J-12-111
PROCEDURE SIMPLIFIEE DE RECOUVREMENT DES CREANCES — COMPTE COURANT COMMERCIAL — PAIEMENTS NON ORDONNES — ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER — OPPOSITION RECEVABLE ET FONDEE (OUI) — APPEL — RECEVABILITE (OUI)
EXCEPTION D’IRRECEVABILITE — ORDONNANCE D'INJONCTION DE PAYER — RETRACTATION — INCOMPETENCE DU JUGE DU FOND (OUI) — FONDEMENT DE LA CREANCE — COMPETENCE DU TRIBUNAL A STATUER (OUI) — REJET DE L’EXCEPTION (OUI)
FINS DE NON-RECEVOIR — ASSIGNATION A COMPARAITRE — ARTICLE 11 AUPSRVE — NON-RESPECT DU DELAI — VACANCES JUDICIAIRES — AUDIENCES DE VACATION — DECHEANCE DU DROIT D'OPPOSITION (NON)
EXCEPTION D’IRRECEVABILITE — REQUETE AFIN D'INJONCTION DE PAYER — PRESCRIPTION — OBLIGATIONS NEES ENTRE COMMERÇANTS — ARTICLE
18 AUDCG — COMPTE COURANT — DATE DE CLOTURE DES OPERATIONS — POINT DE DEPART DU DELAI DE PRESCRIPTION — DEFAUT DE PREUVE — FIN DE NON-RECEVOIR (NON)
EXISTENCE DE LA CREANCE — OPERATIONS DE DEBIT — ANNULATION DE L'OPERATION (OUI) — ABSENCE DE PREUVE D'UN PRELEVEMENT — DEMANDE DE DOMMAGES-INTERETS — DEMANDE NOUVELLE — EFFET DEVOLUTIF DE L'APPEL — ARTICLE 545 CPC — REJET DE LA DEMANDE (OUI) — CONFIRMATION DU JUGEMENT.
L'incompétence du tribunal à rétracter l'ordonnance rendue par le président ne saurait préjudicier pour lui, à statuer sur le fondement de la créance ayant motivé l'ordonnance, dès lors que l'opposition a été régulièrement formée.
Au regard de l'article
11 AUPSRVE, l'assignation à comparaître devant la juridiction compétente doit se faire à une date qui ne saurait excéder 30 jours à compter de l'opposition. Cependant, eu égard au calendrier des audiences de vacation, on ne saurait opposer à la partie qui a formé régulièrement son opposition les conséquences d'un quelconque défaut de diligences.
Aux termes des dispositions de l'article
18 AUDCG « les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants, se prescrivent par 5 ans… ». En l'espèce, il s’agit d'un compte courant et le point de départ du délai de prescription est constitué par la date de clôture des opérations entre les parties. A défaut de preuve attestant que la clôture du compte est intervenue depuis moins de cinq ans, il y a lieu d'écarter cette fin de non-recevoir.
Sur la créance représentant le montant des débits injustifiés sur le compte courant, il n'a pu être apporté la preuve d'un prélèvement, encore moins que la banque soit redevable dudit montant. Mieux, il ressort des pièces produites que la somme des débits et crédits donne un solde nul. En conséquence, il convient de débouter l’appelant de sa demande.
Article 1147 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 1149 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 1315 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 1927 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 1937 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 473 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 545 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 550 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 561 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
(COUR D'APPEL DE BOBO-DIOULASSO, Chambre commerciale (BURKINA FASO), Arrêt n° 12 du 20 aout 2008, SAWADOGO Boureima c/ Banque internationale du Burkina (B.I.B))
LA COUR,
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
SAWADOGO Boureima, client de la B.IB est titulaire du compte commercial n° 251.360.80129-79; il faisait des dépôts et retraits sur ledit compte. Courant janvier 1996, il aurait constaté des débits injustifiés sur ledit compte; à l'examen des relevés de son compte, il se serait révélé que des paiements non ordonnés par lui, auraient été faits sans que la B.I.B n'eut pu lui donner des explications sur les destinations des paiements estimés à 13.550 000 F.CFA; il adressait alors au président du Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso une requête afin d'injonction de payer le montant suscité; le président rendait l'ordonnance n° 03/2006 du 22 juin 2006; celle-ci était signifiée à la B.I.B le 27 juin 2006.
