J-12-191
SURETES — HYPOTHEQUES CONVENTIONNELLE — PROCURATION — CAUTION HYPOTHECAIRE — DEFAILLANCE DU DEBITEUR PRINCIPAL — ASSIGNATION EN PAIEMENT — ACTION BIEN FONDEE — CAUTION — GARANTIE DES CONDAMNATIONS (OUI) — APPEL — RECEVABILITE (OUI)
DEBITEUR PRINCIPAL — NON COMPARUTION — JUGEMENT — DENATURATION DES FAITS (NON) — DEFAUT DE BASE JURIDIQUE — DEFAUT DE PREJUDICE
INJONCTION DE PAYER — ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER — VIOLATION DES ARTICLES 13 ET 14 AUS — ANNULATION DE L’ORDONNANCE — FOND DE L'AFFAIRE — ABSENCE DE DECISION — NOUVELLE SAISINE — AUTORITE DE CHOSE JUGEE (NON) — CREANCIER HYPOTHECAIRE — ARTICLE 117 AUS — DROIT DE SUITE (OUI) — EXPLOIT D'ASSIGNATION — DESTINATAIRE DE L'ACTE — CAUTION HYPOTHECAIRE — DEFAUT DE QUALITE (NON)
DEMANDE RECONVENTIONNELLE — ACTION ABUSIVE — DEFAUT DE PREUVE — DOMMAGES ET INTERETS (NON) — CONFIRMATION DU JUGEMENT.
Le fait pour le juge de prendre tous les défendeurs ensembles pour expliquer leurs prétentions ne constitue pas une dénaturation du fond de l'affaire. Il n'a ni prêté des arguments, ni porté préjudice au débiteur principal qui n’a ni comparu, ni produit le moindre écrit.
Il découle de l'article
117 AUS que pour poursuivre la vente forcée d'un immeuble, il faut au préalable un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible (art.
247 AUPSRVE). Il est donc normal que l’appelant, caution hypothécaire, soit appelé à la cause et que la créance soit établie avant toute procédure de saisie immobilière. Il a donc aussi qualité en tant que destinataire de l'acte et il y a lieu de confirmer le jugement.
Dès lors que le fond de l'affaire n'a pas été tranché, il est naturellement permis que la partie reprenne son affaire jusqu'à ce que le fond soit tranché à condition de respecter les points couverts par l'autorité de la chose jugée. En l’espèce, l’intimée s'est conformée au jugement avant de reposer son problème devant le juge. Il n'y a donc pas autorité de chose jugée, et il y a lieu de confirmer le jugement qui a condamné la caution hypothécaire à garantir le paiement des condamnations.
Article 394 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 536 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 550 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
(COUR D’APPEL DE OUAGADOUGOU, Chambre commerciale (BURKINA FASO), Arrêt n° 029 bis du 03 juin 2011, ILBOUDO Dramane c/ Bank Of Africa (BOA) et SORE Idrissa)
LA COUR,
Vu le jugement n° 75 en date du 1er juin 2010;
Vu l'acte d'appel en date du 23 juin 2010;
Vu les pièces du dossier;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par acte en date du 23 Juin 2010, monsieur ILBOUDO Dramane a déclaré relever appel contre le jugement n° 75 rendu le 1er juin 2010 par le Tribunal de Commerce de Ouagadougou en ces termes : « Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort :
– déclare recevable en la forme l'action de la BOA;
– au fond la déclare bien fondée;
– condamne monsieur SORE Idrissa à payer à la BOA la somme de 22.094.511 F.CFA représentant le montant de la créance en principal et intérêts courus jusqu'au 30 septembre 2007 outre celle de 482 000 F.CFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens;
– déboute la BOA-BF du surplus de sa demande;
– déboute ILBOUDO Dramane de ses demandes comme étant mal fondées le condamne à garantir le paiement des condamnations à hauteur de 16 000 000 F.CFA;
– condamne SORE Idrissa et ILBOUDO Dramane aux dépens;
– ordonne l'exécution provisoire de la présente décision »;
Il expose à l'appui de son appel que le jugement doit être infirmé pour dénaturation des faits et pour violation de l'Acte uniforme OHADA; que le Tribunal a prêté des arguments à SORE Idrissa alors qu'il n'a jamais comparu et n'a produit le moindre écrit; que l'article 2 de l'Acte uniforme sur les sûretés a été violé; que ILBOUDO Dramane a consenti un bien immobilier pour garantir le remboursement de la dette de SORE Idrissa et malgré cela, le Tribunal l'a condamné personnellement à garantir le paiement des condamnations à hauteur de seize millions (16 000 000) de francs CFA; qu'il sollicite que le jugement soit infirmé et statuant à nouveau dire que l'action est irrecevable pour autorité de chose jugée car courant juillet 2008, la BOA avait déjà saisi le Tribunal commercial avec la même affaire et entre les mêmes parties; qu'elle avait été déboutée pour violation des articles 13 et 14 de l'Acte uniforme portant sûreté; que le premier juge a tranché sur la question au fond; qu'il y a autorité de chose jugée car le jugement qui en est résulté n'a pas été frappé d'appel;
