J-12-167
PROCEDURE SIMPLIFIEE DE RECOUVREMENT DES CREANCES — INJONCTION DE PAYER — ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER — OPPOSITION BIEN FONDEE — APPEL — RECEVABILITE (OUI)
ANNULATION DE L’ORDONNANCE — VIOLATION DES ARTICLES 12 ALINEA 2 ET 14 AUPSRVE — INFIRMATION DU JUGEMENT — CONTRAT DE PRET A DUREE DETERMINEE — OUVERTURE DU CREDIT — ABSENCE DE CONVENTION DE COMPTE COURANT — OBLIGATIONS A TERME — ARTICLE 1188 CODE CIVIL — CREANCIER A TERME (OUI) — CREANCE — VIOLATION DES CONDITIONS DE L'ARTICLE 1 AUPSRVE — CREANCE NON EXIGIBLE — PAIEMENT (NON).
Conformément aux dispositions des articles 12 alinéa 2 et 14 AUPSRVE, le juge statuant sur opposition n’a pas à confirmer, annuler ou rétracter l’ordonnance d’injonction de payer mais doit débouter le créancier ou condamner le débiteur. C’est en se sens que l’article 14 susvisé prévoit que le jugement rendu sur opposition se substitue à la décision portant injonction de payer. Dans la présente cause, le premier juge, en se contentant d'annuler l'ordonnance pour violation de l'article 1 AUPSRVE, a méconnu les textes susvisés alors qu'il lui était demandé de se prononcer sur les droits des parties. Il convient dès lors d’infirmer le jugement attaqué.
En l'espèce, le prêt consenti par la banque est un crédit à durée déterminée comportant une échéance de remboursement précisé et un tableau d'amortissement. A défaut de preuve que l'ouverture du crédit l'a été en compte courant, le banquier est créancier à terme et doit par conséquent attendre l'échéance pour agir en remboursement sauf application des clauses légales de déchéance du terme. Partant, l'un des caractères que doit réunir une créance dont le recouvrement est poursuivi en application de l'article 1 AUPSRVE fait défaut. En effet, la créance n'était pas exigible au moment de sa réclamation.
Article 1 AUPSRVE
Article 12 AUPSRVE
Article 14 AUPSRVE
Article 15 AUPSRVE
Article 1188 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 471 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 550 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
COUR D'APPEL DE OUAGADOUGOU, Chambre commerciale (BURKINA FASO), Arrêt n° 03 du 06 février 2009, OUEDRAOGO Tiga Tasséré c/ SOBCA
LA COUR,
FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par exploit en date du 04 mai 2006 signifié à la Société Pharmacie PANACEA SARL et déposé au greffe de la Cour d'appel de Ouagadougou, Bank Of Africa a relevé appel du jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Ouagadougou en ces termes :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort;
Reçoit en la forme l'opposition formée par la Société Pharmacie PANACEA SARL :
Au fond la déclare bien fondée;
En conséquence annule l'ordonnance n° 313/2002 du 23/09/2005 pour violation de l'article 1er de l'Acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution;
Condamne la BOA aux dépens ».
La Bank Of Africa fait valoir que c'est à tort que le premier juge saisi sur opposition a décidé de l'annulation de l'ordonnance d'injonction de payer n° 313 du 23/09/2005 pour violation de l'article 1er de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution; qu'en effet, l'opposition, au regard de l'article 12 de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, assigne deux missions essentielles à la juridiction saisie à savoir concilier les parties et en cas d'échec, statuer sur la contestation; qu'en conséquence, statuer sur la recevabilité de la requête aux fins d'injonction de payer revient à mal juger car elle relève de la compétence du président du Tribunal de grande instance et la requête étant unilatérale, la procédure est régie par les articles 471 et suivants du code de procédure civile; qu'il y a lieu de dire que le juge de l'opposition est incompétent pour statuer sur la recevabilité de l'ordonnance d'injonction de payer.
Au fond l'appelant expose que par convention du 14 avril 2000, la Société Pharmacie PANACEA SARL avait ouvert, pour les besoins de ses affaires un compte courant dans ses livres et avait obtenu un concours financier qu'elle s'obligeait à rembourser en principal intérêts et accessoires pour un montant de 7.383.323 F.CFA, matérialisé par un billet à ordre payable à l'échéance du 31 mars 2006; que face à la défaillance de sa débitrice elle a du recourir à la procédure d'injonction de payer.
