J-12-109
INSTRUMENTS DE PAIEMENT — LETTRE DE CHANGE — CREDIT D'ESCOMPTE — LETTRE DE CHANGE ESCOMPTEE — TRAITE IMPAYEE — ASSIGNATION EN PAIEMENT CONTRE L’ENDOSSEUR — ACTION RECEVABLE ET FONDEE — REMBOURSEMENT DE LA CREANCE (OUI) — INTERETS DE DROIT (OUI) — APPEL — RECEVABILITE (OUI)
ACTE D'ASSIGNATION — INOBSERVATION D’UNE FORMALITE — VIOLATION DE L'ARTICLE 438 CPC — ABSENCE DE PREUVE D'UN PREJUDICE — NULLITE DE L'ACTE D'ASSIGNATION (NON)
PORTEUR DE LA LETTRE DE CHANGE — ACTION EN REMBOURSEMENT — ACTION FONDEE SUR LE DROIT COMMUN — ARTICLE 18 AUDCG — PRESCRIPTION (NON) — DEFAUT DE PROTET — ACTION EXTRA CAMBIAIRE — DECHEANCE DE LA BOA (NON) — CONFIRMATION DU JUGEMENT.
Celui qui a escompté une traite est tenu de garantir le paiement au profit de l'escompteur. Il devient débiteur d'une action en remboursement conformément à l'article 1892 du code civil.
Aux termes de l’article 223 du règlement n° 15/2002/CM/UEMOA du 19 septembre 2002, « les actions du porteur contre les endosseurs et contre le tireur se prescrivent par un an à compter de la date du protêt dressé… ». Cependant, les porteurs de la lettre de change détiennent également une action en remboursement de droit commun contre les endosseurs. Et conformément à l'article
18 AUDCG, elle se prescrit par 5 ans. L’intimée ayant fondé son action sur le droit commun, elle se trouve être dans les délais pour réclamer le paiement d'un crédit d'escompte. Son action en remboursement n’est donc pas frappée de prescription, et au regard donc de la nature extra cambiaire de l'action, elle n’est pas déchue de ses droits pour défaut de protêt.
Ainsi, conformément à l'article 1892 du code civil qui dispose que celui qui bénéficie d'un prêt ou d'un crédit doit rendre la chose empruntée, il convient donc de confirmer le jugement attaqué et condamner l’appelant au paiement de la créance outre les intérêts de droit.
Article 194 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 1205 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 1892 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 140 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 438 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 536 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 550 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 223 REGLEMENT N° 15/2001/CM/UEMOA DU 19 SEPTEMBRE 2002
COUR D'APPEL DE BOBO-DIOULASSO, Chambre commerciale (BURKINA FASO), Arrêt n° 08/08 du 23 avril 2008, SORE Daouda c/ Bank of Africa (BOA)
LA COUR,
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Suivant acte d'huissier en date du 30 janvier 2007 Bank Of Africa (BOA) pour laquelle domicile est élue en l'étude de maître BAMBARA Mahamadou, assignait SORE Daouda ayant pour conseil maître TARNAGADA Hamadou à comparaître devant le Tribunal de grande instance de Gaoua à l'effet de le voir condamner à lui rembourser la somme de six millions de francs (6 000 000) F.CFA et à lui payer le montant de un million six cent quatre vingt mille francs (1.680 000) F.CFA au titre des intérêts de droit outre celui de un million trois cent quatre vingt mille francs (1.380 000) F.CFA de frais non compris dans les dépens.
Au soutien de son action, la BOA exposait qu'elle a consenti un crédit sous forme d'escompte d'un montant de six millions de francs CFA (6 000 000 F) à monsieur SORE Daouda bénéficiaire d'une traite à échéance le 15 juillet 2003 dont le tireur était Peltin-import Burkina et le tiré la Sté I trap; que cette traite émise le 30 mars 2003 et escomptée par monsieur SORE est demeurée impayée; que celui-ci étant tenu de garantir le paiement au profit de l'escompteur, il devient débiteur d'une action en remboursement conformément à l'article 1892 du code civil; Qu'il y’aurait enrichissement sans cause et qu'au sens de l'article 1235 du code civil tout paiement suppose une dette; ce qui a été payé est sujet à répétition.
En réplique, SORE Daouda soulevait en la forme d'une part la nullité de l'assignation en paiement pour violation de l'article 438 du code de procédure civile, et d'autre part la prescription de l'action de la BOA née de la lettre de change escomptée et ce sur le fondement de l'article 223 du règlement n° 15/2001/CM/UEMOA du 19 septembre 2002 relatif aux système de paiement dans les états membres de l'UEMOA, ainsi que de la déchéance toujours de la BOA de ses droits contre SORE Daouda conformément au règlement précité pour n'avoir dressé protêt faute de paiement.
Au fond le défendeur affirmait que son client ne veut et ne peut payer le montant de la lettre de change escomptée car la BOA devait tenir compte :
– de la qualité du tireur qu'elle connaît bien généralement;
– de la qualité du tiré qu’elle s'assure en se renseignant au besoin auprès du banquier du tiré;
– de la qualité de la traite elle-même en vérifiant qu'elle comporte une provision réelle et ne correspond pas à un tirage de complaisance.