Que l'action de la BOA est irrecevable pour défaut de qualité de ILBOUDO Dramane; que ce dernier ne peut pas être personnellement assigné dans la présente cause; qu'il n'a pas personnellement contracté avec la BOA et ne peut faire personnellement objet d'une procédure forcée; qu'il n'est pas caution de SORE Idrissa auprès de la BOA mais a simplement donné par voie de procuration mandat à SORE Idrissa de pouvoir hypothéquer son immeuble dans un délai de deux (02) ans auprès des institutions financières; que nulle part sur la procuration, il n'est fait référence à la BOA; qu'il sollicite que l'action soit déclarée irrecevable pour défaut de qualité dans ce procès;
Que d'autre part l'exploit d'assignation est nulle pour vice de fond; que l'article 141 du code de procédure civile prévoit que constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte : le défaut de qualité et de capacité du requérant ou du destinataire de l'acte...;
Que ILBOUDO Dramane était dépourvu de qualité en tant que destinataire de l'assignation en paiement de la BOA;
Au fond, il soutient qu'il n'est pas caution personnelle de la BOA et que c'est en violation de la loi que le jugement a été rendu;
Il sollicite aussi la condamnation de la BOA à lui payer la somme de dix millions (10 000.000) de francs CFA à titre de dommages intérêts pour tous les torts causés du fait de ses procédures abusives et vexatoires outre celle de six cent soixante cinq mille (665 000) francs CFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens;
En réplique, la BOA expose qu'elle est créancière de ILBOUDO Dramane pris en sa qualité de caution hypothécaire de la somme seize millions (16 000 000) de francs CFA; qu'elle a informé ILBOUDO Dramane de la défaillance du débiteur principal SORE Idrissa par exploit d'huissier en date du 23 avril 2009; que n'ayant pas reçu paiement de sa dette, elle se voit obliger d'emprunter la voie judiciaire;
Qu'elle avait choisi la voie de la procédure d'injonction de payer mais le jugement a annulé l'ordonnance qu'elle avait obtenue pour violation des articles 13 et 14 de l'Acte uniforme sur les sûretés; que ce jugement qui n'a pas touché le fond de l'affaire ne l'empêche pas d'user d'autres voies parce qu'il n'a pas autorité de chose jugée; que sur la qualité de monsieur ILBOUDO, il expose qu'il a constitué pour mandataire monsieur SORE Idrissa à l'effet d'hypothéquer son immeuble auprès de toutes institutions bancaires; que l'hypothèque n'a pas été fait à son insu ou contre son gré; qu'il a remis volontairement son permis urbain d'habiter et en connaissance de cause; que selon l'article 117 de l'Acte uniforme OHADA sur les sûretés « l'hypothèque est une sûreté réelle immobilière conventionnelle ou forcée. Elle confère un droit de suite et un droit de préférence.
Le droit de suite s'exerce selon les règles de la saisie immobilière... »;
Qu'elle sollicite la confirmation du jugement; que ILBOUDO Dramane n'est pas poursuivi à titre personnel mais en sa qualité de caution hypothécaire; qu'il a donné mandat au débiteur principal afin d'hypothéquer son immeuble à hauteur de seize millions (16 000 000) de francs CFA; que donc en cas de non paiement par le débiteur principal, son immeuble sera poursuivi en exécution forcée pour ce montant; que c'est ce qui a été fait; qu'elle sollicite que ILBOUDO Dramane soit débouté de ses prétentions;
Que ILBOUDO Dramane a multiplié les procédures à l'égard de la BOA et cela l'oblige à exposer des frais supplémentaires; qu'elle sollicite qu'il soit condamné à lui payer la somme de quatre centre quatre vingt deux mille (482 000) francs CFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens et débouter ILBOUDO Dramane de sa demande reconventionnelle;
MOTIVATION
1) En la forme
Attendu que l'appel a été formé le 23 juin 2010 contre le jugement rendu le 1er juin 2010; qu'il a été fait conformément aux articles 536 et 550 du code de procédure civile et qu'il convient de le déclarer recevable;
2) Au fond
Sur la dénaturation des faits
Attendu que ILBOUDO Dramane sollicite l'infirmation du jugement pour avoir prêté des arguments à SORE Idrissa;
Attendu qu'il ne donne pas la base juridique d'une telle prétention; que de plus, le juge a juste pris tous les défendeurs ensembles pour expliquer leurs prétentions; que cette affirmation n'a pas dénaturé le fond de l'affaire et qu'il y a lieu de dire qu'il n'a pas porté préjudice à SORE Idrissa;
Sur la violation de l'Acte uniforme et du défaut de qualité de ILBOUDO Dramane allégués