Par acte d'huissier du 10 juillet 2006, la B.I.B formait opposition contre ladite ordonnance et assignait par le même acte SAWADOGO Boureima à comparaître le 21 août 2006 par devant le Tribunal de grande instance de Dédougou à l'effet de voir déclarer en la forme son opposition recevable, au fond la dire fondée, rétracter l'ordonnance en cause et dire qu'elle ne produira aucun effet.
Par jugement n° 95/06 du 20 novembre, ledit tribunal statuant contradictoirement en matière commerciale, rejetait les exceptions et fins de non-recevoir soulevées par les parties, déclarait la B.I.B recevable et fondée en son opposition, en conséquence, déboutait SAWADOGO Boureima de son action, recevait la demande de paiement de frais exposés par la B.I.B, mais l'en déboutait au fond, condamnait SAWADOGO Boureima et la B.I.B aux dépens, chacun pour moitié.
Par exploit d'huissier du 29 novembre 2006, SAWADOGO Boureima interjetait appel de ladite décision.
La cause, enrôlée sous le n° 160 du 14 décembre 2006 a été appelée pour la première fois à l'audience du 18 décembre 2006 et renvoyée à la mise en état. Le conseiller chargé de la mise en état rendait l'ordonnance de clôture le 02 avril 2008 et renvoyait le dossier à l'audience du 09 avril 2008. A cette date, le dossier fut retenu et mis en délibéré pour décision être rendue le 14 mai 2008; advenue cette date, le délibéré fut rabattu et le dossier renvoyé au 11 juin 2008 et au 25 juin 2008 pour comparution des parties, puis au 23 juillet à la demande de Me NOMBRE Benjamin, conseil de la B.I.B, date à laquelle le dossier a été mis en délibéré pour décision être rendue le 20 août 2008, et la Cour au regard des prétentions et moyens des parties a statué ainsi qu'il suit :
La SCPA KARAMBIRI-NIAMBA, conseil de SAWADOGO Boureima fait valoir que la B.I.B est déchue de son action en opposition et qu'elle a formé opposition le 10 juillet 2006 et assignait SAWADOGO Boureima à comparaître par devant le Tribunal de grande instance de Dédougou le 21 août 2006, alors qu'au regard de l'article
11 de l'AUPSRVE, l'assignation à comparaître devant la juridiction compétente doit se faire à une date qui ne saurait excéder 30 jours à compter de l'opposition; que la formation collégiale du tribunal est incompétente pour rétracter l'ordonnance d'injonction de payer au regard de l'article 473 du code de procédure civile; que seul le président a cette faculté; que cela se justifie par le fait que la seule voie de recours contre l'ordonnance est l'opposition et la décision du tribunal sur opposition se substitue à l'ordonnance.
Au fond elle prétend que la créance de SAWADOGO Boureima est certaine, liquide et exigible; qu'en effet, l'analyse des comptes montre que son compte a été plusieurs fois débité doublement du montant des opérations de retrait qu'il effectuait et la B.I.B, interpellée a été dans l'incapacité de se justifier; que de ce fait, elle a manqué à ses obligations découlant de l'article 1927 et 1937 du code civil; qu'en plus, elle ne fait pas la preuve de ses allégations comme il est prescrit à l'article 1315 du même code; de tout ce qui précède donc, la SCPA KARAMBIRI-NIAMBA demande à ce que la B.I.B soit condamnée à payer à SAWADOGO Boureima la somme de 13.550 000 F.CFA représentant le montant des paiements effectués sans son autorisation et sur son compte; enfin, que du fait que SAWADOGO Boureima soit commerçant, il a été privé de ses fonds qui lui sont indispensables pour la bonne marche de ses activités en raison de la non exécution de ses obligations par la B.I.B; qu'en vertu de l'article 1147 et 1149 du code précité, la condamner à lui payer la somme de douze millions de francs de dommages-intérêts, celle de 4.680 000 F.CFA au titre des frais irrépétibles en vertu de l'article 6 nouveau de la loi portant compensation judiciaire au Burkina Faso, outre les dépens.