Par jugement n° 029/2007 du 04 mai 2007, le Tribunal de grande instance de Gaoua a rendu la décision dont la teneur suit : Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en premier ressort;
Déclare la BOA Burkina Faso recevable et fondée en son action;
Au fond condamne SORE Daouda à lui payer la somme de 6 000 000 de francs CFA en principal outre les intérêts de droit;
Le condamne en outre à payer la somme de 1.380 000 F au titre des frais non compris dans les dépens;
Le condamne aux dépens.
Par acte d'huissier de justice daté du 14 juin 2007, SORE Daouda a interjeté appel dudit jugement.
Dans ses conclusions en cause d'appel il demande à la Cour d'infirmer le jugement attaqué et maintient ses prétentions et moyens présentés devant le premier juge. Quant à l'intimé il répliquait en s'appuyant également sur ses moyens développés en première instance.
La cause inscrite au rôle de la Cour sous le n° 78 du 25 juin 2007 a été appelée à l'audience du 16 juillet 2007 puis renvoyée à la mise en état.
Le 29 février 2008 intervenait la clôture de l'instruction et le renvoi de la procédure à l'audience du 26 mars 2008 date à laquelle l'affaire fut mise en délibéré pour jugement être rendu le 23 avril 2008.
A cette date la cour appréciant les prétentions et moyens des parties a statué ainsi qu'il suit :
Sur la recevabilité de l'appel
Attendu que SORE Daouda a qualité et intérêt pour agir; que son appel interjeté en application des articles 536 et 550 du code de procédure civile mérite d'être déclaré recevable.
AU FOND
Attendu que SORE Daouda soulève la nullité de l'acte d'assignation pour violation de l'article 438 du code de procédure civile;
Mais attendu qu'au sens de l'article 140 du même code, la nullité ne peut être prononcé qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le préjudice que lui cause l'irrégularité, même s'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre publique; qu'en l'espèce la preuve réelle d'un préjudice subi du fait de l'inobservation de la formalité citée n'est pas rapportée; qu'il convient donc de rejeter ce moyen.
De la prescription et de la déchéance de la BOA
Attendu que SORE Daouda reproche également, au jugement querellé d'avoir reçu l'action de la BOA bien qu'elle soit frappée par la prescription prévue par l’article 223 du règlement n° 15/2002/CM/UEMOA du 19 septembre 2002.
Attendu cependant que les porteurs de la lettre de change détiennent également une action en remboursement de droit commun contre les endosseurs; que conformément à l'article 18 de l'Acte uniforme relatif au droit de commerce général, elle se prescrit par 05 ans; que la BOA ayant fondé son action sur le droit commun, il se trouve être dans les délais pour réclamer le paiement d'un crédit d'escompte accordé à SORE Daouda le 18 juillet 2004.
Attendu en outre que SORE Daouda demande de statuer sur la déchéance des droits de la BOA pour défaut de protêt en application des dispositions du règlement n° 15 précité.
Mais attendu qu'au regard de ce qui a été précédemment développé sur la nature de l'action extra cambiaire de la BOA, il y a lieu de rejeter ce moyen développé par l'appelant.
Du remboursement de la créance querellée
Attendu qu'il est constant que la BOA a consenti à SORE Daouda un crédit d'escompte d'un montant de 6 000 000 F.CFA; que la traite émise le 30 juin et escomptée par la BOA au profit de SORE Daouda n'a jamais été remboursée.
Attendu que la BOA demande le remboursement de la dite somme; que ce droit trouve son fondement dans l'article 1892 du code civil qui dispose que celui qui bénéficie d'un prêt ou d'un crédit doit rendre la chose empruntée; qu'il convient donc de confirmer le jugement attaqué et condamner SORE Daouda à payer à la BOA la somme de 6 000 000 F.CFA outre les intérêts de droit.
De la demande en paiement de frais exposés et non compris dans les dépens
Attendu que SORE Daouda demande à la Cour de condamner la BOA à lui payer la somme de 980.580 F en application de l'article 6 alinéa 3 de la loi n° 028-2004/AN du 08 septembre 2004.
Mais attendu que selon le même texte c'est la partie qui succombe au procès qui est condamnée aux frais non compris dans les dépens; qu'ayant succombé à la présente cause, il est mal fondé à réclamer un tel paiement et il convient de l'en débouter.
Les dépens
Attendu que conformément à l'article 194 du code civil, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens; qu'il convient de condamner SORE Daouda aux dépens, celui-ci ayant succombé à la présente cause.
PAR CES MOTIFS
La Cour, Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en dernier ressort;
EN LA FORME
Déclare l'appel recevable;
AU FOND
– Confirme le jugement n° 029 du 04 mai 2007 rendu par le Tribunal de grande instance de Gaoua en ce qu'il :
– a déclaré la BOA Burkina recevable et fondée en son action;
– a condamné Monsieur SORE Daouda à lui payé la somme de six millions (6 000 000) F.CFA en principal outre les intérêts de droit;
– l'a condamné en outre à lui payé la somme de un million trois cent quatre vingt mille (1.380 000) F.CFA au titre des frais non, compris dans les dépens et l'a condamné aux dépens;
– condamne SORE Daouda aux dépens de la présente instance.