J-12-175
DROIT COMMERCIAL GENERAL — VENTE COMMERCIALE — LIVRAISON DE MARCHANDISES — RELIQUAT DES FACTURES — ASSIGNATION EN PAIEMENT ET INDEMNISATION — DECLARATION D’INCOMPETENCE DU TRIBUNAL — APPEL — RECEVABILITE (OUI)
EXCEPTION D'INCOMPETENCE — CONTRAT DE DISTRIBUTION — CLAUSE ATTRIBUTIVE DE JURIDICTION — CARACTERE D'ORDRE PUBLIC (NON) — PLAIDOIRIE AU FOND — VIOLATION DES CONDITIONS DE L’ARTICLE 122 CPC — REJET DE L’EXCEPTION D'INCOMPETENCE — INFIRMATION DU JUGEMENT — FACTURES IMPAYEES — CONTESTATION DE LA CREANCE — ARTICLE 1315 CODE CIVIL — PREUVE DE LA CREANCE (OUI) — DEFAUT DE PREUVE DE PAIEMENT — OBLIGATION DE PAYER LES MONTANTS RECLAMES — ACHETEUR — SANCTIONS DE L’INEXECUTION DE L’OBLIGATION — ARTICLE 263 ALINEA 1 AUDCG — INTERETS DE DROIT (OUI) — DOMMAGES-INTERETS (NON).
La clause attributive de compétence à une juridiction n'a aucun caractère d'ordre public. Et en l’espèce, le défendeur a effectivement plaidé au fond sans avoir au préalable soulevé l'exception d'incompétence du tribunal. En application donc des articles 121, 122 et 125 du code de procédure civile, il y a lieu d'infirmer le jugement, et statuant à nouveau, rejeter l'exception d'incompétence soulevée par l’intimé.
Relativement à la preuve des obligations et à celle du paiement, l'article 1315 du code civil dispose que, « celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ». En l’espèce, non seulement le débiteur ne fait pas la preuve du paiement des reliquats des factures, mais aussi il ne prouve pas avoir payé les autres factures dont des bulletins de livraison versés au dossier attestent du bien fondé. Il y a lieu donc de le condamner à payer au créancier les montants réclamés.
En outre, en application de l'article 263 AUDCG il convient de faire droit à la demande du créancier qui réclame le paiement des intérêts de droit à compter de la date de la mise en demeure adressée au débiteur. A défaut de justifications, la demande de dommages-intérêts ne peut prospérer.
Article 205 AUDCG ET SUIVANT
Article 239 AUDCG
Article 263 AUDCG
Article 1315 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 17 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 22 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 121 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 122 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 125 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 127 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 394 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 536 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 550 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
COUR D'APPEL DE OUAGADOUGOU, Chambre commerciale (BURKINA FASO), Arrêt n° 057 du 04 décembre 2009, Société Nouvelle Huilerie CITEC (SN-CITEC) c/ KAFANDO Hamidou
LA COUR,
SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL
Par acte d'huissier de justice en date du 20 janvier 2009, la Société Nouvelle Huilerie CITEC (SN-CITEC) a déclaré relever appel contre le jugement n° 206 rendu le 31 décembre 2008 par le Tribunal de grande instance de Ouagadougou en ces termes : « Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort;
Se déclare incompétent et renvie les parties à mieux se pouvoir;
Condamne la SN-CITEC aux dépens ».