La Bank Of Africa soutient que le compte courant est un compte par lequel des personnes qui entretiennent entre elles des créances réciproques décident d'y enregistrer les dites créances en autant de mouvement financiers qui sont alors des remises réciproques; qu'à défaut de mouvement significatifs chaque partie au compte courant est en droit de dénoncer la convention en prenant l'initiative de la clôture du compte avec toutes les conséquences de droit à savoir notamment, l'exigibilité de plein droit du solde débiteur qui s'en dégage après compensation entre les articles dudit compte; qu'au nom du principe d'indivisibilité des articles d'un même compte courant, sa clôture rend exigible toutes les opérations effectuées au nom de ce compte; il n'y a donc pas lieu de tenir compte des traites échues pour juger de l'exigibilité, la clôture du compte entrainant de plein droit l'exigibilité de la créance sans égard au terme; que c'est en méconnaissance de ces règles que le premier juge a estimé que « Bank Of Africa a réclamé une créance dont la totalité n'était pas exigible »; qu'en tirant motif de ce que l'échéance du billet à ordre ne tombait qu'au 31 mars 2006 alors que l'échéancier de règlement par traite en tant qu'un tableau prévisionnel d'amortissement ne pourrait naturellement pas rendre compte de la situation actuelle, le premier juge n'a pu donner une base légale à sa décision; qu'il sied infirmer en entier le jugement entrepris et elle prie la Cour, statuant à nouveau, de déclarer sa créance liquide certaine et exigible, susceptible d'être recouvrée par la voie d'injonction de payer prévue par l'article 1er de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, et condamner par conséquent la Société Pharmacie PANACEA SARL à lui payer la somme de 7. 383.323.
En réplique la Société Pharmacie PANACEA SARL expose qu'elle a bénéficié, courant année 2002 d'un concours financier d'un montant de 6 000 000 F.CFA de la part de la Bank Of Africa pour les besoins de son activité, prêt remboursable sur 30 mois à compter du mois de septembre 2003 pour se terminer le 31 mars 2006 et matérialisé par un billet à ordre d'un montant de 7.383.323 F.CFA signé le 08 septembre 2003 au profit de la banque et représentant le montant du prêt ainsi que les frais; que la Bank Of Africa, tirant motif de ce que certaines traites n'étaient pas payées à l'échéance, a par requête datée du 20 juillet 2005 obtenu du président du Tribunal de grande instance de Ouagadougou une ordonnance d'injonction de payer la somme de 5.866.571 francs représentant le reliquat du prêt; que suite à l'opposition qu'elle a formée contre ladite ordonnance, le tribunal a annulé cette décision pour violation de l'article 1er de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution;
L'intimée fait valoir au regard d'une part de l'article 1er de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution qui prévoit que la procédure d'injonction de payer ne peut être engagée que pour le recouvrement d'une créance certaine liquide et exigible, et d'autre part des pièces produites par la banque à savoir le billet arrivant à échéance le 31 mars 2006 ainsi que le tableau d'amortissement du prêt, que la Bank Of Africa ne pouvait réclamer le remboursement total du prêt à la date du 23 septembre 2005, certaine traites n'étant pas encore échues; que la créance réclamée ne remplissait donc pas la condition d'exigibilité prescrite pas l'article 1er de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution.
La Société Pharmacie PANACEA SARL indique que la Bank Of Africa, dans sa tentative d'éluder cette évidence, a invoqué la clôture du compte courant existant entre les parties pour soutenir que cela rendait exigible le solde débiteur tout en produisant à l'appui :
– la lettre de convention de compte courant qui parait régir les relations entre les parties et qui conditionne le recouvrement de toute créance résultant de la clôture dudit compte après notification par lettre recommandée; que cependant la Bank Of Africa n’a produit aucune lettre recommandée portant clôture de compte courant, lettre de laquelle il ne ressort nullement qu’elle est débitrice de la banque;
– la lettre de la Bank Of Africa du 10 mai 2005 portant engagement impayés et mise en demeure qui ne comporte pas le même montant que celui indiqué dans la requête; que du reste la banque reconnaît et y affirme que la pharmacie avait 30 mois à compter de septembre 2003 pour rembourser la dette tout en se réservant le droit de prononcer la déchéance du terme.
L’intimé soutient que non seulement ces pièces n’ont pas été produites pour obtenir l’injonction de payer mais surtout, elles ne remettent pas en cause la convention entre les parties qui prévoit que la pharmacie avait jusqu’au 31 mars 2006 pour s’acquitter de la totalité de sa dette; que la Bank Of Africa ne peut dès lors anticiper le recouvrement de sa créance, aucune clause n’ayant prévu la déchéance du terme suite au non paiement d’une seule échéance; qu’aussi, quelle que soit l’hypothèse envisagée le caractère exigible de la créance n’est pas établi et c’est donc à bon droit que le premier juge a annulé l’ordonnance d’injonction de payer rendue au profit de la Bank Of Africa.
