J-11-28
BAIL COMMERCIAL – CONGE POUR DEMOLITION ET RECONSTRUCTION – CONGE MENTIONNANT LES NOMS DES AYANTS CAUSE DU BAILLEUR – CONGE VALABLE.
LOYERS ARRIERES – ASSIGNATION EN EXPULSION – ABSENCE DE MISE EN DEMEURE PREALABLE – ACTION EN EXPULSION IRRECEVABLE.
S’il est exact que l’ensemble des ayants droit d’un propriétaire d’immeuble à usage commercial n’ont pas la personnalité morale, ils peuvent, individuellement, être représentés par une seule et même personne dans une procédure de recouvrement de loyers impayés et de congé pour démolition et reconstruction (article 95 AUDCG).
Le locataire peut d’autant moins invoquer la nullité des actes de ces procédures représentation qu’il existe au dossier des pièces, notamment l’exploit de congé en date du permettant d’identifier et d’apprécier la qualité et la capacité de tous les ayants droit nommément désignés; il échet de considérer que le locataire appelant ne justifiant pas plus avant d’un préjudice tiré de l’absence des précisions susmentionnées, c’est donc à bon droit que le Juge de Première Instance a déclaré l’action des intimés recevable; qu’il sera confirmé sur ce point.
Toutefois, aucune mise en demeure préalable de payer les loyers n’ayant été délivrée au locataire avant l’assignation en expulsion il convient de la rejeter.
Cour d’Appel d’Abidjan, 4ème Chambre Civile et Commerciale - Arrêt n°670 du 02 juin 2006 – Affaire : M. Marouane BEN ALI (Me KOUASSI Roger) c/ Ayants-droit de Feu El Hadji Vadjiguiba DIABY (Me SAMASSI). Observations Joseph ISSA SAYEGH, Professeur
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Considérant que par acte d’huissier en date du 12 avril 2005, Marouane BEN ALI a interjeté appel du jugement civil contradictoire N°1044 Civ/C du 26 avril 2005 qui a statué ainsi qu’il suit :
Statuant contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort;
– Reçoit les ayants-droit de El Hadji Vadjiguiba DIABY en leur action, les y dit bien fondés;
– Condamne Marouane BEN ALI à leur payer la somme de 300.000 frs à titre d’arriérés de loyers échus et impayés;
– Prononce la résiliation du bail liant les parties;
– Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision;
Considérant que Marouane BEN ALI reproche au Premier Juge d’avoir déclaré les ayants-droit de El Hadji Vadjiguiba DIABY, représentés par DIABY Mamadou Sanoussi, recevables alors que cette entité n’est pas dotée de la personnalité juridique lui permettant de se faire représenter et encore moins d’ester en justice; que sur le fond, il estime que le bail litigieux est un bail commercial soumis aux dispositions de l’Acte uniforme de l’OHADA portant droit commercial général; que la décision critiquée, en se fondant non seulement sur les dispositions de 1’article 1728 du Code civil et en ne déboutant pas les intimés pour non-respect des formalités prévues à l’article 101 de l’Acte uniforme suscité en matière de résiliation de bail commercial, a mal estimé les faits de la cause et mérite d’être infirmée;
Considérant que Marouane BEN ALI demande en conséquence, sa réintégration dans les lieux loués;
Considérant que les ayants-droit de El Hadji Vadjiguiba DIABY, représentés par DIABY Mamadou Sanoussi concluent pour leur part, à la confirmation du jugement querellé; qu’ils expliquent que propriétaires d’un vieil immeuble sis dans la Commune d’Abidjan Adjamé qu’ils entendaient restaurer, ils ont, par acte extrajudiciaire en date du 29 octobre 2003, donné congé à M. Marouane BEN ALI et autres locataires qui y occupaient et exploitaient des locaux à usage professionnel ou commercial; que le motif du congé pris en application de l’article 95 alinéa 2 du Traité OHADA relatif au bail commercial et fonds de commerce tenait à la reprise des lieux pour démolition et reconstruction; qu’en marge de la procédure en validité du congé susvisé ajourné au 24 mai 2004, ils ont assigné l’appelant devant le Juge du fond pour non paiement des loyers à hauteur de 8.000.000 FCFA, par exploit du 23 décembre 2004; que la décision querellée prise à la suite de cette procédure ne souffre pas de critique puisque d’une part, l’action a été valablement introduite par DIABY Mamadou Sanoussi, né en 1939 à Samatiguila, pris en sa qualité de représentant des ayants-droit de El Hadji Vadjiguiba DIABY; que le demandeur à l’action est bien identifié et localisé; que d’autre part, un congé a été délivré à Marouane BEN ALI, en application des dispositions de l’Acte uniforme portant bail commercial et fonds de commerce; que ce dernier n’a pas contesté les arriérés de loyers; que toutes ces raisons justifient la confirmation par la Cour, de la décision soumise à sa censure;