Attendu que l'appel a été interjeté dans les formes et délais requis par les articles 536 et 550 du code de Procédure civile; qu'il y a donc lieu de le déclarer recevable;
AU FOND
FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La SN-CITEC par la plume de son conseil expose que dans le cadre de ses relations avec KAFANDO Hamidou, ce denier s'est fait livrer depuis courant 2003 des marchandises par la SN-CITEC; qu'elle a parfaitement effectué la livraison des marchandises mais n'a pas reçu paiement du prix des marchandises livrées; que sur la facture du 03 décembre 2003, il reste un reliquat de vingt trois mille cinq cent un (23.501) francs CFA à payer; que la facture du 30 janvier 2004 accuse un reliquat de deux cent quarante six mille sept cent cinquante (246.750) francs CFA, celle du 30 novembre, un reliquat de trente trois mille neuf cent (33.900) francs CFA, celle du 31 décembre un reliquat de six cent quatre vingt quatre mille un (684.001) francs CFA et enfin celle du 12 mai d'un montant de trois millions cent soixante huit mille deux cent sept (3.168.207) francs CFA n'a jamais été payée; que le total de toutes ces factures impayées donne un montant de quatre millions cent cinquante six mille trois cent cinquante neuf (4.156.359) francs CFA; qu'elle a enjoint à plusieurs reprises son débiteur de s'exécuter sans succès; que son débiteur semble même contester la créance; que c'est pourquoi elle a saisi le Tribunal de grande instance de Ouagadougou par une assignation; qu'après s'être défendu au fond par des conclusions en date du 05 novembre 2007, et après avoir soulevé des exceptions d'irrecevabilité, KAFANDO Hamidou se prévaut d'une exception d'incompétence; que par conclusion en date du 11 février 2008, la SN-CITEC a conclu à l'irrecevabilité de cette exception conformément au code de procédure civile; que mais le tribunal s'est déclaré incompétent; qu'en statuant tel qu'il l'a fait le Tribunal de grande instance n'a pas donné un fondement juridique à sa décision; que l'article 22 du code de procédure civile dispose que « les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité être soulevées simultanément avant toute défense au fond ou fin de non recevoir. Il en est ainsi alors même que les règle invoquées au soutient de l'exception seraient d'ordre public » : que la tardivité de l'exception d'incompétence soulevée par KAFANDO Hamidou viole aussi l'article 125 du code de procédure civile; que cet article prescrit que « sauf si l'incompétence est d'ordre public, les parties ne peuvent soulever les exceptions d'incompétence et de litispendance qu'après l'exception de caution et avant toutes autres exceptions et défenses »; que pour que l'incompétence puisse être soulevée après les défenses au fond, il faut qu'elle soit d'ordre public et que pourtant l'incompétence tirée d'une clause attributive de juridiction n'a aucun caractère d'ordre public car stipulée dans l'intérêt des seules parties et opposable à elles seules; que l'article 17 du code de procédure civile définit les cas d'incompétence d'ordre public qui sont :
– « lorsque la loi attribue compétence à une juridiction sociale, répressive ou administrative;
– dans les instances où les règles de compétence sont d'ordre public, notamment dans les litiges relatifs à l'état des personnes »;
Que par ailleurs la jurisprudence admet que celui dans l'intérêt duquel la clause a été stipulée a la faculté d'y renoncer et d'assigner l'adversaire devant le tribunal du domicile de ce dernier; qu'en l'espèce, la clause a été stipulée dans l'intérêt de la SN-CITEC dont le siège est à Bobo; qu'en décidant d'assigner KAFANDO Hamidou devant le juge de Ouagadougou, domicile de KAFANDO Hamidou, la SN-CITEC n'a en rien violé la loi;
La SN-CITEC poursuit en déclarant que les actes passés avec KAFANDO Hamidou sont une vente commerciale conforment à l'article 205 et suivant de l'AUDCG / OHADA; que selon l'article 239 dudit Acte uniforme, l'acheteur doit payer le prix à la date fixée au contrat, sans qu'il soit besoin d'aucune demande ou autre formalité de la part du vendeur; que KAFANDO Hamidou a pris livraison des marchandises et n'a pas payé le prix; qu'il convient de le condamner à payer le prix outre les intérêts de droit conforment à l'article 263 alinéa 1 de l'AUDCG / OHADA et ce à compter du 11 novembre 2005 date de la mise en demeure; qu'elle demande en outre qu'il soit condamné à lui payer la somme de un million cinq cent mille (1.500 000) francs à titre de dommages-intérêts conformément à l'alinéa 2 du même article pour gain manqué car il aurait pu investir cette somme qui lui aurait permis de réaliser des bénéfices;