L’intimé réclame motif pris de ce qu’elle a exposé des frais pour assurer la défense ses intérêts, que la Bank Of Africa soit condamnée à lui payer la somme de 475 000 FCFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, prévu à l’article 6 nouveau de la loi 17-93 portant organisation judiciaire au Burkina Faso.
DISCUSSION
EN LA FORME
Attendu que l’appel est recevable pour avoir été interjeté dans les délais et la forme prescrits respectivement par les articles 15 de l’Acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution et 550 du code de procédure civile;
Sur le fond
Attendu qu’en vertu des dispositions combinées des articles 12 alinéa 2 et 14 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, l’opposition doit conduire le tribunal à restatuer sur la demande en recouvrement du créancier mais cette fois contradictoirement en présence du débiteur dans le cadre d’une procédure contentieuse ordinaire; qu’en conséquence le juge statuant sur opposition n’a pas à confirmer, annuler ou rétracter l’ordonnance d’injonction de payer mais doit débouter le créancier ou condamner le débiteur; que c’est en se sens que l’article 14 ci-dessus visé prévoit que le jugement rendu sur opposition se substitue à la décision portant injonction de payer, laquelle est donc définitivement anéantie;
Attendu que le premier juge en se contentant d'annuler l'ordonnance d'injonction de payer pour violation de l'article 1er de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution et alors qu'il lui était demandé de se prononcer sur les droits des parties par une décision contentieuse a méconnu les textes ci-dessus visés; qu'il convient dès lors d’infirmer le jugement attaqué et de statuer à nouveau.
Attendu qu'il est versé au dossier un document établi le 08/09/2003 par la banque précisant les conditions du contrat de prêt consenti à la Société Pharmacie PANACEA SARL et portant sur les caractéristiques du prêt, le programme et le tableau d'amortissement;
Attendu qu'il ressort de ces éléments que le crédit consenti par la Bank Of Africa est un crédit à durée déterminée comportant une échéance de remboursement précisé et un tableau d'amortissement; que le crédit ayant déjà été réalisé, le banquier est créancier à terme et doit par conséquent attendre l'échéance pour agir en remboursement sauf application des clauses légales de déchéance du terme prévues à l'article 1188 du code civil;
Attendu que pour faciliter l'action en remboursement de la banque, la Société Pharmacie PANACEA SARL, bénéficiaire du crédit, a été invitée à souscrire un billet à ordre représentant son obligation de remboursement, titre par laquelle elle a pris l'engagement pure et simple de payer la somme de 7.383.323 F.CFA à la Bank Of Africa Burkina Faso à l'échéance du 31 mars 2006;
Attendu que la Bank Of Africa excipe des usages du compte courant pour réclamer le paiement de sa créance; que cependant elle n'apporte pas la preuve que l'ouverture du crédit au bénéfice de la Société Pharmacie PANACEA SARL l'a été en compte courant; qu'en effet, il n'est versé au dossier aucune convention de compte courant établi entre les parties; qu'il ya lieu par conséquent de considérer que l'ouverture du crédit a été consentie par un acte séparé;
Attendu qu'en l'espèce le prêt ayant été consentie pour une durée déterminée, la Bank Of Africa doit attendre l'échéance pour en demander le remboursement; que partant l'un des caractères que doit réunir une créance dont le recouvrement est poursuivi à travers la procédure d'injonction de payer de l'article 1er de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution fait défaut; qu'en effet la créance de la Bank Of Africa n'était pas exigible au moment de sa réclamation;
Sur les frais exposés
Attendu que la partie perdante est tenue aux dépens et aux paiement de l'autre partie des frais irrépétibles en application de l'article 6 nouveau de la loi 10-93 portant organisation judiciaire au Burkina Faso;
Attendu qu'au regard de l'article 33 du barème indicatif des frais et honoraires des avocats du 20 décembre 2003 il y a lieu de faire droit à la demande de la Société Pharmacie PANACEA SARL comme étant fondée et de lui allouer la somme de 475 000 FCFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort;
Déclare l’appel recevable;
Annule le jugement attaqué;
Statuant à nouveau déboute la Bank Of Africa de sa demande de paiement pour créance non exigible;
Condamne la Bank Of Africa aux dépens;
La Condamne à payer à la Société Pharmacie PANACEA SARL la somme de 475 000 FCFA au titre des frais exposé et non compris dans les dépens.