J-12-176
PROCEDURE SIMPLIFIEE DE RECOUVREMENT DES CREANCES — INJONCTION DE PAYER — ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER — OPPOSITION BIEN FONDEE — ANNULATION DE L’ORDONNANCE — APPEL — RECEVABILITE (OUI)
JUGEMENT — REGLE DE DROIT APPLICABLE — OMISSION DE PORTER AUX DEBATS — VIOLATION DE L'ARTICLE 29 CPC (NON) — CONVENTION DE PRET A UN EMPLOYE — ENGAGEMENT FERME ET IRREVOCABLE DE VIREMENT DE SALAIRE — FAUX — ENGAGEMENT OPPOSABLE A L’EMPLOYEUR (NON) — INEXISTENCE DE LIEN CONTRACTUEL — ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER — VIOLATION DES CONDITIONS DE L’ARTICLE 2 AUPSRVE (OUI) — CONFIRMATION DU JUGEMENT.
S'il est vrai que l'engagement ferme et irrévocable de virement de salaire (EFIVS) peut être considéré comme une sûreté sur le fondement de l'article
2 AUS, il est aussi vrai qu'on ne peut pas nier la nature contractuelle des relations établies par l’EFIVS entre les deux parties. En l’espèce, beaucoup d'erreurs, d'irrégularités et d'insuffisances ont entouré cet EFIVS. Par conséquence, il n'existe pas de lien contractuel entre les parties, et l’EFIVS ne peut donc valablement être opposé à l’employeur. Un recours à la procédure d'injonction de payer violerait les dispositions de l'article
2 AUPSRVE.
Article 1147 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 29 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 550 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
COUR D'APPEL DE OUAGADOUGOU, Chambre commerciale (BURKINA FASO), Arrêt n° 059 du 04 décembre 2009, Banque Commerciale du Burkina (BCB) c/ Diffusion Industrielle Automobile et Commerciale du Faso (DIACFA)
LA COUR,
SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL
Attendu que par acte d'huissier de justice en date du 29 mai 2007, signifié à la Diffusion Industrielle Automobile et Commerciale du Faso (DIACFA), la Banque Commerciale du Burkina (BCB) a relevé appel du jugement n° 072/07 du 11 avril 2007 rendu par le Tribunal de grande instance de Ouagadougou en ces termes : « statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en premier ressort;
En la forme déclare l'opposition formée par la DIACFA recevable;
Au fond, la déclare bien fondée, en conséquence, annule l'ordonnance d'injonction de payer n° 383/2006 du 31 octobre 2006 pour violation de l'article 2 de l'Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et voies d'exécution;
Condamne la BCB à payer à la DIACFA la somme de trois cent mille (300 000) F.CFA au titre des honoraires d'avocats;
Condamne la BCB aux dépens de l'instance »;
Attendu que l'appel interjeté par la BCB l'a été selon le délai prévu à l'article
15 de l'AUPSRVE et selon les formes prévues à l'article 550 du code de procédure civile (CPC); qu'il échet de la déclarer recevable;
FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La BCB expose que le 16 octobre 2003, elle a accepté de passer une convention de prêt octroyant à un employé de la DIACFA du nom de OUATTARA K. Jean un crédit d'un montant de sept millions cent soixante huit mille deux cent dix huit (7.168.218) francs CFA; que cela reposait sur un engagement ferme et irrévocable de virement de salaire (EFIVS) renfermant certaines conditions que la DIACFA a consenti à la BCB; que cependant après avoir effectué des virements réguliers de salaire pendant cinq (05) mois, la DIACFA a interrompu de façon brusque le remboursement qui devait se faire sur 24 mois; que s'étant déportée auprès de la DIACFA pour mieux comprendre la situation, elle lui opposa qu'elle n'avait nullement connaissance de ce lien contractuel et qu'elle avait été victime d'un faux instrumenté par le sieur OUATTARA qui du reste avait rendu sa démission; que c'est alors dans un état de désolation qu'elle signifia à la DIACFA le 06 novembre 2006 une injonction de payer la somme de onze millions sept cent cinquante mille sept cent cinquante cinq (11.750.755) francs CFA; qu'elle forma à son tour opposition donnant lieu au jugement dont teneur a été donnée plus haut;
Au soutien de son appel, la BCB soulève en la forme la nullité du jugement au motif que le tribunal a violé les dispositions de l'article 29 du code de procédure civile qui dit que le juge ne peut relever les moyens de pur droit sans avoir invité les parties à présenter leurs observations; que la motivation du tribunal tient en ce que entre la BCB et la DIACFA il n'existerait pas de lien contractuel de sorte que le recours à la procédure d'injonction de payer par la BCB violerait les dispositions de l'article 2 de l'Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement des créances et des voies d'exécution; que pourtant cette question de droit sur la nature juridique des relations entre la DIACFA et la BCB n'a jamais été portée à la connaissance des parties; qu’au fond la BCB fait valoir que la créance a une cause contractuelle; que le tribunal a mal fondé son argumentaire en estimant que l'engagement ferme et irrévocable de virement de salaire versé au dossier et signé par la DIACFA n'est qu'une sûreté et ne peut servir de base contractuelle dans le cadre d'une procédure d'injonction de payer; que la créance de la BCB est certaine, liquide et exigible, par conséquent bien fondé;
La BCB sollicite la condamnation de la DIACFA au paiement de dommages-intérêts de quatre millions (4 000 000) de francs CFA sur le fondement de l'article 1147 du code civil, et aussi au paiement de la somme de cinq cent mille (500 000) francs CFA au titre des frais non compris dans les dépens;
