J-11-94
PROCEDURES SIMPLIFIEES DE RECOUVREMENT – ORDONNANCE D’INJOCTION DE PAYER – OPPOSITION – RECEVABILITE (OUI) – EXISTENCE DE PLANS VISES SUR LES PARCELLES – VENTE FERME – PROMESSE DE VENTE D’IMMEUBLE – INOBSERVATION DE L’OBLIGATION DE DELIVRANCE – INOBSERVATION DE LA GARANTIE D’EVICTION – RETRACTATION DE L’ORDONNANCE – RESOLUTION DE LA PROMESSE DE VENTE – RESTITUTION DE L’ACOMPTE DU PRIX.
Aux termes du Code civil, le vendeur a l’obligation de délivrance de la chose vendue et de garantie d’éviction de l’acquéreur. Cette obligation n’est pas remplie lorsque les lots objet d’une transaction ont été antérieurement vendus par la collectivité dont est membre l’actuel vendeur et le fait d’avoir des plans visés ne signifie pas que l’acquéreur en a pris effectivement possession et en jouit paisiblement.
Dès lors, les juges rétractent l’ordonnance d’injonction de payer à laquelle l’acquéreur fait opposition, prononcent la résolution de la promesse de vente intervenue et ordonnent la restitution de l’acompte perçu par le vendeur.
Article 1589 CODE CIVIL
Article 1610 CODE CIVIL
Article 1614 CODE CIVIL
Article 1626 CODE CIVIL
Article 1630 CODE CIVIL
Article 12 AUPSRVE
Tribunal de première instance de Lomé, Chambre civile et commerciale, Arrêt du 04 juin 2010, MENSAH Labite Neglokpe Gagnon c/ TEKO Mawulolo Senyo Ayao.
LE TRIBUNAL
Oui les parties en leurs déclarations;
Le Ministère public entendu;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que suivant exploit en date du 31 mars 2010, le sieur MENSAH LABITE NEGLOKPE Ganyo, directeur de société, demeurant et domicilié à Lomé, assisté de Maître ABI Tchessa, Avocat à là cour, a formé opposition à l’ordonnance d’injonction de payer n°0078 /2010 rendue le 08 février 2010, et fait donner, par le même acte, assignation au nommé TEKO Mawulolo Senyo Ayao, demeurant et domicilié à Lomé, à comparaître par-devant le tribunal de céans pour est-il dit :
– Dire et juger que la convention de vente de terrain ne s’est pas établie à la suite de la promesse;
– Constater que la délivrance n’a pas été possible de fait du vendeur;
En conséquence, rétracter l’ordonnance dont opposition;
Reconventionnellement :
– Ordonner au requis de solliciter l’acompte de 1.175.000 FCFA qu’il a reçu dans le cadre de cette promesse de vente;
– Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant toutes voies de recours;
– Condamner le requis aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître ABI, Avocat aux offres de droit;
Attendu qu’ au soutien de son action, le requérant expose que par l’ordonnance ci-dessus indiquée, il lui est enjoint de payer au requis la somme totale de 3.350.000 F CFA en principal et frais; que pour obtenir ladite ordonnance, le défendeur a produit des pièces dont il ressort que ce dernier lui aurait vendu deux parcelles de terrain pour un prix de 4.000.000F CFA dont un acompte de 1.175.000 F CFA a été versé et un reliquat de 2.825.000 F CFA reste à payer; qu’il relève qu’en fait de vente, il n’y avait rien de concret; qu’en effet, il souligne que le requis lui a promis de vendre deux parcelles de terrain formant les lots n°37 et 40 de la collectivité TEKOU ASSOU KANAGBLO, mais que les terrains sont indisponibles; que deux autres acquéreurs étaient déjà en concurrence, notamment, L’Institut des Missionnaires Comboniens du Cœur de Jésus et un troisième qui y a érigé actuellement un immeuble à étage; que bien qu’ayant convenu de la chose et du prix, le bien supposé vendu est occupé par une autre personne sans que le vendeur ne fasse rien pour l’en expulser; que dans ces conditions, le requis ne peut pas poursuivre le paiement du prix sans garantir la jouissance du bien vendu; que selon l’article 1589 alinéa 2 du code civil « si la promesse de vente s’applique à des terrains lotis ou à lotir, la convention ne s’établira que par le paiement d’un acompte et la prise de » possession de terrain »; que dans la situation présente, la convention n’a jamais été établie de sorte qu’il ne doit rien au requis; qu’il conviendra en conséquence de rétracter l’ordonnance entreprise; que par ailleurs, il est apparu que la collectivité TEKOU ASSOU KANAGBLO dont est membre le défendeur a vendu les parcelles en cause aux missionnaires Comboniens; que d’autres personnes notamment KEREDJOUA Alidou et AKPAH Kauya Baléta se prétendent également propriétaires du tout ou partie des mêmes parcelles ainsi qu’il ressort des décisions et autres actes de contestation de droit de propriété; que l’article 1614 du code civil dispose que : « Si le vendeur manque à faire la délivrance, l’acquéreur peut demander la résolution si le retard vient du fait du vendeur »; que depuis bientôt six (06) ans, le requis n’a pu mettre la chose vendue à disposition; que c’est pourquoi, il sollicite reconventionnellement du Tribunal de prononcer la résiliation de la promesse de vente et d’ordonner au requis la restitution de l’acompte perçu soit la somme de 1.175.000 F CFA;
