU FOND
L’y dit mal fondée.
L’en déboute.
Confirme l’ordonnance rendue.
Met les dépens à sa charge.
– Présidente : Mme ZAKPA AKISSI CECILE;
– Conseillers : Mme MEMEL-MELESSE JUSTINE; M. KOUAKOU KOUADIO GEORGES;
– Greffier : Me BONI KOUASSI LUCIEN.