SUR CE,
Considérant que toutes les parties ont conclu, qu’il sera statué contradictoirement à leur égard;
Considérant que l’appel interjeté suivant les formes légales est recevable;
Sur la recevabilité de l’action en expulsion
Considérant qu’il est vrai que l’entité « les ayants-droit de El Hadji Vadjiguiba DIABY » n’est pas dotée de la personnalité juridique et ne peut donc ester en justice, même par représentation; que cependant, il existe au dossier des pièces, notamment l’exploit de congé en date du 29 octobre 2003 permettant d’identifier et d’apprécier la qualité et la capacité de tous les ayants-droit nommément désignés; qu’il échet de considérer que Marouane BEN ALI ne justifiant pas plus avant d’un préjudice tiré de l’absence des précisions susmentionnées, c’est donc à bon droit que le Juge de Première Instance a déclaré l’action des intimés recevable; qu’il sera confirmé sur ce point;
Sur l’action en expulsion
Considérant qu’il n’est pas contesté que l’appelant est débiteur de plusieurs mois de loyer échus et impayés; qu’il n’est pas non plus contesté que c’est un bail commercial qui lie les parties; qu’alors le Traité OHADA portant code de commerce oblige le bailleur qui veut expulser son locataire sur la base d’impayés, à servir préalablement une mise en demeure au locataire et d’y reproduire les termes de l’article 101, sous peine de nullité; que l’exploit de congé servi à Marouane BEN ALI le 29 octobre 2003, seul acte extrajudiciaire fondant l’acte en expulsion querellé, n’est pas cette mise en demeure spécifique;
Qu’il échet de constater que la procédure d’expulsion est entachée d’une nullité formelle et d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a, sur la base de l’article 1728 du Code civil, prononcé la résiliation du bail et ordonné 1’expulsion de Marouane BEN ALI;
Considérant que Marouane BEN ALI sollicite sa réintégration dans les lieux loués; qu’il sera fait droit à sa demande;
Considérant que les ayants-droit de El Hadji Vadjiguiba DIABY succombent partiellement; que les dépens seront supportés par moitié par chacune des parties;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort;
– Reçoit Marouane BEN ALI en son appel;
– L’y dit partiellement fondé;
- - Infirme le jugement querellé, en ce qu’il a prononcé la résiliation du bail commercial et ordonné son expulsion;
Statuant à nouveau :
- - Déboute les ayants-droit de El Hadji Vadjiguiba DIABY de leur action en expulsion;
- - Ordonne la réintégration de Marouane BEN ALI dans les locaux loués;
– Confirme la décision entreprise pour le surplus;
- - Met les dépens par moitié à1a charge de chacune des parties;
En foi de quoi, le présent arrêt prononcé publiquement, contradictoirement, en matière civile, commerciale et en dernier ressort par la Cour d’Appel d’Abidjan (4ème Chambre civile), a été signé par le Président et le Greffier.
Observations de Joseph ISSA SAYEGH, Professeur
On ne peut qu’approuver la décision de la cour d’appel et sa motivation. Ceci étant, nous nous permettrons deux observations :
– si la procédure d’expulsion pour non paiement des loyers arriérés est irrecevable, celle de la validation du congé pour cause légitime peut se poursuivre puisque elle n’est entachée d’aucun vice;
– à n’envisager que la procédure d’expulsion pour loyers impayés, pourquoi ne pas considérer que l’assignation vaut mise en demeure, solution largement consacrée par els textes, la doctrine et la jurisprudence; si l’exigence d’une mise en demeure préalable à la procédure est souhaitable pourquoi ne pas enjoindre au juge de ne se prononcer qu’après tel délai (à déterminer par la loi) suivant l’assignation (à suggérer aux réformateurs de l’AUDCG)