Attendu que dans son mémoire en réponse en date du 12 mars 2010, le défendeur TEKO Mawulolo Senyo Ayao qualifie de mensonges grossiers les allégations du requérant dont il demande le rejet pur et simple; qu’en effet, il souligne que depuis le 07 octobre 1992, les plans des lots de terrain en question n°37 et 40 ont été visés par le service du cadastre au profit du demandeur qui a par la suite obtenu un jugement de confirmation de vente rendu le 12 mars 2004 par le Tribunal de Première Instance de céans; que le requérant avait même pris possession des lieux et les avait clôturés avec des briques à une hauteur de près d’un mètre; que muni du plan visé et du jugement confirmatif de vente n°472 du 12 mars 2004, le requérant a depuis entrepris la procédure d’immatriculation des lots n°37 et 40 au livre foncier de la république togolaise suivant la réquisition n°25205 du 28 octobre 2004; que depuis le versement du premier acompte, les lots n°37 et 40 sont sortis de son patrimoine, qu’au moment de la vente et jusqu’après la confirmation de vente, les lots en question sont toujours vides et qu’il appartient au requérant de protéger son bien; qu’en conséquence de ce qui précède, il demande au Tribunal de débouter purement et simplement le demandeur de toutes ses demandes comme mal fondées et de le condamner à lui payer les sommes spécifiées dans l’ordonnance dont opposition et d’assortir la décision à intervenir de l’exécution provisoire nonobstant toutes voies de recours;
Attendu que la tentative de conciliation prévue à l’article 12 de L’Acte Uniforme portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et des voies d’exécution, a été initiée sans succès; qu’il convient de se prononcer sur les mérites de l’opposition;
Attendu que pour contester le bien fondé de l’action du demandeur à l’opposition, le requis prétend d’une part que la convention conclue entre eux est une vente ferme et non une promesse de vente et que d’autre part, le requérant dispose depuis lors des plans visés sur les parcelles vendues, lesquelles parcelles sont encore libres et inoccupées;
Attendu que c’est à tort;
Attendu, en effet, qu’au sens des articles 1589, 1610 et 1626 combinés du code civil, qu’il s’agisse d’une vente ou d’une promesse de vente, le vendeur a l’obligation de délivrance de la chose vendue et de garantir l’acquéreur de l’éviction qu’il souffre dans la totalité ou partie de l’objet vendu; que cette obligation de délivrance et de garantie implique que l’acquéreur doit pouvoir prendre possession possible de la chose vendue et en jouir librement;
Or, attendu qu’en l’espèce, le demandeur n’est jamais entré en possession de l’immeuble qu’il a acquis; qu’il est établi ainsi que cela ressort des pièces du dossier, notamment des ordonnances de référé n°813/2004 et n°831/2004 en dates du 13 décembre 2004 et 20 décembre 2004 que les lots de terrain n°37 et 40 objet de la transaction entre le demandeur à l’opposition et le requis ont été déjà vendus par la collectivité TEKOU ASSOU KANAGBLO (dont est membre le défendeur) à des tiers qui les occupent actuellement; qu’il appert également du dossier que ces ventes opérées par ladite collectivité sont antérieures à la convention intervenue entre le requérant et le requis courant octobre 1992, puisque l’un des acquéreurs de la collectivité en l’occurrence l’Institut des Missionnaires Comboniens du Cœur de Jésus dispose sur les lieux d’un certificat administratif datant du 26 mai 1992; que ces missionnaires ont même entrepris une procédure d’immatriculation qui a été suspendu par une opposition formée le 09 novembre 1993 par le défendeur lui-même, opposition sur laquelle le Tribunal de céans n’a pas encore statué jusqu'à ce jour; que dès lors, il apparaît clairement que les lots de terrain en cause sont actuellement indisponibles; qu’ainsi, c’est en vain que le sieur TEKO Mawulolo prétend que l’immeuble vendu est libre et inoccupé;
Attendu qu’il est par ailleurs constant que le seul fait d’avoir des plans visés sur le terrain ne signifie pas que le demandeur en a effectivement pris possession et en jouit paisiblement;
Attendu que l’indisponibilité de l’immeuble vendu au demandeur lui donne le droit de solliciter la résolution de la vente et la restitution de l’acompte perçu par son vendeur, en l’espèce le sieur TEKO Mawulolo, conformément aux dispositions des articles 1610 et 1630 du code civil;
Attendu qu’en conséquence de tout ce qui précède, il y a lieu de déclarer l’opposition du sieur MENSAH LABITE NEGLOKPE Ganyo bien fondée et d’y faire droit;
Attendu que la partie qui succombe doit être condamnée aux dépens; qu’il échet de condamner le requis de ce chef, par application de l’article 401 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort;
En la forme
Reçoit l’opposition;
Au fond
Rétracte l’ordonnance d’injonction de payer n°1078/ 2010 du 08 février 2010 en toutes ses dispositions;
Prononce la résolution de la promesse de vente intervenue entre le sieur MENSAH LABITE NEGLOKPE Ganyo et le requis TEKO Mawulolo Senyo Ayawo;
Ordonne au défendeur de restituer au requérant l’acompte de 1.175.000 FCFA perçu dans le cadre de cette convention;
Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire;
Condamne le défendeur aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître ABI Tchessa, Avocat aux offres de droit. /.
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Tribunal de Première Instance de Lomé en son audience publique ordinaire du vendredi 04 juin 2010 à laquelle siégeait Monsieur KUTUHUN Kossi, juge audit Tribunal, Président, assisté de Maître NIKA Naka, Greffier, en présence de Monsieur BAKAÏ Robert, Procureur de la République;
Et ont signé, le Président et le Greffier.