Maître NOMBRE Benjamin, conseil de la B.I.B réfute la prétention selon laquelle la B.I.B doit être déchue de son opposition en ce que c'était pendant la période des vacances judiciaires, et la plus proche date de l'audience commerciale du Tribunal de grande instance de Dédougou était le 21 août 2006; que de ce fait, on ne peut lui faire grief pour la non observation de l'article
11 de AUPSRVE; qu'en l'espèce, la B.I.B ne se reconnaît nullement débitrice de SAWADOGO Boureima qui ne peut non plus prouver qu'il a été doublement débité de façon indue; qu'en effet dans la journée du 4 octobre 1994, il y a eu une opération de débit de 4.200 000 F.CFA suivi du signe moins (-) et une autre opération de débit de 4.200 000 F.CFA suivi de deux signes moins (--), ce qui veut dire que l'opération est annulée. Qu'en janvier 1996, ce fut le même cas pour les sommes de 2.800 000 F.CFA. Il précise que ces fiches étaient utilisées avant l'informatisation du système à la B.I.B et c'était la technique d'annulation d'une opération de débit avant l’informatisation; que de ce fait, le juge a fait une bonne application de la loi et il y a lieu de confirmer la décision en déboutant SAWADOGO Boureima de cette demande.
Que concernant les réclamations relatives aux dommages-intérêts, et frais irrépétibles de SAWADOGO Boureima, elles manquent de sérieux et il faut l'en débouter. Que par contre la B.I.B sollicite que SAWADOGO Boureima soit condamné à lui payer la somme de 2 000 000 F.CFA de dommages-intérêts en vertu de l'article 561 du code de procédure civile car depuis la requête jusqu'à l'ordonnance d'injonction de payer, SAWADOGO Boureima s'essaie à porter du discrédit sur son institution, celle de 1.450 000 F.CFA au titre de frais irrépétibles en vertu de l'article 6 nouveau de la loi portant organisation judiciaire au Burkina Faso, outre les dépens.
DISCUSSION
EN LA FORME
Sur l'appel
Attendu que le jugement querellé a été rendu contradictoirement le 20 novembre 2006; qu'appel a été interjeté de ce jugement le 29 novembre 2006 par exploit d'huissier; qu'en application de l'article
15 de AUPSRVE et de l'article 550 du code de procédure civile, il convient de le déclarer recevable
Sur l'incompétence du tribunal à rétracter une ordonnance d'injonction de payer
Attendu que la B.I.B a sollicité du tribunal dans son acte d'opposition que l'ordonnance d'injonction de payer soit rétractée;
Attendu qu'au sens de l'article 473 du code de procédure civile, seul le président ou le juge qui a rendu l'ordonnance a la faculté de la rétracter même si le juge du fond est saisi de l'affaire; que cependant, l'incompétence du tribunal à rétracter l'ordonnance portant injonction de payer, ne saurait préjudicier pour lui, à statuer sur le fondement de la créance ayant motivé l'ordonnance, dès lors que l'opposition a été régulièrement formée; qu'il y a donc lieu d'écarter ce moyen;
Sur la déchéance de la B.I.B
Attendu que SAWADOGO Boureima par la voix de son conseil la SCPA KARAMBIRI-NIAMBA faisait valoir que la B.I.B était déchue de son droit d'opposition en ce qu'elle n'a pas respecté le délai de 30 jours prescrit par l'article
11 de l'AUPSRVE pour la comparution devant la juridiction compétente.
Attendu que la B.I.B a formé régulièrement opposition le 10 juillet 2006; qu'à partir de cette date, l'audience la plus proche à laquelle, elle pouvait assigner était celle du 26 août 2006 eu égard au calendrier des audiences de vacation; que dès lors, on ne saurait opposer à la B.I.B les conséquences d'un quelconque défaut de diligences; qu'il convient donc de rejeter cette fin de non-recevoir;
Sur la prescription de l'action de SAWADOGO Boureima
Attendu que la B.I.B n'a pas fait cas de ce point en appel mais le jugement ayant été confirmé, il convient d'en tenir compte; Attendu que la B.I.B sollicite que l'action de SAWADOGO Boureima soit déclarée prescrite;
Attendu qu'aux termes des prescriptions de l'article
18 sur l'AUDCG « les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants, se prescrivent par 5 ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions plus courtes ».