Elle sollicite aussi que KAFANDO Hamidou soit débouté de ses prétentions comme étant infondées; qu'il prétend avoir payé le prix mais ne fournit la moindre preuve de paiement; que l'article 1315 prescrit que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation;
Elle demande enfin que KAFANDO Hamidou soit condamné à lui payer la somme de un million (1 000 000) de francs CFA au titre des frais non compris dans les dépens conformément à l'article 6 nouveau de la loi portant organisation judiciaire au Burkina Faso;
En réplique, KAFANDO Hamidou expose qu'il était en relation d'affaires avec la SN-CITEC jusqu'en 2005; qu'il payait régulièrement le prix des marchandises qui lui étaient livrées par l'émission de lettres de change; que c'est contre toute attente que la SN-CITEC lui adressait une correspondance le 30 janvier 2006 pour lui réclamer la somme de quatre millions cent quatre vingt un mille sept cent cinquante un mille (4.181.751) francs CFA; qu'après avoir réclamé vainement des précisons sur ladite créance, il s'est vu assigné devant le Tribunal de grande instance de Ouagadougou en paiement et indemnisation; qu'il a pertinemment soulevé un certain nombre d'exception d'irrecevabilité de l'action de la SN-CITEC dont celle d'incompétence du Tribunal de Ouagadougou; que le contrat de distribution qui les lie prévoit en son article 8 que tout différend au présent contrat à défaut de règlement amiable relèvera de la compétence du Tribunal de Bobo-Dioulasso; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement attaqué; que par rapport au reliquat des factures, il payait par lettre de change et le surplus en espèce devait être réclamé à Monsieur ZONGO Youba par la directrice commerciale de la SN-CITEC; que c'est en fraude que la SN-CITEC réclame doublement et indûment le paiement des sommes reliquataires; qu'il sollicite que la SN-CITEC soit déboutée de sa réclamation de paiement des sommes reliquataires; qu'il n'a pas reçu de marchandises d'une valeur de six cent quatre vingt quatre mille un (684.001) francs CFA et en l'absence de bordereau de réception, la seule facture unilatérale établie par la SN-CITEC ne saurait valoir bordereau de livraison et réception; qu'en ce qui concerne le montant de trois millions cent soixante huit mille deux cent sept (3.168.207) francs CFA représentant le prix de 250 cartons de savon n° 2 il l'ignore, d'autant plus qu'il n'y a ni bordereau de livraison, ni bordereau de réception; qu'il sollicite que la SN-CITEC soit déboutée de cette prétention; que quant aux intérêts de droit réclamés ils n'existent pas car il n'y a ni créance prouvée ni date de mise en demeure du 11 novembre 2005 prouvée; que les dommages-intérêts réclamés ne sont pas justifiés et qu'il sollicite que la Cour déboute la SN-CITEC de l'ensemble de ses réclamations; qu'il forme appel incident et sollicite que la SN-CITEC soit condamnée à lui payée la somme de un million trois cent mille (1.300 000) francs CFA au titre des frais non compris dans les dépens car il s'est vu obligé de s'attacher les services d'un conseil;
MOTIVATION
1 - Sur la compétence des juridictions de Ouagadougou
Attendu que KAFANDO Hamidou conclut à l'incompétence des juridictions de Ouagadougou car dans leur contrat de distribution, ils ont stipulé une clause attributive de compétence à la juridiction de Bobo-Dioulasso; que le contrat faisant la loi des parties, la juridiction de Ouagadougou doit se déclarer incompétente;
Attendu que la lecture combinée des articles 121 et 122 du code de procédure civile révèle que les exceptions d'incompétence doivent à peine d'irrecevabilité être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non recevoir; que l'article 125 du code de procédure civile prévoit que « sauf si l'incompétence est d'ordre public, les parties ne peuvent soulever les exceptions d'incompétence et de litispendance qu'après l'exception de caution et avant toutes autres exceptions et défense »; que l'article 127 du code de procédure civile définit les cas dans lesquelles la compétence est d'ordre public et précise que c'est dans le cas où la loi attribue compétence à une juridiction sociale, répressive ou administrative et dans les litiges relatifs à l'état des personnes;