Attendu que le sieur ILBOUDO soutient qu'il a été personnellement poursuivi alors que c'est son immeuble qui a été hypothéqué et pour cela demande infirmation du jugement;
Attendu qu'il est vrai que c'est son immeuble qui est en cause;
Mais attendu qu'il est prévu à l'article 117 de l'Acte uniforme sur les sûretés que « l'hypothèque est une sûreté réelle immobilière conventionnelle ou forcée. Elle confère à son titulaire un droit de suite et un droit de préférence. Le droit de suite s'exerce selon les règles de la saisie immobilière... »
Qu'il découle donc de la disposition légale que pour poursuivre la vente forcée d'un immeuble, il faut au préalable un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible (article 247 de l'Acte uniforme portant procédure simplifiée de recouvrement); qu'il va de soit que pour établir la créance, il faut appeler la ou les parties concernées afin qu'elles soient avisées; que c'est ce que le jugement a suivi; qu'il est donc normal que ILBOUDO Dramane soit appelé à la cause et que la créance soit établie avant toute procédure de saisie immobilière; qu'il a donc aussi qualité en tant que destinataire de l'acte et qu'il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point;
Sur l'autorité de la chose jugée alléguée
Attendu qu'une procédure d'injonction de payer avait d'abord été initiée par la BOA; que n'ayant pas respecté les prescriptions légales en l'occurrence les articles 13 et 14, l'ordonnance portant injonction de payer avait été annulée;
Attendu que le fond de l'affaire n'a pas été tranché; qu'en de telles circonstances, il est naturellement permis que la partie reprenne son affaire jusqu'à ce que le fond soit tranché à condition de respecter les points couverts par l'autorité de la chose jugée; qu'il y aurait eu autorité de la chose jugée si la BOA tentait de contester la violation des articles 13 et 14 que le jugement a constaté; mais il est aisé de constater que la banque s'est conformé au jugement avant de reposer son problème devant le juge; qu'il y a lieu de constater qu'il n'y a pas autorité de chose jugée et confirmer le jugement sur ce point;
Sur les demandes reconventionnelles de ILBOUDO Dramane
Attendu que ILBOUDO Dramane demande la condamnation de la BOA à lui payer des dommages intérêts pour procédure vexatoire et dilatoire ainsi que des frais non compris dans les dépens;
Attendu que selon l'article 15 du code de procédure civile l'action malicieuse, vexatoire et dilatoire ou qui n'est pas fondée sur des moyens sérieux constitue une faute ouvrant droit à réparation; que pourtant, l'action de la BOA a été déclarée bien fondée; que la demande de ILBOUDO Dramane ne peut donc pas prospérer et qu'il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point;
Attendu en outre que l'article 6 nouveau de la loi portant organisation judiciaire au Burkina Faso prévoit que « dans toutes les instances, le juge, sur demande expresse et motivée, condamne la partie tenue aux dépens ou à défaut, la partie perdante à payer à l'autre partie les frais exposés et non compris dans les dépens... »;
Attendu que ILBOUDO Dramane n'est pas la partie gagnante; qu'il y a lieu de ne pas faire droit à cette demande;
De la demande de paiement des frais exposé par la BOA
Attendu que la BOA demande la condamnation de ILBOUDO Dramane à lui payer la somme de quatre cent quatre vingt deux mille (482 000) francs CFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, conformément à l'article 6 nouveau de la loi portant organisation judiciaire au Burkina Faso;
Attendu que la BOA a gagné le procès; qu'elle a exposé des frais pour s'attacher les services d'un conseil; que sa demande est fondée et qu'il y a lieu d'y faire droit;
Mais attendu que le montant réclamé est excessif; que le barème indicatif des honoraires d'avocat prévoit des frais de quatre cent mille (400 000) francs CFA en barre d'appel en matière commerciale; qu'il convient donc de condamner ILBOUDO Dramane à payer à la BOA la somme de quatre cent mille (400 000) francs CFA au titre des frais;
Des dépens
Attendu que selon l'article 394 du code de procédure civile, la partie qui succombe est condamnée aux dépens; qu'il y a lieu de condamner ILBOUDO Dramane aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant, publiquement contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort;
EN LA FORME :
Déclare l'appel recevable
AU FOND :
Confirme le jugement attaqué dans toutes ses dispositions;
Condamne l'appelant aux dépens;
Condamne ILBOUDO Dramane à payer à la BOA la somme de quatre cent mille (400 000) francs au titre des frais exposés non compris dans les dépens.