En réplique la DIACFA fait valoir que l'injonction de payer du 06 novembre 2006 renvoi le montant des intérêts « pour mémoire » mais a également pris en compte les droits de recette d'huissier ainsi que les honoraires d'avocats; qu'il s'en suit que l'ordonnance est contraire à l'article 8 du l'Acte uniforme portant procédure simplifiée de recouvrement des créances et des voies d'exécution, et que c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé ladite ordonnance;
La DIACFA ne reconnaît pas avoir signé l'engagement ferme et irrévocable de salaire; que la BCB prétend qu'elle a été signé par Joëlle TERRADE fondée de pouvoir à la DIACFA; que pourtant elle était absente du Burkina le 09 octobre 2003, date de la signature de l'engagement; qu'elle reproche à la BCB de n'avoir pas usé du moyen de vérification de l'authenticité de la signature de Mademoiselle TERRADE dont spécimen est déposé auprès de la banque; qu'il est à noter que non seulement la signature apposée ne ressemble en rien à celle de Mademoiselle TERRADE, et en plus elle est toujours cosignataire du toute opération bancaire avec la BCB sur le compte DIACFA; or dans le cas d'espèce elle a signé seule;
La DIACFA demande de confirmer le jugement;
En réplique la BCB soutient qu'il n'y a pas eu violation de l'article 8 de l'Acte uniforme portant sur les procédures simplifiées de recouvrement des créances et des voies d'exécution; qu'elle demande de constater l'engagement ferme et irrévocable de virement de salaire régulier opposable à la DIACFA en ce sens que la signature est précédée de la mention « PO », et la condamner à lui payer la somme de onze millions sept cent cinquante mille sept cent cinquante cinq (11.750.755) francs CFA;
En conclusion aux répliques de la BCB, la DIACFA soutient que la délégation de signature ne peut prospérer et demande de confirmer le jugement;
MOTIF DE LA DECISION
Sur la violation de l'article 29 du code de procédure civile
Attendu que selon l'article 29 du code de procédure civile : « le juge est tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables; il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux nonobstant la dénomination que les parties en auraient proposée. Il ne peut d'office relever les moyens de pur droit, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations »;
Attendu que la BCB reproche aux premiers juges d'avoir soulever d'office un moyen de pur droit, à savoir le lien contractuel entre elle et la DIACFA, sans au préalable requérir l'observation des deux parties;
Attendu cependant qu'il y a lieu de faire observer que tout le litige porte sur un engagement ferme et irrévocable de virement de salaire engageant la DIACFA et la BCB fut-ce-t-il un faux et qui a abouti à une convention d'octroi de crédit privé; que les parties n'ignorent pas que le problème posé gravite autour de cet engagement que la DIACFA ne reconnaît pas; que c'est ce qui a conduit les premiers juges à dire qu'il n'existe pas de lien contractuel entre la BCB et la DIACFA;
Attendu que s'il est vrai que l'engagement ferme et irrévocable de virement de salaire signé par la DIACFA peut être considéré comme une sûreté sur le fondement de l'article 2 qui dit : « la sûreté personnelle consiste en l'engagement d'une personne de répondre de l'obligation du débiteur principal en cas de défaillance de celui-ci ou à la première demande du bénéficiaire de la garantie »; il est aussi vrai qu'on ne peut pas nier la nature contractuelle des relations établies par l'engagement ferme et irrévocable de virement de salaire entre la BCB et la DIACFA;
Attendu cependant que l'engagement ferme et irrévocable de virement de salaire tel que figurant au dossier présente des irrégularités; qu'il a été signé le 09 octobre 2003 par Mademoiselle Joëlle TERRADE pour le compte de la DIACFA; que cette signature est précédée de la mention « PO » avec en manuscrit « DG en mission »; que pourtant à la même date et sur vérification des pièces au dossier; Joëlle TERRADE était absente du Burkina; qu'elle ne pouvait matériellement pas signer le document; qu'en plus ladite signature ne ressemble en rien à celle de Joëlle TERRADE au regard du spécimen versé au dossier; que si d'ailleurs elle devait signer sur l'engagement, elle allait commencer par corriger son nom qui a été mal écrit avant de le faire; qu'il s'en suit que beaucoup d'erreurs, d'irrégularités et d'insuffisances ont entouré cet engagement ferme et irrévocable de salaire et ne peut donc valablement être opposé à la DIACFA; qu'il ya lieu de confirmer le jugement;
Attendu que la BCB demande de condamner la DIACFA à lui payer la somme de onze millions sept cent cinquante mille sept cent cinquante cinq (11.750.755) francs CFA au titre de la créance principale, quatre millions (4 000 000) de francs CFA au titre de dommages-intérêts et cinq cent mille (500 000) francs CFA au titre des frais non compris dans les dépens; qu'ayant succombé au procès, il y a lieu de l'en débouter et le condamner aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en dernier ressort;
EN LA FORME
Déclare l'appel recevable en application de l'article 15 de l'Acte uniforme portant sur les procédures simplifiées de recouvrement des créances et des voies d'exécution et l'article 550 du code de procédure civile;
AU FOND
Confirme le jugement n° 072/07 du 11 avril 2007 en toutes ses dispositions;
Condamne la BCB aux dépens.