Attendu que la clause attributive de compétence à une juridiction n'a aucun caractère d'ordre public; que KAFANDO Hamidou a effectivement plaidé au fond dans ses conclusions en date du 11 février 2008 sans avoir au préalable soulevée l'exception d'incompétence du tribunal de Ouagadougou; qu'en application des textes ci-dessus visés il y a lieu d'infirmer le jugement n° 206 du 31 décembre du Tribunal de grande instance de Ouagadougou; statuant à nouveau rejeter l'exception d'incompétence soulevée par KAFANDO Hamidou et déclarer les juridictions de Ouagadougou compétentes;
2 - Sur les sommes réclamées
Attendu que la SN-CITEC réclame le paiement de la somme de quatre millions cent cinquante six mille trois cent cinquante neuf (4.156.359) francs CFA représentant des reliquats de paiement de factures relatives à des marchandises livrées à KAFANDO Hamidou;
Attendu que KAFANDO Hamidou conteste avoir reçu livraison de marchandises d'une valeur de six cent quatre vingt quatre mille un (684.001) francs CFA ainsi que les 250 cartons de savons n° 2; que pourtant des bulletins de livraison versés au dossier attestent du bien fondé de la réclamation de la SN-CITEC;
Attendu que selon l'article 1315 du code civil, « celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation »; que non seulement KAFANDO Hamidou ne fait pas la preuve du paiement des reliquats des factures, mais aussi il ne prouve pas avoir payé les autres factures de six cent quatre vingt quatre mille un (684.001) francs CFA et trois millions cent soixante huit mille deux cent sept (3.168.207) francs CFA; qu'en application de l'article sus dessus, il y a lieu de le condamner à payer à la SN-CITEC les montants réclamés soit au total quatre millions cent cinquante six mille trois cent cinquante neuf (4.156.359) francs CFA;
3 - Sur les intérêts de droit
Attendu que la SN-CITEC réclame le paiement des intérêts de droit à compter du 11 novembre 2005;
Attendu que l'article 263 de l'Acte uniforme sur le droit commercial général prévoit que « si une partie ne paie pas le prix ou toute autre somme due, l'autre partie a droit à des intérêts sur cette somme, calculés au taux d'intérêt légal, applicable en matière commerciale et ce, sans préjudice des dommages-intérêts qu'elle peut être fondée à demander en compensation de son préjudice.
Les intérêts courent de l'envoi de la mise en demeure adressée à l'autre partie par lettre recommandée avec accusée de réception ou par tout autre moyen écrit ». Qu’à la date du 11 novembre 2005, la SN-CITEC a réclamé le paiement de sa créance par lettre adressée à KAFANDO Hamidou; qu'en application du texte ci-dessus visé, il convient de faire droit à la demande de la SN-CITEC;
4 - Sur les autres demandes de la SN-CITEC
Attendu que la SN-CITEC demande le paiement de la somme de un million cinq cent mille (1.500 000) francs CFA au titre des dommages-intérêts et celle de un million (1 000 000) de francs CFA au titre des frais non compris dans les dépens de première instance et d'appel en application de l'article 6 de la loi portant organisation judiciaire au Burkina Faso;
Mais attendu que ces demandes n'ont pas été justifiées; qu'il y a donc lieu de l'en débouter;
5 - Sur la demande de paiement de frais de KAFANDO Hamidou
Attendu que KAFANDO Hamidou demande que la SN-CITEC soit condamnée à lui payer la somme de un million trois cent mille (1.300 000) francs CFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens; que l'article 6 nouveau de la loi portant organisation judiciaire prévoit que « le juge sur demande expresse et motivée condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »; que KAFANDO Hamidou a succombé et ne peut donc pas prétendre à ces frais; qu'il convient donc de l'en débouter;
6 - Des dépens
Attendu que selon l'article 394 du code de procédure civile, la partie qui succombe est condamnée aux dépens; que KAFANDO Hamidou ayant succombé il convient de le condamner aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en dernier ressort;
EN LA FORME
Déclare l'appel interjeté recevable en application des articles 536 et 550 du code de procédure civile;
AU FOND
Infirme le jugement n° 206 du 31 décembre 2008 rendu par le Tribunal de grande instance de Ouagadougou;
Statuant à nouveau;
Rejette l'exception d'incompétence soulevée par KAFANDO Hamidou;
Déclare les juridictions de Ouagadougou compétentes;
Condamne KAFANDO Hamidou à payer à la SN-CITEC : quatre millions cent cinquante six mille trois cent cinquante neuf (4.156.359) francs CFA en principal outre les intérêts de droit à compter du 11 novembre 2005 en application de l'article 263 alinéa 1 de l'AUDCG;
Déboute la SN-CITEC du surplus de ses demandes;
Déboute KAFANDO Hamidou de ses demandes comme étant mal fondées;
Le condamne aux entiers dépens.