Attendu qu'en l'espèce, on est en présence d'un compte courant et le point de départ du délai de prescription est constitué par la date de clôture des opérations entre les parties; que la B.I.B n'apporte aucune preuve attestant que la clôture du compte est intervenue depuis moins de cinq ans; qu'il y a donc lieu d'écarter cette fin de non-recevoir;
AU FOND
Sur la créance de 13.550 000 F.CFA
Attendu que SAWADOGO Boureima se dit créancier de la B.I.B de la somme de 13.550 000 F.CFA représentant le montant des paiements effectués sans son autorisation et sur son compte;
Attendu que de l'explication du représentant de la B.I.B, la technique d'annulation d'une opération se faisait par l'apposition de 2 signes moins (--) en face du montant débité avant l'informatisation du système;
Attendu que des pièces produites par la B.I.B, il ressort que dans la journée du 4 octobre 1994, il y a eu une opération de débit de 4.200 000 F.CFA suivie du signe moins et une autre opération de 4.200 000 suivie de deux signes moins (--) ce qui signifie que l'opération est annulée; qu'en janvier 1996, ce fut le même cas pour les sommes de 2.800 000 F.CFA;
Attendu qu'à l'examen des relevés produits, il n'a pu être apporté la preuve d'un prélèvement, encore moins que la B.I.B soit redevable de la somme de 13.550 000 F.CFA; que mieux, la sommation des débits et crédits donne un solde nul; qu'en conséquence, il convient de débouter SAWADOGO Boureima de sa demande.
Sur la demande des dommages-intérêts de la B.I.B
Attendu que la B.I.B sollicite qu'on condamne SAWADOGO Boureima à lui payer la somme de 2 000 000 F.CFA à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 561 du code de procédure civile duquel il ressort qu'en cas d'appel principal dilatoire ou abusif, l'appelant peut, par une disposition spécialement motivée, être condamnée à une amende civile de 5 000 à 50 000 F.CFA sans préjudice des dommages-intérêts.
Attendu que cette demande n'a pas été formulée au niveau du tribunal; qu'au regard de l'article 545 du code de procédure civile, il ne peut être formé en cause d'appel une demande nouvelle à moins qu'il s'agisse d'une compensation, ou que la demande nouvelle ne tende à faire écarter les prétentions adverses; que tel n'étant pas le cas, il y a lieu de l'en débouter.
Sur la demande de frais irrépétibles de la B.I.B au tribunal
Attendu que la B.I.B sollicite que SAWADOGO Boureima soit condamné à lui payer la somme de 165 000 F.CFA à ce titre; Attendu que la B.I.B n'a pu justifier de sa prétention par la production des pièces justificatives d'un tel montant; qu'il y a lieu de l'en débouter;
Sur la demande des frais irrépétibles de la B.I.B en appel
Attendu que la B.I.B demande à ce que SAWADOGO Boureima soit condamné à lui payer la somme de 165 000 F.CFA à ce titre sur le fondement de l'article 6 nouveau de la loi portant organisation judiciaire au Burkina Faso;
Attendu qu'il ressort de cet article que le juge condamne sur demande expresse et motivée, la partie perdante à payer à l'autre une somme qu'il détermine à cet effet, et le juge n'est pas lié par la convention des parties;
Attendu qu'en l'espèce, même si la demande semble fondée dans son principe, la B.I.B ayant eu recours à un conseil, il reste que le montant semble exagéré; qu'il convient de le ramener à la somme de 100 000 F.CFA et condamner SAWADOGO Boureima à lui payer ladite somme;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale, en cause d'appel et en dernier ressort :
En la forme, déclare l'appel recevable en application des articles
15 de l'AUPSRVE et 550 du code de procédure civile;
Au fond, confirme le jugement querellé en ce qu'il a :
– rejeté les exceptions et fins de non-recevoir soulevées par les parties;
– déclaré la B.I.B recevable et fondée en son opposition;
– en conséquence débouté SAWADOGO Boureima de son action;
– reçu la demande en paiement de frais exposés par la B.I.B, mais l'en a débouté au fond;
– condamné SAWADOGO Boureima et la B.I.B aux dépens chacun pour moitié;
– déboute la B.I.B de sa demande portant sur les dommages-intérêts;
– condamne SAWADOGO Boureima à lui payer la somme de 100 000 F.CFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens dans la présente instance;
– déboute la B.I.B du surplus de sa demande;
– condamne SAWADOGO Boureima aux dépens.